2.2 TRANSFERT DE LA COMPÉTENCE AU NIVEAU DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, VERS UN PILOTAGE DÉCENTRALISÉ

Un pilotage décentralisé de la compétence de la santé scolaire présente de nombreux avantages. Il permet une adaptation plus fine des services de santé aux besoins spécifiques des communautés locales, en tenant compte des particularités démographiques, sociales et économiques. Cependant, ce dernier peut rencontrer des difficultés de ressources allouées.

2.2.1 TRANSFERT VERS LES DÉPARTEMENTS

Les Départements jouent un rôle majeur dans la santé publique auprès des enfants et des jeunes. Ils ont une compétence bien établie en matière sociale et médico-sociale, notamment via la gestion de la protection maternelle et infantile (ci-après « PMI ») 28(*)et de l'aide sociale à l'enfance29(*).

· Modalités

Plusieurs approches pourraient être envisagées pour le transfert de la compétence santé scolaire vers les Départements, un transfert total où l'ensemble des missions de santé scolaire serait directement assumé par les Départements. Cela inclut les bilans de santé, le suivi des enfants en situation de handicap, et les actions de prévention. Ou encore, un modèle de cogestion avec l'Etat, ou ce dernier conserverait des prérogatives sur les missions stratégiques (comme les campagnes nationales de prévention), tandis que les Départements assureraient les missions de terrain.

Le transfert de compétence pourrait s'établir par le biais de la PMI, qui assure déjà un suivi de santé pour les jeunes enfants et les actions de prévention précoce. Intégrer la médecine scolaire à ce service permettrait de créer un parcours de santé continu pour les enfants, du jeune âge jusqu'à l'adolescence. A Lyon, les actions de prévention en milieu scolaire sont menées en lien avec les services de la PMI, ce qui permet une approche intégrée entre la petite enfance et le milieu scolaire.

De plus, les Départements pourraient mutualiser les moyens avec d'autres services de santé et sociaux pour optimiser les interventions dans les écoles. Cela inclut des services de dépistage, de suivi des troubles de l'apprentissage, ou encore des actions de prévention contre les comportements à risque.

Enfin, les Départements, en ayant une vue d'ensemble sur les populations les plus vulnérables, pourraient réaliser une analyse des besoins en santé scolaire afin de prioriser les actions selon les zones (zones rurales, quartiers sensibles, etc.). Cela permettrait également de faciliter la mise en place d'une continuité d'outils numériques pour le suivi des enfants, en utilisant un outil unique et centralisé.

Selon un sondage réalisé en 2023 par Départements de France, sur 40 Départements interrogés, la moitié était prête à un transfert sous condition et l'autre moitié ne pouvait l'envisager. Parmi ces Départements, 8 sur 20 étaient disposés à prendre en charge l'ensemble de la médecine scolaire, y compris les lycées, et 12 étaient favorables à une prise en charge de la santé allant de la PMI jusqu'à la fin de la scolarité au collège.30(*) Cependant, Départements de France a indiqué que le contexte financier actuel avait modifié l'avis des Départements, les rendant globalement défavorables. Un transfert financier est essentiel pour couvrir les coûts actuels ou les surcoûts liés à l'harmonisation des rémunérations des médecins.

Comparaison internationale

En raison du système fédéral allemand, la médecine scolaire relève en partie du niveau fédéral (Bund) mais principalement des ministères de la Santé des Länder. La médecine scolaire est donc décentralisée et pilotée par les 16 Länder, avec une grande variabilité dans l'organisation et les services offerts. Toutefois, ce modèle a révélé ses limites lors de la crise sanitaire, les Départements ayant géré la situation de manière inégale, ce qui a accentué les disparités en matière de traitement sanitaire et scolaire.

· Forces et faiblesses

Le transfert de la compétence de la santé scolaire aux Départements pourrait présenter plusieurs avantages significatifs. En intégrant la santé scolaire avec les services de PMI, les Départements seraient en mesure de répondre plus efficacement aux besoins de santé des enfants et des adolescents de manière équitable. En réalisant un diagnostic des besoins de la population les Départements, la mise en place d'outil numérique centralisé pourrait être facilité. Ce transfert offrirait également une meilleure lisibilité et continuité de l'action, notamment en matière de prévention. En consolidant les efforts de prévention auprès des mineurs, il compléterait les actions déjà menées par les services Départementaux de PMI ainsi que ceux des services de l'aide sociale à l'enfance. En outre, cette réorganisation permettrait de créer des synergies entre les différents acteurs de la santé et de l'éducation au niveau local. Les professionnels de la médecine scolaire pourraient collaborer plus étroitement avec les travailleurs sociaux et les autres intervenants du secteur de l'enfance, favorisant ainsi une approche globale et intégrée de la santé des jeunes.

Cependant, ce transfert présente plusieurs défis, puisque les Départements disposent de ressources différentes, ce qui pourrait aggraver les disparités entre les territoires. Le transfert de la santé scolaire exigerait alors des ressources financières et humaines supplémentaires, notamment en réajustant les primes des médecins scolaires à celle des médecins de PMI. Les Départements devraient alors recevoir des compensations financières adéquates pour assurer un service de qualité. De plus, la pénurie de médecins étant généralisée, leur rattachement au ministère de l'Éducation nationale permet une répartition, bien que perfectible, qui serait encore moins assurée par un transfert aux collectivités. Des mutualisations et un travail en équipe pluridisciplinaire, déjà bien développés au sein des Départements, pourraient permettre de combler en partie la pénurie de la ressource médicale actuelle, mais cela resterait insuffisant au vu des manques à combler.

L'analyse juridique d'un tel transfert fait l'objet d'un développement en partie 3.1.


* 28 Articles L. 2112-1 à L. 2112-10 et articles R. 2112-1 à R. 2112-21 du code de la santé publique

* 29 Article L. 221-1 à L. 221-9 du code de l'action sociale et des familles

* 30 Enquête flash santé de Départements de France, juin 2023

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