F. DES OBJECTIFS INATTEIGNABLES DANS LE DÉLAI IMPARTI
Parole des établissements français...
« Il faut noter que la temporalité est une problématique majeure des alliances : l'obligation de résultats au regard des investissements financiers est fixée à très court terme pour un projet aussi transformant et aussi complexe ».
Source : Réponses au questionnaire adressé par les rapporteurs aux établissements français, membres des alliances.
1. Des obstacles cumulés
Outre le manque de financements, les incertitudes de leur gouvernance, la complexité de leur mise en oeuvre et le défaut de reconnaissance des efforts requis pour les monter, autant de freins qui entravent intrinsèquement leur développement, les alliances européennes butent également sur des difficultés concrètes : la divergence dans l'implication des partenaires, la fragile mobilisation de la communauté universitaire, les obstacles informatiques et le manque de compétence linguistique.
a) Une implication différente des partenaires de l'alliance
Bien qu'on observe souvent une homogénéité de vues et de pratiques au sein des alliances, il est fréquent que l'implication des partenaires varie en fonction de leurs propres objectifs, reflet de leur volonté d'utiliser ou non l'alliance comme un moyen de transformation pour leur propre institution et/ou reflet du soutien national à l'initiative.
b) Une mobilisation de la communauté universitaire fragile, y compris des étudiants qui sont parfois peu conscients du dispositif
Un des enjeux pour le développement de ces alliances reste la mobilisation de la communauté universitaire, car elle est indispensable à leur réussite. Bien que cette mobilisation soit effective dans de nombreux établissements, elle demeure fragile. Comme indiqué par un établissement interrogé, « le défi réside dans l'élaboration d'une vision fédératrice et dans la démonstration des avantages et des impacts positifs pour tous les acteurs de l'université ».
Par ailleurs, bien que les étudiants concernés par les programmes conjoints et les nouvelles mobilités permises par les alliances soient très enthousiastes, le reste de la communauté étudiante semble peu au fait de ces nouvelles possibilités.
c) Le retard ou la non-adaptation de certains équipements informatiques peut entraver le développement des alliances
Les administrations et établissements d'enseignement supérieur sont aujourd'hui incités, par divers plans d'actions européens, à évoluer vers une numérisation de leurs équipements et une harmonisation des systèmes informatiques avec les exigences européennes (Plan d'action européen pour l'e-gouvernement, ERASMUS sans papiers etc.).
La numérisation est ainsi obligatoire notamment pour la gestion de la mobilité étudiante mais sa mise en oeuvre bute souvent sur des questions de comptabilité des systèmes informatiques et/ou de coût de ces investissements.
Chaque université dispose de son propre écosystème informatique incluant un système de gestion de campus et un système de gestion de la mobilité des étudiants pour accompagner leurs parcours, élaborer les contrats pédagogiques, etc. ; ces systèmes informatiques doivent respecter les normes européennes (formats de données, API).
Or certains ne sont pas adaptés à ces normes, et ne permettent pas la gestion des étudiants internationaux. Il semblerait ainsi que le logiciel Apogée présente des champs bloquants qui ne soient pas adaptés aux étudiants internationaux : pas d'identification de ces étudiants qui sont « noyés dans la masse » des formations, aucune possibilité de générer des relevés de notes bilingues, inscription aux cours à la carte très compliquée, Apogée étant conçu pour fonctionner par formation et non par cours.
De nombreux établissements français interrogés ont également pointé le coût important des investissements que cette numérisation nécessite, et qui dépasse, pour beaucoup d'entre eux, leur capacité d'auto-financement.
d) La compétence en anglais reste un frein pour les personnels et étudiants français
La compétence en anglais reste un frein, que ce soit pour les services, enseignants et étudiants, leur niveau de langue n'étant pas suffisant pour gérer ou participer à des projets communs. Selon un établissement, « cette faiblesse nationale pourrait contribuer à cantonner les alliances aux services relations internationales et aux disciplines déjà fortement internationalisées ».
2. Des objectifs inatteignables dans le délai imparti
Au regard des difficultés énumérées ci-dessous qui entravent leur mise en oeuvre et de la nature du projet des alliances qui se veut transformatrice -, beaucoup d'établissements estiment que les objectifs de la Commission sont trop ambitieux.
Un établissement interrogé résume ainsi bien la situation : « on demande aux alliances de trouver en 4 ans des solutions à des problématiques que les États et l'UE n'ont pas su régler en près de 40 ans d'Erasmus et plus de 25 ans de processus de Bologne ».
Pour de nombreux établissements, les objectifs affichés par la Commission européenne sont très ambitieux, et difficilement réalisables en 3 ou 4 ans. Selon une université interrogée, ces objectifs « demandent des transformations importantes en termes institutionnel et opérationnel. Le management du changement demande un investissement, et un engagement des équipes impliquées avec la capacité d'agir en interne au niveau de chaque université, au niveau national en direction des ministères de tutelle et au niveau transnational pour développer l'université européenne. (ex : 50 % de mobilité, diplôme européen, reconnaissance automatique des crédits, ESC (carte européenne d'étudiant), ...). Il est difficile de travailler tous les aspects en parallèle ».