IV. DES ÉVOLUTIONS À LA MARGE DE LA GOUVERNANCE DE LA BRANCHE AT-MP POUR RÉAFFIRMER SON CARACTÈRE PARITAIRE

A. TRANSFORMER LA COMMISSION ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES (CAT-MP) EN UN CONSEIL D'ADMINISTRATION INDÉPENDANT

La branche AT-MP fait figure d'exception au sein du paysage de la sécurité sociale française, puisqu'elle demeure la dernière où la gouvernance est strictement paritaire au sein de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT-MP), qui est uniquement composée de cinq représentants des organisations syndicales et d'autant de représentants patronaux.

L'accord national interprofessionnel du 15 mai 2023, signé par les partenaires sociaux, plaide pour une plus grande autonomie de la branche AT-MP vis-à-vis de la branche maladie. Aussi, les rapporteures proposent de transformer la CAT-MP en un conseil d'administration à part entière, indépendant de la Cnam, et de formaliser la relation avec cette dernière au sein d'une délégation de gestion en complément de la COG. Cette nouvelle organisation permettrait de responsabiliser d'avantage les partenaires sociaux, et de reconnaître leur expertise en matière de risques professionnels.

B. INTRODUIRE UNE REPRÉSENTATION DES VICTIMES AU SEIN DE LA BRANCHE

Jusqu'ici la stricte gestion paritaire de la branche AT-MP conduit à ce que les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ne soient pas représentées directement au sein de la CAT-MP, à l'inverse des autres caisses nationales. Les organisations syndicales représentatives participent indirectement à cette représentation, mais l'expertise d'associations de victimes telles que la Fnath et l'Andeva gagnerait à être mise à profit.

Les rapporteures suggèrent donc d'intégrer au sein de l'organe de gouvernance de la branche AT-MP deux membres représentants d'associations de victimes avec une simple voie consultative, afin de conserver le caractère paritaire de cette gouvernance.

MODERNISER L'INDEMNISATION DE L'INCAPACITÉ PERMANENTE,
LA REVALORISER ET LUI CONFÉRER UNE NATURE DUALE

Proposition n° 10 : Réaffirmer la nature duale de la rente et refondre ses modalités de calcul en actant, conformément à la proposition des partenaires sociaux, la définition d'une part professionnelle dépendant du salaire et d'une part fonctionnelle dépendant du taux d'incapacité, en s'assurant que le nouveau mode de calcul soit plus favorable que le précédent dans toutes les configurations possibles et constitue un effort de la branche d'environ 400 millions d'euros par an, à terme.

Proposition n° 11 : Conformément à la proposition des partenaires sociaux, instaurer la possibilité, pour les victimes d'AT-MP présentant une incapacité permanente lourde, de capitaliser une partie de la rente.

Proposition n° 15 : Conformément à la proposition des partenaires sociaux, conférer un caractère dual à l'indemnité en capital et consacrer une part fonctionnelle de l'indemnité en capital calculée pour représenter un investissement d'une centaine de millions d'euros en 2025.

Proposition n° 16 : Faire dépendre la « part professionnelle » de l'indemnité en capital du salaire de l'assuré afin de consolider le dispositif sur le plan juridique et la fixer, au minimum, au niveau actuel de l'indemnité en capital associé à chaque taux d'incapacité.

RÉPONDRE AUX ENJEUX DE L'INDEMNISATION DE COURT TERME
DES VICTIMES DE FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR

Proposition n° 12 : Clarifier la formulation de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale en déterminant, sans équivoque et en impliquant les associations de victimes, les postes de préjudice pouvant faire l'objet d'une indemnisation intégrale dans le cadre d'une procédure en FIE.

Proposition n° 13 : Ouvrir le droit à capitaliser une partie de sa rente à l'ensemble des bénéficiaires d'une rente reconnus victimes de FIE, et non pas aux seuls d'entre eux dont le taux d'incapacité permanente excède 50 %.

Proposition n° 14 : Fixer le plafond que ne saurait dépasser le montant de rente capitalisée à une fois et demi le montant du Pass (69 552 euros) pour les victimes de faute inexcusable de l'employeur, contre une fois ce montant pour les autres victimes.

PROPOSITIONS TRANSVERSALES SUR L'INCAPACITÉ PERMANENTE

Proposition n° 4 : Diminuer de 25 % à 20 % le taux d'incapacité minimal requis pour entamer une procédure de reconnaissance de maladie professionnelle devant le CRRMP, et renforcer les capacités de traitement de dossiers de ces comités pour envisager, dans le futur, de nouvelles baisses.

Proposition n° 7 : Procéder enfin à une révision des barèmes indicatifs d'invalidité en ouvrant une enveloppe dédiée dans la prochaine COG, en fonction des seuls préjudices indemnisés par la rente.

AMÉLIORER L'ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES D'AT-MP

Proposition n° 17 : Expérimenter, dans deux régions, le versement d'une PCRTP aux victimes d'AT-MP en incapacité temporaire et nécessitant une aide humaine pour accomplir au moins trois actes de la vie courante.

Proposition n° 18 : Repenser l'architecture de la PCRTP en rapprochant la PCRTP de la PCH afin de mieux coller aux besoins réels en aide humaine et en supprimant la condition d'éligibilité relative au taux d'incapacité minimal.

DISTINGUER LES PRESTATIONS D'INCAPACITÉ TEMPORAIRE DE LA BRANCHE AT-MP DE CELLES DE LA BRANCHE MALADIE

Proposition n° 5 : Supprimer le délai de carence applicable à l'indemnisation des arrêts de travail consécutifs à un AT-MP pour les non-salariés agricoles pour aligner leur statut sur celui des assurés du régime général.

Proposition n° 6 : Garantir le maintien intégral de la rémunération des assurés en arrêt de travail pour un AT-MP lors des 28 premiers jours d'arrêt, sans surcoût pour les employeurs.

PRENDRE ENFIN LE VIRAGE PRÉVENTIF

Proposition n° 19 : Tendre progressivement à un niveau de dépense de la branche AT-MP en faveur de la prévention équivalent à 7 % de ses dépenses.

Proposition n° 20 : Encourager au développement d'organismes sectoriels de prévention sur le modèle de l'OPPBTP, dont les recommandations sont mieux écoutées par les employeurs du fait de la spécialisation et du réseau constitué.

Proposition n° 21 : Tendre à moyen terme vers une application de la tarification AT-MP de droit commun pour les ESMS, en s'assurant que cette évolution soit suffisamment progressive pour ne pas être source de difficultés financières pour les établissements marqués par une sinistralité particulière et qu'elle ne provoque pas de distorsion de concurrence entre établissements publics et privés, le cas échéant en adoptant des mesures complémentaires.

AUTONOMISER LA GOUVERNANCE ET RENFORCER LE SUIVI

Proposition n° 1 : Imposer aux différents services de l'État et aux acteurs concernés de produire des données consolidées inter-régimes permettant d'avoir une vision synoptique de la sinistralité AT-MP en France.

Proposition n° 22 : Transformer la CAT/MP en un conseil d'administration à part entière, indépendant de la Cnam, et formaliser la relation avec cette dernière au sein d'une délégation de gestion en complément de la COG.

Proposition n° 23 : Modifier la composition de la CAT/MP afin d'y ajouter deux membres représentants d'associations de victimes avec une voie consultative afin de conserver le caractère paritaire de la gestion de la branche tout en valorisant l'expertise de ces associations.

RENDRE PLUS JUSTES LES TRANSFERTS À LA CHARGE DE LA BRANCHE

Proposition n° 2 : Prendre en compte la sur-reconnaissance des AT-MP dans la détermination du montant versé à la branche maladie au titre de la sous-déclaration.

Proposition n° 3 : Procéder à un rééquilibrage de l'effort financier en faveur du Fiva en augmentant la contribution de l'État.

ENCOURAGER LE RETOUR À L'ACTIVITÉ DES TITULAIRES
D'UNE PENSION D'INVALIDITÉ

Proposition n° 8 : Augmenter de 1,5 à 2 fois le Pass le plafond du salaire de comparaison dans le cadre du cumul de la pension d'invalidité avec des revenus d'activité.

Proposition n° 9 : Fixer dans la loi le principe selon lequel tout assuré remplissant les critères d'éligibilité médicaux à la pension d'invalidité a droit à une pension d'invalidité « socle », fixée à un montant symbolique, indépendamment de son niveau de revenus, afin de garantir l'accès aux prestations connexes à la pension d'invalidité.

Réunie le mercredi 9 octobre 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté le rapport et les recommandations présentés par Marie-Pierre Richer et Annie Le Houérou, rapporteures, et en a autorisé la publication sous forme d'un rapport d'information.

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