3.1.2 PROBLÉMATIQUES JURIDIQUES À ADRESSER CONCERNANT UN TRANSFERT DÉFINITIF DE LA COMPÉTENCE MÉDECINE SCOLAIRE AUX DÉPARTEMENTS

Par principe, un transfert définitif de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales entraîne de nombreuses problématiques juridiques à prendre en compte notamment le transfert de ressources nécessaires à l'exercice normal de la compétence, une modification de la répartition des compétences entre les différents acteurs territoriaux, le transfert de personnel et mais également des biens et des contrats nécessaires à l'exercice de la compétence.

Tout d'abord, conformément à l'article 72-2 alinéa 4 de la Constitution, tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi43(*). Ce principe est codifié aux articles L. 1614-1 et suivants du CGCT. La Commission consultative sur l'évaluation des charges (ci-après « CCEC ») évalue et contrôle les compensations financières allouées en contrepartie des transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Les futurs textes législatifs et règlementaires devront donc définir les modalités de compensations financières accordées aux Départements.

En outre, les futurs textes devront précisément définir les missions transférées aux Départements et dans quelle mesure, si cela est prévu, l'Etat restera en charge de certains aspects de la santé scolaire. De surcroît, comme nous l'avons développé précédemment, certaines communes sont délégataires de la compétence santé scolaire44(*). Elles disposent à ce titre, d'un service municipal de santé scolaire. Si demain l'Etat transférait sa compétence aux Départements, l'opportunité de conserver un tel mécanisme de délégation entre les Départements et ces communes devrait alors être réinterrogée pour assurer une cohérence d'ensemble du mécanisme. De la même façon, d'un point de vue organisationnel, il serait nécessaire de déterminer s'il est efficient de conserver séparément les services Départementaux en charge de la PMI et la santé scolaire, au bénéfice d'un seul et même service Départemental. Ces éléments seront essentiels pour éviter des enchevêtrements de compétences au sein d'un même territoire. En effet, les bilans de transfert de compétences mettent fréquemment en exergue le fait que, consécutivement au transfert, l'exercice de la compétence est finalement moins lisible.

De surcroît, le transfert de compétence emportera transfert de personnel de l'Etat vers les collectivités territoriales. A titre d'exemple, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales prévoyant notamment le transfert des certaines compétences de l'Etat aux collectivités territoriales comporte de nombreuses dispositions relatives au transfert de services ou parties de services (et notamment du personnel) qui participent à l'exercice des compétences transférées. En effet, cette loi envisage un droit d'option de deux ans à compter de l'entrée en vigueur des décrets fixant les transferts définitifs des services pour que les fonctionnaires exerçant leurs fonctions dans un service transféré à une collectivité territoriale optent soit pour le statut de fonctionnaire territorial, soit pour le maintien du statut de fonctionnaire de l'Etat45(*). Enfin, cette loi met en place une commission commune au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale qui joue un rôle consultatif dans le suivi des transferts de personnels46(*).

Dans un rapport de 201047(*), le Sénat dresse un bilan des transferts de personnel de l'Etat vers les collectivités territoriales issus de la loi du 13 août 2004. Il précise notamment que le transfert de personnel de l'Etat vers les collectivités peut notamment engendrer une crainte des personnels de perdre les avantages liés à leur statut antérieur notamment la gestion par une pluralité de collectivités employeurs plutôt que par un employeur unique mais également des collectivités d'accueil vis-à-vis de la complexité du processus de transfert. Le Sénat relève toutefois que l'exercice du droit d'option a été massivement favorable à la fonction publique territoriale et qu'une amélioration des conditions matérielles des personnels avec une élévation de leur rémunération et l'accès à des avantages sociaux a été constatée.

Enfin, la loi précitée du 13 août 2004 vise également les articles L. 1321-1 à L. 1321-8 du CGCT relatifs à la mise à disposition de plein droit des biens meubles et immeubles utilisés, à la date du transfert, pour l'exercice de la compétence transférée. Dès lors, le transfert des dossiers nécessaires à la poursuite de la compétence santé scolaire devra également être envisagée ainsi que le matériel (par exemple le matériel médical, informatique, mobilier). En outre, les contrats (notamment les marchés publics et emprunts) devront être transférés aux collectivités nouvellement compétentes.

La loi transférant la compétence médecine scolaire de l'Etat vers les Départements devra donc envisager toutes les conséquences juridiques qui en découlent et prévoir l'intervention de décrets pour déterminer les modalités pratiques d'un tel transfert.

Synthèse des problématiques juridiques à lever dans le cadre d'un transfert définitif de la compétence « médecine scolaire » aux Départements

1. Transfert de ressources nécessaires à l'exercice de la compétence

2. Répartition des compétences entre les différents acteurs territoriaux

3. Transfert du personnel de l'Etat vers les Départements

4. Transfert des biens et des contrats nécessaires à l'exercice de la compétence


* 43 Article 72-2 alinéa 4 de la Constitution

* 44 Antibes Juan-les-Pins, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon, Nantes, Paris, Rennes, Strasbourg, Vénissieux et Villeurbanne

* 45 Article 109 de la loi n° 2004-809 du 14 août 2024 relative aux libertés et responsabilités locales

* 46 Article 113 de la loi n° 2004-809 du 14 août 2024 relative aux libertés et responsabilités locales

* 47 Rapport d'information n° 117 du Sénat fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur le bilan des transferts de personnels vers les collectivités territoriales par les sénateurs MM. Eric Doligé et Claude Jeannerot - 18 novembre 2010

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