N° 52
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 octobre 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur les universités européennes,
Par Mme Karine DANIEL et M. Ronan LE GLEUT,
Sénatrice et Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Mme Gisèle Jourda, MM. Didier Marie, Claude Kern, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Georges Patient, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Louis Vogel, Mme Mathilde Ollivier, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mmes Florence Blatrix Contat, Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, François Bonneau, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cuypers, Mmes Karine Daniel, Brigitte Devésa, MM. Jacques Fernique, Christophe-André Frassa, Mmes Annick Girardin, Pascale Gruny, Nadège Havet, MM. Olivier Henno, Bernard Jomier, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Ronan Le Gleut, Mme Audrey Linkenheld, MM. Vincent Louault, Louis-Jean de Nicolaÿ, Teva Rohfritsch, Mmes Elsa Schalck, Silvana Silvani, M. Michaël Weber.
I. LES UNIVERSITÉS EUROPÉENNES, UNE « RÉVOLUTION » EN COURS ?...
Qualifiée par certains de « deuxième révolution » après le programme Erasmus, l'initiative des universités européennes constitue indéniablement un vecteur de transformation de l'enseignement supérieur français et européen.
A. UNE INITIATIVE FRANÇAISE QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DE L'ESPACE EUROPÉEN DE L'ÉDUCATION, DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
1. Une initiative lancée par la France...
Cette initiative trouve son origine dans le discours de la Sorbonne1(*), prononcé par le président de la République le 26 septembre 2017. Emmanuel Macron avait ainsi appelé à « la création d'universités européennes qui seront un réseau d'universités de plusieurs pays d'Europe, mettant en place un parcours où chacun de leurs étudiants étudiera à l'étranger et suivra des cours dans deux langues au moins », et qui avait présenté les universités européennes comme « des lieux d'innovation pédagogique, de recherche d'excellence », en fixant un « objectif, d'ici à 2024, d'en construire au moins une vingtaine ».
Dans ses conclusions du 14 décembre 2017, le Conseil européen avait ainsi invité les États membres, le Conseil et la Commission européenne « à faire avancer les travaux visant à renforcer les partenariats stratégiques entre les établissements d'enseignement supérieur dans l'ensemble de l'UE et à encourager l'émergence, d'ici 2024, d'une vingtaine d'universités européennes ».
2. ...qui s'inscrit dans un cadre réglementaire européen, à la croisée des espaces européens de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche
Il faut toutefois rappeler que l'Union européenne n'a qu'une compétence d'appui en matière d'éducation et d'enseignement supérieur. Conformément aux articles 6 et 165 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), l'Union européenne dispose, en effet, d'une compétence « pour appuyer, coordonner ou compléter l'action des États membres » (cf. encadré infra).
Article 6 du TFUE
L'Union dispose d'une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l'action des États membres. Les domaines de ces actions sont, dans leur finalité européenne :
a) la protection et l'amélioration de la santé humaine ;
b) l'industrie ;
c) la culture ;
d) le tourisme ;
e) l'éducation, la formation professionnelle, la jeunesse et le sport ;
f) la protection civile ;
g) la coopération administrative.
Article 165 du TFUE
1. L'Union contribue au développement d'une éducation de qualité en encourageant la coopération entre États membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout en respectant pleinement la responsabilité des États membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique.
L'Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative.
2. L'action de l'Union vise :
--à développer la dimension européenne dans l'éducation, notamment par l'apprentissage et la diffusion des langues des États membres ;
--à favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants, y compris en encourageant la reconnaissance académique des diplômes et des périodes d'études ;
--à promouvoir la coopération entre les établissements d'enseignement ;
--à développer l'échange d'informations et d'expériences sur les questions communes aux systèmes d'éducation des États membres ;
--à favoriser le développement des échanges de jeunes et d'animateurs socio-éducatifs et à encourager la participation des jeunes à la vie démocratique de l'Europe ;
--à encourager le développement de l'éducation à distance ;
--à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l'équité et l'ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu'en protégeant l'intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d'entre eux.
3. L'Union et les États membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière d'éducation et de sport, et en particulier avec le Conseil de l'Europe.
4. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article :
--le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, adoptent des actions d'encouragement, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ;
--le Conseil adopte, sur proposition de la Commission, des recommandations
a) Cette initiative s'inscrit, au sein de l'Union européenne, dans le cadre de l'espace européen de l'éducation (EEE)...
Dans les orientations politiques qu'elle a fixées lors de sa nomination en 20192(*), la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, s'était engagée à faire de l'espace européen de l'éducation3(*) (EEE) une réalité d'ici à 2025.
C'est dans ce cadre que l'initiative des universités européennes s'inscrit, comme l'a réaffirmé le Conseil dans ses conclusions du 22 mai 2018 intitulées « Concrétiser l'idée d'un espace européen de l'éducation » : le Conseil a reconnu le rôle phare que les universités européennes pourraient jouer dans la création d'un tel espace européen de l'éducation.
L'enseignement supérieur et l'initiative des universités européennes, une des composantes de l'espace européen de l'éducation
L'initiative relative à un espace européen de l'éducation (EEE)- lancée lors du sommet social de Göteborg, en Suède, en 2017 - vise à aider les États membres de l'Union européenne à oeuvrer ensemble à la mise en place de systèmes d'éducation et de formation plus résilients et inclusifs. Bien que ces systèmes relèvent de la compétence des États membres4(*), l'UE joue un rôle de soutien en favorisant notamment la coopération et l'échange de bonnes pratiques entre les États membres.
Outre le programme Erasmus +, le plan d'action en matière d'éducation numérique, l'initiative des universités européennes, la reconnaissance des qualifications et les actions menées sur le plurilinguisme concourent à la création de cet espace européen de l'éducation.
Le niveau de l'éducation est élevé dans l'UE : près de 95 % des enfants participent à l'enseignement préscolaire dès l'âge de quatre ans ; près de 90 % des jeunes quittent le système éducatif avec un diplôme de l'enseignement secondaire supérieur ou une inscription à une formation ; 80 % des jeunes diplômés d'Erasmus+ trouvent un emploi moins de 3 mois après avoir obtenu leur diplôme. Toutefois, des efforts supplémentaires sont encore nécessaires, notamment en ce qui concerne la proportion de jeunes de 15 ans ayant de faibles capacités en lecture, en mathématiques et en sciences ou la participation des adultes à l'apprentissage. De même le nombre de jeunes déscolarisés et sans emploi (NEET5(*)) est important, de l'ordre d'un jeune sur huit6(*).
En septembre 2020, la Commission a présenté sa vision renouvelée de l'espace européen de l'éducation et les mesures concrètes à prendre pour y parvenir. Le 26 février 2021, le Conseil a adopté une résolution relative à un cadre stratégique pour la coopération européenne dans le domaine de l'éducation et de la formation pour la période 2021-2030.
En 2023, la Commission a invité les États membres et les autres parties intéressées à participer au processus d'examen à mi-parcours de l'espace européen de l'éducation. Il s'agit principalement de tirer les enseignements des premières années et d'insuffler une dynamique d'engagement jusqu'en 2025. Un rapport complet sur l'espace européen de l'éducation est ainsi prévu en 2025.
Les institutions européennes ont ainsi marqué plusieurs fois leur soutien à l'initiative des universités européennes, dans le cadre de l'espace européen de l'éducation :
· Dans sa résolution du 8 novembre 2019, le Conseil a approuvé la poursuite du développement de l'initiative, estimant qu'il pourrait s'agir d'un progrès décisif dans le cadre de la coopération interinstitutionnelle.
· Dans sa communication relative à la réalisation de l'espace européen de l'éducation d'ici à 20257(*), publiée en septembre 2020, la Commission a appelé à définir un « cadre d'action au-delà des frontières qui permette d'établir une coopération transnationale ambitieuse et harmonieuse entre les établissements d'enseignement supérieur », dans lequel l'initiative des universités européennes a un rôle à jouer.
· Dans sa résolution de février 20218(*) puis ses conclusions de juin 20219(*), le Conseil a encouragé une coopération plus étroite entre les États membres pour que les alliances européennes participent à la transformation souhaitée de l'enseignement supérieur, par le biais notamment de la suppression des obstacles réglementaires permise par une compatibilité accrue des systèmes d'enseignement supérieur.
· Enfin, la Commission, dans sa communication sur la stratégie européenne en faveur des universités10(*), publiée en janvier 2022, et le Conseil, dans ses conclusions 5 avril 202211(*) ont réaffirmé le rôle joué par les universités européennes afin de renforcer les synergies entre l'espace européen de l'éducation et l'espace européen de la recherche, appelant ainsi à la poursuite de l'initiative.
Les derniers textes présentés par la Commission européenne, le 27 mars dernier, et notamment la communication sur le diplôme européen, sont très importants pour l'initiative des universités européennes et son développement (cf. encadré infra). Les rapporteurs les considèrent comme des opportunités pour développer non seulement l'initiative des alliances, mais également plus largement l'espace européen de l'éducation, de la recherche et de l'enseignement supérieur.
Paquet de textes de la Commission européenne du 27 mars 2024 : diplôme européen, assurance qualité et carrières universitaires plus attrayantes
La Commission a présenté le 27 mars 2024 un train de mesures comportant trois initiatives visant à faire progresser la coopération transnationale entre les établissements d'enseignement supérieur, comme annoncé par la présidente von der Leyen dans son discours sur l'état de l'Union 2023 et conformément au programme de travail de la Commission pour 2024.
Les trois initiatives avancées par la Commission visent à s'attaquer aux obstacles juridiques et administratifs qui empêchent les universités partenaires de mettre en place des programmes de diplômes communs compétitifs aux niveaux de licence, de master ou de doctorat. Ce paquet de mesures comprend :
1 - Une communication sur un schéma directeur pour un diplôme européen12(*). La communication pose les jalons d'un nouveau type de programme commun sur une base volontaire et fondé sur un ensemble de critères communs définis au niveau européen, pour renforcer la coopération des établissements d'enseignement supérieur dans la mise en place de programmes communs et réduire les formalités administratives. Compte tenu de la diversité des systèmes d'enseignement supérieur européens en Europe, la Commission propose aux États membres une approche progressive vers un diplôme européen, avec deux points d'entrée possibles : a) un label européen préparatoire, accordé à des programmes de diplômes communs, que les étudiants recevraient en même temps que leur diplôme commun ; b) un diplôme européen reposant sur des critères communs et ancré dans les législations nationales, décerné conjointement par plusieurs universités ou une entité juridique européenne créée par ces universités.
2 - Une proposition de recommandation du Conseil visant à améliorer les processus d'assurance de la qualité et la reconnaissance automatique des qualifications dans l'enseignement supérieur13(*). Elle invite les États membres et les établissements d'enseignement supérieur à simplifier et à améliorer leurs processus et pratiques en matière d'assurance de la qualité. Cette recommandation préconise que les établissements d'enseignement supérieur puissent créer des programmes transnationaux de qualité garantis et automatiquement reconnus dans l'ensemble de l'UE, considérant que le diplôme européen dépendra d'une solide assurance de la qualité et d'une reconnaissance automatique.
3 - Une proposition de recommandation du Conseil visant à rendre les carrières universitaires plus attrayantes et plus durables14(*). Cette proposition a pour objectif de donner au personnel participant à des projets de coopération transnationaux et aux méthodes d'enseignement innovantes la reconnaissance et la récompense qu'il mérite. Elle formule des recommandations visant à faire en sorte que les systèmes nationaux d'enseignement supérieur reconnaissent mieux les différents rôles assumés par le personnel en plus de la recherche, tels que l'enseignement, les programmes transnationaux, l'investissement dans l'intégration du développement durable.
b) ...mais également de l'espace européen de la recherche (EER)
Les initiatives du Conseil et de la Commission citées précédemment ont pour ambition de rapprocher l'espace européen de l'éducation et celui de la recherche. Le dispositif des universités européennes est, en effet, perçu comme un moyen de favoriser les synergies entre l'enseignement supérieur et la recherche, bien que le volet « recherche » du dispositif ne soit pas autant valorisé qu'il le devrait (cf. infra).
Dans sa communication relative à un nouvel espace européen de la recherche (EER) pour la recherche et l'innovation15(*), la Commission a, en effet, affirmé que l'élaboration de stratégies communes en matière de recherche et d'innovation et le partage des capacités et des ressources donneront au secteur européen de l'enseignement supérieur les moyens de relever les défis auxquels l'Europe est confrontée. Dans sa recommandation du 18 décembre 2023 sur un cadre européen pour attirer et retenir les chercheurs, l'innovation et les entrepreneurs talentueux en Europe, le Conseil a ainsi invité la Commission et les États membres à soutenir les alliances entre les établissements d'enseignement supérieur, telles que les alliances d'universités européennes, l'ensemble du secteur européen de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, et toutes les parties prenantes concernées.
L'espace européen de la recherche
La notion d'espace européen de la recherche (EER) voit le jour en 2000 et traduit la volonté de l'Union européenne de mettre en place une politique européenne de la recherche, cohérente, concertée, fondée sur l'excellence scientifique, la compétitivité, l'innovation et la coopération. L'UE cherche à éviter le morcellement des efforts de recherche en favorisant la coopération entre les scientifiques européens par l'établissement d'un marché intérieur européen de la recherche.
La gouvernance de l'EER repose sur l'ERAC (European Research Area Committee) et sur cinq initiatives issues des débats du processus de Ljubljana, visant à doter l'Europe d'une vision commune de l'espace européen de la recherche à long terme et d'un dispositif de gouvernance adapté à sa réalisation :
1 - le lancement de programmes conjoints de recherche entre États membres volontaires, en réponse aux grands défis sociétaux de l'Union européenne ;
2 - un « partenariat pour les chercheurs » afin de développer les carrières et la mobilité des chercheurs en Europe ;
3 - une recommandation et un code de bonne conduite sur la gestion de la propriété intellectuelle dans le transfert de connaissances, à destination des acteurs publics de la recherche ;
4- une stratégie de coopération internationale de l'Union européenne dans le domaine scientifique et technique ;
5- la mise au point d'un cadre juridique européen pour les infrastructures de recherche européennes.
À la suite d'un appel lancé par le Conseil dans ses conclusions du 30 novembre 2018 invitant à réformer l'espace européen de la recherche (EER), l'UE a entrepris de le moderniser afin qu'il aide l'Europe à accroître sa résilience générale et à mettre en oeuvre les transitions écologique et numérique.
Le nouvel EER s'appuie notamment sur le « pacte pour la recherche et l'innovation en Europe »16(*), destiné à créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en Europe, améliorer la qualité de vie des citoyens et accroître la compétitivité de l'économie de l'UE. L'Union représente près de 20 % de l'investissement mondial dans la Recherche et Innovation (R&I) aujourd'hui et souhaite accroître ses dépenses pour la recherche et le développement. Le nouvel EER fixe un objectif d'investissement de 3 % du PIB pour la recherche et le développement, qui représentait encore 2,19 % du PIB européen en 2018.
Horizon Europe est le principal fonds de l'UE destiné à soutenir la mise en oeuvre de ce nouvel EER. De 2021 à 2027, Horizon Europe est doté d'un budget de 95,5 milliards d'euros, dont 3,3 % sont destinés à « élargir la participation », c'est-à-dire à renforcer l'EER et à soutenir les pays de l'UE dont les résultats en matière de R&I sont plus faibles.
c) Cette initiative est également en lien avec l'espace européen de l'enseignement supérieur (processus de Bologne)
Le processus de Bologne est un mécanisme lancé en 1999 qui vise à renforcer la cohérence des systèmes d'enseignement supérieur en Europe, au-delà de l'Union européenne. Initié par les déclarations de la Sorbonne et de Bologne de 1998 et 1999 (cf. encadré infra), il se veut une réponse des pays participants aux défis liés à la croissance rapide de la mobilité des étudiants et des diplômés européens.
Le processus de Bologne a ainsi permis la création d'un espace européen de l'enseignement supérieur (EEES), officialisé à Vienne en 2010, destiné à faciliter la mobilité des étudiants et du personnel et à rendre l'enseignement supérieur européen plus inclusif et accessible, et plus attrayant et compétitif à l'échelle mondiale.
La construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur (EEES)
En 1998, la France, l'Italie, le Royaume-Uni et l'Allemagne signent la Déclaration de la Sorbonne sur « l'harmonisation de l'architecture de l'enseignement supérieur en Europe » qui met en avant la notion d'EEES.
En 1999, 29 pays adoptent la déclaration fondamentale du « processus de Bologne » et s'engagent à coordonner leurs politiques et à faciliter la convergence des systèmes d'enseignement supérieur autour de principes-clés et de références communes afin de créer l'espace européen de l'enseignement supérieur.
Par la suite, l'EEES a connu un élargissement continu par les pays qui y adhèrent, lors des conférences ministérielles de Prague (en 2001), Berlin (en 2003), Bergen (en 2005), Londres (en 2007), Louvain (en 2009), Budapest-Vienne (en 2010), Bucarest (2012), Erevan (2015) et de Rome (en 2020).
Actuellement, l'EEES compte 49 pays européens qui adhèrent à la Convention culturelle européenne. La Russie et la Biélorussie sont, depuis l'invasion du territoire ukrainien de 2022, exclues des initiatives de l'EES.
Les apports du processus de Bologne
Ce processus constitue une initiative intergouvernementale, développée dans le cadre de réunions régulières des ministres européens chargés de l'enseignement supérieur. Le processus de Bologne a permis de mettre en oeuvre des initiatives modifiant considérablement le cadre réglementaire européen intergouvernemental par :
-l'adoption d'une architecture commune des systèmes d'enseignement supérieur fondés sur trois cycles bachelor, master et doctorat (BA/MA/D) se déclinant en France avec le LMD (licence/master/doctorat) ;
-la construction des formations (à l'exception du doctorat) sur des crédits ECTS transférables et capitalisables, reposant sur les résultats des apprentissages et la charge de travail qui y est associée, et favorisant la reconnaissance des diplômes ;
-la reconnaissance mutuelle des qualifications et des périodes d'apprentissage effectuées à l'étranger dans d'autres universités ;
-la mise en place d'un registre européen d'assurance qualité - EQAR (« European Quality Assurance Register for higher education ») qui recense les agences qualité opérant en Europe en conformité avec des références européennes partagées (les ESG - European Standards and Guidelines), afin de renforcer la qualité et la pertinence de l'apprentissage et de l'enseignement.
Dans le communiqué de Rome, adopté le 19 novembre 2020, lors de la conférence ministérielle de l'espace européen de l'enseignement supérieur17(*), les 49 ministres responsables de l'enseignement supérieur ont réaffirmé leur volonté commune d'oeuvrer ensemble pour concrétiser, d'ici à 2030, leur vision d'un espace européen de l'enseignement supérieur « plus inclusif, innovant et interconnecté, capable de soutenir une Europe durable, solidaire et pacifique ». Dans cette perspective, ont été établies des priorités d'actions visant à améliorer la mise en oeuvre des réformes dans tout l'EEES et le développement de trois axes majeurs parmi lesquels une coopération plus étroite d'un pays européen à l'autre, notamment par les alliances d'universités européennes, mais également une plus grande démocratisation de l'enseignement supérieur, en termes d'accès et de réussite ; des pratiques innovantes pour apprendre et enseigner ; et un objectif de mobilité étudiante réaffirmé à au moins 20 % de diplômés avec une expérience de mobilité (qu'elle soit physique, virtuelle ou en format hybride).
Les 29 et 30 mai 2024, s'est tenue la dernière conférence ministérielle en date, à Tirana en Albanie, durant laquelle les ministres ont évalué les progrès effectués depuis 2020 et réaffirmé leur engagement en faveur de la mobilité des étudiants et du personnel académique, fixant des priorités pour la période 2025-2027. Le communiqué de Tirana18(*) a réaffirmé l'engagement des pays participants envers trois principes fondamentaux : la mise en oeuvre d'un système de diplômes en trois cycles (licence, master, doctorat) basé sur les crédits ECTS, le soutien à la reconnaissance des qualifications dans tout l'EEES, favorisée par des processus d'assurance qualité adaptés. Les ministres se sont également félicités de « l'approfondissement et de l'institutionnalisation de la coopération transnationale », et notamment des alliances entre universités européennes. Le projet de diplôme européen est également mentionné dans le communiqué, qui prend note de la communication de la Commission européenne sur le sujet, et des possibilités de synergies avec l'EEES.
En amont de la Conférence ministérielle de Tirana, la Commission a par ailleurs publié le dernier rapport sur la mise en oeuvre du processus de Bologne, offrant une vue d'ensemble des progrès - inégaux - réalisés par les différents pays dans ce domaine.
* 1 https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2017/09/26/initiative-pour-l-europe-discours-d-emmanuel-macron-pour-une-europe-souveraine-unie-democratique
* 2 Orientations politiques pour la prochaine Commission européenne 2019-2024, https://commission.europa.eu/document/download/063d44e9-04ed-4033-acf9-639ecb187e87_fr?filename=political-guidelines-next-commission_fr.pdf
* 3 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à la réalisation d'un espace européen de l'éducation d'ici à 2025 [COM (2020) 625 final du 30.9.2020].
* 4 Conformément aux articles 6 et 165 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), l'Union européenne dispose, en effet, d'une compétence « pour appuyer, coordonner ou compléter l'action des États membres ».
* 5 Abréviation pour « Not in Education, Employment or Training ».
* 6 Source : https://fr.euronews.com/business/2022/04/20/comment-l-ue-permet-elle-aux-jeunes-defavorises-d-avoir-un-emploi-ou-une-formation
* 7 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52020DC0625
* 8 https://eurlex.europa.eu/legalcontent/FR/TXT/PDF/?uri=uriserv:OJ.C_.2021.066.01.0001.01.FRA
* 9 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021XG0610(02)
* 10 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM %3A2022%3A16%3AFIN
* 11 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52022XG0421(02)
* 12 Communication de la Commission européenne sur un schéma directeur pour un diplôme européen commun (COM (2024) 144 final).
* 13 Proposition de recommandation du Conseil pour un système européen d'assurance et de reconnaissance de la qualité dans l'enseignement supérieur (COM (2024) 147 final).
* 14 Proposition de recommandation du Conseil relative à des carrières attrayantes et durables dans l'enseignement supérieur (COM (2024) 145 final).
* 15 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM:2020:628:FIN
* 16 Conclusions sur la gouvernance de l'espace européen de la recherche (EER) et un pacte pour la recherche et l'innovation (R&I) en Europe du 26 novembre 2021 : https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-14308-2021-INIT/fr/pdf
* 17https://www.ehea.info/Upload/Rome_Ministerial_Communique.pdf
* 18 https://ehea2024tirane.al/wp-content/uploads/2024/06/Tirana-Communique.pdf