- L'ESSENTIEL
- RAPPORT
- I. DES TRAITEMENTS INTERDITS SUR LES EAUX
MINÉRALES NATURELLES ET DE SOURCE DISSIMULÉS AUX
AUTORITÉS
- A. LES CARACTÉRISTIQUES DES EAUX
MINÉRALES NATURELLES ET DES EAUX DE SOURCE RESTREIGNENT STRICTEMENT
L'USAGE DE TRAITEMENTS
- 1. Les eaux minérales naturelles et les eaux
de source se distinguent notamment par leur « pureté
originelle »
- 2. La pureté originelle, une notion aux
implications environnementales et économiques
- 3. Compte tenu de cette pureté originelle,
les traitements autorisés sur les eaux minérales naturelles et
les eaux de source sont strictement encadrés
- 4. Le dispositif de contrôle et de
surveillance repose sur plusieurs autorités compétentes en lien
avec les exploitants et les laboratoires agréés
- 1. Les eaux minérales naturelles et les eaux
de source se distinguent notamment par leur « pureté
originelle »
- B. DÈS 2020, DES TRAITEMENTS REMETTANT EN
CAUSE LA QUALIFICATION RÈGLEMENTAIRE DES EAUX MINÉRALES
NATURELLES ET DE SOURCE SONT SIGNALÉS AUX AUTORITÉS
- A. LES CARACTÉRISTIQUES DES EAUX
MINÉRALES NATURELLES ET DES EAUX DE SOURCE RESTREIGNENT STRICTEMENT
L'USAGE DE TRAITEMENTS
- II. UNE RÉPONSE DE L'ÉTAT TARDIVE ET
CONFIDENTIELLE
- A. INFORMÉS DÈS L'ÉTÉ
2021 DE CES PRATIQUES, LES RESPONSABLES POLITIQUES LEUR DONNENT DES SUITES
ADMINISTRATIVES
- B. AVEC L'ACCORD DE L'ÉTAT, NESTLÉ
WATERS MET EN oeUVRE EN 2023 UN PLAN DE TRANSFORMATION POUR
ABANDONNER LES TRAITEMENTS INTERDITS
- 1. En contrepartie de l'abandon des traitements de
désinfection, l'industriel a recours à une microfiltration plus
fine que celle précédemment tolérée
- 2. L'arrêt des traitements interdits dans le
cadre du plan de transformation entraîne des reconfigurations
importantes
- 3. L'abandon des traitements interdits justifie,
encore aujourd'hui, une attention renforcée des autorités
compétentes pour la sécurité sanitaire des eaux
- 1. En contrepartie de l'abandon des traitements de
désinfection, l'industriel a recours à une microfiltration plus
fine que celle précédemment tolérée
- C. L'ABSENCE D'INFORMATION AU NIVEAU
EUROPÉEN MALGRÉ LA CIRCULATION DES EAUX CONCERNÉES SUR LE
MARCHÉ INTÉRIEUR
- A. INFORMÉS DÈS L'ÉTÉ
2021 DE CES PRATIQUES, LES RESPONSABLES POLITIQUES LEUR DONNENT DES SUITES
ADMINISTRATIVES
- III. LE BILAN : UNE SÉQUENCE
ENTOURÉE D'OPACITÉ, DE FLOU JURIDIQUE ET D'INCERTITUDES SUR
L'ÉTAT DE LA RESSOURCE
- A. UNE OPACITÉ DES POUVOIRS PUBLICS ET DE
L'INDUSTRIEL DANS LES SUITES DONNÉES AUX PRATIQUES EN CAUSE
- B. UN INCONFORT ADMINISTRATIF À
L'ÉGARD DU CADRE JURIDIQUE ENTOURANT LES EAUX MINÉRALES
NATURELLES
- 1. L'absence de position explicite des
autorités concernant la microfiltration
- a) Aucun niveau de microfiltration n'est
visé par la règlementation
- b) ... ce qui complexifie les contrôles sans
garantir la maîtrise du risque microbiologique
- c) ... crée des risques juridiques
liés à une non-conformité au droit européen
- d) ... et donne un caractère
inachevé à la mise en conformité de Nestlé
Waters
- a) Aucun niveau de microfiltration n'est
visé par la règlementation
- 2. La complexité de l'évaluation de
la traçabilité de l'eau minérale naturelle et de l'eau de
boisson
- 1. L'absence de position explicite des
autorités concernant la microfiltration
- C. DES ÉVÉNEMENTS QUI INTERROGENT
SUR LA PÉRENNITÉ ET LA QUALITÉ DE LA RESSOURCE EN EAU
MINÉRALE NATURELLE
- A. UNE OPACITÉ DES POUVOIRS PUBLICS ET DE
L'INDUSTRIEL DANS LES SUITES DONNÉES AUX PRATIQUES EN CAUSE
- IV. LES PROPOSITIONS DE LA MISSION
EN 4 AXES : CLARIFIER, CONTRÔLER, INFORMER ET
PROTÉGER
- I. DES TRAITEMENTS INTERDITS SUR LES EAUX
MINÉRALES NATURELLES ET DE SOURCE DISSIMULÉS AUX
AUTORITÉS
- LISTE DES RECOMMANDATIONS
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- TABLEAU DE MISE EN OEUVRE ET DE SUIVI
N° 42
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur les politiques publiques en matière de contrôle des traitements des eaux minérales naturelles et de source,
Par Mme Antoinette GUHL,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Mme Evelyne Corbière Naminzo, MM. Pierre Cuypers, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Mme Sophie Primas, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.
L'ESSENTIEL
À la suite des révélations par voie de presse, fin janvier 2024, concernant des traitements interdits pratiqués par des industriels des eaux minérales naturelles et de source, la commission des affaires économiques a décidé de créer une mission d'information sur les politiques publiques de contrôle en la matière.
Adopté le 16 octobre 2024, le rapport d'information d'Antoinette GUHL (GEST - Paris) tire les enseignements de la gestion de ces événements par les pouvoirs publics en formulant 10 recommandations visant à clarifier le cadre juridique, renforcer les contrôles, informer le consommateur et protéger la ressource.
La rapporteure déplore le manque de transparence de certains acteurs privés comme publics auquel s'est heurté la mission et, surtout, la lenteur de la mise en conformité de l'industriel en l'absence de mesures plus volontaristes de l'État. Si l'engagement des autorités à l'échelle locale n'est pas à questionner, l'intensité de leurs contrôles doit être renforcée de même que le partage des informations entre administrations.
Au-delà, les travaux de la mission ont mis en évidence deux phénomènes préoccupants : d'une part, le manque de clarté de la position des autorités vis-à-vis des traitements de microfiltration et, d'autre part, la vulnérabilité à la pollution des sources d'eaux souterraines, dont la valeur patrimoniale ne doit pas être négligée.
I. DES TRAITEMENTS PAR DÉFINITION INTERDITS SUR LES EAUX MINÉRALES NATURELLES DISSIMULÉS AUX AUTORITÉS
A. LES CARACTÉRISTIQUES DES EAUX MINÉRALES NATURELLES ET DE SOURCE RESTREIGNENT STRICTEMENT LE RECOURS AUX TRAITEMENTS
1. Une définition stricte fondée sur la « pureté originelle » qui exclut toute désinfection
L'eau minérale naturelle (EMN) et l'eau de source (ES) se distinguent de l'eau rendue potable par traitement (ERPT) par leur pureté originelle : elles ont pour origine une nappe ou un gisement souterrain tenu à l'abri de tout risque de pollution. L'EMN présente en outre des caractéristiques liées à sa teneur et à sa stabilité physicochimique.
La pureté originelle des sources est un patrimoine écologique qui induit des investissements des industriels dans la protection des sources à l'égard de la pollution - convention avec des agriculteurs locaux, partenariat avec les communes concernant l'assainissement, la gestion des déchets ou le développement du bâti, etc.
Ces éléments fondent le discours de vente des exploitants justifiant le prix 200 fois plus élevé de l'eau minérale naturelle et 65 fois plus élevé de l'eau de source par rapport à l'eau du robinet qui, elle, ne provient pas d'une source naturellement pure et protégée et peut à ce titre faire l'objet de traitements de désinfection (ultraviolets, chloration...). La pureté originelle a aussi des implications économiques pour les territoires : la France est le premier exportateur d'EMN et celles-ci sont utilisées pour soigner les affections d'un demi-million de curistes chaque année.
Microbiologiquement saines à l'émergence du fait de leur pureté originelle, les sources d'EMN ou ES peuvent faire l'objet d'une liste restreinte de traitements, autorisés par une directive de 2009 « dans la mesure où ils ne modifient pas la composition de l'eau quant aux constituants essentiels qui lui confèrent ses propriétés » : il est possible par exemple d'avoir recours à un traitement, comme la filtration, pour retirer des éléments naturellement présents dans l'eau qui altèrent sa couleur, mais sans modifier des caractéristiques microbiologiques ou physicochimiques au risque de remettre en cause la qualification EMN ou ES de l'eau.
2. Des contrôles par plusieurs autorités à différents stades de la chaîne de production
De l'émergence à l'embouteillage, la Direction générale de la santé (DGS) est chargée du contrôle sanitaire de l'eau, par le biais des Agences régionales de santé (ARS) qui instruisent les demandes d'autorisation d'exploitation (qui mentionnent les traitements autorisés), conduisent des inspections des installations et contrôlent la mise en oeuvre de mesures de sécurité sanitaire.
Après embouteillage, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) contrôle la loyauté des produits, c'est-à-dire que leur étiquetage est conforme aux conditions d'exploitation prévues par arrêté. La Direction générale de l'alimentation (DGAL) est chargée du contrôle des conditions de transport, d'entreposage et de distribution des eaux et des éventuels retraits ou rappels de produits.
Ces contrôles sont complétés par une surveillance de l'exploitant, via des prélèvements et analyses délégués à des laboratoires agréés mandatés par les ARS et via des plans internes d'autosurveillances. Au total, en 2022, seuls 0,22 % des analyses des EMN et 0,07 % de celles des ES au point de conditionnement étaient non-conformes.
Cette chaîne de contrôle fragmentée ne conduit néanmoins pas à des contrôles systématiques de la conformité aux conditions d'exploitation et à l'étiquetage des pratiques des industriels de l'émergence à l'embouteillage.
B. DÈS 2020, DES TRAITEMENTS REMETTANT EN CAUSE LA QUALIFICATION RÈGLEMENTAIRE DE CES EAUX SONT SIGNALÉS AUX AUTORITÉS
En 2020, les services locaux de la DGCCRF et de la DGS sont informés par un salarié des Sources Alma (qui commercialise Cristaline) de pratiques interdites. Une enquête du Service national d'enquêtes (SNE) de la DGCCRF est déclenchée puis élargie à d'autres exploitants. Elle débouche sur un signalement au procureur en juillet 2021 pour tromperie.
Le 31 août 2021, lors d'un entretien à sa demande avec le cabinet de la ministre de l'industrie de l'époque, Nestlé Waters (NW) reconnaît avoir recours à des traitements interdits dans certaines usines de conditionnement d'EMN, comme des filtres à charbon actif et des traitements par lampe à UV et sollicite la validation de l'administration pour utiliser un traitement alternatif dans le cadre d'un « plan de transformation ».
Nestlé Waters indique que ces traitements n'ont jamais affecté la composition minérale des EMN. Néanmoins, c'est la pureté originelle, qui donne à l'EMN sa dénomination naturelle, qui est remise en cause par ces traitements qui modifient la composition microbiologique de l'eau.
« Les procédés de traitement au niveau des robinets des captages sur le site Perrier étaient tellement bien dissimulés qu'il était impossible de les voir, même pour un expert en hydraulique. »
Les eaux étant conformes aux exigences sanitaires du fait de la présence de traitements placés en amont des points de contrôle, les services de l'État ont indiqué à la rapporteure qu'en l'absence de signalement, ces pratiques n'auraient pas pu être décelées et auraient sans doute perduré.
II. UNE RÉPONSE DE L'ÉTAT TARDIVE ET CONFIDENTIELLE
A. INFORMÉS DÈS L'ÉTÉ 2021 DE CES PRATIQUES, LES RESPONSABLES POLITIQUES LEUR DONNENT DES SUITES ADMINISTRATIVES
1. Le choix de la saisine d'une mission d'inspection et non de suites correctives
30 %
d'écarts non-conformes entre les conditions d'exploitation fixées par arrêté et les pratiques (mission Igas)
En novembre 2021, les ministres Agnès Pannier-Runacher et Olivier Véran saisissent l'inspection générale des affaires sociales (Igas) pour une mission d'inspection des usines de conditionnement d'eau en France. Les résultats mettent en évidence des pratiques non-conformes aux arrêtés d'autorisation dans près de 30 % des cas, un taux que l'Igas estime probablement sous-évalué compte tenu de la difficulté à identifier les pratiques et du caractère déclaratif des réponses.
La rapporteure déplore que des suites correctives - telles que des mises en demeure de cesser les non-conformités et en cas d'inexécution, la suspension de la production, l'obligation de consigner des sommes ou le prononcé d'une amende administrative - n'aient pas été prises à l'égard des sites concernés dès 2021. Malgré l'information des administrations centrales, il a fallu attendre les inspections des ARS au printemps 2022 sous l'égide de l'Igas : ce sont ces contrôles locaux qui ont entraîné des mises en demeure par les préfets sur proposition des ARS et, dans le Grand Est, un signalement au procureur à l'initiative de l'ARS. Aucune mesure de suivi immédiat n'a été prise pour éviter la mise sur le marché d'EMN ne remplissant pas les conditions requises pour être commercialisées.
2. Un accroissement de la tolérance administrative à l'égard de la microfiltration
85 %
des industriels ont recours à la microfiltration (mission Igas)
Le rapport de l'Igas de juillet 2022 souligne le développement de la microfiltration. Ce traitement n'est pas interdit, mais la règlementation européenne ne précise pas le seuil à partir duquel les pores des filtres ont pour effet de modifier le microbisme de l'eau, l'assimilant à une désinfection. En l'absence d'harmonisation européenne et de norme nationale fixant un seuil, le seuil de coupure de 0,8 micron était considéré comme acceptable par les autorités depuis un avis de l'Autorité française de sécurité sanitaire des aliments (ex-Anses) de 2001.
Or la mission de l'Igas met en évidence la généralisation de seuils de coupure à 0,45 micron. À la suite de la remise du rapport, la DGS saisit l'Anses pour une demande d'évaluation de l'impact d'une microfiltration en deçà de 0,8 micron sur le microbisme de l'eau. Sans trancher sur un seuil précis, l'avis de l'Anses de janvier 2023 rappelle la position de 2001. À la suite de cet avis, le Ministère de la Santé a souhaité modifier la doctrine, en préconisant aux ARS concernées le maintien des microfiltrations inférieures à 0,8 micron sous réserve que l'exploitant apporte la preuve que ce traitement ne modifie pas le microbisme de l'eau.
Une concertation interministérielle dématérialisée des 22 et 23 février 2023 a validé cette décision, en autorisant les préfets à modifier les arrêtés d'autorisation d'exploitation des eaux minérales naturelles des sites de conditionnement de NWSE (Vosges) et NWSS (Gard) afin de mentionner des microfiltrations à un seuil inférieur à 0,8 micron.
B. AVEC L'ACCORD DE L'ÉTAT, NESTLÉ WATERS MET EN oeUVRE UN PLAN DE TRANSFORMATION POUR ABANDONNER LES TRAITEMENTS INTERDITS
1. L'arrêt des traitements interdits en contrepartie d'une microfiltration à 0,2 micron
Ce plan de transformation présenté par Nestlé Waters aux autorités politiques est mené tout au long de l'année 2023 sous l'égide des services de l'État. Il repose sur le retrait des traitements de désinfection en contrepartie du recours à une microfiltration jusqu'à 0,2 micron dont NW met en avant l'intérêt pour assurer la sécurité sanitaire.
· Dans les Vosges, les traitements interdits positionnés en amont des prélèvements du contrôle sanitaire des eaux brutes cessent fin 2022. Les arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploitation de Vittel Bonnes Sources et Grandes Sources sont, quant à eux, révisés le 4 juillet 2023 pour mentionner une microfiltration à 0,45 micron. Le 29 mars 2024, NW formule une demande, toujours en cours d'instruction, de mise à jour de ces deux arrêtés préfectoraux afin d'abaisser le seuil de coupure à 0,2 micron.
· Dans le Gard, l'arrêt des traitements interdits est constaté le 10 août 2023 sur le site de Vergèze par l'ARS Occitanie. Plusieurs niveaux de microfiltres allant de 0,2 à 3 microns sont alors mis en place pour sécuriser la production, à l'exception des produits destinés à l'exportation aux États-Unis pour lesquels la désinfection est autorisée.
Dans les deux cas, la rapporteure souligne la grande tardiveté de la cessation de ces pratiques explicitement interdites par la règlementation : dans les Vosges, elles ont cessé près d'un an et demi après les révélations de NW à l'État et, dans le Gard, près de deux ans après !
2. Ce plan n'évite pas la mise à l'arrêt et le déclassement de certains forages
Dans les Vosges, la qualité de l'eau à l'émergence Hépar « Essar » justifie, en février 2023, une demande conjointe des ministères chargés de l'économie et de la santé visant à la présentation d'un plan d'action de l'industriel aux autorités locales. Or le 4 mai 2023, NW annonce la suspension de deux forages sur les six de la source Hépar. Au niveau de la source Contrex, les forages Thierry-Lorraine et Belle-Lorraine ont été mis à l'arrêt en novembre 2022 à la suite du plan de transformation, faute de conformité aux critères de pureté originelle. Pour Hépar comme Contrex, des demandes de modification des conditions d'exploitation avec une microfiltration à 0,45 micron ont été déposées le 5 mai 2023. Le 29 mars 2024, une nouvelle demande, en cours d'instruction, a porté ce seuil à 0,2 micron.
Dans le Gard, des arrêtés du 22 décembre 2023 reconfigurent l'exploitation du site Perrier :
· Un arrêté prévoit que les forages Romaine III et Romaine V sont déclassés en « eau de boisson », désormais vendue sous la marque « Maison Perrier » et retirée du mélange Source Perrier. En effet, selon l'Anses, sur la période de janvier à fin mai 2023, les forages Romaine III et Romaine V ont présenté des taux de non-conformité de 23 % et 27 %.
· Un autre arrêté porte autorisation provisoire d'exploitation de la source Perrier en EMN reconfigurée avec 5 forages. La demande de révision complète, déposée en octobre 2023, mentionne une microfiltration à 0,2 micron. Elle est toujours en cours d'instruction : les microfiltres à 0,2 micron sont pour l'instant utilisés en l'absence de révision de l'arrêté préfectoral.
3. Une surveillance sanitaire renforcée qui n'élimine pas le risque microbiologique
La DGS sollicite, en avril 2023, le laboratoire d'hydrologie de Nancy (LHN) de l'Anses pour appuyer l'ARS Grand Est dans la mise en place d'une surveillance renforcée de la qualité des émergences exploitées par NW dans les Vosges, incluant des paramètres bactériologiques et virologiques non prescrits par la règlementation. En juillet 2023, l'ARS Occitanie demande à bénéficier également de l'appui du LHN compte tenu de contaminations bactériologiques régulières et de la présence de micropolluants. Dans sa note d'appui scientifique d'octobre 2023, l'Anses justifie une surveillance renforcée par un « niveau de confiance insuffisant » dans l'évaluation de la qualité des ressources.
La rapporteure note que cette surveillance renforcée n'a pas permis de lever les doutes quant au respect en toute circonstance des critères de pureté originelle des ressources. À la suite d'un épisode pluvieux intense dans la nuit du 9 au 10 mars 2024, la qualité microbiologique d'un forage de la Source Perrier s'est dégradée et des germes Pseudomonas aeruginosa ont été détectés en amont d'une ligne de production au cours des quatre jours suivants. Par précaution, malgré la conformité microbiologique des produits finis (non-commercialisés), l'ARS a recommandé la destruction de 9 000 lots fabriqués sur cette ligne du 10 au 14 mars. Considérant la récurrence de ces épisodes qui n'exclut pas une contamination virale, le préfet du Gard a pris un arrêté le 19 avril 2024 mettant en demeure NWSS de suspendre l'exploitation du captage concerné.
Face à ces doutes persistants, la rapporteure préconise de poursuivre et étendre cette surveillance renforcée, en favorisant la montée en compétence des laboratoires agréés et d'autosurveillance des exploitants sur des paramètres encore peu surveillés aujourd'hui.
C. L'ABSENCE D'INFORMATION AU NIVEAU EUROPÉEN MALGRÉ LA CIRCULATION DES EAUX SUR LE MARCHÉ INTÉRIEUR
Comme les consommateurs, la Commission européenne a indiqué à la rapporteure avoir été informée des pratiques non-conformes des industriels par voie de presse fin janvier 2024, et non via une notification officielle alors que la qualification règlementaire des EMN et des ES découle du droit européen et que les bouteilles d'EMN de NW circulent sur le marché intérieur. Interrogées sur cette absence d'information, les administrations ont souligné l'absence de risque sanitaire pour les consommateurs, alors même que pour la rapporteure, la non-conformité à la directive était suffisante pour justifier une notification.
La Commission européenne a réagi par la conduite, en mars 2024, d'un audit inopiné sur le système de contrôle officiel relatif aux EMN et aux ES. Le rapport d'audit déplore entre autres le manque d'information et de coopération de la France avec les autres états-membres.
III. LE BILAN : UNE SÉQUENCE ENTOURÉE D'OPACITÉ, DE FLOU JURIDIQUE ET D'INCERTITUDES SUR L'ÉTAT DE LA RESSOURCE
A. UNE OPACITÉ DES POUVOIRS PUBLICS ET DE L'INDUSTRIEL DANS LES SUITES DONNÉES AUX PRATIQUES EN CAUSE
1. Une information lacunaire au sein même de certains organes de l'État
Les travaux de la mission ont mis en évidence le caractère parcellaire de l'information dont ont disposé certaines administrations tout au long de la séquence. Il n'est pas normal que les ARS concernées n'aient découvert l'existence des traitements interdits qu'après leurs inspections dans le cadre de la mission de l'Igas. Au niveau central, la DGCCRF, directement concernée, a indiqué n'avoir pas eu connaissance du rapport de l'Igas avant sa publication en février 2024, alors même que l'Igas indique qu'il a été présenté aux trois ministères en juillet 2022. Enfin, l'Anses, qui joue un rôle central dans l'appréciation technique des pratiques concernées, témoigne tout au long de la séquence d'un déficit d'information. Elle n'a pas eu accès au rapport de l'Igas avant sa diffusion publique alors même que la mission Igas a auditionné l'agence en 2022.
Le rapport d'audit de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne déplore « une mauvaise collaboration entre autorités compétentes et au sein de celles-ci, tant à l'échelle centrale qu'à l'échelle locale ».
La rapporteure recommande donc de considérablement développer le travail en réseau entre autorités compétentes pour le contrôle des eaux minérales naturelles et des eaux de sources, à savoir la DGS, la DGAL, la DGCCRF ainsi que les services déconcentrés et les ARS.
2. Une transparence des relations de l'industriel avec les pouvoirs publics à renforcer
En août 2021, Nestlé Waters n'a pas jugé souhaitable de prendre l'attache du ministre chargé de la santé qui a pourtant une large compétence en matière d'eau destinée à la consommation humaine. Malgré son entretien avec le cabinet de la ministre de l'industrie, aucune action de représentation d'intérêts de Nestlé Waters n'apparaît au titre de l'année 2021 au sein du répertoire de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Certains services ont alerté la rapporteure sur le manque de fluidité des relations dans l'instruction des dossiers entre Nestlé Waters et l'administration. Les travaux de la mission mettent quant à eux en évidence une communication parfois parcellaire. D'abord, Nestlé Waters a indiqué le 24 avril aux médias avoir procédé à la destruction avant commercialisation de deux millions de bouteilles de la marque Perrier « par précaution ». Ces faits ont ensuite été infirmés : la demande avait en réalité été formulée par le préfet du Gard sur proposition de l'ARS. En outre, ce sont 2,9 millions de bouteilles qui ont été détruites.
Afin d'éviter toute entrave dans les contrôles, la rapporteure recommande de manière générale de pérenniser les inspections inopinées qui ont montré leur intérêt tout au long de la séquence. Elle préconise aussi de renforcer le recours à des mesures correctives assorties de mesures de publicité en cas de non-conformité afin les porter à l'attention du consommateur et de renforcer leur pouvoir dissuasif.
B. L'INCONFORT DES ADMINISTRATIONS À L'ÉGARD DU CADRE JURIDIQUE ENTOURANT LES EAUX MINÉRALES NATURELLES ET DE SOURCE
1. L'absence de position explicite des autorités concernant la microfiltration
La tolérance administrative au seuil de 0,8 micron, qui prévalait jusqu'en 2023, résulte d'une interprétation extensive d'un avis émis sur un cas individuel, et non d'une règle générale. Après avoir constaté la généralisation de microfiltres inférieurs à 0,8 micron, le rapport de l'Igas de juillet 2022 a recommandé aux autorités de trancher une position commune sur le seuil acceptable. Or, le changement de doctrine de février 2023 est loin d'être une précision. Motivé par les ministères chargés de la santé et de l'économie par « l'absence de norme empêchant ces niveaux de filtration », il reporte la charge de l'examen de la licéité de la microfiltration sur les services chargés de l'instruction des autorisations d'exploitation.
Ce flou de la règlementation complexifie donc les contrôles sans pour autant garantir la totale maîtrise du risque sanitaire. Les industriels utilisent aujourd'hui des seuils de coupure à 0,2 micron à des fins de sécurisation sanitaire, en alternative aux lampes à UV. Or la microfiltration n'est pas sans ambivalence : le rapport de l'Igas l'a qualifiée de « fausse sécurisation ».
« En clair, la mise en place d'une filtration à 0,2 micron sur des eaux non conformes pourrait exposer les consommateurs à un risque sanitaire en lien avec l'ingestion de virus voire de bactéries [...] » (mission Igas - juillet 2022)
Par ailleurs, le rapport d'audit de la direction générale de la santé de la Commission européenne est clair : « En l'absence de règles harmonisées sur l'utilisation de la microfiltration, les autorités compétentes acceptent l'utilisation de la microfiltration réalisée à l'aide de filtres dont la taille des pores peut être aussi faible que 0,2 micron même si, avec des pores aussi fins, on ne peut exclure le risque d'une modification du microbisme des eaux minérales naturelles. Ce n'est pas conforme à la législation européenne. »
La rapporteure recommande donc l'adoption sans délai d'une position claire et générale des autorités sur le seuil de microfiltration acceptable, dans le cadre d'un dialogue européen afin d'harmoniser des pratiques. Le cas échéant, elle préconise la mise en oeuvre de plans de mise en conformité des industriels utilisant ce traitement. Enfin, compte tenu de la généralisation de la microfiltration, initialement conçue comme exceptionnelle, il est souhaitable que le consommateur soit informé de son utilisation, via une mention sur l'étiquetage.
2. Un manque de certitude sur la garantie de la traçabilité de l'eau minérale naturelle
Depuis le déclassement de deux forages EMN exploités par Nestlé Waters à Vergèze en « eaux de boisson », une ligne de production est utilisée à la fois pour la production « Maison Perrier » et pour la production du mélange « Source Perrier ».
Le conditionnement d'EMN et d'ES sur les mêmes chaînes de conditionnement est règlementaire dès lors que l'exploitant apporte à tout moment la preuve de la nature de l'eau conditionnée au regard de la dénomination de vente figurant sur l'étiquetage, comme prévu par le code de la santé publique. Malgré la pratique, le même cas n'est pas explicitement prévu par la règlementation en ce qui concerne les eaux de boisson.
De plus, certaines eaux conditionnées à partir de sources d'EMN destinées à l'exportation hors de l'Union européenne peuvent faire l'objet de traitements interdits en son sein : c'est le cas des Etats-Unis où les dénominations mineral water et spring water n'induisent pas les mêmes caractéristiques qu'en Europe en matière de pureté originelle.
Les services ont souligné à la rapporteure des difficultés dans le contrôle de cette traçabilité, la preuve pouvant être difficile à apprécier et à constater sur place au regard de la complexité des installations hydrauliques et du niveau de transparence de certains exploitants.
La rapporteure estime que ce sujet majeur pour la confiance des consommateurs et la loyauté des produits doit être éclairci. Elle préconise de réaliser une campagne de contrôles ciblés sur la traçabilité en vue de compléter la règlementation.
C. DES PRATIQUES QUI INTERROGENT SUR LA PÉRENNITÉ ET LA QUALITÉ DE LA RESSOURCE EN EAU MINÉRALE NATURELLE
Malgré le postulat de l'excellent état des sources d'eaux souterraines qui fonde la notion de pureté originelle, des acteurs ont alerté la mission sur la vulnérabilité des sources d'EMN et ES face à des pressions qui affectent leur qualité et leur renouvellement (prélèvements excessifs, artificialisation des sols, émission de polluants issus des activités humaines, industrielles ou agricoles, etc.). Le changement climatique apparaît quant à lui comme un facteur aggravant de la vulnérabilité des sources.
Face à ces facteurs de vulnérabilité croissants, la rapporteure rappelle que la pureté originelle a une valeur patrimoniale au titre de son intérêt économique, environnemental et thérapeutique. Prônée par de nombreux industriels, une éventuelle révision de la directive 2009/54, qui pourrait opportunément préciser les traitements autorisés, ne doit pas conduire à réduire les exigences de pureté originelle : cela reviendrait à niveler par le bas la qualité de la ressource.
Afin de disposer d'une meilleure information sur la soutenabilité et la vulnérabilité de la ressource, la rapporteure préconise de lancer une campagne d'études des hydrosystèmes exploités par les industriels, de rendre publiques les quantités d'eau prélevée par les exploitants, mais aussi d'actualiser le plan d'action sur les micropolluants en y incluant les eaux conditionnées afin de disposer d'informations complètes sur leur niveau de pollution.
Les 10 recommandations de la mission d'information
Axe 1 : Clarifier le cadre juridique relatif à la microfiltration et à la traçabilité des eaux
- Régler la question de la microfiltration en lien avec nos homologues européens : adopter une position claire et générale sur le seuil de coupure acceptable et organiser la mise en conformité des exploitants en conséquence.
- Garantir la traçabilité des eaux : réaliser une campagne de contrôles ciblés des sites conditionnant eaux de boissons et eaux minérales naturelles ou de source sur les mêmes lignes de production pour évaluer l'opportunité d'une évolution de la règlementation. Préciser les preuves de traçabilité à produire ainsi que les mesures à prendre pour éviter les mélanges et les erreurs, et s'assurer qu'elles soient décrites au sein des arrêtés d'autorisation d'exploitation.
Axe 2 : Renforcer l'efficacité, la fréquence et le caractère dissuasif des contrôles
- Développer le travail en réseau des autorités compétentes : pérenniser les échanges entre DGS, DGAL et DGCCRF pour mettre en place un groupe de travail national sur les eaux conditionnées et formaliser les bonnes pratiques de partages d'information et d'alerte entre les administrations centrales et locales permettant d'identifier les risques à la suite des contrôles.
- Pérenniser les inspections inopinées conjointes des autorités compétentes en matière de sécurité sanitaire et de loyauté des produits : inscrire leur principe, à une fréquence régulière, au sein des plans de contrôle des autorités compétentes.
- Renforcer la publicité des mesures prises par les autorités de contrôle : encourager le recours à des mesures de police administrative correctives assorties de mesures de publicité afin de renforcer leur caractère dissuasif et de porter ces pratiques à l'attention du consommateur.
- Renforcer le dispositif de surveillance au service de la qualité sanitaire des eaux : favoriser l'accréditation des laboratoires sur des paramètres encore peu surveillés aujourd'hui et réaliser des campagnes d'acquisition de connaissances des laboratoires d'autosurveillance des exploitants grâce à l'action du Laboratoire d'hydrologie de Nancy de l'Anses pour favoriser leur montée en compétences.
Axe 3 : Mieux informer le consommateur
- Renforcer l'étiquetage : dans le cadre européen, prôner l'indication sur l'étiquetage de tous les traitements pratiqués sur les eaux minérales naturelles ou de source embouteillées, y compris la microfiltration, pour renforcer l'information du consommateur.
- Mieux informer sur les distinctions entre les différentes qualifications des eaux : mener des campagnes d'information sur les différences entre eaux minérales naturelles, eaux de source, eaux rendues potables par traitement et eaux de boissons rafraîchissantes sans alcool au travers du bilan annuel ainsi que des sites Internet des ministères chargés de la santé et de la consommation.
Axe 4 : Élever nos connaissances sur le niveau de protection de la ressource
- Systématiser l'étude des hydrosystèmes : lancer une campagne d'évaluation par les préfectures des besoins d'étude des hydrosystèmes exploités par des industriels des eaux minérales naturelles et de source sur leur territoire. Le cas échéant, les rendre publiques.
- Informer le public sur les pressions affectant la ressource : rendre publiques les quantités d'eau prélevées par les exploitants des sources d'eau minérale naturelles et de source ; actualiser le plan d'action sur les micropolluants en y incluant les eaux conditionnées et en communiquant sur les actions de mesure et d'évaluation de la présence de polluants émergents à l'occasion du bilan de la qualité des eaux conditionnées.
RAPPORT
La présente mission « flash » a été créée par la commission des affaires économiques à la suite des révélations par voie de presse, fin janvier 2024, concernant des traitements interdits pratiqués par des industriels des eaux minérales naturelles et de sources. L'examen de son rapport ayant été reporté en raison de l'interruption des travaux de la commission à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale, elle rend ses conclusions le 16 octobre 2024, alors que Nestlé Waters a conclu le 10 septembre 2024 une convention judiciaire d'intérêt public avec le parquet d'Épinal à la suite de deux enquêtes préliminaires. L'une d'elles porte sur les faits intéressant la mission d'information qui ont donc fait l'objet de suites judiciaires pour tromperie du consommateur sur lesquelles la mission ne revient pas. Le présent rapport a pour objectif de faire la lumière sur la gestion de la séquence par les pouvoirs publics et d'en tirer les enseignements.
I. DES TRAITEMENTS INTERDITS SUR LES EAUX MINÉRALES NATURELLES ET DE SOURCE DISSIMULÉS AUX AUTORITÉS
A. LES CARACTÉRISTIQUES DES EAUX MINÉRALES NATURELLES ET DES EAUX DE SOURCE RESTREIGNENT STRICTEMENT L'USAGE DE TRAITEMENTS
1. Les eaux minérales naturelles et les eaux de source se distinguent notamment par leur « pureté originelle »
L'eau minérale naturelle (EMN) et l'eau de source (ES) se distinguent de l'eau rendue potable par traitement (ERPT) par leur pureté originelle : elles sont toutes deux microbiologiquement saines, leur source souterraine étant tenue à l'abri de tout risque de pollution. Du fait de cette pureté originelle, l'eau de source et l'eau minérale naturelle sont supposées potables à la source.
Une eau minérale naturelle présente, en outre, des caractéristiques liées à sa teneur en minéraux et oligo-éléments, et doit présenter une stabilité dans sa composition, sa température et ses autres caractéristiques essentielles.
Ces éléments de définition sont posés au niveau européen par la directive 2009/54 relative aux eaux minérales naturelles1(*), issue d'une refonte d'une directive de 19802(*).
Elle définit l'eau minérale naturelle comme une « eau microbiologiquement saine, ayant pour origine une nappe ou un gisement souterrain et provenant d'une source exploitée par une ou plusieurs émergences naturelles ou forées », qui « se distingue nettement de l'eau de boisson ordinaire :
a) par sa nature, caractérisée par sa teneur en minéraux, oligo-éléments ou autres constituants et, le cas échéant, par certains effets ;
b) par sa pureté originelle,
l'une et l'autre caractéristique ayant été conservées intactes en raison de l'origine souterraine de cette eau qui a été tenue à l'abri de tout risque de pollution. »
Au niveau national, le code de la santé publique reprend ces mêmes éléments de définition3(*) et renvoie la fixation des critères de qualité microbiologique et physicochimique des eaux minérales naturelles et de source à un arrêté conjoint du ministre de la santé et du ministre de la consommation4(*) - en l'occurrence, l'arrêté du 14 mars 20075(*) qui précise les critères de qualité applicables :
- en raison de l'exigence de pureté originelle commune aux eaux de source et aux eaux minérales naturelles, celles-ci répondent aux mêmes critères de qualité microbiologique, autant à l'émergence qu'à l'embouteillage ;
- en revanche, les eaux de source sont soumises aux mêmes exigences physicochimiques que les eaux rendues potables par traitement : la minéralité est une caractéristique propre aux eaux minérales naturelles.
Certaines eaux minérales naturelles peuvent faire état d'effets favorables à la santé reconnus par l'Académie nationale de médecine. Elle est alors saisie pour avis clinique et thérapeutique par le préfet sur la demande d'autorisation d'exploitation6(*).
Pureté originelle |
Teneur en minéraux, oligo-éléments ou autres constituants |
Effet favorable à la santé |
|
Eau minérale naturelle |
Oui Exigences de qualité microbiologique communes aux
EMN |
Oui Exigence de stabilité physico-chimique spécifique aux EMN |
Éventuellement (Avis de l'Académie nationale de médecine) |
Eau de source |
Exigences de qualité physico-chimiques communes aux ES et aux ERPT |
NA |
|
Eau rendue potable par traitement |
NA |
NA |
2. La pureté originelle, une notion aux implications environnementales et économiques
La notion de pureté originelle est fondamentale pour la stratégie des industriels des EMN et des ES : elle leur permet de justifier le prix plus élevé de ces eaux par des qualités objectives que ne possède pas l'eau du robinet.
À titre d'exemple, le site de la Maison des Eaux minérales naturelles (MEMN) inclut une page internet intitulée « Pourquoi l'eau minérale coûte-t-elle plus cher ? »7(*) qui revient sur les notions de pureté, de naturalité, de qualité et de composition constante de l'EMN tout en soulignant leur « processus d'embouteillage rigoureux », les taxes versées aux communes en fonction du volume embouteillé, mais aussi les investissements dans la protection des sources.
L'inspection générale des affaires sociales (Igas) mentionne dans son rapport sur les EMN et les ES8(*) un prix moyen au litre de 0,46 € pour les EMN, contre 0,15 € pour les ES et 0,004 € pour l'eau du robinet. Ce dernier prix inclut néanmoins le coût de l'assainissement.
Selon l'Observatoire national des services d'eau et assainissement, le prix moyen des services d'eau potable en France en 2023 est de 2,34 € par m3, soit 0,00 234 € par litre, tandis que le prix moyen des services d'assainissement est de de 2,37 € par m3, soit 0,00 237 € par litre9(*).
La pureté originelle fait donc partie des arguments soulignés par les minéraliers pour justifier auprès des consommateurs un prix de l'eau minérale naturelle environ 200 fois plus élevé et de l'eau de source 65 fois plus élevé que l'eau potable, hors coût de l'assainissement.
Les impacts économiques de l'exploitation des EMN et des ES
En France, 101 EMN, 81 ES et 4 ERPT sont conditionnées en 2022 dans 104 sites implantés dans 59 départements.
Nombre de sites de conditionnement d'eau en activité en 2022
Source : Bilan de la qualité des eaux conditionnées 2022, Direction générale de la santé, décembre 2023
Selon le Syndicat des eaux minérales naturelles et des eaux de source, la filière représente 11 000 emplois directs, dont 8 000 dans la filière des EMN et 3 000 dans la filière des ES, et 30 000 emplois indirects.
À titre d'exemple, Danone emploie 170 personnes sur le site de Badoit, 72 sur le site de La Salvetat, 1 200 sur le site d'Évian et 850 sur le site de Volvic. Sources Alma regroupe 35 sites d'embouteillage en France dans 26 départements du territoire, dont 80 % sont situés dans des communes de moins de 5 000 habitants pour un total de 1 800 emplois directs. Nestlé Waters emploie directement 775 personnes sur le site de production de Vergèze (Perrier) et 565 personnes sur celui des Vosges (Hépar, Contrex, Vittel).
Par ailleurs, l'exploitation des EMN et des ES génère des recettes fiscales. Les eaux minérales naturelles, de source et les eaux rendues potables par traitement sont soumises à une contribution obligatoire fixée à 0,54 € par hectolitre10(*), dont le produit est attribué au financement de l'assurance vieillesse des non-salariés agricoles. Les eaux minérales naturelles peuvent en outre faire l'objet d'une « surtaxe »11(*), contribution facultative instaurée sur décision de la commune sur laquelle est située la source, dans la limite de 0,58 € par hectolitre livré par l'exploitant sur le territoire national (les volumes exportés sont exonérés). Son produit est affecté au budget de la commune et, s'il excède certains seuils, au budget du département. Créée en 1920, cette « surtaxe » avait alors pour objectif de contribuer au financement des villes thermales. Pour la ville d'Évian-les-Bains, cette surtaxe représentait 2,1 millions d'euros en 201912(*).
Pour la rapporteure, la pureté originelle des sources est aussi un patrimoine écologique qu'il convient de préserver.
Les sources « originellement pures » doivent demeurer à l'abri de toute pollution : la pureté originelle induit donc des investissements dans la préservation de la ressource et sa protection à l'égard de la pollution - investissements que les minéraliers auditionnés par la rapporteure ont mis en avant et qui servent par ailleurs leur image de marque.
À titre d'exemple, Danone a noué des partenariats publics-privés pour préserver la qualité des ressources en eau sur ses impluviums13(*). À Évian, l'association de protection de l'impluvium des eaux (Apieme) réunit depuis 1992 la source Évian et les 13 communes de l'impluvium. L'association définit et participe au financement des aménagements et des pratiques visant à garantir la qualité de la source en eau minérale naturelle sur le long terme. Les activités agricoles, qui occupent deux tiers de la surface de l'impluvium, sont un axe d'action de l'association en ce qu'elles « représentent à la fois un atout pour l'infiltration de l'eau et un risque lié à certaines pratiques telles que le recours aux pesticides, la sur-fertilisation ou le labour »14(*).
De même, Nestlé Waters a créé une filiale, Agrivair, dont le rôle est de préserver la qualité de l'eau sur l'impluvium de Vittel. Un partenariat entre la commune de Vittel et l'entreprise porte sur l'entretien du parc thermal de 650 hectares appartenant au minéralier. Ouvert au public, le parc thermal est entretenu par désherbage thermique dans le cadre d'un accord « zéro pesticide » conclu en 2000 entre la commune et Nestlé Waters15(*).
Par ailleurs, l'Académie nationale de médecine a récemment rappelé la valeur patrimoniale de cette pureté originelle. Dans un communiqué en date du 6 juin 202416(*), elle rappelle que « les EMN constituent un bien précieux pour notre pays », pour des raisons à la fois économiques - la France étant le premier exportateur mondial d'EMN17(*) -, mais aussi thérapeutiques - chaque année, les EMN sont utilisées pour traiter les affections chroniques d'un demi-million de curistes dans les stations thermales.
3. Compte tenu de cette pureté originelle, les traitements autorisés sur les eaux minérales naturelles et les eaux de source sont strictement encadrés
Corollaire de la pureté originelle, les EMN et les ES sont supposées être potables sans nécessiter de désinfection, contrairement aux eaux rendues potables par traitement (ERPT).
Les traitements pouvant être pratiqués sur des eaux minérales et de source sont encadrés par la directive 2009/54 du 18 juin 200918(*).
Son article 4 dresse une liste positive et exclusive de traitements autorisés. Seuls sont autorisés les traitements visant la séparation des éléments instables de l'eau, tels que les composés du fer et du soufre, par filtration ou décantation ; la séparation des composés du fer, du manganèse et du soufre ainsi que de l'arsenic à l'aide d'un traitement par l'air enrichi en ozone ; la séparation d'autres constituants indésirables ou l'élimination totale ou partielle du gaz carbonique libre par des procédés exclusivement physiques. Il s'agit par exemple d'éliminer le fer qui donnerait une coloration à l'eau ou les sédiments naturellement présents dans ces eaux souterraines qui viendraient se déposer au fond des bouteilles.
Un traitement n'est autorisé que « dans la mesure où ce traitement ne modifie pas la composition de l'eau quant aux constituants essentiels qui lui confèrent ses propriétés » et sous réserve qu'il satisfasse à des conditions fixées par la Commission européenne et qu'il soit notifié aux autorités compétentes.
La liste des traitements autorisés est reprise en droit interne aux articles 5 et 7 de l'arrêté du 14 mars 200719(*) qui précise à son tour que ces traitements ne doivent pas modifier la composition de l'eau minérale naturelle dans ses constituants essentiels ni avoir pour but de modifier les caractéristiques microbiologiques des eaux - minérales naturelles comme de source.
Ainsi, tout traitement qui modifierait la composition microbiologique des eaux minérales et de source entre leur captage et leur conditionnement est interdit puisqu'il remettrait en cause un de leurs éléments de définition : la pureté originelle.
La directive de 2009 est par ailleurs explicite : tout traitement de désinfection par quelque moyen que ce soit ou tout autre traitement de nature à modifier le microbisme20(*) de l'eau sont interdits sur les eaux minérales naturelles et les eaux de source. Ils sont néanmoins autorisés sur les eaux rendues potables par traitement (ERPT). À titre d'exemple, ils figurent parmi les traitements dont fait l'objet l'eau du robinet de la ville de Paris : le traitement par ultraviolets permet d'éliminer les bactéries et les virus tandis que la filtration au charbon actif permet d'éliminer les derniers polluants et de rendre l'eau limpide, sans goût ni odeur. Les ERPT, à l'instar de l'eau du robinet de la ville de Paris, subissent en outre des traitements chimiques - comme la chloration.
La filtration fait partie des traitements autorisés pour la séparation des éléments instables de l'eau minérale naturelle et de l'eau de source, mais son utilisation à des fins de désinfection ou ayant pour conséquence de modifier le microbisme de l'eau est interdite.
Néanmoins, ni la règlementation européenne ni la règlementation nationale ne fixent le seuil de coupure à partir duquel la microfiltration modifie le microbisme de l'eau et est assimilée à une désinfection. En effet, selon la taille de pores (de l'ordre de 0,1 à 10 microns), la microfiltration peut avoir un impact sur la rétention de bactéries et de protozoaires.
Il ressort des travaux de la mission que les autorités considèrent comme acceptable le seuil de 0,8 micron depuis un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa, aujourd'hui Anses) de 200121(*), qui résultait de l'analyse d'un dossier spécifique et non d'une saisine générale. L'Afssa avait conclu que le microfiltre à 0,8 micron mis en place par l'industriel concerné pouvait être utilisé pour le traitement d'eau de source et d'eau minérale naturelle « avec l'objectif de retenir des particules présentes naturellement dans l'eau au captage ou celles résultant d'un traitement d'oxydation du fer ou du manganèse dissous, mais qu'il ne doit pas être utilisé pour rendre les caractéristiques microbiologiques des eaux conformes aux dispositions règlementaires ». L'Afssa avait alors demandé un suivi de la qualité microbiologique de l'eau au captage avant et après la filtration afin de s'assurer que l'eau n'est pas désinfectée.
Tous les traitements pratiqués doivent être mentionnés dans l'arrêté d'autorisation d'exploitation et ainsi portés à la connaissance des services de l'État.
Certains traitements doivent en outre faire l'objet d'une mention sur l'étiquetage de l'eau embouteillée. C'est le cas des traitements pour séparer des composés du fer, du manganèse, du soufre ou de l'arsenic des eaux par ozonation ou les traitements d'élimination des fluorures22(*). La séparation des éléments instables de l'eau via filtration ou décantation n'en fait pas partie.
4. Le dispositif de contrôle et de surveillance repose sur plusieurs autorités compétentes en lien avec les exploitants et les laboratoires agréés
L'ensemble de la législation alimentaire de l'Union européenne23(*) repose sur la surveillance des exploitants, tenus de réaliser des contrôles analytiques et de mettre à disposition des autorités compétentes des états-membres les résultats de leur surveillance.
En France, la règlementation nationale relative aux eaux conditionnées24(*) ajoute à la surveillance de l'exploitant un contrôle sanitaire de la qualité des eaux conditionnées, de l'émergence à l'embouteillage.
a) Le dispositif de contrôle officiel des eaux minérales naturelles et de source repose sur trois autorités compétentes
Au niveau national, le dispositif de contrôle des EMN et des ES conditionnées repose sur trois autorités compétentes :
- la Direction générale de la Santé (DGS) exerce la tutelle des agences régionales de santé (ARS) qui sont chargées de l'instruction des demandes d'autorisation d'exploitation fixant les conditions de ladite exploitation, puis du contrôle sanitaire des eaux (réalisation régulière de prélèvements, d'inspections des installations et contrôle des mesures de sécurité sanitaire mises en oeuvre par l'exploitant). En 2022, 52 inspections des ARS ont été réalisées pour vérifier la conformité de l'établissement de conditionnement aux exigences règlementaires (contrôle des installations et des conditions d'exploitation fixées par arrêté préfectoral)25(*) ;
- la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et, au plan local, les agents CCRF dans les directions départementales de l'emploi, du travail et de la protection des populations (DDTES-PP ou DDPP), sont chargés de la loyauté des eaux mises en bouteille mises sur le marché national : notamment, ils s'appuient sur le contenu des arrêtés d'autorisation d'exploitation pour contrôler les mentions d'étiquetage (nom de la source, lieu d'exploitation, traitements éventuels, informations sur la teneur...) ;
- la Direction générale de l'alimentation (DGAL), via ses agents au sein des DDPP, contrôle les conditions de transport, d'entreposage et de distribution de ces eaux minérales naturelles embouteillées. Elle contrôle également les éventuelles opérations de retrait et de rappel des eaux embouteillées qui seraient dangereuses après leur mise sur le marché.
Les contrôles sont donc fragmentés entre trois autorités compétentes intervenant à différents stades de la chaîne de production.
Par exemple, si la DGCCRF vérifie l'adéquation des mentions d'étiquetage avec le contenu des arrêtés d'autorisation d'exploitation, il ne lui appartient pas de contrôler leur adéquation avec les pratiques effectives des opérateurs sur site tout au long du processus de production.
Néanmoins, la DGGCRF dispose de pouvoirs d'enquête élargis : en cas de suspicion de fraude, elle peut être sollicitée par d'autres autorités compétentes - comme les ARS - pour mettre en oeuvre des pouvoirs dont ces dernières ne disposent pas, notamment celui de réaliser une opération de visite et de saisie sous le contrôle du juge des libertés26(*).
b) Les contrôles officiels sont complétés par un dispositif de surveillance sanitaire de l'exploitant
Chaque exploitant est tenu de mettre en place un programme de prélèvements et d'analyse de la qualité des EMN et ES.
Ce programme d'analyses de surveillance de l'EMN comprend une partie principale, dont les conditions sont fixées par arrêté27(*) et une partie complémentaire, définie par l'exploitant en fonction des dangers identifiés28(*).
Les prélèvements et analyses au titre de la surveillance principale sont délégués à des laboratoires agréés par l'Anses29(*) et mandatés par les ARS, indépendants des exploitants. Les fréquences d'analyse et les paramètres à analyser sont définis par arrêté30(*) : les analyses portent sur des paramètres microbiologiques et physicochimiques à l'émergence (afin de contrôler la pureté originelle) puis aux points où les eaux sont conditionnées (afin de contrôler la qualité sanitaire de l'eau qui sera distribuée). Les lieux de prélèvement des échantillons sont déterminés par décision du directeur général de l'ARS. Les résultats des analyses de la surveillance réalisée par l'exploitant sont adressés trimestriellement au directeur général de l'ARS - ou immédiatement en cas de non-conformité sanitaire31(*).
La surveillance complémentaire est définie par l'exploitant qui « applique des procédures permanentes d'analyse des dangers et de maîtrise des points critiques » afin que toutes les étapes de la production et de la distribution de l'EMN soient conformes aux règles d'hygiène32(*). Elle s'inscrit donc dans le cadre de plans internes d'autosurveillance.
En 2022, près de 1 900 visites des ARS ou d'un laboratoire agréé ont donné lieu à des prélèvements d'eau à la source, en cours de production et au point de conditionnement de l'eau, en vue d'analyser leurs paramètres microbiologiques et physicochimiques. La part d'analyses non-conformes au point de conditionnement était de 0,22 % pour les EMN et de 0,07 % pour les ES. Sur toutes les eaux conditionnées, 99,8 % des analyses étaient conformes aux limites de qualité règlementaire au point de conditionnement de l'eau33(*).
Les données du contrôle sanitaire et de la surveillance principale sont reportées au sein de la base de données du Système d'information Santé-environnement (Sise-Eaux) du ministère de la Santé qui inclut des informations administratives (date de l'arrêté préfectoral d'autorisation en vigueur pour le site, date des avis d'hydrogéologues, nappe exploitée...), ainsi que des informations relatives aux prélèvements et aux analyses réalisées (lieux, dates, conditions de prélèvements et d'analyses, résultats, indication du respect des limites règlementaires).
B. DÈS 2020, DES TRAITEMENTS REMETTANT EN CAUSE LA QUALIFICATION RÈGLEMENTAIRE DES EAUX MINÉRALES NATURELLES ET DE SOURCE SONT SIGNALÉS AUX AUTORITÉS
Ces faits ont été révélés le 30 janvier 2024 à la suite d'une enquête Le Monde - Radio France34(*). S'ils n'ont été portés à la connaissance des autorités qu'en 2020 pour Alma et 2021 pour Nestlé Waters, les pratiques étaient en place depuis plusieurs années35(*).
Loin d'être anecdotiques, ces faits concernent les deux plus grands industriels des eaux en bouteille en France : Alma (Saint-Yorre, Vichy Célestins, Thonon, Pierval, Châteldon, Courmayeur, Cristaline, Vernière, Rozana mais aussi Saint-Amand, Montcalm, Pierval...) et Nestlé Waters (Vittel, Contrex, Nestlé Purelife, Perrier, San Pellegrino, Hépar, Acqua Pannau...) qui dominent le marché des eaux conditionnées en France avec respectivement environ 28 % et 23 % de parts de marché.
D'autres industriels produisent des eaux conditionnées en France, comme Danone qui commercialise les eaux Évian, Badoit et la Salvetat, des opérateurs régionaux comme le groupe Ogeu (qui commercialise la Quézac notamment), Mont Roucous ou des acteurs de la grande distribution qui développent leurs propres marques.
1. Un signalement au sein du groupe Sources Alma dès 2020 concernant des traitements interdits
À la suite d'un signalement d'un salarié d'une usine du groupe Sources Alma ayant mené à des perquisitions en décembre 2020, le Service national d'enquêtes (SNE) de la DGCCRF a mené des investigations qui ont permis de révéler que des traitements interdits par la règlementation étaient pratiqués sur des EMN et des ES, à rebours de la notion de pureté originelle qui proscrit toute désinfection. Des mentions d'étiquetage non conformes aux pratiques des industriels ont également été mises au jour, comme l'adjonction de gaz carbonique dans des EMN étiquetées « naturellement gazeuses ».
Compte tenu de la nature délictuelle de la tromperie sur la nature et la qualité d'une marchandise36(*), ces constats ont ensuite débouché sur un signalement au procureur en juillet 2021, dont les suites sont couvertes par le secret de l'instruction pénale. Soupçonnant un phénomène généralisé, les autorités compétentes ont décidé d'élargir les investigations à d'autres opérateurs du secteur.
2. Un auto-signalement de Nestlé Waters en 2021 concernant des traitements interdits
À l'été 2021, Nestlé Waters sollicite un entretien avec des membres du cabinet de la ministre de l'industrie de l'époque, Agnès Pannier-Runacher, pour aborder des questions de conformité et de lecture de la règlementation. Cet entretien a lieu le 31 août 2021.
Lors de cet entretien, Nestlé Waters reconnaît spontanément avoir recours à des traitements interdits par la règlementation dans certaines de ses usines de conditionnement d'eaux minérales naturelles.
Les traitements utilisés étaient les suivants :
- des filtres à charbon actif « pour enlever des traces de contaminants comme les pesticides, bien que toujours inférieurs aux seuils règlementaires », selon Nestlé Waters ;
- des traitements par lampe à ultraviolets (UV) « pour traiter la microbiologie »37(*).
Ces traitements sont explicitement interdits sur les eaux minérales naturelles par l'article 4 de la directive 2009/54 puisqu'ils ont pour objet la désinfection de l'eau.
Malgré l'absence de modification minérale des eaux commercialisées38(*), le recours à des traitements interdits affecte le caractère « naturel » de l'eau minérale naturelle, qui découle de sa pureté originelle.
Lors de ce rendez-vous, l'industriel indique aux autorités l'absence de risque sanitaire détecté sur les produits finis concernés.
Il demande à l'administration de valider l'utilisation de microfiltres à un seuil de coupure inférieur à celui toléré afin de traiter la microbiologie de ces eaux sans recours à des traitements de désinfection interdits - dans le cadre de ce qui sera désigné comme le « plan de transformation ».
Auditionné par la mission d'information à l'été 2024, Nestlé Waters a justifié le recours à ces traitements de désinfection pourtant interdits sur les EMN par la présence de déviations microbiologiques liées au changement climatique et par la nécessité de garantir la sécurité alimentaire des produits, conformément à ce qui a été communiqué publiquement39(*).
II. UNE RÉPONSE DE L'ÉTAT TARDIVE ET CONFIDENTIELLE
A. INFORMÉS DÈS L'ÉTÉ 2021 DE CES PRATIQUES, LES RESPONSABLES POLITIQUES LEUR DONNENT DES SUITES ADMINISTRATIVES
1. Le choix de la saisine d'une mission d'inspection à la suite des révélations de Nestlé Waters et non de suites correctives
a) La saisine d'une mission d'inspection dont les conclusions mettent en évidence une part élevée de pratiques non-conformes
À la suite du rendez-vous de Nestlé Waters avec des membres de son cabinet, la ministre de l'industrie de l'époque charge la DGCCRF - qui mène déjà une enquête sur des pratiques similaires à la suite du signalement au sein du groupe Sources Alma - de formuler des recommandations en vue de donner des suites à ces révélations. Au cours de la deuxième quinzaine de mois de septembre, la DGCCRF rend ses recommandations, parmi lesquelles celle d'associer le ministère de la santé et d'établir l'ampleur des pratiques en cause. Une réunion associant les ministères de la santé, de l'industrie et de l'économie a eu lieu mi-octobre afin de définir les contours d'une mission d'inspection.
En novembre 2021, les ministres Agnès Pannier-Runacher et Olivier Véran saisissent l'inspection générale des affaires sociales (Igas) pour une mission d'inspection des usines de conditionnement d'eaux minérales naturelles et d'eaux de source.
La lettre de mission signée le 19 novembre 2021 souligne la nécessité de « déterminer si la mise en oeuvre de ces pratiques (ou leur arrêt soudain) est susceptible de générer des risques sanitaires ». Elle demande à l'Igas d'inspecter, avec l'appui des ARS, les usines de conditionnement implantées - et en priorité celles identifiées par le SNE dans le cadre de son enquête - afin de rechercher la mise en oeuvre de pratiques interdites, mais aussi de qualifier l'état des ressources en EMN, d'expertiser la justification de l'utilisation de ces traitements par les exploitants et d'évaluer l'impact de ces traitements sur la qualité sanitaire des eaux ainsi que les solutions envisagées pour remédier à la situation.
Entre avril et mai 2022, la mission de l'Igas a donc adressé des questionnaires aux exploitants par le biais des ARS (Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie) et a mené 32 inspections portant sur 40 désignations commerciales.
Malgré des réponses uniquement déclaratives aux questionnaires, les résultats mettent en évidence des écarts non-conformes à la règlementation entre les réponses des exploitants et le contenu des arrêtés d'autorisation d'exploitation dans près de 30 % des cas.
La non-conformité la plus fréquente est le recours à un filtre dont le seuil de coupure est inférieur à 0,8 micron.
Au global, seules 15,6 % des réponses au questionnaire ne présentent pas ou peu de différence avec le contenu de l'arrêté. Le taux élevé d'écarts cache aussi bien des non-conformités qui découlent d'une imprécision des arrêtés d'autorisation (par exemple, une microfiltration à un seuil autorisé par la règlementation, mais non-mentionnée dans l'arrêté d'autorisation) que des dissimulations délibérées de traitements interdits.
À titre d'exemple, il a été indiqué à la rapporteure par des autorités locales que « les procédés de traitement au niveau des robinets des captages sur le site de Perrier étaient tellement bien dissimulés qu'il était impossible de les voir, même pour un expert en hydraulique et que seul un petit groupe de salariés au sein du site était informé de la pratique frauduleuse. »
Compte tenu de la difficulté à identifier ces pratiques et du caractère uniquement déclaratif des réponses aux questionnaires, l'Igas a conclu que le niveau de non-conformité des exploitants était « très probablement supérieur ».
Il est à noter que les ARS n'ont « à dessein » pas été informées de la liste des exploitants concernés par l'achat de microfiltres inférieurs à 0,8 micron établie par la DGCCRF : le rapport de l'Igas justifie cette décision par la volonté de mettre en exergue les défaillances des contrôles.
Dans le Grand Est, ce sont les contrôles mis en oeuvre dans le cadre de cette mission d'inspection - et en particulier l'inspection du 6 avril 2022 - qui ont permis à l'ARS de constater des pratiques frauduleuses liées aux traitements à UV et au charbon actif, débouchant sur un signalement au procureur d'Épinal le 3 octobre 2022, à l'initiative de l'ARS.
Dans le Gard, il a été indiqué à la rapporteure que Nestlé Waters a dévoilé aux autorités les traitements interdits et le niveau de microfiltration pratiqués sur le site de Perrier le 29 novembre 2022.
Le rapport de l'Igas est rendu à l'été 2022 aux ministères compétents, mais n'est pas publié avant février 2024, postérieurement à la révélation de son existence par l'enquête Le Monde - Radio France le 30 janvier 2024.
b) L'absence de suites correctives ou répressives immédiates
La rapporteure souligne que malgré ses conclusions précieuses, la mission d'inspection n'était pas la seule suite mobilisable par le Gouvernement compte tenu des outils dont il disposait.
Des suites correctives auraient pu être ordonnées rapidement afin de faire cesser le manquement, en mobilisant des pouvoirs de police administrative.
Le rapport de l'Igas mentionne lui-même qu'après l'entretien entre Nestlé Waters et le cabinet de la ministre de l'industrie, « les échanges qui sont intervenus entre les deux ministères compétents (économie et santé) n'ont pas permis d'aboutir à un plan d'action pour rétablir la situation. Ces derniers ont donc décidé de saisir l'inspection générale des affaires sociales (Igas). »
La rapporteure déplore que les mises en demeure à l'encontre de Nestlé Waters n'aient été prises qu'à partir de la constatation des pratiques frauduleuses par les ARS, c'est-à-dire au printemps 2022 dans le Grand Est et fin novembre 2022 pour l'Occitanie, plusieurs mois après les révélations de Nestlé Waters au Gouvernement - qui aurait pu décider d'alerter plus rapidement les autorités compétentes à l'échelle locale afin d'accélérer la constatation des manquements.
En cas d'inobservance des dispositions du code de santé publique régissant les eaux minérales naturelles, y compris concernant l'usage de traitements et indépendamment des poursuites pénales, le préfet peut, sur proposition de l'ARS, mettre en demeure les exploitants de se conformer à la règlementation dans un délai déterminé40(*). Elles peuvent, en cas de non-conformité à l'expiration du délai fixé, obliger l'exploitant à consigner une somme correspondant à l'estimation du montant des travaux à réaliser, faire procéder d'office aux frais de l'intéressé à l'exécution des mesures prescrites, suspendre la production ou la distribution jusqu'à exécution des conditions imposées ou encore prononcer une amende administrative à l'encontre de l'auteur de l'infraction, assortie d'une astreinte journalière.
En cas de constatation d'un manquement ou d'une infraction à la suite de leurs contrôles, les agents CCRF peuvent enjoindre à un professionnel de se conformer à ses obligations et de cesser tout agissement illicite, éventuellement sous astreinte41(*) et mesure de publicité42(*). La DGCCRF est également compétente pour prononcer des amendes administratives sanctionnant ces mêmes manquements et l'inexécution des mesures d'injonction les concernant43(*). Ces sanctions administratives peuvent faire l'objet d'une mesure de publicité44(*).
En outre, l'État a la possibilité, face à des traitements interdits par la règlementation européenne, de temporairement restreindre ou suspendre le commerce des eaux minérales naturelles concernées sur son territoire45(*). Dans ce cas, la directive 2009/54 précise qu'il « en informe immédiatement la Commission européenne et les autres États membres en indiquant les motifs qui l'ont amené à prendre cette décision ».
Or aucune mesure n'a été prise pour éviter la mise sur le marché d'eaux minérales naturelles et de source ne remplissant pas les conditions pour l'être en vertu de la règlementation européenne. Pour le justifier, tous les services auditionnés ont mis en avant l'absence de risque sanitaire - sans mentionner la loyauté des produits, ce que la rapporteure déplore.
2. Un accroissement de la tolérance administrative à l'égard de la microfiltration
Parmi ses conclusions, la mission de l'Igas met en évidence le développement de la microfiltration : 85 % des exploitants inspectés y ont recours.
Or, comme elle le rappelle, la microfiltration ne fait que l'objet d'une tolérance administrative depuis un avis de l'Afssa de 2001 : elle reste un traitement qui ne doit être mis en oeuvre que dans un but technologique, notamment pour la protection des installations d'embouteillage.
La mission souligne également la généralisation de micropores inférieurs à 0,8 micron - soit en deçà du seuil de coupure mentionné dans l'avis de 2001.
Même mis en place à des fins technologiques, se pose la question du seuil à partir duquel ces traitements modifient le microbisme de l'ES ou de l'EMN en retenant des micro-organismes. Or comme le rapporte l'Igas, en 2021, l'Anses avait indiqué ne pas être en mesure de répondre à une saisine de la DGS sur l'intérêt technologique d'une microfiltration à un seuil inférieur à 0,8 micron.
À la suite de l'achèvement de la mission d'inspection de l'Igas, la DGS a saisi à nouveau l'Anses le 23 novembre 2022 pour une « Demande d'évaluation de l'impact d'une microfiltration avec un seuil de coupure inférieur à 0,8 micron sur le microbisme naturel d'une eau minérale naturelle ou eau de source ». La saisine pose notamment la question du seuil au-dessous duquel la microfiltration a un impact sur le microbisme de l'eau. Sans trancher sur un seuil précis, l'avis de l'Anses rappelle la position de l'Afssa de 2001 et souligne que les procédés de microfiltration peuvent avoir un impact sur la qualité microbiologique de l'eau46(*).
À la suite de cet avis et « en réponse aux demandes de l'industriel ainsi qu'aux interrogations des autorités préfectorales et de l'ARS », le ministère de la santé, en concertation avec le ministère chargé de l'économie et de la consommation, a souhaité préconiser auprès de l'ARS Grand Est une tolérance à la microfiltration sous réserve que l'exploitant apporte la preuve que ce traitement ne modifie pas le microbisme de l'eau.
Cette nouvelle doctrine a donc modifié la position tenue depuis l'avis de l'Afssa de 2001, qui était de tolérer la microfiltration à un seuil précis : 0,8 micron ou au-delà.
Une concertation interministérielle dématérialisée du 22 et 23 février 2023 a validé cette décision en :
- donnant, dans les Vosges, la possibilité au préfet de modifier les arrêtés d'autorisation d'exploitation des EMN des sites de conditionnement de Nestlé Waters Supply East (NWSE - Vosges) pour mentionner une microfiltration à un seuil inférieur à 0,8 micron ;
- demandant, dans le Gard, aux autorités compétentes de prendre en compte l'autorisation de microfiltration mentionnée ci-dessus et de définir une démarche d'accompagnement et de contrôle de la qualité de l'eau aux différentes émergences dans le cadre du plan de transformation du site prévu par Nestlé Waters Supply South (NWSS - Gard).
B. AVEC L'ACCORD DE L'ÉTAT, NESTLÉ WATERS MET EN oeUVRE EN 2023 UN PLAN DE TRANSFORMATION POUR ABANDONNER LES TRAITEMENTS INTERDITS
Depuis 2022 et leur constatation des manquements de l'industriel, les préfets du Gard et des Vosges ont, sur recommandation des ARS, mis en demeure Nestlé Waters de :
- désinstaller les traitements interdits et dissimulés en amont des prélèvements du contrôle sanitaire des eaux brutes ;
- démontrer que les eaux brutes des sources exploitées satisfont aux exigences de qualité des EMN fixées par la règlementation au risque de voir l'exploitation de leurs émergences suspendues en EMN et/ou déclassifiées en ERPT ;
- sécuriser d'un point de vue sanitaire et administratif la production de l'eau conditionnée en renforçant la qualité des eaux brutes.
Malgré une information des autorités politiques en août 2021, la mise en oeuvre du plan de transformation de Nestlé Waters n'a débuté qu'en 2023. Il est mené tout au long de l'année sous l'égide des services de l'État sur la base des propositions de Nestlé Waters, des conclusions du rapport de l'IGAS et des inspections des ARS conduites dans ce cadre.
Que ce soit dans le Gard ou dans les Vosges, la rapporteure note que l'arrêt des traitements n'a pas été sans conséquence. Elle distingue deux cas : les cas où il a entraîné le recours à des microfiltres aux seuils de coupures bas afin de préserver la sécurité sanitaire, et les cas où il a signifié la mise à l'arrêt de forages d'EMN ne satisfaisant plus les critères de pureté originelle.
1. En contrepartie de l'abandon des traitements de désinfection, l'industriel a recours à une microfiltration plus fine que celle précédemment tolérée
Ce plan repose sur :
- la mise en avant, par Nestlé Waters, de l'intérêt de la microfiltration à 0,2 micron qui permet, selon l'industriel, d'assurer la sécurité sanitaire de l'EMN au cours de l'ensemble du processus de production ;
- en contrepartie, le retrait des traitements de désinfection interdits - filtres au charbon actif et à UV.
Nestlé Waters a justifié de la façon suivante à la mission d'information l'usage de ce seuil de coupure : « La microfiltration à 0,2 um nous permet le contrôle de nos processus industriels, notamment en évitant la formation de biofilm. Nous avons démontré que le bon niveau de microfiltration, combiné à un programme strict de nettoyage des circuits d'embouteillage et 1 500 analyses quotidiennes sur nos deux sites français couvrant de multiples paramètres (notamment physico-chimiques, microbiologiques et sensoriels), pouvait garantir la sécurité alimentaire sans altérer la composition minérale de l'eau et sans être une désinfection. »47(*)
a) Le plan de transformation de NWSE dans les Vosges, sur les sites de Vittel
Selon la préfète des Vosges en poste à l'époque, les traitements interdits (filtres au charbon actif et UV) positionnés en amont des prélèvements du contrôle sanitaire des eaux brutes ont cessé fin 2022 - soit environ quinze mois après l'auto-signalement de Nestlé Waters au ministère de l'industrie et environ au moins six mois après leur constatation par l'ARS lors du contrôle d'avril 2022.
À la suite d'une demande de NWSE du 5 mai 2023, les arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploitation de Vittel Bonnes Sources et de Vittel Grandes Sources ont, quant à eux, été révisés le 4 juillet 2023 pour mentionner une microfiltration à un seuil de coupure de 0,45 micron. Selon les services, conformément à la règlementation, l'objectif est bien de sécuriser le système de production et non de modifier la microbiologie de l'eau pour la rendre conforme aux exigences règlementaires.
Le 29 mars 2024, NWSE a formulé une demande de mise à jour de ces deux arrêtés préfectoraux afin d'abaisser le seuil de coupure à 0,2 micron. La demande est en cours d'instruction.
b) Le plan de transformation de NWSS dans le Gard, sur le site de Vergèze
Comme mentionné ci-dessus, en février 2023, les ministères chargés de l'économie et de la santé prennent la décision conjointe, validée par le cabinet de la Première ministre, de demander aux autorités locales d'accompagner l'industriel vers sa mise en conformité dans le cadre du plan de transformation du site prévu par ce dernier, en prenant en compte l'autorisation de microfiltration à un seuil inférieur à 0,8 micron.
Dans le cadre de ce plan, l'arrêt des traitements interdits est conditionné à l'usage de la microfiltration à 0,2 micron, que NWSS présente comme une sécurité supplémentaire.
L'arrêt des traitements interdits a été constaté le 10 août 2023 sur le site de Vergèze par l'ARS Occitanie.
S'en est suivie la mise en place de plusieurs niveaux de microfiltres allant de 0,2 à 3 microns pour sécuriser la production, à l'exception des produits destinés à l'exportation aux États-Unis pour lesquels les traitements de désinfection sont préservés.
Les traitements interdits ont donc cessé en Occitanie plus de deux ans après l'auto-signalement de Nestlé Waters au ministère de l'industrie fin août 2021.
Que ce soit dans le Gard ou en Occitanie, la rapporteure déplore la grande tardiveté de cette mise en conformité conduite sans aucune publicité.
2. L'arrêt des traitements interdits dans le cadre du plan de transformation entraîne des reconfigurations importantes
a) La mise à l'arrêt de plusieurs forages dans les Vosges
En février 2023, les ministères chargés de l'économie et de la santé décident conjointement qu'un plan d'action de l'industriel doit aussi être présenté aux autorités locales pour recouvrir la qualité de l'eau à l'émergence « Essar », utilisée pour la production d'EMN de la Source Hépar. Parallèlement, des contrôles de qualité sont menés par les services de l'ARS, les autorités locales pouvant décider de toutes les mesures nécessaires à la préservation de la qualité de l'eau, si nécessaire, jusqu'à la suspension de l'autorisation d'exploitation d'une émergence.
Le 4 mai 2023, l'industriel annonce la suspension de deux forages - Essar et Hépar Nord - sur les six dédiés à la production de l'eau minérale naturelle Hépar (Essar, Hépar Bois, Hépar Nord, Le Peulin, Ermitage, Le Chamois), en raison de la détérioration des conditions climatiques avec des événements plus fréquents et plus intenses tels que des sécheresses régulières suivies de fortes pluies qui affectent les conditions d'exploitation de certains forages sur son site des Vosges.
La DGS a indiqué à la mission d'information qu'effectivement, le forage Essar, qui fournit 50 % du débit de la source Hépar, a été mis à l'arrêt car il ne satisfaisait plus aux critères de pureté originelle des EMN en raison de son exposition à des contaminations microbiologiques.
Le démantèlement des traitements interdits sur la source EMN Contrex a également conduit à la mise à l'arrêt en novembre 2022 des forages Thierry-Lorraine et Belle-Lorraine, dont la qualité n'était plus conforme aux critères de pureté originelle des EMN en raison, là aussi, selon la DGS, de l'exposition à des contaminations microbiologiques.
Les demandes de modification des conditions d'exploitation du mélange Source Contrex et du mélange Source Hépar, déposées le 5 mai 2023, mentionnaient toutes deux un niveau de microfiltration de 0,45 micron. Le niveau de microfiltration demandé a été porté à 0,2 micron par une nouvelle demande du 29 mars 2024. L'instruction est en cours. Selon les services, les nouveaux arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploitation sont prévus pour l'automne 2024.
b) Pour les eaux Perrier, l'abandon des traitements interdits entraîne le déclassement de forages en « eau de boisson »
À Vergèze, l'arrêt des traitements de désinfection interdits sur les EMN n'induit pas la mise à l'arrêt de forages en raison du lancement de nouveaux produits par l'industriel : il procède donc à la déclassification de certains forages EMN en forages destinés à la production d'« eaux de boisson ». Il s'agit d'eaux utilisées comme ingrédient, au même titre que le sucre, pour la fabrication de boissons rafraîchissantes sans alcool (BRSA).
Cette partie du plan de transformation est présentée par NWSS aux autorités locales courant 2023. Le 22 décembre 2023, le préfet du Gard prend un arrêté de reconfiguration de l'exploitation des eaux minérales naturelles « Source Perrier » :
- il autorise provisoirement l'exploitation des forages Romaine IV, IV bis, VI, VII et VIII pour la production « Source Perrier », le temps de mener l'instruction de la nouvelle demande d'autorisation d'exploiter et la consultation d'un hydrogéologue agréé en hygiène publique ;
- un arrêté de la même date prévoit que les forages Romaine III et Romaine V sont déclassés en « eau de boisson », désormais vendue sous la marque « Maison Perrier » et donc retirée du mélange « Source Perrier ». Les traitements de désinfection sont donc autorisés sur ces eaux, mais la mention « eau minérale naturelle » y est interdite.
En effet, selon l'Anses, sur la période de janvier à fin mai 2023, les forages Romaine III et Romaine V ont présenté des taux de non-conformité respectivement de 23 % et 27 % - contre 2 % par exemple pour le forage Romaine VIII.
D'après le courrier de la préfète du Gard du 28 juillet 2023 annonçant ces différentes mesures, la DGCCRF a été consultée sur l'usage de la marque « Maison Perrier » pour commercialiser des eaux de boisson.
La marque Maison Perrier a été déposée le 18 mai 2022 au registre de l'institut national de la propriété intellectuelle (INPI) par Nestlé Waters.
La demande de révision complète de l'arrêté d'autorisation d'exploitation de la source Perrier en eau minérale naturelle, avec une mention de la microfiltration à 0,2 micron, a été déposée en octobre 2023 par NWSS.
À la connaissance de la mission d'information, à date de publication du rapport, cet arrêté est toujours en cours d'instruction. L'industriel est en attente de la validation administrative de l'usage de ces microfiltres à 0,2 micron, qui sont un maillon central de son plan de transformation et sont pour l'instant utilisés en l'absence de révision de l'arrêté préfectoral.
La rapporteure souligne donc qu'outre sa tardiveté, la mise en conformité des industriels est incomplète : elle ne saurait l'être sans régularisation administrative.
3. L'abandon des traitements interdits justifie, encore aujourd'hui, une attention renforcée des autorités compétentes pour la sécurité sanitaire des eaux
Dans le Grand Est, une décision conjointe des ministères chargés de la santé et de l'économie validée par le cabinet de la Première ministre en février 2023 demande à l'ARS de mettre en place une surveillance renforcée (bactériologique et virologique) de la qualité de l'eau aux différentes émergences. En effet, l'ARS signale une altération de la qualité microbiologique de certaines émergences d'eaux conditionnées sur le site de Vittel. En avril 2023, la DGS saisit le laboratoire hydrologique de Nancy (LHN) pour apporter un appui technique et scientifique à l'ARS Grand Est dans l'évaluation de la maîtrise de la qualité de l'eau à l'émergence et des eaux conditionnées par NWSE.
Elle fait l'objet d'un avenant le 10 juillet 2023 à la suite de la demande du directeur général de l'ARS Occitanie de bénéficier également de l'appui scientifique et technique du LHN compte tenu de la situation « très similaire » que rencontre l'ARS Occitanie sur le site d'embouteillage de Vergèze. Cette dernière signale à l'Anses une dégradation de la qualité de certaines ressources qui se manifeste par des contaminations bactériologiques régulières, notamment après des épisodes pluvieux ainsi que par la présence de micropolluants et de nitrates.
Ce même mois, la préfète attire l'attention de Nestlé Waters sur les risques de contamination liés à la période pluvieuse propice aux épisodes cévenols. Afin de contrôler la qualité de l'émergence, des analyses complètes de l'eau brute captée sur l'ensemble des forages sont mises en place par l'ARS, avec des paramètres complémentaires à ceux habituellement recherchés. La préfète demande également à Nestlé Waters de transmettre à l'ARS les résultats des analyses en autosurveillance mensuellement jusqu'à au moins juin 2024.
En octobre 2023, la note d'appui scientifique de l'Anses recommande la mise en place d'un plan de surveillance renforcée sur les sites de Nestlé Waters en Occitanie et dans le Grand Est en raison du niveau de confiance insuffisant dans l'évaluation de la qualité des ressources. L'Anses recommande d'intégrer à cette surveillance renforcée des paramètres permettant d'évaluer la vulnérabilité des ressources à une contamination par des virus pathogènes transmissibles par voie hydrique : en effet, aucune recherche de virus pathogène ou d'indicateur spécifique d'une contamination virale n'est prescrite par la réglementation.
Les ARS Grand Est et Occitanie imposent donc à l'exploitant la mise en place de cette surveillance renforcée en complément du contrôle sanitaire déjà exercé.
La rapporteure note que dans le Gard, cette surveillance renforcée n'a pas permis de lever les doutes quant à l'absence de contaminations de la source. À la suite d'un épisode pluvieux intense survenu dans la nuit du 9 au 10 mars 2024, la qualité microbiologique d'un des cinq forages de la Source Perrier, Romaine VIII, s'est dégradée. Pendant les quatre jours suivants où ce forage a été exploité pour la production de « Source Perrier », des germes Pseudomonas aeruginosa ont été détectés en amont d'une ligne de production.
L'ARS a indiqué à la mission d'information que bien que les paramètres microbiologiques des produits finis soient restés conformes, l'ensemble des produits fabriqués sur cette ligne a été détruit par précaution, en raison du risque viral qui ne pouvait être exclu. Après investigation, il a donc été demandé la destruction de 9 000 lots fabriqués sur cette ligne de production du 10 au 14 mars 2024.
Considérant que de tels épisodes sources de pollution étaient récurrents et que les mesures mises en place ne permettaient pas d'exclure une contamination notamment virale des produits finis, le préfet du Gard a pris, sur proposition de l'ARS, un arrêté le 19 avril 2024 mettant en demeure Nestlé Waters de suspendre sans délai l'exploitation du captage concerné.
L'exploitation du captage pourra être de nouveau autorisée après la réalisation d'une campagne de recherche et de suppression des sources de contaminations potentielles ainsi que d'une série d'analyses conformes de la qualité des eaux dans le cadre d'un suivi assuré par un laboratoire agréé, pouvant aller jusqu'à 12 mois.
La préfecture du Gard a indiqué à la rapporteure que l'ARS a demandé une nouvelle saisine de l'Anses-LHN en juillet 2024 concernant l'interprétation des données microbiologiques d'autosurveillance de l'exploitant, dans le prolongement de la demande de juillet 2023.
C. L'ABSENCE D'INFORMATION AU NIVEAU EUROPÉEN MALGRÉ LA CIRCULATION DES EAUX CONCERNÉES SUR LE MARCHÉ INTÉRIEUR
La Commission européenne a indiqué à la rapporteure avoir été informée des pratiques non conformes des industriels français par voie de presse fin janvier 2024 et non par une notification officielle, alors même que les bouteilles d'eaux minérales naturelles de Nestlé Waters comme Vittel ou Perrier circulaient sur le marché intérieur européen. Interrogée sur l'absence de notification à la Commission européenne, les administrations centrales ont mis en évidence l'absence de risque sanitaire. Néanmoins, sans se limiter aux cas de risque sanitaire, l'article 11 de la directive prévoit le cas où « un État membre a des raisons précises d'estimer qu'une eau minérale naturelle, bien que circulant librement dans un ou plusieurs États membres, n'est pas conforme aux dispositions de la présente directive ou qu'elle présente des risques pour la santé publique ».
Pourtant, l'aspect européen n'était pas absent lors de la prise de décisions des administrations centrales : en février 2023, les ministres chargés de la santé et de l'économie ont conjointement demandé une analyse de la situation de la microfiltration et des pratiques existantes dans les autres États membres en vue d'une éventuelle modification de la règlementation communautaire ou d'une saisine de l'autorité européenne pour la sécurité sanitaire (EFSA). Ces travaux sont toujours en cours : les autorités françaises ont demandé à la Commission européenne de se positionner sur le sujet de la microfiltration et l'ont sollicitée concernant le développement des bonnes pratiques en matière de repérage des fraudes entre États membres.
À l'issue de ces révélations, la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne a diligenté un audit inopiné du système de contrôle officiel relatif aux eaux minérales naturelles et aux eaux de source. Cet audit a été mené du 11 au 22 mars 2024. Le rapport publié en juillet 2024 met en évidence de « graves lacunes qui nuisent à la mise en oeuvre du système de contrôles officiels », notamment l'absence de mesures de suivi immédiat visant à faire en sorte que les exploitants corrigent les manquements, à éviter la mise sur le marché d'eaux minérales naturelles ne remplissant pas les conditions requises pour l'être, à retirer du marché les produits non conformes et à imposer des amendes ou sanctions aux exploitants pour la mise sur le marché de produits non conformes. Malgré la sévérité des constats de ce rapport d'audit, il est à noter qu'il n'a pas débouché sur une procédure contentieuse à l'égard de la France.
La rapporteure ne peut que partager ses constats qui confirment que l'État français n'a pas utilisé les outils à sa disposition pour mettre en conformité plus rapidement les exploitants, au bénéfice des consommateurs. Interrogée par la rapporteure sur l'existence de précédents, la Commission européenne a porté à son attention un cas d'utilisation frauduleuse de traitements de décontamination pour certaines eaux de source de consommation nationale en Irlande. Néanmoins, en raison de la commercialisation des eaux exclusivement sur le territoire national, ce cas n'a pas fait l'objet d'information spécifique à la Commission européenne.
Une réunion du Comité permanent sur les végétaux, les animaux, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (SCOPAFF) le 30 avril 2024 a permis à la France de s'expliquer sur ce sujet devant les autres États membres. Parmi les participants français, trois représentants de la DGAL étaient présents de même que deux représentants du ministère de l'économie et deux représentants du ministère de la santé. La France a informé le comité sur les enquêtes en cours concernant les traitements non-autorisés et les mesures de mise en conformité réalisées par les exploitants tout en soulignant l'absence de risque sanitaire pour les consommateurs.
Au-delà de l'absence de notification, la France a fait preuve d'un manque de coopération avec les autres États membres dans le cadre du réseau de lutte contre la fraude alimentaire. Le rapport d'audit de la Commission européenne précise en effet que « le 13 février 2024, l'autorité d'un État membre a demandé à la France des informations officielles via le réseau FFN (réseau de lutte contre la fraude alimentaire). La question posée portait sur l'ampleur des événements rapportés par les médias et sur l'éventualité que ces eaux non conformes aient été exportées vers d'autres États membres. Le point de contact en France a accusé réception de cette demande le 20 février 2024, mais n'a pas indiqué, dans les 10 jours ouvrables à compter de la date de réception de la notification, quelles enquêtes il était envisagé d'effectuer ou les raisons pour lesquelles aucune enquête n'était jugée nécessaire. De plus, il a omis d'informer rapidement l'autorité compétente à l'origine de la demande des résultats desdites enquêtes et des mesures éventuellement adoptées par la suite. À la date de l'audit, aucune réponse motivée n'avait encore été fournie. »
III. LE BILAN : UNE SÉQUENCE ENTOURÉE D'OPACITÉ, DE FLOU JURIDIQUE ET D'INCERTITUDES SUR L'ÉTAT DE LA RESSOURCE
A. UNE OPACITÉ DES POUVOIRS PUBLICS ET DE L'INDUSTRIEL DANS LES SUITES DONNÉES AUX PRATIQUES EN CAUSE
1. Une information lacunaire au sein même de certains organes de l'État
Les auditions menées par la rapporteure ont mis en évidence le caractère tronqué, morcelé et parcellaire de l'information dont ont disposé certaines administrations tout au long de la séquence - en particulier les administrations locales.
D'abord, au niveau central, les pratiques de Nestlé Waters ont été portées à la connaissance de la ministre de l'industrie le 31 août 2021, sans que la Direction générale de la santé n'en soit immédiatement informée.
De même, l'information semble avoir mal circulé au sein même des ministères économiques et financiers : la DGCCRF a affirmé à l'équipe d'audit de la Commission européenne qu'elle n'avait pas eu connaissance du rapport de l'Igas avant sa publication en février 2024, alors même que l'Igas indique que le rapport a été présenté aux trois ministères en juillet 2022.
L'information entre administrations centrales et déconcentrées semble aussi avoir été lacunaire. Les ARS des régions concernées ont en effet découvert l'existence de ces traitements lors de la mise en oeuvre de la mission de l'Igas, dans le cadre de laquelle elles ont mené des enquêtes, voire à son issue. Dans les Vosges, ces inspections ont débouché sur une activation de la procédure issue de l'article 40 du code de procédure pénale en octobre 2022 à l'initiative de l'ARS Grand Est. L'ARS Occitanie n'a, quant à elle, constaté les traitements interdits que fin novembre 2022, soit bien après la remise des conclusions du rapport de l'Igas.
Enfin, l'Anses, qui joue pourtant, du fait de ses compétences, un rôle central dans l'appréciation technique des pratiques concernées, témoigne tout au long de la séquence d'un déficit d'information. Ses avis laissent transparaître une connaissance partielle du dossier et un besoin d'éléments complémentaires. Elle souligne dans son avis de 2022 « qu'une approche approfondie aurait nécessité de disposer d'informations concernant les dispositifs actuellement utilisés dans les usines de conditionnement en précisant le contexte local, et en complément des conclusions de l'enquête de la DGCCRF menée en 2021 qui avait fait l'objet d'un échange téléphonique entre nos services fin septembre 2021, ainsi que de celles de la mission de l'Igas qui avait auditionné l'Agence au cours du premier semestre 2022. » En effet, l'Anses n'a pas eu accès au rapport de l'Igas avant sa diffusion publique en 2024, alors même que la mission Igas avait auditionné l'agence en 2022.
Corroborant ces constats, le rapport d'audit de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne met en évidence « une mauvaise collaboration entre autorités compétentes et au sein de celles-ci, tant à l'échelle centrale qu'à l'échelle locale ».
La rapporteure ne peut que partager ce constat qui s'est matérialisé tout au long de ses travaux par des différences importantes en termes d'informations communiquées par les différents acteurs.
2. Un manque de transparence dans les relations de l'industriel avec les pouvoirs publics
En ce qui concerne l'initiative de Nestlé Waters de solliciter un rendez-vous avec le cabinet du ministère de l'industrie, le rapport de l'Igas souligne qu'« il n'a pas jugé souhaitable de prendre également l'attache du ministre chargé de la santé qui a pourtant une large compétence en matière d'eau destinée à la consommation humaine au travers du corpus législatif et règlementaire inscrit dans le code de la santé publique ».
Au sein du répertoire des représentants d'intérêts de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), ce rendez-vous du 31 août 2021 n'apparaît d'ailleurs pas parmi les actions de Nestlé Waters au titre de l'année 2021, mais parmi celles de 2022. Aucune action n'est enregistrée en 2021. Celle de 2022 s'intitule : « Clarifier les modalités d'application des réglementations applicables aux sites industriels, au regard des impacts du changement climatique » auprès d'agents de l'État (administration centrale, établissements publics à caractère administratif) et de membres du Gouvernement ou membres de cabinet ministériel.
Ses actions de lobbying afin de faire reconnaître la microfiltration à 0,2 micron dans le cadre du plan de transformation sont déclarées en 2023 sous les titres suivants : « Clarifier les modalités d'application des réglementations applicables aux sites industriels, au regard des impacts du changement climatique » ; « Refléter dans les arrêtés préfectoraux d'exploitation les évolutions des modalités d'application des réglementations pour le site de Vergèze » ; « Refléter dans les arrêtés préfectoraux d'exploitation les évolutions de modalités d'application des règlementations pour le site des Vosges ».
Par ailleurs, certains services déconcentrés ont alerté la rapporteure sur le manque de fluidité des relations de travail dans l'instruction des dossiers entre Nestlé Waters et l'administration.
En outre, les auditions de Nestlé Waters menées par la rapporteure ont mis en évidence une communication parfois parcellaire. D'abord, Nestlé Waters a indiqué le 24 avril au Monde et à France-Info avoir procédé à la destruction de deux millions de bouteilles de la marque Perrier « par précaution ». Ces faits ont été complétés le lendemain par un document de la DGS transmis à l'Agence-France-Presse dans lequel elle revient sur la demande formulée par le préfet du Gard de destruction des lots fabriqués sur la ligne concernée par les contaminations survenues entre le 10 et le 14 mars 2014. Par ailleurs, le nombre de bouteilles de Perrier détruites, communiqué par Nestlé Waters dans un premier temps, a été précisé par la suite : ce sont environ 2,9 millions de bouteilles qui ont été détruites.
Par ailleurs, lors de son audition, Mme Lienau, ancienne Présidente de Nestlé Waters, actuellement dirigeante de Nestlé France, n'a pas mentionné à la rapporteure la suspension temporaire des lignes Romaine VI et Romaine VII, dévoilée le lendemain de son audition par un article du Monde du 14 juin 2024. Dans un courrier ultérieur adressé à la rapporteure comme dans la presse, Nestlé Waters a justifié ces suspensions des puits Romaine VI et Romaine VII par des « opérations internes de maintenance ».
B. UN INCONFORT ADMINISTRATIF À L'ÉGARD DU CADRE JURIDIQUE ENTOURANT LES EAUX MINÉRALES NATURELLES
1. L'absence de position explicite des autorités concernant la microfiltration
a) Aucun niveau de microfiltration n'est visé par la règlementation
La rapporteure note que le seuil de coupure de 0,8 micron, qui prévalait jusqu'en 2023, n'a pas été déterminé de manière générale par les autorités, mais était celui utilisé par un exploitant à l'origine d'une demande d'avis de l'Afssa. Le rapport de l'Igas souligne d'ailleurs qu'il ne s'agit pas « initialement d'un avis universel qui aurait eu vocation à s'appliquer de manière systématique » : il a fait l'objet d'une interprétation extensive.
Après avoir constaté les cas nombreux d'usage de microfiltres inférieurs à 0,8 micron dans le cadre de sa mission d'inspection, l'Igas a donc recommandé aux autorités de trancher une position commune concernant le seuil de coupure acceptable pour la microfiltration48(*). Or, loin d'une précision de la position de l'administration, le changement de doctrine de février 2023 permet une coupure inférieure à 0,8 micron sans fixer de seuil limite. Motivé par les ministères chargés de la santé et de l'économie par « l'absence de norme empêchant ces niveaux de filtration », il reporte la charge de l'examen de la licéité de la microfiltration sur les services de l'État chargés de l'instruction des autorisations d'exploitation.
La DGS a indiqué à la mission d'information qu'en 2023, elle recensait 26 installations sur 146 utilisant des microfiltres dont le seuil de coupure est inférieur à 0,8 micron, avec un seuil le plus souvent à 0,45 micron. Des filtres à 0,2 micron sont par ailleurs utilisés, outre le site de Perrier, sur le site de conditionnement de l'eau de source Estivèle à Luchon pour lequel l'arrêté préfectoral de 2019 a été mis à jour en 2023, après demande adressée à l'exploitant de justifier par une étude ou un suivi l'absence de modification du microbisme de l'eau.
b) ... ce qui complexifie les contrôles sans garantir la maîtrise du risque microbiologique
La généralisation de la microfiltration conduit à la détourner de son usage initial vers une utilisation à des fins de sécurisation sanitaire. La mission de l'Igas a mis en évidence le développement de la microfiltration, qu'elle qualifie de « procédé à l'usage exceptionnel devenu une technique universelle qui vient bousculer le fondement de la gestion et du contrôle des eaux conditionnées ».
Le rapport mentionne qu'« au-delà des raisons liées aux caractéristiques de l'eau et des traitements mis en place, les autres justifications données par les exploitants avec lesquels la mission a échangé sont :
- la protection de l'appareil de production que des particules fines viendraient encrasser trop rapidement ;
- la sécurisation d'un processus industriel pour limiter au maximum le risque et éviter des opérations coûteuses de retrait/rappel. »49(*)
Or, le rapport de l'Igas insiste ensuite sur l'ambivalence de la microfiltration : « certes elle apparaît aux minéraliers comme un moyen de sécuriser un processus industriel et de protéger des installations d'embouteillage. Mais en même temps, elle peut aussi être perçue comme une fausse sécurisation, la littérature scientifique indiquant que même un seuil à 0,2 micron ne peut être considéré comme un mécanisme de suppression de toute flore notamment virale. En clair, la mise en place d'une filtration à 0,2 micron sur des eaux non conformes pourrait exposer les consommateurs à un risque sanitaire en lien avec l'ingestion de virus voire de bactéries comme en atteste un épisode récemment survenu en Espagne. »
Dès lors, selon l'Igas, le flou de la règlementation ne permet pas de maîtriser totalement le risque sanitaire : « La règlementation est insuffisamment claire et laisse une marge d'interprétation qui ne permet pas de garantir une maîtrise totalement satisfaisante du risque sanitaire - et particulièrement microbiologique ».
c) ... crée des risques juridiques liés à une non-conformité au droit européen
En outre, en l'absence d'harmonisation communautaire, les autorités compétentes des États membres ont des acceptions différentes du seuil de coupure de microfiltration ne conduisant pas à une modification du microbisme de l'eau.
Au sein de l'Union européenne, les seuils tolérés de microfiltration varient donc selon l'interprétation faite des conditions fixées par la règlementation européenne. L'Espagne autorise ainsi un seuil de coupure de microfiltration jusqu'à 0,4 micron : l'avis de l'Anses du 13 janvier 2023 mentionne un document datant de 2009 émanant de l'Aesan, homologue espagnol de l'Anses, qui estime qu'un seuil de coupure inférieur à 0,4 micron « ne peut avoir d'autre but que la désinfection de l'EMN », sans pour autant expliciter techniquement ni scientifiquement le choix de ce seuil de « référence »50(*). Le rapport de l'Igas de 2022 évoque également une saisine du ministère de l'agriculture croate concernant une limite à 1 micron.
Ce sujet a été abordé lors du SCOPAFF organisé le 30 avril 2024 à la suite des révélations dans la presse française sur les pratiques des industriels ayant recours à des traitements interdits. La Belgique, l'Irlande et la Suisse ont fait part de difficultés similaires à celles de la France sur le recours possible à la microfiltration avec un souhait de clarification par la Commission européenne du statut de ce traitement. L'Allemagne a quant à elle déclaré qu'elle interdisait le recours à la microfiltration - sans indiquer les modalités de contrôle du respect par les exploitants de cette interdiction.
Néanmoins, dans son rapport d'audit concernant le système de contrôles officiels relatifs aux EMN et aux ES, la direction générale de la santé de la Commission européenne est très claire : « En l'absence de règles harmonisées sur l'utilisation de la microfiltration, les autorités compétentes acceptent l'utilisation de la microfiltration réalisée à l'aide de filtres dont la taille des pores peut être aussi faible que 0,2 micron même si, avec des pores aussi fins, on ne peut exclure le risque d'une modification du microbisme des eaux minérales naturelles. Ce n'est pas conforme à la législation européenne. » Néanmoins, ce rapport ne précise pas quel seuil serait considéré comme conforme.
d) ... et donne un caractère inachevé à la mise en conformité de Nestlé Waters
Le plan de transformation de Nestlé Waters reposait sur l'abandon des traitements interdits en contrepartie de la mise en place de microfiltres allant jusqu'à 0,2 micron : or la Commission européenne a confirmé le caractère non règlementaire de ce niveau de microfiltration dès lors qu'il ne permet pas d'exclure le risque d'une modification du microbisme de l'eau.
Cette situation complexifie le travail d'instruction des services alors que les demandes51(*) d'autorisation d'exploitation des sources d'EMN par Nestlé Waters mentionnent une microfiltration à 0,2 micron - qui est déjà en place dans le Gard malgré l'absence d'arrêté préfectoral le mentionnant52(*).
Compte tenu de la position des administrations européennes, la régularisation administrative à situation inchangée ne semble pas être une solution satisfaisante.
2. La complexité de l'évaluation de la traçabilité de l'eau minérale naturelle et de l'eau de boisson
Le rapport de l'Igas pointait les risques de non-conformité auxquels font face les sites embouteillant plusieurs désignations commerciales d'eaux, parfois de qualité différente, mêlant eaux de sources et eaux minérales naturelles. Il identifiait 37 sites, correspondant à 91 désignations commerciales, embouteillant plusieurs eaux de source ou des eaux de source et des eaux minérales naturelles.
La production d'EMN et d'ES sur les mêmes chaînes de conditionnement est règlementaire dès lors que l'exploitant apporte à tout moment la preuve de la nature de l'eau conditionnée au regard de la dénomination de vente figurant sur l'étiquetage, comme prévu par l'article R.1322-37-1 du code de la santé publique.
Depuis le déclassement de deux forages exploités par Nestlé Waters à Vergèze en « eaux de boisson », une ligne de production est utilisée à la fois pour la production « Maison Perrier » (issue des forages Romaine III et Romaine V) et pour la production du mélange « Source Perrier » (Romaine IV, IV bis, VI, VII, VIII - ce dernier étant suspendu). Il s'agit donc d'un cas différent, qui n'a pas été traité par la mission de l'Igas, bien que les services aient indiqué à la rapporteure que d'autres sites en France pouvaient produire, sur les mêmes lignes de fabrication, des eaux destinées à des boissons alimentaires rafraîchissantes sans alcool (BRSA), mais aussi de l'ES ou de l'EMN.
Cette pratique n'est pas explicitement prévue par la règlementation, même si elle est considérée comme règlementaire dès lors que l'exploitant apporte la preuve de la nature de l'eau conditionnée au regard de la dénomination d'étiquetage.
En outre, certaines eaux conditionnées à partir de sources d'eaux minérales naturelles et exportées hors de l'Union européenne peuvent faire l'objet de traitements interdits en son sein, en raison de règlementations différentes. En effet, aux États-Unis, les dénominations mineral water et spring water n'induisent pas les mêmes caractéristiques en termes de pureté originelle qu'en Europe. Sur le site de Perrier à Vergèze, plusieurs lignes de production sont utilisées pour conditionner des eaux exportées aux États-Unis. Si les traitements de désinfection sont interdits sur l'eau de la Source Perrier, ils sont autorisés pour la production destinée aux États-Unis.
Le rapport de l'Igas mentionne bien que l'usage de filtres inférieurs à 0,8 micron sur ces dernières catégories de produits est conforme, mais qu'il soulève deux interrogations : d'abord, sur « la maîtrise du risque d'erreur sur les chaînes d'embouteillage lorsqu'il n'existe pas de chaîne dédiée à l'export, mais aussi du suivi des lots après conditionnement », ensuite sur « la capacité des services de l'État à contrôler la bonne utilisation de ces dispositifs » puisque, lors des inspections, il est difficile, voire impossible, de déterminer quel filtre est utilisé pour quel usage.
À ce sujet, les services ont en outre indiqué à la rapporteure des difficultés dans le contrôle de cette traçabilité, la preuve pouvant être difficile à apprécier et à constater sur place au regard de la complexité des installations hydrauliques dans des usines très vastes et de la transparence parfois relative de certains exploitants.
La rapporteure estime que ce sujet majeur pour la confiance des consommateurs et la loyauté des produits doit être éclairci.
C. DES ÉVÉNEMENTS QUI INTERROGENT SUR LA PÉRENNITÉ ET LA QUALITÉ DE LA RESSOURCE EN EAU MINÉRALE NATURELLE
Plusieurs acteurs et experts ont abordé devant la mission d'information la vulnérabilité des sources d'eaux minérales naturelles et de source face à la pollution - dont elles doivent normalement être tenues à l'abri, conformément au principe de « pureté originelle ». Ainsi, le rapport de l'Igas remis en juillet 2022 estimait que, malgré l'annonce du déploiement du plan de retour à la normale de Nestlé Waters, « il n'est pas certain que la dégradation de la ressource puisse être jugulée ». La dégradation de la ressource fait d'ailleurs partie des facteurs explicatifs du recours à la microfiltration par les industriels, aux côtés du vieillissement des installations et de la volonté de sécuriser le processus industriel.
Les sources de pollution sont multiples et impliquent les minéraliers dans la protection de la ressource afin de conserver la pureté originelle indispensable à la qualification EMN. Dans son propos liminaire lors de son audition, Mme Lienau, Président de Nestlé France a mentionné le changement climatique comme facteur de risque pour la ressource en EMN : « être minéralier, c'est être le gardien d'un patrimoine unique. Mais c'est avant tout une responsabilité, celle de protéger et d'entretenir ce patrimoine face aux évolutions de l'environnement autour de nos sources : urbanisation et activités industrielles, évolutions des pratiques agricoles, accélération des événements climatiques extrêmes... » La pollution dont les sources doivent être protégées peut en effet être d'origine anthropique, résultant de la proximité d'activités de surface avec les aquifères souterrains - agriculture (engrais, pesticides), activités industrielles ou urbaines (eau pluviale, réseau assainissement, réseau de transport) -, mais peut aussi émaner du processus de production lui-même.
Le changement climatique est quant à lui un facteur aggravant de la vulnérabilité des sources à la pollution. Les services de l'État auditionnés ont confirmé à la rapporteure que si la raison principale du recours à ces traitements est la sécurité alimentaire, quelques ressources en eau minérale naturelle présentent des fragilités face à la pollution, notamment en cas d'épisode météorologique exceptionnel (sécheresse, événements pluvieux extrêmes, orages...). Par exemple, les fortes pluies contribuent au « lessivage » de pollutions bactériologiques liées aux eaux usées et entraînent des matières en suspension favorables au développement de ces bactéries.
L'importance de ces facteurs de vulnérabilité aux pollutions peut dépendre du volume des prélèvements ou des caractéristiques des nappes.
L'établissement public territorial de bassin (EPTB) de Vistre Vistrenque, compétent pour la gestion des eaux souterraines au sud du Gard, a indiqué à la rapporteure que les aquifères calcaires karstiques, caractéristiques des réservoirs de Nestlé Waters Supply Sud dans le Gard, étant affleurants, l'eau y circule donc rapidement : ce type de réservoir est selon l'EPTB « particulièrement vulnérable aux pollutions ».
Des services auditionnés par la rapporteure ont émis l'hypothèse d'un lien entre qualité des eaux brutes et exploitation quantitative des forages, notamment au vu de « cônes de rabattement » (baisse du niveau plafond de la nappe souterraine) « pouvant aspirer diverses substances en fond d'aquifère ». L'hydrogéologue Florence Habets a, quant à elle, indiqué que le temps de transfert des polluants émis en surface vers les aquifères est a priori plus long pour les sources en EMN, en raison de la protection des aires d'alimentation. Néanmoins, l'extension de l'aire d'alimentation de captage hors de son aire de protection en raison de la baisse du niveau de la nappe peut accélérer le temps de transfert.
En ce qui concerne Perrier, l'épisode des fortes pluies cévenol du 9 au 10 mars 2024 ayant conduit la préfecture à ordonner la destruction de 9 000 lots de produits a relancé les préoccupations sur la qualité des eaux brutes. Or, la dissimulation de la qualité réelle de l'eau brute par l'exploitant jusqu'en août 2023 n'avait pas permis à l'ARS d'avoir une vision de la qualité de l'eau et de la fragilité de la ressource due aux épisodes de pluies cévenols.
Néanmoins, la gestion durable des captages faisait l'objet d'une attention des services depuis plusieurs années. Une tierce expertise concernant l'exploitation quantitative de la ressource avait été prescrite dès 2019 par l'arrêté d'autorisation d'exploitation. Les conclusions de l'étude ont montré, selon la préfecture, une non-soutenabilité des débits pompés avec le dérèglement climatique. La préfecture a ensuite diligenté une étude visant l'acquisition de connaissances sur l'hydrosystème Perrier, conduite par l'Institut Mines-Télécom d'Alès et la faculté de Nîmes sous l'égide de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) aux frais de l'exploitant : elle permettra, selon la préfecture, de disposer de données quant à la soutenabilité des prélèvements, de façon à ajuster les prélèvements aux conditions de recharge de la nappe et assurer une gestion durable de la ressource.
Pour la rapporteure, la pureté originelle qui tient les sources d'EMN et d'ES à l'abri de la pollution a valeur patrimoniale. Elle est facteur d'externalités positives pour le territoire en ce qu'elle génère des investissements par les minéraliers en faveur de la préservation de l'environnement, eux-mêmes bénéficiant ensuite de retombées économiques liées à un argument commercial.
L'Académie nationale de médecine l'a déjà rappelé au cours de la séquence, via un communiqué de presse publié le 6 juin 2024. Elle y souligne que les ressources en EMN sont fragiles, « car elles sont exposées à de fortes pressions : réduction des précipitations liée au changement climatique ; prélèvements excessifs pour la vente en bouteilles ; urbanisation et artificialisation des espaces dues à l'évolution démographique et économique ; libération dans l'environnement de polluants issus des activités humaines, industrielles, agricoles. Ces éléments risquent de conjuguer leurs effets délétères sur la qualité, la protection et le renouvellement de ces eaux souterraines. »
Or les minéraliers sont nombreux à se prononcer en faveur d'une révision la directive 2009/54 afin d'en préciser les critères de pureté originelle, qui ne sont pas définis au niveau européen. Si la France a introduit dans son corpus règlementaire des valeurs limites de caractérisation de la pureté originelle, ce n'est pas le cas de tous les États membres en l'absence d'approche communautaire. Ainsi, le rapport de l'Igas mentionnait : « au total, la pureté originelle est le fondement des eaux conditionnées et l'argument commercial le plus utilisé, mais compte tenu de la pression exercée sur les milieux naturels, les acteurs industriels militent pour en aménager le contenu. Cette position s'accompagne d'autres arguments relatifs aux traitements et notamment à la microfiltration.53(*) »
Pour la rapporteure, la révision de la directive 2009/54, si elle pourrait opportunément préciser les traitements autorisés, ne doit pas avoir pour effet de réduire les exigences en matière de pureté originelle qui découlent du postulat d'un excellent état des masses d'eaux souterraines exploitées.
IV. LES PROPOSITIONS DE LA MISSION EN 4 AXES : CLARIFIER, CONTRÔLER, INFORMER ET PROTÉGER
A. CLARIFIER LE CADRE JURIDIQUE POUR FACILITER LES CONTRÔLES
1. Régler la question de la microfiltration en conformité avec le droit européen
La rapporteure est convaincue de l'intérêt de clarifier la règlementation relative à l'usage de la microfiltration.
Ni la situation antérieure à 2023, reposant sur l'interprétation extensive d'un avis de l'AFSSA sur un dossier individuel, ni la situation actuelle où la microfiltration à 0,2 micron est utilisée en l'absence de norme précisant un seuil - et parfois en l'absence d'arrêté préfectoral - ne sont satisfaisantes.
Elle insiste donc sur la nécessité d'expliciter le seuil de coupure toléré par les autorités, en tenant compte des pratiques de nos voisins européens. Il lui semble qu'une harmonisation des règlementations et des pratiques relatives à la microfiltration serait une avancée pour les industriels français, dont une large partie de la production est exportée54(*).
Pour rappel, le rapport de l'Igas préconisait déjà [recommandation n° 5] : « Compte tenu des enjeux sanitaires, industriels et commerciaux et afin de limiter le risque de fraudes, adopter une position commune sur la filtration au niveau communautaire. Ce sujet pourrait être traité sans attendre une révision de la directive, à l'instar des travaux menés sur les critères permettant de caractériser la pureté originelle. À défaut, adopter une position commune au niveau national sur le seuil de coupure acceptable et respectant la logique propre aux eaux conditionnées (pureté naturelle associée à un faible niveau de traitement), l'inclure dans la règlementation et la faire appliquer ».
La rapporteure estime que cette recommandation est d'autant plus nécessaire que le rapport d'audit de la Commission européenne mené en mars 2024 a observé que l'usage de micropores à 0,2 micron, qui n'excluent pas une modification microbiologique de l'eau, n'est pas conforme au droit européen.
Pour ce faire, il est urgent d'achever la constitution du groupe technique national sur les eaux conditionnées par ailleurs préconisé par l'Igas réunissant la DGS, l'Anses et les ARS les plus concernées.
Sans attendre la révision de la directive 2009/54, ce groupe technique pourrait mener un dialogue avec ses homologues européens et interroger la Commission européenne sur l'opportunité de solliciter l'autorité européenne de sécurité sanitaire (EFSA), en vue d'adopter position claire sur le seuil de coupure de microfiltration permettant de respecter les critères de pureté originelle fixés par la directive de 2009.
Recommandation n° 1 :
Régler la question de la microfiltration en lien avec nos homologues européens : adopter une position claire et générale sur le seuil de coupure acceptable et organiser la mise en conformité des exploitants en conséquence.
2. Garantir la traçabilité de l'eau minérale naturelle
Le conditionnement d'EMN ou d'ES d'une part, et de boissons rafraîchissantes sans alcool (BRSA), d'autre part, sur les mêmes lignes de production suscite des difficultés pour les autorités de contrôle, d'autant plus compte tenu de la complexité de la tuyauterie des sites d'embouteillage et lorsque certaines désignations commerciales sont exportées vers des États où les règlementations relatives aux traitements sont différentes.
Bien que les BRSA soient hors du champ de la mission de l'Igas, son rapport recommandait de décrire précisément les modalités de gestion des sites embouteillant plusieurs désignations commerciales ou des BRSA, au regard des risques de mélanges et d'erreurs entre différentes eaux ne faisant pas l'objet des mêmes traitements55(*).
Afin de faciliter la conduite des contrôles, clarifier le cadre pour les exploitants et protéger les consommateurs, la rapporteure préconise de mener une campagne de contrôles ciblés sur cette problématique avant de compléter la règlementation afin de mentionner explicitement ce cas de figure au sein du code de la santé publique.
En lien avec la DGS et la DGCCRF, des lignes directrices devraient ensuite être publiées sur les éléments de preuve nécessaires pour démontrer la traçabilité de l'eau et les moyens de la contrôler. Comme rappelé par l'Igas, il est nécessaire que les arrêtés d'autorisation d'exploitation précisent les modalités techniques de démonstration de la traçabilité de l'eau et les mesures prises pour éviter les mélanges et les erreurs.
Recommandation n° 2 :
Garantir la traçabilité des eaux : réaliser une campagne de contrôles ciblés des sites conditionnant eaux de boissons et eaux minérales naturelles ou de source sur les mêmes lignes de production pour évaluer l'opportunité d'une évolution de la règlementation. Préciser les preuves de traçabilité à produire ainsi que les mesures à prendre pour éviter les mélanges et les erreurs, et s'assurer qu'elles soient décrites au sein des arrêtés d'autorisation d'exploitation.
B. RENFORCER L'EFFICACITÉ, LA FRÉQUENCE ET LE CARACTÈRE DISSUASIF DES CONTRÔLES
1. Renforcer la coopération et le travail en réseau des autorités compétentes
Le rapport d'audit de la Commission européenne a pointé la « mauvaise collaboration entre autorités compétentes et au sein de celles-ci, tant à l'échelle centrale qu'à l'échelle locale ». Cela rejoint le constat de la mission sur l'information lacunaire au sein même des différents organes de l'État, notamment entre administrations centrales et services déconcentrés. La rapporteure estime que le manque de collaboration a surtout pénalisé l'action des administrations locales qui, malgré leur engagement, étaient parfois entravées par le manque d'information.
La collaboration entre autorités compétentes a, de fait, été renforcée depuis 2022. La collaboration entre ARS a été renforcée du fait de la présence d'industriels dans plusieurs régions. Les ARS auditionnées par la rapporteure soulignent que ces échanges ont permis de faire converger les positions sur les modalités d'instruction des demandes d'autorisation - bien que des singularités hydrogéologiques limitent l'intérêt d'échanges plus poussés. La DGS a également indiqué à la rapporteure qu'un groupe national pour un partage d'expériences et un renforcement des contrôles allait être mis en place. Par ailleurs, en 2024, les travaux pour répondre à l'audit européen ont associé la DGS, la DGAL, la DGCCRF et les ARS.
Néanmoins, la mise en place, au second semestre 2022, d'un groupe technique national associant la DGS, l'Anses et les ARS, recommandée par l'Igas, n'a pas été mise en oeuvre. Or un groupe de travail sur les eaux conditionnées et les eaux thermales existait avec la crise sanitaire liée à la covid-19. Pour la rapporteure, il est indispensable de le réunir à nouveau dans une logique transversale inter-administrations.
Au-delà des échanges, la présente séquence a mis en évidence la nécessité de mener des contrôles conjoints pour bénéficier de la complémentarité entre les pouvoirs d'enquête élargis de la DGCCRF et la compétence sanitaire des ARS. Elle a en effet montré les limites du système de contrôle français, qui pâtit de sa fragmentation entre différentes autorités tout au long de la chaîne de production : en principe, après la prise de l'arrêté préfectoral d'autorisation d'exploitation, la conformité des pratiques de l'industriel aux conditions d'exploitation prévues dans l'arrêté n'est plus vérifiée, contrairement aux exigences du point 4 de l'annexe II de la directive 2009/54 - hormis les cas de signalement d'un tiers, de demande de validation ou de notification d'un changement de la part de l'industriel.
À cet effet, une doctrine de coopération entre la DGS, la DGAL et la DGCCRF décrivant les modalités de coopération et d'intervention dans le secteur des eaux embouteillées est en cours d'écriture.
Maillon central d'une logique de coopération, le partage d'informations doit enfin être renforcé entre les administrations économiques, agricoles et sanitaires. Il n'existe en effet aucun dispositif de partage officiel de données entre les ARS et les directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETS-PP) malgré l'existence de la base de données SISE-EAUX de la DGS qui centralise les données administratives et sanitaires relatives aux exploitations d'eaux minérales naturelles et d'eaux de source.
Recommandation n° 3 :
Développer le travail en réseau des autorités compétentes :
- perpétuer les échanges menés entre la DGS, la DGAL, la DGCCRF pour mettre en place un groupe de travail national sur les eaux conditionnées ;
- formaliser les bonnes pratiques de partages d'information et d'alerte entre les administrations centrales et locales permettant d'identifier les risques à la suite des contrôles.
2. Accroître la fréquence des inspections inopinées
Parmi les lacunes relevées par la Commission européenne, figure « l'absence d'inspections officielles régulières fondées sur les risques à une fréquence définie ».
Le rapport de l'Igas mentionne que seulement 9 inspections ont été effectuées par les ARS en 2020 et 17 en 2018. La cotation du risque des EMN et des ES étant faible, de nombreux exploitants n'étaient contrôlés qu'un fois tous les cinq ans. Même à la suite de manquements constatés, la fréquence des contrôles restait supérieure à un rythme annuel.
Pour l'ARS Occitanie, la mission d'information recense une seule inspection en 2018, aucune entre 2019 et 2021, 3 en 2022 et une en 2023. Toutes ces inspections étaient annoncées. L'ARS a néanmoins indiqué à la mission que les inspections de l'Igas et l'audit de la Commission européenne ont entraîné une « volonté marquée de renforcer les visites de contrôles et d'inspection ». En 2022, ce sont 52 inspections qui ont été menées par les ARS sur l'ensemble des sites de conditionnement, un chiffre en hausse. En 2024, à la suite des conclusions des rapports de l'Igas et de la Commission européenne, plusieurs inspections inopinées ont été réalisées ou mises au programme dans les mois à venir.
En ce qui concerne la DGCCRF, les visites inopinées sont le mode d'intervention privilégié, sauf exception. Néanmoins, des agents CCRF auditionnés ont indiqué à la rapporteure avoir parfois rencontré des difficultés lors d'inspections inopinées, notamment lors d'une inspection récente où les inspecteurs ont dû patienter une heure et demie avant de pouvoir entrer sur le site. Pour la rapporteure, cela n'est pas acceptable : l'obligation pour l'industriel de laisser immédiatement les inspecteurs mener leur inspection doit être réaffirmée clairement.
Face à des opérateurs susceptibles de dissimuler leurs pratiques, il est d'autant plus nécessaire que les ARS réalisent des inspections inopinées plus fréquentes et adoptent une approche fondée sur les risques afin de mener des contrôles ciblés en lien avec la DGCCRF, qui dispose de pouvoirs élargis.
Dans les cas où les inspections inopinées sont complexes du fait de la taille des exploitations, les délais de prévenance pourraient être considérablement réduits.
Recommandation n° 4 :
Pérenniser les inspections inopinées conjointes des autorités compétentes en matière de sécurité sanitaire et de loyauté des produits : inscrire leur principe, à une fréquence régulière, au sein des plans de contrôle des autorités compétentes.
3. Mieux communiquer sur les suites données aux contrôles
Les mesures de police administrative assorties d'une mesure de publicité sont particulièrement pertinentes pour informer les consommateurs tout en revêtant un caractère dissuasif du fait de l'atteinte réputationnelle.
En ce qui concerne la constatation d'éventuels délits - comme des pratiques commerciales trompeuses -, la mise en oeuvre des pouvoirs de police judiciaire (suites répressives) n'est en principe pas exclusive de la mise en oeuvre des pouvoirs de police administrative (suites correctives).
Or la rapporteure constate, comme le soulignait déjà le rapport d'audit de la Commission européenne, que les pouvoirs publics français n'ont pas utilisé les moyens à leur disposition pour faire cesser le manquement et ont privilégié un accompagnement vers la mise en conformité concomitant à une suite judiciaire.
La rapporteure le déplore, d'une part parce que l'absence de mesures correctives n'a pas permis de faire cesser le manquement rapidement, d'autre part parce que les mesures correctives assorties de publicité sont particulièrement dissuasives pour des opérateurs sensibles à leur réputation et peuvent être mises en oeuvre indépendamment de poursuites pénales.
Ces mesures de publicité, constituant un « Name and Shame », sont de plus en plus utilisées dans de nombreux domaines économiques. La loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a notamment56(*) renforcé le champ des mesures de publicité en les appliquant aux injonctions de mise en conformité au code de la consommation, et en donnant la possibilité au ministre de l'économie de communiquer dès l'envoi d'une injonction sous astreinte à un professionnel en cas de pratiques anticoncurrentielles ou restrictives de concurrence.
En matière de pratique commerciale trompeuse, le code de la consommation donne aujourd'hui la possibilité à la DGCCRF d'assortir les injonctions de mesures de publicité par voie de presse, par voie électronique ou par voie d'affichage, éventuellement de manière cumulative. Les sanctions administratives prononcées à ce titre peuvent également faire l'objet d'une mesure de publicité.
Recommandation n° 5 :
Renforcer la publicité des mesures prises par les autorités de contrôle : encourager le recours à des mesures de police administrative correctives assorties de mesures de publicité en cas de non-conformité des exploitants à la règlementation afin de renforcer leur caractère dissuasif et de porter ces pratiques à l'attention du consommateur.
4. Renforcer la surveillance des exploitants
La mise en oeuvre du plan de transformation de Nestlé Waters a montré l'importance des missions de l'Anses et du laboratoire d'hydrologie de Nancy (LHN), sollicité pour appuyer les ARS Grand Est et Occitanie dans l'interprétation des données microbiologiques de l'exploitant.
Cette expérience doit être mise en valeur par la DGS pour être réitérée dans les territoires où les ARS l'estiment nécessaire : la rapporteure rappelle que c'est à l'initiative du directeur général de l'ARS Occitanie que la demande d'appui de la DGS à l'Anses, initialement restreinte au Grand Est, a été étendue à l'Occitanie. Face aux contraintes croissantes pesant sur la ressource, il apparaît intéressant à la rapporteure de favoriser la montée en compétence des laboratoires agréés sur des paramètres de surveillance non inclus dans la règlementation. De même, le lien entre laboratoires agréés et laboratoires d'autosurveillance des exploitants pourrait être renforcé pour leur permettre de monter en compétence.
Recommandation n° 6 :
Renforcer le dispositif de surveillance au service de la qualité sanitaire des eaux : favoriser l'accréditation des laboratoires agréés sur des paramètres encore peu surveillés aujourd'hui et non inclus dans la règlementation et réaliser des campagnes d'acquisition de connaissances des laboratoires d'autosurveillance des exploitants grâce à l'action du Laboratoire d'hydrologie de Nancy de l'Anses pour favoriser leur montée en compétences.
C. MIEUX INFORMER LE CONSOMMATEUR
La rapporteure souligne que depuis que l'État a connaissance de ces pratiques - soit depuis 2020 -, l'information du consommateur a été totalement négligée par les pouvoirs publics alors même que l'eau minérale naturelle coûte environ 200 fois plus cher et l'eau de source 65 fois plus cher que l'eau du robinet.
1. Renforcer l'information du consommateur via l'étiquetage
L'information du consommateur en ce qui concerne les eaux minérales naturelles et de source est régie, comme pour toutes les denrées alimentaires, par le règlement (UE) n° 1169/2011 concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires.
S'ajoutent les règles spécifiques établies par la directive de 2009 relative aux EMN, notamment les règles applicables à la dénomination de vente des eaux selon qu'elles sont gazéifiées ou non, l'obligation de mentionner leur composition analytique, le lieu où est exploitée la source et le nom de celle-ci.
S'agissant des mentions d'étiquetage relatives aux traitements pratiqués, la directive européenne prescrit l'indication sur l'étiquetage du recours à un traitement à l'aide d'air enrichi en ozone.
Les traitements ayant pour objet la séparation de certains constituants indésirables sont également mentionnés sur l'étiquetage - à l'exception des traitements via décantation ou filtration.
Or, la rapporteure estime que la généralisation de l'utilisation de la microfiltration par les industriels plaide pour sa mention sur l'étiquetage des eaux commercialisées. Il s'agit d'une mesure d'information du consommateur qui pourrait être portée dans un cadre européen à l'occasion de la révision de la directive de 2009.
Recommandation n° 7 :
Renforcer l'étiquetage : dans le cadre européen, prôner l'indication sur l'étiquetage de tous les traitements pratiqués sur les eaux minérales naturelles ou de source embouteillées, y compris la microfiltration, pour renforcer l'information du consommateur.
2. Mieux informer le consommateur sur les spécificités des eaux
Dans l'optique de mieux informer le consommateur, l'Igas recommandait déjà dans son rapport de « Mettre à disposition des consommateurs des informations plus précises sur la qualité des ressources utilisées et les traitements mis en oeuvre (au travers du bilan annuel, mais aussi des sites Internet des ministères chargés de la santé et de la consommation et de l'étiquetage des produits) » (Recommandation n° 8).
La rapporteure estime que ces efforts de communication devraient aussi s'accompagner d'un travail de pédagogie concernant les différences entre les eaux minérales naturelles, eaux de source et eaux de boisson, parfois produites par les mêmes industriels sous des désignations commerciales proches, afin de limiter toute confusion du consommateur.
Recommandation n° 8 :
Mieux informer le consommateur sur les distinctions entre les différentes qualifications des eaux : mener des campagnes d'information sur les différences entre eaux minérales naturelles, eaux de source, eaux rendues potables par traitement et eaux de boissons rafraîchissantes sans alcool au travers du bilan annuel ainsi que des sites Internet des ministères chargés de la santé et de la consommation.
D. PROTÉGER LA RESSOURCE
La préservation de la qualité de la ressource en eau minérale naturelle et en eau de source est essentielle : non seulement elle emporte des impératifs de protection de l'environnement puisqu'elle nécessite de se conformer à l'exigence de pureté originelle, mais elle génère aussi des retombées économiques positives pour la France à l'exportation et son aspect thérapeutique, reconnu par l'Académie nationale de médecine, est essentiel à l'économie thermale.
1. Élever le niveau d'information sur la ressource exploitée par les minéraliers
Compte tenu des craintes sur une éventuelle raréfaction et dégradation de la ressource, il pourrait être intéressant de systématiser le recours à des études sur les hydrosystèmes des sources exploitées en EMN et en ES, aux frais des exploitants.
Dans la lignée de l'étude sur l'hydrosystème Perrier, menée sous l'égide de la préfecture du Gard aux frais de Nestlé Waters, ces études permettraient d'obtenir des informations sur la soutenabilité de la ressource et d'adapter les trajectoires d'autorisations de prélèvements en conséquence.
Le rapport de la mission d'information sur la gestion de l'eau du Sénat, déposé le 11 juillet 2023, soulignait la nécessité de « maintenir un suivi strict des prélèvements d'eau des minéraliers, pour ne pas risquer la dégradation quantitative des aquifères », le secteur des EMN étant « emblématique de l'équilibre à trouver entre enjeux économiques, le chiffre d'affaires du secteur s'élevant à 2,5 milliards d'euros par an et les enjeux de protection de la ressource. »57(*)
Recommandation n° 9 :
Systématiser l'étude des hydrosystèmes : lancer une campagne d'évaluation par les préfectures des besoins d'étude des hydrosystèmes exploités par des industriels des eaux minérales naturelles et de source sur leur territoire. Le cas échéant, rendre publiques ces études.
2. Renforcer l'information du public et du monde académique sur les contraintes pesant sur la ressource
La rapporteure estime que les facteurs de vulnérabilités de la ressource en eau minérale naturelle et de source devraient être mieux documentés et portés à la connaissance du public.
Bien que de nombreuses données publiques soient consultables sur les plateformes SISE-Eaux (pour le contrôle sanitaire et environnemental), Naïades (pour l'analyse des eaux de surface) et le portail ADES (pour l'accès aux données sur les eaux souterraines), la mission d'information du Sénat sur la gestion de l'eau de 202358(*) souligne que « toutes les données sur l'eau n'y figurent pas, notamment celles issues des instruments privés de surveillance (par exemple les piézomètres des entreprises d'eaux minérales) ».
La rapporteure recommande donc d'intégrer aux bases de données publiques les prélèvements effectifs des exploitants sur les sources en eaux minérales naturelles et de source : comme le souligne le rapport de la mission d'information sur la gestion de l'eau, ces derniers sont généralement en deçà des autorisations, ce qui laisse augurer une possibilité d'augmentation des prélèvements.
L'hydrologue Florence Habets, auditionnée par la rapporteure, soulignait que les synthèses récentes sur l'état de la contamination des nappes publiées par Le Monde avaient contribué à générer une prise de conscience du public et du monde académique sur le sujet des niveaux de pollutions multiformes (pollution agricole, industrielle...) qui affectent les sources.
Un récent rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)59(*) a mis en évidence l'état parcellaire des connaissances en matière de contamination des eaux par les micropolluants. La DGS mène néanmoins une surveillance prospective en sus du contrôle sanitaire, dans le cadre de laquelle elle s'emploie à rechercher de nouvelles pollutions, ce qui permet ensuite de faire évoluer les contrôles sanitaires. Dans le cadre du plan micropolluants de 2019-2021, elle a ainsi confié au LHN une campagne nationale de mesures de l'occurrence de composés émergents dans les eaux conditionnées, qui a donné lieu à un rapport publié sur le site de l'Anses. La rapporteure salue ce type de mesures et appelle à leur pérennisation. Tout comme le rapport de l'OPECST, elle estime nécessaire d'actualiser le plan micropolluants arrivé à échéance en 2021. Plus particulièrement, il serait souhaitable de communiquer sur les actions de mesure et d'évaluation de la présence des polluants émergents à l'occasion du bilan de la qualité des eaux conditionnées publié par la DGS.
Recommandation n° 10 : Informer le public sur les pressions affectant la ressource :
- rendre publiques les quantités d'eau prélevées par les exploitants des sources d'eau minérale naturelles et de source ;
- actualiser le plan d'action sur les micropolluants en y incluant les eaux conditionnées et en communiquant sur les actions de mesure et d'évaluation de la présence de polluants émergents à l'occasion du bilan de la qualité des eaux conditionnées.
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Axe 1 : Clarifier le cadre juridique relatif à la microfiltration et à la traçabilité des eaux
1. Régler la question de la microfiltration en lien avec nos homologues européens : adopter une position claire et générale sur le seuil de coupure acceptable et mettre en conformité les exploitants.
2. Garantir la traçabilité des eaux : réaliser une campagne de contrôles ciblés des sites conditionnant eaux de boissons et eaux minérales naturelles ou de source sur les mêmes lignes de production pour évaluer l'opportunité d'une évolution de la règlementation. Préciser les preuves de traçabilité à produire ainsi que les mesures à prendre pour éviter les mélanges et les erreurs, et s'assurer qu'elles soient décrites au sein des arrêtés d'autorisation d'exploitation.
Axe 2 : Renforcer l'efficacité, la fréquence et le caractère dissuasif des contrôles
3. Développer le travail en réseau des autorités compétentes : perpétuer les échanges entre DGS, DGAL et DGCCRF pour mettre en place un groupe de travail national sur les eaux conditionnées et formaliser les bonnes pratiques de partages d'information et d'alerte entre les administrations centrales et locales permettant d'identifier les risques à la suite des contrôles.
4. Pérenniser les inspections inopinées conjointes des autorités compétentes en matière de sécurité sanitaire et de loyauté des produits : inscrire leur principe, à une fréquence régulière, au sein des plans de contrôle des autorités compétentes.
5. Renforcer la publicité des mesures prises par les autorités de contrôle : encourager le recours à des mesures de police administrative correctives assorties de mesures de publicité en cas de non-conformité des exploitants à la règlementation afin de renforcer leur caractère dissuasif et de porter ces pratiques à l'attention du consommateur.
6. Renforcer le dispositif de surveillance au service de la qualité sanitaire des eaux : favoriser l'accréditation des laboratoires agréés sur des paramètres encore peu surveillés aujourd'hui et non inclus dans la règlementation et réaliser des campagnes d'acquisition de connaissances des laboratoires d'autosurveillance des exploitants grâce à l'action du Laboratoire d'hydrologie de Nancy de l'Anses pour favoriser leur montée en compétences.
Axe 3 : Mieux informer le consommateur
7. Renforcer l'étiquetage : dans le cadre européen, prôner l'indication sur l'étiquetage de tous les traitements pratiqués sur les eaux minérales naturelles ou de source embouteillées, y compris la microfiltration, pour renforcer l'information du consommateur.
8. Mieux informer sur les distinctions entre les différentes qualifications des eaux : mener des campagnes d'information sur les différences entre eaux minérales naturelles, eaux de source, eaux rendues potables par traitement et eaux de boissons rafraîchissantes sans alcool au travers du bilan annuel ainsi que des sites Internet des ministères chargés de la santé et de la consommation.
Axe 4 : Élever nos connaissances sur le niveau de protection de la ressource
9. Systématiser l'étude des hydrosystèmes : lancer une campagne d'évaluation par les préfectures des besoins d'étude des hydrosystèmes exploités par des industriels des eaux minérales naturelles et de source sur leur territoire. Le cas échéant, les rendre publiques.
10. Informer le public sur les pressions affectant la ressource : rendre publiques les quantités d'eau prélevées par les exploitants des sources d'eau minérale naturelles et de source ; actualiser le plan d'action sur les micropolluants en y incluant les eaux conditionnées et en communiquant sur les actions de mesure et d'évaluation de la présence de polluants émergents à l'occasion du bilan de la qualité des eaux conditionnées.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour examiner les conclusions de la mission d'information sur les politiques publiques de contrôle du traitement des eaux minérales naturelles et de source, par notre collègue Antoinette Guhl.
Avant de lui laisser la parole, je souhaiterais rappeler le contexte ayant présidé à la création de cette mission d'information. Celle-ci fait écho à l'enquête Le Monde - Radio France publiée à la fin du mois de janvier dernier. Cette enquête révélait que des eaux minérales naturelles et de source avaient fait l'objet pendant des années de traitements non autorisés, remettant en cause leur qualification réglementaire, sans que le consommateur n'en soit informé, mais sans que la sécurité sanitaire ne soit mise en cause.
Ce travail de contrôle avait été initialement prévu comme une « mission flash » s'achevant mi-juillet. Néanmoins, ses travaux ont été interrompus par la dissolution du mois de juin dernier. Notre collègue rend donc ses conclusions aujourd'hui.
Je souhaite rappeler à tous que des actions judiciaires ont eu lieu au plan pénal et que d'autres sont en cours, avec constitution de parties civiles à l'encontre de Nestlé Waters et de Sources Alma. En particulier, le 10 septembre 2024, le parquet d'Épinal a conclu une convention judiciaire d'intérêt public avec Nestlé Waters Supply East. Cette convention éteint toute l'action judiciaire concernant les pratiques commerciales trompeuses sur les marques Vittel, Contrex et Hépar commercialisées par cette branche de Nestlé Waters.
Comme convenu lors de sa création et comme la rapporteure nous l'expliquera, la mission d'information s'est concentrée sur la gestion par les pouvoirs publics de cette séquence. En effet, ces pratiques n'ont pas été portées à la connaissance du consommateur, mais elles étaient connues de l'État, notamment grâce à un autosignalement de Nestlé Waters.
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Les Français ont une relation toute particulière avec les eaux minérales naturelles et de source. Ils en consomment environ 9 milliards de litres par an, qu'il s'agisse de marques haut de gamme comme Évian ou Perrier, plus accessibles comme Cristaline ou de marques régionales comme Quézac. En Europe, il n'y a guère que les Italiens ou les Allemands qui en consomment plus que nous.
Mais la France est aussi le premier exportateur au monde d'eaux embouteillées. En particulier, nos eaux minérales sont plébiscitées pour leur composition et leur aspect thérapeutique essentiel à l'économie thermale. Leurs effets bénéfiques pour la santé peuvent être reconnus par l'Académie nationale de médecine, et certaines d'entre elles sont même labellisées comme adaptées à l'alimentation de nos nourrissons.
Ces spécificités découlent d'une définition très stricte des eaux minérales et de source. Évidemment, une eau minérale naturelle se distingue par sa minéralité, c'est-à-dire sa teneur en minéraux et en oligoéléments. Mais elle se définit aussi par sa naturalité, c'est-à-dire le fait qu'elle émane d'une source d'eau souterraine tenue à l'abri de toute pollution. Il s'agit du principe de pureté originelle, qui s'applique également aux eaux de source. Ces eaux sont donc supposées potables à la source, sans besoin de traitement de désinfection, contrairement à l'eau du robinet !
Ces éléments sont un fort argument de vente pour les minéraliers. Ils justifient un prix du litre d'eau minérale naturelle 200 fois plus élevé que l'eau du robinet - hors coût de l'assainissement. Mais ils génèrent également des recettes fiscales pour les communes concernées, qui peuvent instaurer une surtaxe sur les eaux minérales naturelles.
La pureté originelle est aussi une exigence environnementale : elle implique les minéraliers dans la protection de la ressource à l'égard des pollutions, par exemple via des conventions avec des agriculteurs locaux, des partenariats avec les communes sur l'assainissement, la gestion des déchets ou le développement du bâti.
La pureté originelle des eaux minérales naturelles a donc un triple intérêt : économique - compte tenu de leur prix -, thérapeutique - cet intérêt est reconnu par l'Académie nationale de médecine - et environnemental - il s'agit de mettre la ressource à l'abri des pollutions.
En janvier 2024, une enquête Le Monde - Radio France a bousculé cet équilibre. Elle a révélé que, pendant des années, des eaux minérales naturelles et de source ont subi des traitements explicitement interdits. De fait, ces eaux ne remplissaient donc plus les conditions pour être qualifiées de minérales naturelles ou de source. Soyons clairs, la sécurité sanitaire des produits finis n'a pas été remise en cause : 99,8 % des analyses des eaux étaient conformes aux exigences sanitaires au point d'embouteillage en 2022. Mais c'est un sujet majeur de confiance du consommateur et de loyauté économique des produits.
Les deux plus gros industriels des eaux minérales et de source en France sont concernés : le groupe Sources Alma, qui commercialise notamment Cristaline et détient 28 % de parts de marché, et Nestlé Waters, qui commercialise notamment Vittel, Contrex, Hépar et Perrier et détient 23 % de parts de marché.
Ces pratiques ont fait l'objet de suites judiciaires sur lesquelles mon rapport ne revient pas.
Ce qui est frappant, c'est que, sans l'enquête journalistique, le grand public et nous-mêmes n'en aurions probablement jamais été informés. Pourtant, l'État avait connaissance de ces pratiques, au moins depuis 2020 pour le groupe Alma, grâce au signalement d'un salarié, et depuis 2021 pour Nestlé Waters, qui s'est « autosignalé » auprès du ministère de l'industrie pour convenir avec l'État d'une voie de mise en conformité.
C'est la raison pour laquelle la mission d'information se concentre sur la gestion de la séquence par les pouvoirs publics. Comment expliquer que des pratiques explicitement interdites aient pu perdurer pendant des années, malgré les contrôles ? Qu'ont fait les pouvoirs publics depuis le moment où ils ont été informés de ces pratiques ? Comment en tirer les enseignements ?
Pour répondre à ces questions, j'ai mené 24 auditions : j'ai entendu des industriels, concernés comme non concernés, des experts hydrologues, les administrations compétentes, des ministres et membres de cabinets ministériels, la Commission européenne, des associations, mais aussi les journalistes à l'origine de l'enquête.
Au gré de ces auditions, j'ai conduit un travail d'assemblage d'informations et de reconstitution de tous les épisodes de la séquence. C'est, selon moi, un des premiers apports de cette mission d'information : faire la lumière sur la gestion somme toute confidentielle de cette séquence par les pouvoirs publics. Certaines administrations ont été particulièrement constructives et nous ont transmis de nombreux documents : arrêtés préfectoraux, notes d'expertise de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), compte-rendu de contrôles... Cela a permis de compenser le manque de transparence d'autres acteurs.
Je vais donc tenter de vous restituer l'enchaînement de ces événements.
En 2020, un salarié du groupe Alma signale le recours à des traitements interdits à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Son Service national d'enquêtes mène alors une enquête qui débouche sur un signalement au procureur en juillet 2021. En août 2021, Nestlé Waters sollicite le cabinet de la ministre de l'industrie pour un rendez-vous qu'il qualifie d'urgent, afin d'aborder des questions de conformité et de lecture de la réglementation. Ce rendez-vous a lieu le 31 août 2021 en présence de membres du cabinet de la ministre. Nestlé reconnaît alors avoir recours à des traitements interdits - lampes à ultra-violet et filtres à charbon actif - et demande la validation de l'administration pour utiliser un traitement alternatif.
La ministre saisit alors la DGCCRF, qui lui remet ses conclusions au cours de la deuxième quinzaine de septembre. Elle recommande notamment d'associer le ministère de la santé, compte tenu de sa compétence en matière de contrôle des eaux avant embouteillage. Plusieurs réunions entre les deux ministères ont alors lieu, avant que ne soit signée, le 19 novembre 2021, une lettre de mission saisissant l'inspection générale des affaires sociales (Igas) pour mener une inspection des usines de conditionnement d'eau.
Les conclusions de cette mission, remises en juillet 2022, révèlent des non-conformités entre les pratiques des industriels et les conditions d'exploitation prévues par arrêté dans près de 30 % des cas. Ces non-conformités englobent aussi bien des imprécisions des arrêtés préfectoraux que des traitements explicitement interdits et délibérément dissimulés. Il ne s'agit donc pas de 30 % des eaux qui font l'objet de traitements interdits.
Dans tous les cas, cela démontre les limites des contrôles, fragmentés entre les agences régionales de santé (ARS) et la DGCCRF, qui ont été impuissants face à des pratiques délibérées de dissimulation. Des services m'ont indiqué que les traitements interdits étaient si bien dissimulés - parfois dans des armoires électriques - qu'il aurait été impossible, même pour un expert, de les voir ! De plus, ces traitements étaient placés en amont des prélèvements du contrôle sanitaire : les prélèvements réalisés sur ces eaux, même proches de la source, étaient donc conformes aux limites réglementaires.
Le rapport de l'Igas souligne aussi la généralisation d'un traitement au statut spécifique : la microfiltration. Elle n'est pas interdite sur les eaux minérales naturelles et les eaux de source, mais la taille des filtres ne doit pas conduire à modifier le microbisme de l'eau, c'est-à-dire la composition microbiologique de l'eau à la source. Sinon, cela s'apparente à une désinfection. Or ni la réglementation européenne ni la réglementation nationale ne fixent clairement de seuil à partir duquel la microfiltration est acceptable. En l'absence de norme, c'est le seuil de 0,8 micron, mentionné dans un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments de 2001 qui a longtemps été considéré comme acceptable par les autorités. Dans ses conclusions, la mission de l'Igas recommande de préciser la règle, compte tenu de la généralisation de la microfiltration à des seuils inférieurs.
Sollicitée par les administrations sur ce sujet, l'Anses n'a pas fait évoluer l'avis de 2001. Néanmoins, le ministère de la santé a modifié la doctrine qui prévalait jusqu'alors : il a préconisé aux ARS d'autoriser les microfiltrations pratiquées à un seuil inférieur à 0,8 micron sous réserve que l'exploitant apporte la preuve que ce traitement n'est pas désinfectant. Cette décision a été avalisée par une réunion interministérielle de février 2023. Mais attention, loin d'apporter des précisions sur le seuil pertinent, ces décisions ont reporté la responsabilité sur les ARS qui instruisent les demandes d'autorisation d'exploitation.
Or le plan de transformation de Nestlé Waters mis en oeuvre en 2023 sous l'égide des services de l'État repose sur la microfiltration. Il prévoit l'abandon des traitements de désinfection interdits en contrepartie de la mise en place d'une microfiltration inférieure à 0,8 micron et de la reconfiguration de certaines exploitations.
Dans le Grand Est, les traitements interdits positionnés en amont des prélèvements du contrôle sanitaire cessent à la fin de l'année 2022. Faute de respect des critères de pureté originelle des eaux, deux forages de la source Contrex sont mis à l'arrêt à cette époque, de même que deux forages de la source Hépar en mai 2023. Des demandes de modification des conditions d'exploitation de ces sources, déposées en mai 2023, mentionnent une microfiltration à 0,45 micron. Pour Vittel « Bonne Source » et « Grande Source », les arrêtés préfectoraux d'autorisation ont, quant à eux, été révisés le 4 juillet 2023 pour mentionner une microfiltration à 0,45 micron. Le 29 mars 2024, l'exploitant a déposé une nouvelle demande de révision des arrêtés de ces quatre sources - les deux sources Vittel, Contrex et Hépar - portant la microfiltration à 0,2 micron. Ces demandes sont toujours en cours d'instruction.
Dans le Gard, l'arrêt des traitements interdits est constaté le 10 août 2023 sur le site de Vergèze par l'ARS Occitanie. Plusieurs niveaux de microfiltres allant de 0,2 à 3 microns sont alors mis en place pour sécuriser la production. L'exploitation de la source Perrier a, quant à elle, été reconfigurée : un arrêté du 22 décembre 2023 prévoit que deux forages sont déclassés en « eau de boisson », désormais vendue sous la marque « Maison Perrier » et retirée du mélange source Perrier, en raison d'un taux élevé de non-conformité des eaux à l'émergence. Une demande de révision de l'arrêté d'exploitation de la source Perrier est déposée en octobre 2023. Elle mentionne une microfiltration à 0,2 micron et est toujours en cours d'instruction, malgré l'utilisation de ces filtres.
Ce plan de transformation s'achève fin 2023.
Entre l'information « spontanée » de Nestlé fin août 2021 au cabinet de la ministre de l'industrie et l'arrêt total des traitements de désinfection interdits, il s'écoule donc plus de deux ans ! Laps de temps durant lequel des eaux minérales naturelles sont vendues, alors même qu'elles ne méritaient pas cette dénomination. Certes, l'accompagnement vers la mise en conformité de l'industriel a nécessité beaucoup d'expertise et d'arbitrages internes. Énormément de choses ont été faites. Mais ce délai de mise en conformité est particulièrement long et ce plan a été mis en oeuvre dans une totale confidentialité. Pendant ce temps, les consommateurs achetaient des eaux rendues potables par traitement au prix d'eaux minérales naturelles ! Aucune mesure plus volontariste de l'État n'a cherché à éviter cela, alors même que notre arsenal juridique le permet. Seules des mises en demeure ont été prononcées par les préfets sur recommandation des ARS, une fois celles-ci informées à la suite de la mission d'inspection de l'Igas, alors que les ministères étaient au courant des pratiques depuis plusieurs mois.
Je vous présente donc dix recommandations pour clarifier le cadre juridique ; renforcer la fréquence, l'intensité et le caractère dissuasif des contrôles ; mieux informer le consommateur ; élever notre niveau de connaissances sur l'état de la ressource.
S'agissant du premier axe, notons que de cette séquence ressortent deux sujets majeurs à clarifier : d'une part, la microfiltration ; d'autre part, la traçabilité des eaux, puisqu'il y a dans certaines usines à la fois des eaux minérales naturelles et des eaux de boissons.
L'un des principaux enseignements de cette mission d'information est effectivement la position totalement ambiguë, voire contradictoire, des autorités vis-à-vis de la microfiltration.
Je préconise de la préciser urgemment. L'ambiguïté de la réglementation est inconfortable pour les autorités de contrôle, pour les services d'instruction, mais aussi pour les industriels dont les produits sont commercialisés sur le marché européen : or la microfiltration est autorisée jusqu'à 0,4 micron en Espagne, tandis qu'elle n'est quasiment pas tolérée en Allemagne par exemple. La direction générale de la santé de la Commission européenne a quant à elle affirmé, au cours d'un audit, que la microfiltration à 0,2 micron n'était pas conforme à la législation européenne, car « on ne peut exclure une modification du microbisme de l'eau » avec des pores aussi fins. Quant à l'Igas, elle a rappelé que la microfiltration pour garantir la sécurité sanitaire d'eaux non conformes était une « fausse sécurisation ». Mais aucune décision à valeur normative n'a été prise pendant cette séquence ! Il est donc urgent de préciser la situation.
C'est pourquoi je recommande qu'un dialogue européen soit engagé entre autorités compétentes, avec la Commission européenne et éventuellement l'autorité européenne de la sécurité sanitaire, afin de poser une règle claire pour tous les pays européens. Cela doit être fait sans délai, notamment parce que la microfiltration est la pierre angulaire du plan de transformation de Nestlé Waters. Ainsi, les choses n'ont pas été faites dans l'ordre ; on a d'abord autorisé le plan de transformation avant de trouver une solution à cette question de la microfiltration ; c'est regrettable !
Je ne m'aventurerai pas sur le niveau de seuil pertinent, n'étant pas une technicienne de la microfiltration. Sa détermination doit reposer sur l'expertise de l'Anses, de la direction générale de la santé (DGS), voire d'autorités européennes.
J'en viens au sujet crucial de la traçabilité de nos eaux minérales naturelles et de source. Les exploitants doivent garantir cette traçabilité, a fortiori lorsqu'ils produisent différents types d'eaux sur la même chaîne de production : les caractéristiques et les contrôles sanitaires ne sont en effet pas les mêmes. C'est par exemple le cas à Vergèze depuis le déclassement de deux forages d'eaux minérales naturelles de la source Perrier en « eaux de boisson » pour la production de la marque Maison Perrier. La question se pose aussi lorsque des eaux exportées hors de l'Union européenne, où les traitements autorisés ne sont pas les mêmes, sont produites sur les mêmes lignes que des eaux minérales naturelles. Par exemple, aux États-Unis, les dénominations « mineral water » et « spring water » n'induisent pas les mêmes caractéristiques qu'en Europe en matière de pureté originelle.
Même si elle n'est pas explicitement prévue au code de la santé publique, cette pratique est règlementaire dès lors que l'exploitant apporte la preuve à tout moment de la nature de l'eau conditionnée au regard de son étiquetage. Or, au cours des auditions, des services m'ont alertée sur les difficultés dans le contrôle de cette traçabilité, la preuve étant difficile à apprécier sur place au regard de la complexité des installations hydrauliques et du niveau de transparence de certains exploitants.
Ce sujet majeur pour la confiance des consommateurs et la loyauté des produits doit absolument être éclairci. Je préconise de réaliser une campagne de contrôles ciblés sur la traçabilité, afin d'évaluer l'opportunité de compléter la règlementation. Il est aussi nécessaire de préciser quelles preuves de traçabilité doivent être fournies par l'exploitant et de s'assurer que ces preuves soient mentionnées dans les arrêtés d'autorisation d'exploitation afin de faciliter le travail des services de contrôle.
Le deuxième axe a trait au renforcement de l'intensité, de l'efficacité et du caractère dissuasif des contrôles. Je tiens à préciser que l'engagement des autorités à l'échelle locale n'est pas à questionner. Néanmoins, l'audit de la Commission européenne, tout comme mes auditions, ont mis en évidence un manque de collaboration entre autorités compétentes, tant au niveau central que local.
Les ARS concernées ont découvert l'existence des traitements interdits tardivement, parfois bien après la remise du rapport de l'Igas. L'Anses, aussi, témoigne dans ses avis d'un besoin d'informations supplémentaires. Enfin, la DGCCRF, directement concernée, a indiqué ne pas avoir eu connaissance du rapport de l'Igas avant sa publication en février 2024.
Je recommande de développer considérablement le travail en réseau entre les autorités compétentes pour le contrôle des eaux minérales naturelles et des eaux de source, à savoir la DGS, la direction générale de l'alimentation (DGAL), la DGCCRF ainsi que les services déconcentrés et les ARS, afin de mieux identifier les risques à la suite des contrôles.
La collaboration entre ces autorités implique aussi de mener davantage d'inspections conjointes, notamment pour que les ARS disposent des pouvoirs d'enquête élargis de la DGCCRF. Il faut que ces inspections soient inopinées afin d'être véritablement efficaces. À ce sujet, j'attire votre attention sur le fait que des services m'ont indiqué avoir dû patienter environ une heure et demie avant de pouvoir pénétrer sur le site d'un exploitant, lors d'une inspection inopinée. Ce n'est pas acceptable. Que se passe-t-il pendant cette heure et demie ? On peut se poser la question. Il faut réaffirmer avec force que les inspecteurs doivent pouvoir mener leurs contrôles immédiatement.
Enfin, pour être plus dissuasifs, il faut encourager le recours à des mesures correctives assorties de mesures de publicité en cas de non-conformité des exploitants. Ce sont des mesures d'ordre réputationnel qui ont montré leur efficacité dans d'autres domaines du droit de la consommation ou du droit commercial.
Le troisième axe est celui de l'information du consommateur, qui a été totalement négligée lors de cette séquence. Malgré l'absence de risque sanitaire sur les produits finis, il me semble que la loyauté économique et la confiance du consommateur auraient mérité une réponse de l'État. C'est pourquoi je préconise de renforcer l'étiquetage des eaux conditionnées en prônant l'indication de tous les traitements pratiqués, y compris la microfiltration, qui est de plus en plus fréquente.
Il faut également mieux informer le consommateur sur les distinctions entre les différentes qualifications des eaux afin d'éviter toute confusion : eaux minérales naturelles, eaux de source, eaux rendues potables par traitement et « boissons rafraîchissantes sans alcool », dénomination réglementaire quand l'eau est utilisée comme ingrédient, par exemple dans une boisson aromatisée.
Le quatrième et dernier axe concerne l'état de la ressource en eau minérale naturelle et en eau de source. Sa pureté originelle est-elle menacée ? Il n'était pas possible de ne pas traiter ce sujet, car c'est la question que se posent tous les services de l'État avant d'autoriser une exploitation d'eau minérale naturelle et de source.
En octobre 2023, l'Anses préconise une surveillance renforcée des ressources sur les sites de Nestlé Waters, incluant des paramètres bactériologiques et virologiques non prescrits par la règlementation. Elle le justifie par un « niveau de confiance insuffisant » dans l'évaluation de la qualité des ressources. Cette surveillance renforcée a été imposée à l'exploitant, mais n'a pas levé les doutes quant au respect, en toute circonstance, des critères de pureté originelle. En mars 2024, à la suite d'un épisode cévenol, la qualité microbiologique d'un forage de la source Perrier s'est dégradée. Par précaution, parce que le risque viral ne pouvait être exclu, le préfet du Gard a pris un arrêté de suspension de l'exploitation du captage. 2,9 millions de bouteilles de Perrier ont été détruites.
Cet épisode me semble révélateur de l'intérêt qu'il y a à poursuivre cette surveillance renforcée. Aujourd'hui, le postulat de l'excellent état des nappes d'eaux minérales naturelles ne conduit pas à des contrôles portant sur des paramètres virologiques - on teste la bactériologie, mais pas la virologie. Je préconise d'étendre cette surveillance renforcée en favorisant la montée en compétence des laboratoires agréés et des exploitants sur des paramètres encore peu surveillés aujourd'hui.
Lorsque j'ai interrogé des experts et des services de l'État sur les causes profondes du recours aux traitements, beaucoup ont mentionné la dégradation de la qualité de la ressource, susceptible d'être affectée par différentes pressions : prélèvements excessifs, artificialisation des sols, émission de polluants issus des activités humaines, industrielles et agricoles. Le changement climatique, avec des phénomènes intenses de plus en plus fréquents, apparaît, quant à lui, comme un facteur aggravant de la vulnérabilité des sources. C'est une question importante pour l'économie de nos territoires. L'Académie nationale de médecine, elle aussi, défend la préservation de la pureté originelle à l'égard des pollutions qui pèsent sur la ressource. En effet, si la ressource en eau minérale était polluée, qu'adviendrait-il du thermalisme ?
Pour cette raison, je m'inscris en défenseure de la pureté originelle, qui a une valeur patrimoniale au titre de son intérêt économique, environnemental et thérapeutique. C'est important à l'heure où de nombreux industriels souhaitent que la directive sur les eaux minérales soit révisée afin d'aménager le contenu de la pureté originelle à l'aune des contraintes pesant sur la ressource.
Afin de disposer d'une meilleure information sur la soutenabilité et la vulnérabilité de la ressource, je préconise de lancer une campagne d'étude des hydrosystèmes exploités par les industriels, de rendre publiques les quantités d'eau prélevées par les exploitants, mais aussi d'actualiser le plan d'action sur les micropolluants en y incluant les eaux conditionnées afin de disposer d'une information complète sur ces polluants émergents.
Tels sont les enseignements de cette séquence particulièrement complexe. J'espère que ce travail aura eu le mérite de faire connaître des événements peu documentés et bénéficiant d'une faible publicité. J'espère également que les recommandations formulées permettront d'éviter que de tels épisodes ne se reproduisent. (Applaudissements)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour ce rapport très complet.
M. Jean-Marc Boyer. - Madame la rapporteure, vous êtes partie des événements survenus chez Nestlé Waters. Convient-il de généraliser le diagnostic à toutes les sources ? En matière de normes et d'harmonisation souhaitable de ces normes, pouvez-vous nous dire si toutes les sources respectent les mêmes seuils de microfiltration ? À partir du moment où il y a conformité au code de la santé publique, faut-il différentes normes pour différents types de sources ? Enfin, vous préconisez une surveillance renforcée de la ressource, mais quand certaines sociétés ou collectivités territoriales envisagent un projet d'embouteillage, elles doivent produire une quantité d'études considérable, avec un cahier des charges et des études d'impact très précis. Une autorisation prend plusieurs mois, voire années à obtenir. Il est difficilement envisageable qu'un exploitant mette de l'eau en bouteille s'il n'a pas l'assurance de la quantité et de la qualité de la ressource. Faut-il étendre vos recommandations à toutes les sources françaises, y compris à celles qui respectent une réglementation très stricte ?
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Je ne me suis pas concentrée sur Nestlé Waters. J'ai entendu en audition tous les minéraliers : Danone, Sources Alma, les syndicats des eaux minérales naturelles... Ce sont les contrôles de la DGCCRF et des ARS qui pointent Nestlé Waters du doigt. Au début de mes travaux, je n'étais pas tout à fait certaine que le problème concernait uniquement cette entreprise. J'avais notamment en tête les constats du rapport de l'Igas. Au fil des contrôles, tout renvoyait vers Nestlé Waters.
La règle générale est un seuil de microfiltration à 0,8 micron. Cela représente la très grande majorité des pratiques. Mais tout dépend, en réalité, de la composition de la ressource - par exemple, la présence de microparticules qu'il est nécessaire d'enlever. La réglementation française autorise d'enlever certains minéraux et oligo-éléments présents en trop grande quantité. L'Espagne autorise le seuil jusqu'à 0,4 micron. Ce seuil peut être autorisé aussi en France pour des dérogations bien spécifiques. En revanche, le seuil de 0,2 micron fait débat. L'Igas estime qu'il ne permet pas de rendre potable des eaux polluées. Selon la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne, il n'est pas conforme à la réglementation européenne.
M. Denis Bouad. - Merci, madame la rapporteure pour ce rapport très complet, que je partage en quasi intégralité.
Perrier, dans le Gard, représente 1 000 employés, un investissement de 40 millions d'euros au cours des six dernières années, environ 800 emplois directs toute l'année. Nous parlons d'une usine qui produit plus de 1,7 milliard de bouteilles par an, deux tiers partant à l'export - principalement vers les États-Unis, dont les services, voilà quelques années, avaient trouvé des traces de benzène... Un problème dont on ne parle plus aujourd'hui.
L'usine est entourée de 200 hectares de terres clôturées, où les agriculteurs cultivent en bio et sont rassemblés au sein de la plus grande cave coopérative bio viticole de France, voire d'Europe. C'est une exploitation sur sept forages : quatre sur la commune de Vergèze et trois sur celle d'Aubord. Dans cette dernière, un épisode cévenol a fait apparaître des matières fécales dans l'eau d'un forage, dont l'exploitation a été arrêtée.
Sur les quatre forages de Vergèze, deux servent à pomper l'eau de Perrier, et deux autres l'eau servant à la fabrication des produits de la marque Maison Perrier. À la dégustation, il est difficile de voir la différence, d'autant que les puits tirent l'eau de la même nappe !
Là où je ne vous rejoins pas, c'est que la marque Maison Perrier est le fruit d'une stratégie commerciale visant à mettre en circulation des produits aromatisés, et non forcément d'une volonté politique de filtrer l'eau. Cette stratégie a été élaborée avant les problèmes dont nous parlons. Vos conclusions sur ce sujet me laissent donc un peu sceptique.
La question de la filtration pose effectivement problème, mais les réglementations ne sont pas les mêmes aux plans national et européen, et certaines règles évoluent dans le temps. Il faut donc s'interroger sur le seuil de microfiltration qui pourrait être autorisé, tout en observant - je pense à l'instant au cas de l'usine Solvay de Salindres, qui rejetait des polluants éternels dans le milieu naturel et dont la fermeture prochaine entraînera la perte de près de 80 emplois - que dans une société de plus en plus exigeante sur le plan normatif, nous autoriserons peut-être la filtration dans un avenir proche... N'est-ce pas la qualité de l'eau qui importe avant tout ?
Je partage votre analyse, madame la rapporteure : Nestlé a péché, sans conteste ! Je rappelle que les recettes pour la collectivité ne sont pas les mêmes : Perrier, c'est 58 centimes l'hectolitre, et les produits de la marque Maison Perrier, 54 centimes l'hectolitre. Encore que, sous cet angle, on pourrait aussi s'interroger sur les quantités d'eau réellement pompées !
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Exactement !
M. Denis Bouad. - Autrement dit, il y a des choses à faire, mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Nous avons un bel outil. Prenons garde à ne pas tuer la notoriété de Perrier, au risque de favoriser des boissons italiennes, que je vois sur les tables des restaurants et qui sont bien moins bonnes.
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - La marque Maison Perrier n'est pas tout à fait étrangère à la séquence que nous venons de vivre. Le plan de transformation transmis aux autorités incluait en effet sa création, dans le cadre d'un processus couvrant les années 2022 à 2024, donc tout à fait concomitant à l'affaire qui nous occupe. C'est normal : constatant la dégradation de la qualité de la ressource, l'entreprise Nestlé Waters a choisi d'inventer une nouvelle marque d'eau de boisson aromatisée.
M. Denis Bouad. - De quelle dégradation parlez-vous ? Sur les sept puits existants, un seul a été incriminé par l'ARS.
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Les deux puits désignés pour le captage de l'eau servant aux produits de la marque Maison Perrier ont fait l'objet d'un même constat de dégradation de la qualité de la ressource. C'est pour cela qu'ils ont été transformés. Il y a donc bien un lien.
Certes, il s'agit également d'une stratégie commerciale - Perrier, qui vend beaucoup aux États-Unis, cherchait à y commercialiser une boisson aromatisée. Mais Évian vend aussi des boissons aromatisées, y compris aux États-Unis, et celles-ci sont produites à partir de l'eau minérale naturelle d'Évian, non filtrée et non traitée, et aromatisée si elle doit être aromatisée. D'autres groupes industriels ou d'autres marques - c'est aussi le cas de Volvic - mènent donc des stratégies plus conformes à la réalité des eaux minérales naturelles.
M. Yannick Jadot. - Le sujet que nous étudions recouvre des enjeux économiques majeurs. Pour ma part, le fait que des bouteilles d'eau traversent le monde m'a toujours paru un peu aberrant...
Des procédures juridiques sont-elles en cours dans d'autres pays européens où l'on aurait détecté une semblable fraude aux consommateurs ?
Le risque réputationnel associé est très lourd et peut être instrumentalisé par des concurrents. Les États-Unis ont ainsi pu se servir de ce type de dossier pour favoriser les produits américains par rapport aux produits européens.
Enfin, est-on certain que la fraude est terminée ?
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - J'ai entendu en audition les services de la Commission européenne chargés de la question des eaux, qui conduisaient un audit sur la France en raison des événements survenus avec Nestlé Waters durant la période 2021-2024. Cet audit, très sévère à l'égard de l'action de la France, a été publié en juillet 2024. La France n'a pas informé la Commission européenne de la fraude dont elle avait connaissance. Cette dernière n'a donc pas pu prendre les mesures nécessaires. Le rapport d'audit détaille précisément ce point.
Je n'ai pas eu vent d'autres cas de fraude dans d'autres pays. Cependant, si d'autres pays adoptent la même attitude envers la Commission européenne que nous, nous n'en aurons pas connaissance, sauf s'il en est fait état dans la presse.
Selon le constat des ARS, la fraude avait cessé à la fin de l'année 2022 dans les Vosges et en août 2023 dans le Gard. Toutefois, en l'absence d'information sur la nature réelle de l'eau contrôlée - eau de boisson ou eau minérale naturelle -, la question de l'efficacité des contrôles se pose. C'est pourquoi la traçabilité est essentielle. Le Gouvernement doit s'emparer de ce sujet et mener les inspections nécessaires pour confirmer que l'eau contrôlée est bien une eau minérale naturelle. En effet, si celle-ci est filtrée et traitée, les conclusions des analyses sanitaires seront forcément bonnes.
M. Vincent Louault. - Je suis un peu stupéfait. Le sujet dont nous discutons soulève la question de l'autocontrôle des industriels. Souvenons-nous des lasagnes de boeuf à la viande de cheval !
Les recommandations visant à renforcer l'efficacité, la fréquence et le caractère dissuasif des contrôles et à développer le travail en réseau des autorités compétentes me donnent envie de pleurer. L'activité en silo doit-elle ainsi se poursuivre, sans aucun échange d'informations entre les services ? J'ai été responsable de l'eau potable dans mon intercommunalité : l'ARS apporte une fonction d'alerte et de contrôle pour les élus locaux. Cela ne fonctionnerait donc pas pour l'eau en bouteille ? C'est incroyable ! La DGCCRF semble passer plus de temps à ennuyer les viticulteurs pour des broutilles que les producteurs d'eau en bouteille. Tout le monde doit faire son travail. Cet élément doit être encore davantage mis en avant dans la communication du rapport. Il en va de la responsabilité de l'État !
Certes, comme Denis Bouad l'a dit, nos territoires recèlent des pépites industrielles. Cependant, si la survenue d'un problème temporaire de pollution, traité avec des filtres spécifiques, peut se comprendre, comment accepter sa persistance pendant plusieurs années, alors même qu'on veut nous faire croire à l'absence de toute traçabilité sur l'eau ? On se moque de nous ! En réalité, si vous visitez une usine industrielle, vous voyez bien que le niveau de technologie permet bien d'assurer une traçabilité des produits. Si une bouteille de Perrier provoque un jour deux morts, soyez certains qu'elle sera identifiée immédiatement, ainsi que le lot d'où elle provient. La production ne sera pas arrêtée six mois ! La traçabilité existe bel et bien ; il n'y a que les gens de l'ARS pour croire le contraire - défiants à l'égard des collectivités territoriales, ils croient en revanche les industriels sur parole.
Assumons notre appareil normatif, français et européen, et mettons en avant la responsabilité de nos administrations dans ce problème.
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Les ARS ont mené un travail considérable sur ce dossier. Les analyses sur les émergences d'eau minérale naturelle n'ont jamais été aussi nombreuses, pour tous les industriels, que durant ces trois dernières années.
La DGCCRF a transmis deux dossiers au procureur, comme elle en a la compétence. Elle a donc fait son travail, à l'instar de l'ensemble des services. Cependant, un laisser-faire malheureux a prévalu depuis trois ans. Le Gouvernement a été informé de cette fraude en 2020 et 2021. Mais la fraude remonte à bien plus loin : la DGCCRF la fait remonter à 2005, date de l'achat des premiers filtres par Nestlé. C'est donc une fraude ancienne, pour laquelle le Gouvernement a été informé en 2020 et en 2021, pour Alma puis Nestlé Waters.
À la suite des épisodes de pluies cévenoles survenus dans le sud de la France, les industriels ne sont pas à l'abri d'une demande nouvelle de destruction des productions de la part des préfectures, par mesure de précaution, pour pallier tout risque de pollution.
Monsieur Bouad, la question de l'emploi a été malgré tout un axe constant de mon travail. De l'ordre de 1 200 personnes travaillent chez Nestlé dans le Gard et 850 dans les Vosges : c'est donc un sujet important pour ces deux départements, où l'activité industrielle n'est pas très intense. Cela, sans compter l'importance pour les collectivités locales d'avoir des eaux minérales naturelles, en raison des recettes fiscales associées.
Mme Martine Berthet. - Ma question porte sur l'axe 2 de vos recommandations. Les industriels sont-ils tenus de transmettre régulièrement leurs analyses bactériologiques, virologiques, physicochimiques aux services compétents ?
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Des obligations existent en effet.
Mme Martine Berthet. - Concernent-elles les captages ?
Plus à la marge, l'Académie nationale de médecine est-elle consultée de nouveau après avoir validé les allégations thérapeutiques de certaines eaux ?
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Il existe deux types de contrôle : les autocontrôles effectués par les industriels, transmis aux autorités compétentes, et les contrôles réalisés par l'État, inopinés ou sur rendez-vous.
Comme je l'ai souligné, les services peinent à faire des contrôles inopinés. Ils ont dû, dans le cas que j'ai cité, attendre longtemps devant la porte de l'usine pour, ensuite, se voir accompagnés de l'avocat de l'industriel contrôlé. Cela soulève évidemment la question de la bonne volonté et de la transparence, surtout si l'on sait que ledit industriel a dissimulé des pratiques frauduleuses pendant vingt ans.
Je demande donc le renforcement des contrôles chez les industriels, notamment inopinés, avec obligation pour ces derniers de laisser faire.
Je ne peux répondre à la question sur l'Académie de médecine ; je crois qu'elle valide les allégations thérapeutiques une fois pour toutes. Cette question est très liée au thermalisme et au patrimoine.
M. Daniel Salmon. - Merci pour cet excellent travail. Nous devons clairement poursuivre les investigations. Il existe une pollution généralisée qui percole. Ces eaux minérales ont des parcours longs, sur plusieurs dizaines, centaines voire milliers d'années, et se retrouvent contaminées par de nombreux polluants. On peut traiter le symptôme, mais il faut surtout traiter le fond. Des analyses précises identifient les polluants. Il faut déterminer l'origine des pollutions dans l'air, le sol. La société est plus exigeante, mais nous constatons aussi une dégradation des eaux. Aujourd'hui, bon nombre d'entre elles sont traitées par charbon actif : or, désormais, 100 % du charbon actif utilisé en Europe provient de Chine. Il y a là un sujet de souveraineté.
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Je demande d'informer le public sur les pressions affectant la ressource, donc de réaliser des études. Dans les eaux minérales, des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS), des pesticides et des matières fécales ont pu être retrouvés.
Selon les marques, les nappes phréatiques sont situées à différentes hauteurs. La source Perrier se trouve à moins de 200 mètres du sol, soit assez haut. Des pluies ruisselantes venant d'épisodes cévenols s'infiltrent assez rapidement. Une eau de nappe, y compris dans des nappes anciennes, peut être polluée par des pollutions contemporaines provenant de la surface. Il faut limiter au maximum les pollutions. Les industriels doivent s'assurer que les zones de captage sont suffisamment protégées pour qu'il n'y ait pas d'infiltration de pollutions.
M. Daniel Gremillet. - Il est important de rappeler que 99,8 % de l'eau consommée est parfaitement conforme aux normes, pour ne pas laisser croire que les consommateurs sont exposés à des risques sanitaires. Votre travail a confirmé qu'effectivement ils ne l'étaient pas lors de la séquence examinée.
Que l'Union européenne fasse d'abord le ménage pour harmoniser les différentes règles existant sur son territoire avant de faire de l'ingérence pays par pays. Je partage votre recommandation.
J'ai le même avis que Vincent Louault sur la traçabilité. Le législateur a changé les choses. Auparavant, les pouvoirs publics assuraient la mise en marché. Depuis la décision de l'Union européenne, la charge de l'analyse et de la preuve que le produit est conforme est transférée à celui qui met en marché, à savoir l'industriel - cela vaut aussi pour les producteurs fermiers, et nous ne sommes pas à l'abri un jour d'un problème, y compris sanitaire. La traçabilité n'est pas un sujet à prendre à la légère. Je partage votre recommandation, qui n'est pas difficile à appliquer, sans surcharge pour les autorités. Mais les sites industriels doivent disposer de processus pour que sur la même ligne, ils puissent embouteiller de l'eau minérale naturelle, et ensuite une eau de boisson. Le dire rassurerait les consommateurs.
Je suis réservé sur la recommandation n° 4 sur le contrôle inopiné immédiat. Certes, il est anormal qu'un contrôleur attende durant une heure et demie : il doit être accueilli par l'industriel. Mais ne systématisons pas le soupçon... Si ce genre de problème survient, le contrôleur peut engager un nouveau contrôle inopiné et exiger d'entrer sur les lieux immédiatement. N'en rajoutons pas !
En ce qui concerne la recommandation n° 9, visant à systématiser l'étude des hydrosystèmes, je connais le dossier au travers d'autres responsabilités. Cela fait vingt-cinq ans qu'on l'a mis en place. L'exploitant a exproprié les terrains et est devenu le plus gros propriétaire du territoire : j'étais opposé à cela. Je défendais l'option que le monde paysan, le monde forestier et les collectivités territoriales pourraient atteindre les objectifs recherchés sans perdre la propriété des terrains. Il y a vingt ans, on le faisait au nom des nitrates. On ne trouve que ce que l'on cherche, et on trouvera de nouvelles substances dans dix ans. Ne soyons pas toujours dans une posture d'accusation, embrassons toujours les nouvelles connaissances et les nouveaux risques.
Dans les Vosges, Nestlé a plaidé coupable, signé un accord et s'est engagé sur différentes solutions. Je salue l'initiative du procureur qui a mis la barre haut et qui surveillera l'application et la mise en oeuvre du plaider coupable. N'oublions pas que nous sommes dans un système concurrentiel, veillons à nos communications et rassurons le consommateur : malgré la tromperie, il n'y a pas eu de problème sanitaire.
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Permettez-moi un bémol sur le fait que les questions sanitaires ne se posaient pas pendant cette période. Il y a tout de même eu une demande de surveillance renforcée de la ressource. Or le rapport de l'Anses rappelle qu'en cas de dissimulation de la qualité de la source, les analyses de contrôle qui sont faites ultérieurement n'intègrent pas d'analyses virologiques. En effet, à ce moment-là, il était prévu que si la source était considérée comme pure, on ne réalisait pas d'analyse virologique ; dans le cas contraire, on réalisait des analyses virologiques et bactériologiques. Jusqu'à ce qu'il soit recommandé de réaliser des analyses sanitaires renforcées dans tous les cas, nous aurions donc pu avoir de l'eau présentant éventuellement des problèmes virologiques.
C'est pourquoi je recommande de procéder à ces deux analyses - virologiques et bactériologiques - et de faire monter en compétence les laboratoires. Cela correspond aux recommandations de l'Anses et de la DGS.
Il y a donc eu un petit risque, mais 99,8 % des contrôles montrent l'absence de problème sanitaire. Telle est la réalité de ma réflexion sur le sujet. Néanmoins, ces risques n'existent plus depuis la surveillance renforcée préconisée par l'Anses.
M. Daniel Fargeot. - Appliquer un seuil de 0,8 micron pourrait-il fragiliser économiquement les producteurs ? Le seuil de 0,4 micron pourrait-il être la norme, et non un seuil dérogatoire ?
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Oui, cela pourrait mettre en péril des producteurs si certaines eaux étaient polluées. Si on avait été strict sur les contrôles et les autorisations, durant trois ans, il n'y aurait pas eu de bouteilles de Vittel, Perrier, Hépar et Contrex dans les magasins. Cela aurait donc mis en difficulté Nestlé, ainsi que les régions et collectivités où l'entreprise est implantée.
Néanmoins, cela ne mettrait pas en péril tous les industriels. Le filtrage utilisé dépend de la qualité de la ressource. J'ai auditionné des industriels comme Danone, qui n'utilise pas de filtres inférieurs à 0,8 micron. Cela met donc les industriels en difficulté différemment selon la qualité et la profondeur de la ressource - et donc la protection géologique. Une ressource, considérée comme pure il y a trente ans, peut être dégradée.
Sur la question du seuil de 0,4 micron, je ne suis pas une technicienne de la microfiltration ni ingénieure hydrologue. Je ne peux répondre sur les seuils. Les scientifiques estiment qu'à 0,8 micron, on ne modifie pas la qualité microbiologique de l'eau. Le taux de 0,4 micron permet de traiter des impuretés minérales, et non la pollution. Des dérogations sont déjà autorisées par arrêté préfectoral à 0,4 ou 0,45 micron, notamment dans les Vosges où c'est actuellement le cas pour les sources Nestlé Waters.
M. Philippe Grosvalet. - Quelle place devraient occuper les laboratoires publics dans le dispositif de surveillance ? Ces derniers ont été mis à mal - notamment les laboratoires départementaux -, y compris par l'État lui-même, via les ARS, quand elles les ont mis en concurrence avec les laboratoires privés. Je connais de nombreux exemples. J'ai participé à une alliance de laboratoires publics. Rappelez-vous aussi le dossier Lactalis.
Le système français repose à la fois sur un nécessaire autocontrôle par les industriels, et sur la mise en concurrence de laboratoires. Le plus gros laboratoire privé de Nantes, qui paie ses impôts au Luxembourg, a tué la concurrence publique et privée, et a attaqué les laboratoires publics devant l'Union européenne. Il est temps de reconfirmer le rôle indépendant des laboratoires publics sur le terrain pour mener à bien des contrôles, en sus des autocontrôles. Je pense que c'est une dimension qu'il faudrait ajouter à vos recommandations !
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Ma recommandation sur les laboratoires concerne trois types de laboratoires : les laboratoires publics - dont le laboratoire d'hydrologie de Nancy de l'Anses -, les laboratoires agréés pour mener ces analyses et les laboratoires propres à l'exploitant qui travaillent sur la qualité des eaux.
Je n'ai pas traité la question des laboratoires publics, sujet qui me semblait en marge du thème du rapport. Mais je demande d'encourager l'accréditation de laboratoires pour les faire monter en compétence sur des paramètres encore peu surveillés. Peut-être cette baisse de compétences est-elle liée à la différence public-privé, mais je ne peux vous répondre sur le sujet. Il faut mener des campagnes d'acquisition de connaissances à destination des laboratoires et des exploitants, afin d'avoir une qualité uniforme.
Mme Micheline Jacques. - Merci pour cette étude très précise. Je n'ai pas entendu de focus sur les outre-mer. Qu'en est-il ? Nous produisons de l'eau en Guadeloupe et en Martinique. En raison du scandale du chlordécone, de l'eau polluée se trouve toujours dans le commerce...
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Je n'ai pas fait ce focus car les contrôles menés par l'ARS ne montraient pas spécifiquement de problèmes dans les outre-mer.
M. Jean-Marc Boyer. - Mon département du Puy-de-Dôme est riche de nombreuses sources. Je confirme ce qu'a dit Daniel Gremillet : 99 % des sources ne posent aucun problème. Il faut le redire. Votre rapport concerne essentiellement Nestlé, et il faut tirer les conséquences des mensonges. Mais ne stigmatisons pas toutes les autres sources qui font des efforts considérables pour obtenir une eau de qualité. Une telle affaire crée le doute dans l'esprit du consommateur. Cela va très vite sur les réseaux sociaux, et ensuite il est très difficile de modifier l'image. Je pense notamment aux conséquences subies de plein fouet par Volvic...
Dans les stations thermales, les contrôles sont extrêmement stricts et nombreux. Une station thermale a ainsi été fermée durant toute une saison pour un problème de qualité de l'eau. Cela entraîne des graves conséquences au plan économique. Après réalisation de contrôles et retour à la normale, elle a été rouverte. 99 % des gens font bien leur travail.
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - Vous avez raison. J'ai rencontré des industriels passionnés par l'eau, qui aiment leur métier et la ressource, et en prennent soin. Ils font attention à garantir sa qualité et prélèvent des quantités qui ne sont pas trop importantes pour assurer le renouvellement des nappes. J'ai rencontré tous les industriels produisant de l'eau. Il y a eu des alertes sur les quatre marques de Nestlé Waters et sur des eaux du groupe Sources Alma, seules eaux pour lesquelles les contrôles des ARS ou de la DGCCRF nous ont amenés à être plus vigilants. Nous avons un secteur de minéraliers d'une grande qualité, d'après mon travail.
M. Daniel Gremillet. - Cela me choque de proposer comme recommandation l'obligation pour l'industriel de laisser immédiatement les agents conduire l'inspection. Cela ne reflète pas la réalité de la plupart des contrôles. Est-il bien nécessaire de le préciser ? En général, un contrôle inopiné se déroule immédiatement. Je ne voudrais pas faire une recommandation à partir d'un cas particulier. Respectons les entreprises.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - La recommandation n° 4 ne fait que rappeler la règle.
M. Philippe Grosvalet. - C'est comme pour les inspecteurs du travail...
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je propose de supprimer la fin de la recommandation n° 4, après « au sein des plans de contrôle des autorités compétentes ». C'est la règle ; elle n'a pas besoin d'être rappelée.
Mme Antoinette Guhl, rapporteure. - J'estime qu'elle aurait pu être rappelée dans les recommandations, mais cela figurera dans le corps du texte du rapport.
Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.
La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information ainsi modifié et en autorise la publication.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Vendredi 7 juin 2024
- Agence régionale de santé Grand Est : Mme Virginie CAYRE, directrice générale.
- Syndicat des eaux de source et des eaux minérales naturelles (SESEMN) : M. Jean-Hervé CHASSAIGNE, président.
- Audition conjointe de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Occitanie et de la préfecture d'Occitanie : MM. Didier JAFFRE, directeur général de l'ARS, et Serge JACOB, secrétaire général de la préfecture.
Lundi 10 juin 2024
- Audition de journalistes : Mme Marie DUPIN, journaliste à France Info, M. Stéphane FOUCART, journaliste au Monde.
- CFDT Agri Agro : MM. Christophe KAUFFMANN, secrétaire fédéral de branche et secteur Europe, Emmanuel CUSSONNEAU, secrétaire fédéral de branche, et Mme Véronique DOURNEL, secrétaire nationale en charge de la transformation agroalimentaire.
- Collectif Eau 88 : MM. Bernard SCHMITT, porte-parole et président de Vosges Nature Environnement, et Jean-François FLECK, porte-parole et vice-président de Vosges Nature Environnement.
- Centre national de la recherche scientifique (CNRS) : Mme Florence HABETS, directrice de recherche, hydroclimatologue.
Jeudi 13 juin 2024
- Sources Alma : MM. Luc BAYENS, directeur général, et Arnaud MITTELETTE, responsable des affaires publiques.
- Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) : M. Matthieu SCHULER, directeur général délégué chargé du pôle sciences pour l'expertise, et Mme Sarah AUBERTIE, chargée des relations institutionnelles.
- Nestlé France : Mme Muriel LIENAU, présidente et ancienne présidente de Nestlé Waters (jusqu'en février 2023), et M. Fabio BRUSA, directeur des affaires publiques et européennes.
- Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne : MM. Éric MARIN, directeur adjoint, Ghislain MARECHAL, enquêteur en charge de la lutte contre la fraude, Claudio MAZZINI, auditeur externe, et Mme Ariane VANDER STAPPEN, cheffe adjointe de l'unité Résistance antimicrobienne, alimentation humaine.
- Inspection générale des affaires sociales (Igas) : Mme Frédérique SIMON-DELAVELLE, inspectrice générale.
Lundi 17 juin 2024
- Maison des eaux minérales naturelles (MEMN) : M. Sébastien JACQUES, délégué général.
Mardi 18 juin 2024
- Danone : Mmes Cathy LE HEC, directrice corporate affairs Waters, et Marion BOUISSOU-THOMAS, directrice des affaires publiques et scientifiques.
Mercredi 19 juin 2024
- Établissement public territorial de bassin Vistre Vistrenque : M. Thierry AGNEL, président, et Mme Sophie RESSOUCHE, ingénieure chargée des eaux souterraines.
- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : Mme Odile CLUZEL, sous-directrice produits et marchés agroalimentaires, et M. Thomas PILLOT, chef du service Protection des consommateurs et régulation des marchés.
Jeudi 20 juin 2024
- Personnalité : Mme Yasmine MOTARJEMI, ancienne vice-présidente adjointe et ancienne directrice de la sécurité des aliments chez Nestlé, et lanceuse d'alerte.
Vendredi 21 juin 2024
- Direction générale de la santé (DGS) : Mmes Laurence CATE, adjointe à la sous-directrice de la prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation, Mathilde MERLO, cheffe du bureau de la qualité des eaux.
- Préfecture des Vosges : Mme Valérie MICHEL-MOREAUX, préfète.
- Foodwatch : Mmes Ingrid KRAGL, directrice de l'information, et Audrey MORICE, chargée de campagne.
Vendredi 27 juin 2024
- Préfecture du Gard : MM. Jérôme BONET, préfet, Pierre CASTEL, chef de l'unité interdépartementale Gard-Lozère à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Occitanie, Serge COMBE, directeur adjoint de la direction départementale de la protection des populations (DDPP), et Mme Clémence CAYRIER, inspectrice principale à la DDPP.
Jeudi 26 septembre 2024
- M. Aurélien ROUSSEAU, député des Yvelines, ancien directeur de cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne.
Mardi 8 octobre 2024
- M. Victor BLONDE, inspecteur des finances, ancien conseiller technique participations publiques, consommation et concurrence au cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne.
Mercredi 9 octobre 2024
- M. Cédric Arcos, ancien conseiller technique santé au cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne.
- Mme Agnès PANNIER-RUNACHER, ancienne ministre de l'industrie.
TABLEAU DE MISE EN OEUVRE ET DE SUIVI
N° |
Proposition |
Acteurs concernés |
Calendrier prévisionnel |
Support(s) |
1 |
Régler la question de la microfiltration en lien avec nos homologues européens : adopter une position claire et générale sur le seuil de coupure acceptable et organiser la mise en conformité des exploitants en conséquence. |
DGS, SGAE Anses Commission européenne Préfectures et ARS |
D'ici fin 2025 |
Dialogue européen entre autorités
compétentes Avis de l'Anses, circulaire ou arrêté |
2 |
Garantir la traçabilité des eaux : réaliser une campagne de contrôles ciblés des sites conditionnant eaux de boissons et eaux minérales naturelles ou de source sur les mêmes lignes de production pour évaluer l'opportunité d'une évolution de la règlementation. Préciser les preuves de traçabilité à produire ainsi que les mesures à prendre pour éviter les mélanges et les erreurs, et s'assurer qu'elles soient décrites au sein des arrêtés d'autorisation d'exploitation. |
DGS, ARS DGCCRF, DDETS-PP |
D'ici fin 2025 |
Conduite d'inspections et |
3 |
Développer le travail en réseau des autorités compétentes : pérenniser les échanges entre DGS, DGAL et DGCCRF pour mettre en place un groupe de travail national sur les eaux conditionnées et formaliser les bonnes pratiques de partages d'information et d'alerte entre les administrations centrales et locales permettant d'identifier les risques à la suite des contrôles. |
DGS, DGAL, DGCCRF ARS, DDETS-PP |
D'ici fin 2024 |
Création d'un groupe de travail Rédaction |
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Pérenniser les inspections inopinées conjointes des autorités compétentes en matière de sécurité sanitaire et de loyauté des produits : inscrire leur principe, à une fréquence régulière, au sein des plans de contrôle des autorités compétentes. |
DGS, DGCCRF ARS, DDETS-PP |
Dès publication du rapport |
Actualisation Actions et instructions des autorités compétentes |
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Renforcer la publicité des mesures prises par les autorités de contrôle : encourager le recours à des mesures de police administrative correctives assorties de mesures de publicité afin de renforcer leur caractère dissuasif et de porter ces pratiques à l'attention du consommateur. |
DGCCRF, DGS |
Dès 2025 |
Actions et instructions des autorités compétentes |
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Renforcer le dispositif de surveillance au service de la qualité sanitaire des eaux : favoriser l'accréditation des laboratoires sur des paramètres encore peu surveillés aujourd'hui et réaliser des campagnes d'acquisition de connaissances des laboratoires d'autosurveillance des exploitants grâce à l'action du Laboratoire d'hydrologie de Nancy de l'Anses pour favoriser leur montée en compétences. |
Anses, Laboratoire d'hydrologie de Nancy (LHN) |
Dès 2025 |
Action du LHN - Anses |
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Renforcer l'étiquetage : dans le cadre européen, prôner l'indication sur l'étiquetage de tous les traitements pratiqués sur les eaux minérales naturelles ou de source embouteillées, y compris la microfiltration, pour renforcer l'information du consommateur. |
DGCCRF, SGAE |
2025 |
Dialogue européen Modification de l'arrêté du 14 mars 2007 |
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Mieux informer sur les distinctions entre les différentes qualifications des eaux : mener des campagnes d'information sur les différences entre eaux minérales naturelles, eaux de source, eaux rendues potables par traitement et eaux de boissons rafraîchissantes sans alcool au travers du bilan annuel ainsi que des sites Internet des ministères chargés de la santé et de la consommation. |
DGS, DGCCRF |
Dès publication du rapport |
Bilan annuel Communication |
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Systématiser l'étude des hydrosystèmes : lancer une campagne d'évaluation par les préfectures des besoins d'étude des hydrosystèmes exploités par des industriels des eaux minérales naturelles et de source sur leur territoire. Le cas échéant, rendre publiques ces études. |
DGS, DGALN, préfectures (DDTM, DDETS-PP), ARS |
2025 |
Campagne d'évaluation Arrêtés préfectoraux |
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Informer le public sur les pressions affectant la ressource : - rendre publiques les quantités d'eau prélevées par les exploitants des sources d'eau minérale naturelles et de source ; - actualiser le plan d'action sur les micropolluants en y incluant les eaux conditionnées et en communiquant sur les actions de mesure et d'évaluation de la présence de polluants émergents à l'occasion du bilan de la qualité des eaux conditionnées. |
DGS, DGALN |
2025 |
Bases de données SISE-EAUX, Ades Actualisation du plan micropolluants |
* 1 Directive 2009/54 CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 relative à l'exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles, voir annexe I pour la définition de l'eau minérale naturelle.
* 2 Directive 80/777/CEE du Conseil du 15 juillet 1980 relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'exploitation et la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles.
* 3 Article R. 1322-2 du code de la santé publique pour les eaux minérales naturelles et Article R. 1321-84 du même code pour les eaux de source.
* 4 Article R. 1322-3 dudit code.
* 5 Arrêté du 14 mars 2007 relatif aux critères de qualité des eaux conditionnées, aux traitements et mentions d'étiquetage particuliers des eaux minérales naturelles et de source conditionnées ainsi que de l'eau minérale naturelle distribuée en buvette publique.
* 6 Article R. 1322-7 dudit code.
* 7 Site : https://eaumineralenaturelle.fr/question/leau-minerale-coute-t-chere, consulté le 13 septembre 2024.
* 8 Rapport 2021-108R « Les eaux minérales naturelles et eaux de source : autorisation, traitement et contrôle » de l'Inspection générale des affaires sociales, rendu le 19 juillet 2022, publié le 23 février 2024.
* 9 Observatoire des services publics de l'eau et de l'assainissement (eaufrance.fr), consulté le 10 octobre 2023.
* 10 Article 1613 quater du code général des impôts.
* 11 Article 1582 du code général des impôts.
* 12 Comptes de gestion issus du rapport de la chambre régionale des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes sur la commune d'Évian-les-Bains (Haute-Savoie), publié le 27 avril 2021.
* 13 Zone d'infiltration des eaux (l'impluvium est la partie située sur le plateau où les pluies et les neiges tombent et sont stockées. L'eau est ensuite lentement filtrée et purifiée à travers les multiples strates géologiques avant de devenir eau minérale naturelle.)
* 14 Maintenir une agriculture durable et respectueuse de l'environnement - APIEME : Association de protection de l'impluvium des eaux minérales à Évian (apieme-evian.com).
* 15 Pfung, G. (2021). Territorialisation et logique de filière de l'eau thermo-minérale : ressources, usages et enjeux : Approche comparée de sites à usages multiples en France et en Belgique (Doctoral dissertation, Université de Lyon). https://theses.hal.science/tel-03 669 050/document ; https://www.tourisme-plainedesvosges.fr/offres/parc-thermal-de-vittel-vittel-fr-4610 126/
* 16 Communiqué de presse « Protégeons mieux nos eaux minérales naturelles ! » publié le 6 juin 2024 sur le site de l'Académie nationale de médecine.
* 17 À titre d'exemple, Danone exporte 60 % de sa production d'eaux Volvic dont 58 % en Europe, et 60 % de sa production d'Évian dont 30 % en Europe.
* 18 Directive 2009/54/CE du parlement européen et du conseil du 18 juin 2009 relative à l'exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles.
* 19 Arrêté du 14 mars 2007 relatif aux critères de qualité des eaux conditionnées, aux traitements et mentions d'étiquetage particuliers des eaux minérales naturelles et de source conditionnées ainsi que de l'eau minérale naturelle distribuée en buvette publique.
* 20 Ensemble de la flore bactérienne.
* 21 Avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments relatif à une demande d'approbation du procédé de traitement du système IMECA pour les eaux de source et les eaux minérales naturelles déposée par la société DELLA TOFFOLA France. Saisine 2000-SA-0266.
* 22 Article 10 de l'arrêté du 14 mars 2007.
* 23 Règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires ; Règlement (CE) n° 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires ; Règlement (CE) n° 882/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif aux contrôles officiels effectués pour s'assurer de la conformité avec la législation sur les aliments pour animaux et les denrées alimentaires et avec les dispositions relatives à la santé animale et au bien-être des animaux.
* 24 Telle que prévue par l'arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 22 octobre 2013 relatif aux analyses de contrôle sanitaire et de surveillance des eaux conditionnées et des eaux minérales naturelles utilisées à des fins thérapeutiques dans un établissement thermal ou distribuées en buvette publique.
* 25 Bilan de la qualité des eaux conditionnées en France, Direction générale de la santé, décembre 2023.
* 26 Article L. 512-51 du code de la consommation.
* 27 Arrêté du 22 octobre 2013 relatif aux analyses de contrôle sanitaire et de surveillance des eaux conditionnées.
* 28 Pour les eaux minérales naturelles, articles R.1322-43 et suivants du code de la santé publique.
* 29 Depuis le 1er mars 2021. Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
* 30 Arrêté du 22 octobre 2013 relatif aux analyses de contrôle sanitaire et de surveillance des eaux conditionnées.
* 31 Article 7 de l'arrêté mentionné ci-dessus.
* 32 Article R1322-29 du code de la santé publique.
* 33 Bilan de la qualité des eaux conditionnées 2022, Direction générale de la santé, 2023.
* 34 Article publié à la suite de l'enquête Le Monde - Radio France, Le Monde, 30 janvier 2024.
* 35 D'après la convention judiciaire d'intérêt public conclue le 10 septembre 2024, dans le Grand Est, le SNE a constaté l'achat par Nestlé Waters de 6 appareils à ultraviolets de 2005 à 2009 et de 280 lampes pour appareils UV entre 2013 et 2022. Il a également déterminé que les filtres à charbon actif, interdits, ont été mis en place à partir de 2010.
* 36 Articles L. 441-1, L. 454-1, L. 454-4, L. 454-5 al 2 et 3 du code de la consommation, sanctionnés par les articles 121-2 ; 131-28, 131-29 du code pénal.
* 37 Propos liminaires de Muriel Lienau, Directrice générale de Nestlé France lors de son audition par la mission d'information le 13 juin 2024.
* 38 Confirmée par les prélèvements de l'exploitant et de l'ARS.
* 39 Point de situation sur nos eaux minérales naturelles, site Internet de Nestlé consulté le 17 septembre 2024.
* 40 Article L. 1324-1 A à L.1324-1 B du code de la santé publique.
* 41 Article L. 521-1 du code de la consommation.
* 42 Article L521-2 du code la consommation.
* 43 Article L522-1 du code de la consommation.
* 44 Articles L. 522-1 et L. 522-6 du code de la consommation.
* 45 Conformément à l'article 11 de la directive 2009/54.
* 46 Avis rendu par des courriers du 16 décembre 202 et du 13 janvier 2023.
* 47 Réponse de Nestlé Waters au questionnaire écrit de la mission d'information.
* 48 Recommandation n° 5 du rapport de l'Igas.
* 49 Rapport de l'Igas, p. 45.
* 50 Avis de l'Anses 2022-SA-0224 du 13 janvier 2023.
* 51 Octobre 2023 pour le Gard et mars 2024 pour les Vosges.
* 52 La demande est en cours d'instruction par l'ARS Occitanie.
* 53 Rapport de l'Igas, p. 44.
* 54 Les deux tiers de la production de Perrier sont exportés. Danone exporte quant à elle 60 % de sa production d'eaux Volvic dont 58 % en Europe, et 60 % de sa production d'Évian dont 30 % en Europe.
* 55 Point iii de la recommandation n° 2 du rapport de l'Igas.
* 56 Article 20 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat modifiant l'article L464-9 du code de commerce et l'article L521-2 du code de la consommation.
* 57 Rapport d'information n° 871 (2022-2023) « Pour une politique de l'eau ambitieuse, responsable et durable » déposé le 11 juillet 2023, p. 73.
* 58 Ibid, p. 220.
* 59 Rapport n° 89 (2023-2024) de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les micropolluants de l'eau, déposé le 9 novembre 2023.