EXAMEN EN COMMISSION
M. Christophe-André Frassa, président. -Nous écoutons donc nos deux rapporteurs Nadine Bellurot et Jérôme Durain sur leur rapport d'information issu du déplacement en Polynésie française effectué en avril 2024. Je vous prie d'excuser notre collègue Guy Benarroche, retenu pour des raisons familiales.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Cinq d'entre nous ont fait le déplacement en Polynésie française, mais Philippe Bonnecarrère est maintenant député et le président de la commission, François-Noël Buffet, a été nommé ministre.
Nous avons rencontré des élus du Pays et des communes, des représentants de l'État et de ses différentes administrations, ainsi que des acteurs socio-économiques ; nos deux collègues de Polynésie, Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, ont participé à ces échanges - qu'ils en soient chaleureusement remerciés.
Vous le savez, le régime juridique et institutionnel de la Polynésie française est de longue date empreint de fortes particularités au sein de la République, afin d'épouser les spécificités géographiques, économiques et culturelles de ce vaste territoire de 2,5 millions de kilomètres carrés et d'environ 280 000 habitants.
De fait, la Polynésie française constitue aujourd'hui l'exemple le plus abouti de l'autonomie institutionnelle susceptible d'être conférée à une collectivité d'outre-mer en application de l'article 74 de la Constitution. Pourtant, à certains égards, elle apparaît comme un modèle inachevé qui appelle encore certains ajustements.
Tel est l'objet des 22 recommandations que nous vous soumettons aujourd'hui, qui visent à mieux faire vivre l'autonomie de la Polynésie française et à permettre localement de mieux différencier l'exercice des compétences en fonction de la diversité des situations pour assurer une plus grande proximité de l'action publique.
En premier lieu, j'aborderai la question de l'autonomie du territoire. C'est, compte tenu de ce qu'est la Polynésie française, la clef de son développement harmonieux dans la République.
Cette autonomie est extrêmement poussée, puisque les institutions de la Polynésie française détiennent une compétence de droit commun pour toutes les affaires du territoire, tandis que l'État, comme les communes, n'ont que des compétences d'attribution limitativement énumérées - essentiellement dans le domaine régalien pour ce qui concerne l'État.
À la suite des élections territoriales de mai 2023, les institutions locales - assemblée et présidence du Pays - sont aujourd'hui dominées par une majorité indépendantiste après une phase de stabilité politique de plus de dix ans qui avait profité aux partis autonomistes. Malgré l'étroitesse des compétences quotidiennes exercées par l'État, celui-ci n'en assure pas moins un accompagnement majeur du territoire, en donnant en particulier aux institutions locales des moyens financiers et d'ingénierie importants - pas moins de 1,764 milliard d'euros en 2023.
Globalement, la Polynésie française est un territoire qui va bien - surtout en comparaison avec d'autres territoires ultramarins -, même s'il ne s'est pas encore complètement remis de la période covid et qu'il connaît certaines difficultés en matière de travail, de protection sociale ou de santé publique, des domaines relevant de la collectivité.
De nos échanges et constatations sur place résultent douze préconisations qui, selon nous, devraient permettre de mieux faire vivre encore cette autonomie, tout en conservant l'ancrage de ce territoire dans la République.
Actuellement, il existe une difficulté à établir des frontières incontestables et pertinentes dans la répartition des compétences entre l'État et le Pays. La répartition des compétences pourrait donc être réexaminée en privilégiant davantage une logique de blocs de compétences dans une démarche de simplification et d'effectivité de l'action publique.
Cette logique permettrait notamment de consolider la compétence internationale de la Polynésie française concernant son environnement régional. De même, la compétence sur les médicaments pourrait être rattachée plus largement à la compétence santé exercée par la collectivité.
Par ailleurs, la difficulté à connaître précisément le droit applicable en Polynésie française est réelle. Il importe donc que le Pays mène un travail global de codification, matière par matière, du droit effectivement applicable.
En outre, il convient de revoir l'exigence du « compteur Lifou » : la date de la version d'une loi applicable ne serait plus inscrite dans la loi elle-même, mais cette mention pourrait être portée, par exemple, directement et automatiquement sur les textes applicables par le site Légifrance.
À plus long terme, il faut, nous semble-t-il, réfléchir à l'inversion du système actuel de spécialité législative, en retenant le principe d'une application de plein droit sans mention expresse de la norme nationale en Polynésie française, sous réserve d'adaptation et sauf exception. Cette évolution apparaîtrait d'autant plus pertinente que l'essentiel des compétences conservées par l'État en Polynésie française relève du domaine régalien, qui postule par principe une application de ses règles sur l'ensemble du territoire national.
L'État exerce son action dans des conditions satisfaisantes en Polynésie, mais certains ajustements pourraient être apportés. Je pense à la lutte contre les violences intrafamiliales, qui représentent plus de la moitié des faits de violences constatés dans un territoire qui est, en volume, le deuxième plus concerné de France, avec 383 mis en cause pour 100 000 habitants.
Il est donc important que tous les acteurs intéressés à cette politique, qu'il s'agisse de la prévention, de l'accompagnement ou de la répression, travaillent de concert de façon structurée ; c'est d'autant plus essentiel que ces compétences sont réparties entre la commune, le Pays et l'État.
Il en est de même en matière de lutte contre les stupéfiants ; une forte proportion de la population polynésienne est consommatrice de drogue, notamment de pakalolo, appellation locale du cannabis : 40 % des jeunes Polynésiens en consommeraient de manière ponctuelle ou régulière. Mais ce qui inquiète le plus est la présence de plus en plus massive de métamphétamine, connue sous le nom d'ice, aujourd'hui consommée par plus de 10 000 personnes : plus de 30 % des personnes détenues au sein des deux centres pénitentiaires le seraient pour trafic de ce produit.
Pour nos interlocuteurs, le risque est de voir le marché polynésien submergé par cette métamphétamine dans les prochaines années, puis par le fentanyl, devenu un fléau sur la côte ouest des États-Unis. Il convient donc d'adapter les moyens de prévention et de lutte à tous les échelons de l'action publique, notamment en renforçant les capacités d'action du parquet et les moyens opérationnels des forces de sécurité intérieure.
Pour lutter contre la consommation et la détention de substances illicites ou contre d'autres délits, notamment routiers, il serait en outre pertinent de rendre effectif en Polynésie française le mécanisme de l'amende forfaitaire délictuelle par la mise en place du procès-verbal électronique.
L'action de l'État en Polynésie française doit prendre en compte les effets induits sur la société par une faible densité de population, de multiples insularités et des distances majeures entre ses territoires, qui les rendent peu accessibles, malgré le maillage aérien et maritime existant - la Polynésie s'étend sur une surface égale à celle de l'Europe.
Du fait de ces caractéristiques, l'accès à la justice, qu'elle soit judiciaire ou administrative, est bien plus long, complexe et coûteux qu'en d'autres endroits du territoire national. C'est ce qui justifie, selon nous, que le taux de l'aide juridictionnelle et les conditions de remboursement des frais fassent l'objet d'une adaptation pour prendre en compte les contraintes de l'exercice professionnel des avocats.
Par ailleurs, la question de la durée d'affectation des magistrats en Polynésie doit être posée. Il apparaît nécessaire de prendre en considération l'étroitesse du ressort juridictionnel, a fortiori lorsque ce dernier est identique en première instance et en appel, et d'envisager dans cette hypothèse une règle de mobilité spécifique, applicable aux magistrats du parquet comme aux magistrats du siège.
Face aux besoins d'accompagnement des communes et, dans une moindre mesure, du Pays, l'attention des membres de la mission a été attirée sur la pertinence de l'intervention du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) en soutien technique et opérationnel des projets. Or ce n'est pas possible juridiquement à ce jour. Il est donc nécessaire de modifier la loi pour permettre au Pays et aux communes de bénéficier de l'ensemble des prestations offertes par ces deux opérateurs.
Comme d'autres collectivités ultramarines, la Polynésie française fait face à des tentatives d'ingérence étrangère. Des États cherchent à jouer un rôle d'aiguillon pour détacher la Polynésie française de la France. Par le biais du Groupe d'initiative de Bakou contre le colonialisme français, l'Azerbaïdjan entend ainsi apporter un soutien politique et matériel à la démarche indépendantiste en Polynésie.
L'immixtion d'une puissance étrangère dans les affaires du territoire et dans ses relations avec l'Hexagone, déjà identifiée en Nouvelle-Calédonie, est préoccupante. Elle doit être prise avec sérieux et ne doit pas être considérée comme simplement anecdotique pour la Polynésie française. Il faut donc surveiller les tentatives d'influence ou d'ingérence étrangères visant à attiser un sentiment anti-français en Polynésie française.
Dans son rapport d'information de janvier 2023 sur la stratégie française pour l'Indo-Pacifique, la commission des affaires étrangères du Sénat relevait l'insuffisante association des collectivités du Pacifique. Il faut associer réellement les autorités du Pays tant à sa définition qu'à sa mise en oeuvre : la Polynésie française, compte tenu de l'importance de son territoire maritime et de son insertion régionale, est en effet une pièce maîtresse de toute action dans le Pacifique Sud.
Le rôle de l'État est d'accompagner la Polynésie dans son développement, tout autant que de maintenir la présence de la République dans le Pacifique, où elle est en outre le seul membre de l'Union européenne présent.
Nous avons pu relever trois enjeux majeurs : le numérique ; la mise en valeur des ressources naturelles dans le cadre de l'économie bleue ; l'insertion professionnelle des jeunes.
Il faut donc inciter l'État à accompagner davantage la Polynésie dans ces domaines, notamment en renforçant la capacité d'accueil des compagnies du régiment du service militaire adapté (RSMA) et l'adéquation des formations proposées.
Partie intégrante de la France, la Polynésie française a néanmoins son centre de gravité politique, économique et culturel au coeur du Pacifique. Aussi sommes-nous convaincus de la nécessité de développer autant que possible la coopération régionale du territoire avec les États voisins.
Il importe donc de s'assurer de la cohérence et de la complémentarité des actions menées au niveau de l'État et du Pays et d'accompagner l'action de ce dernier au niveau régional, en favorisant une participation de haut niveau de l'État aux travaux des instances régionales, y compris lorsque le président de la Polynésie y représente sa collectivité.
Collectivité de la République, la Polynésie française est, de ce fait, également une collectivité de l'Union européenne, en tant que Pays et territoire d'outre-mer (PTOM). Si, par nature, l'aide européenne à ces Pays est plus limitée que celle qui est apportée aux régions ultrapériphériques, la Polynésie doit davantage investir les possibilités offertes, en renforçant sa présence auprès des institutions européennes.
En définitive, en soutenant la Polynésie française dans son développement endogène et régional, l'État contribue à faire rayonner les valeurs de la République dans le Pacifique, dans le respect de l'identité propre du fenua.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - J'en viens au second volet de notre rapport : l'organisation institutionnelle de la Polynésie. Nous formulons 10 propositions pour mieux différencier l'action locale et la rapprocher des citoyens.
La Polynésie française compte 48 communes qui ne disposent pas de la clause de compétence générale, mais de compétences spécifiques ; ainsi, 30 de ces communes comprennent des communes associées, formant un total de 98 communes associées sur l'ensemble du territoire.
L'intercommunalité reste peu développée en Polynésie française. Le territoire compte à ce jour cinq communautés de communes, dont trois ont été créées il y a moins de cinq ans. S'ajoutent 6 syndicats de communes, ainsi que 2 syndicats mixtes.
Il ressort de nos échanges que les communes de Polynésie, parce qu'elles sont de création récente, ne disposent pas de clause générale de compétence, ne bénéficient pas de marges de manoeuvre financière importantes et sont dépourvues de foncier. Elles n'ont pas encore trouvé leur place dans l'architecture institutionnelle locale.
Il nous semble donc essentiel de conforter les communes polynésiennes dans l'exercice des compétences de proximité, alors que, bien souvent, l'existence d'un « jacobinisme tahitien » est déplorée localement.
Pourtant, la loi statutaire prévoit deux mécanismes de nature à rapprocher des administrés la prise de décisions : l'un permet au Pays de déléguer aux maires ou aux présidents d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) les compétences pour prendre les mesures individuelles d'application des lois du Pays ou de la réglementation édictée par le Pays ; l'autre autorise le Pays, dans les conditions définies par une loi du Pays, à confier, par convention, aux communes ou aux établissements communaux ou de coopération intercommunale la réalisation d'équipements collectifs ou la gestion de services publics relevant de leurs compétences respectives.
Toutefois, ces délégations n'ont pas été véritablement mises en oeuvre à ce jour.
Nous appelons donc à recourir à ces mécanismes de dévolution dans une démarche de « petits pas », projet par projet, afin de créer une confiance mutuelle entre les autorités communales et celles du Pays. Dans ce contexte, l'expertise de la chambre territoriale des comptes en matière d'évaluation des coûts pourrait utilement être mobilisée, au titre d'un tiers de confiance.
Les communes ne sont, de fait, pas toujours en capacité effective d'exercer les compétences listées par la loi organique, y compris à l'échelon intercommunal. C'est le cas des compétences en matière d'environnement.
La situation est particulièrement difficile s'agissant de l'exercice de la compétence assainissement. Dans ces conditions, se pose la question d'un nouveau report du délai de mise en oeuvre de cette compétence par les communes, prévu au 31 décembre 2024, voire d'envisager des aménagements particuliers pérennes pour les communes d'archipels ; les besoins en ingénierie, et donc les coûts, sont particulièrement lourds afin d'y mettre en oeuvre les infrastructures nécessaires.
Des difficultés similaires de mise en oeuvre de la compétence se posent en matière de traitement des déchets. Alors qu'il s'agit d'une compétence obligatoire des communes, nombreuses sont celles qui peinent à l'assumer dans toute son ampleur, y compris dans le cadre des EPCI qu'elles ont créés. Aussi la question de la restitution au Pays de la compétence en matière de traitement des déchets est légitime.
Par ailleurs, l'ordonnance du 15 février 2006 portant actualisation et adaptation du droit applicable en matière de sécurité civile en Polynésie française a prévu la création de l'établissement public d'incendie et de secours de Polynésie française. Pourtant, dix-huit ans plus tard, celui-ci n'a toujours pas vu le jour.
On peut donc s'interroger sur la pertinence du modèle retenu en 2006, qui transposait, avec quelques modifications, la solution classique des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) à la Polynésie française. Nous estimons que les échanges doivent se poursuivre avec l'État, les communes et le Pays pour déterminer le modèle le plus adapté aux contraintes du territoire.
Il nous semble par ailleurs nécessaire de reconnaître une possibilité d'intervention de plein droit des communes dans certaines matières relevant aujourd'hui de la compétence du Pays.
La loi statutaire permet au Pays, par le biais d'une loi du Pays, de déterminer les conditions d'intervention des communes ou de leurs EPCI dans un certain nombre de matières. Le Sénat, à l'initiative de notre collègue Lana Tetuanui, avait étendu le champ des matières concernées, afin de favoriser l'exercice des compétences au plus près des habitants. Cette extension ne s'est toutefois pas traduite, en pratique, par un accroissement des compétences conférées à celles-ci par le Pays, qui reste à ce jour réticent à mettre en oeuvre cette disposition.
Aussi, nous pensons que la procédure actuelle doit être dépassée, afin de reconnaître aux communes de Polynésie française l'exercice partagé avec le Pays de certaines compétences, sans que soit nécessaire l'adoption d'une loi du Pays en ce sens. Il ne s'agirait donc pas d'un transfert complet de compétences, mais d'une prérogative d'intervention dans certains domaines, par le biais d'une compétence partagée, dans une logique d'effectivité et de subsidiarité.
Cet exercice pourrait concerner des compétences de proximité que plusieurs communes exercent déjà de facto, sans base juridique, pour pallier l'absence ou la faiblesse de certaines actions menées localement en la matière par le Pays : la culture et le patrimoine local, l'artisanat, l'aide sociale, la jeunesse et le sport.
Dans ces matières, la bonne coordination des interventions justifierait néanmoins la conclusion de conventions entre le Pays et chaque commune ou EPCI concernés. C'est le moyen de clarifier non seulement le périmètre des actions exercées, mais aussi, le cas échéant, les moyens financiers que le Pays pourrait apporter à la commune ou à l'EPCI. Conclure une telle convention serait d'autant plus facile que, dans les domaines précités, le Pays ne met souvent pas concrètement en oeuvre, localement, les compétences.
Il convient également de clarifier le statut des communes associées et des maires associés.
De même, il est important de donner une attractivité suffisante à la fonction publique communale et de conforter les compétences de ses membres, surtout pour les emplois relevant des catégories A et B, pour permettre aux communes de la Polynésie française d'exercer leurs compétences dans des conditions optimales. C'est en effet grâce à des personnels capables de mener à bien des projets d'investissement importants que les communes pourront se développer et offrir à leurs habitants un niveau de services adéquat. Il faut donc accompagner davantage les communes dans leur recrutement des agents de catégorie A et B, et dans la formation professionnelle de l'ensemble de leurs personnels.
J'en viens à un dernier élément concernant les communes : la question foncière, cruciale dans la capacité d'action des communes de la Polynésie.
Le legs de l'histoire a conduit à conférer au Pays un domaine privé extrêmement important, sans que la généralisation des communes en Polynésie française en 1971 ait conduit à des transferts des biens immobiliers du domaine privé du Pays vers les communes elles-mêmes. Par ailleurs, l'État conserve des emprises importantes, qui ne sont aujourd'hui plus mises en valeur.
Il en découle des situations où les communes sont totalement dépourvues de terrains d'assiette leur permettant d'exercer librement leurs compétences et de mener des projets structurants. Dans ces conditions, il convient de favoriser, par la vente ou par la mise à disposition à titre gratuit par le Pays et l'État, l'utilisation du foncier par les communes et les communautés de communes pour y établir des équipements publics locaux.
Notre dernière recommandation, évoquée récemment par la délégation aux collectivités territoriales, concerne l'intercommunalité.
La diversité géographique et culturelle des différents territoires de la Polynésie française justifie pleinement des mesures de différenciation renforcées dans les statuts juridiques applicables. L'intercommunalité semble être le vecteur juridique idéal de cette différenciation, en permettant d'adapter les compétences communautaires aux enjeux et besoins des territoires concernés.
Dans ce contexte, les élus marquisiens défendent de longue date la reconnaissance de leur éloignement et de leur identité culturelle par un statut juridique sui generis au sein de la Polynésie française.
La situation des îles Marquises justifie pleinement l'exercice de certaines compétences au plus près de la population, selon un principe de subsidiarité qui gagnerait à être pleinement mis en oeuvre en Polynésie française.
De fait, les Marquisiens sont très en pointe sur des projets majeurs en matière de préservation de leur environnement ainsi que de promotion de leur patrimoine naturel et culturel ; ils doivent disposer d'une capacité d'action effective en la matière. Compte tenu de l'éloignement, il semble également plus que légitime que les questions relatives à l'artisanat, aux zones de mouillage, à certains aménagements touristiques ou aux denrées servies dans les cantines collectives relèvent des compétences locales, afin de répondre au mieux aux besoins de l'archipel et de sa population.
Pour autant, la création d'une nouvelle catégorie de collectivité risquerait de complexifier le Paysage institutionnel polynésien, alors même que l'intercommunalité est un instrument juridique suffisamment malléable pour apporter à l'archipel des Marquises des réponses appropriées et adaptées.
Nous considérons donc l'EPCI comme la solution institutionnelle la plus adéquate pour renforcer et autonomiser l'action locale en Polynésie et il importe de promouvoir l'intercommunalité auprès des élus locaux.
Pour autant, si l'architecture juridique actuelle de l'EPCI n'est pas à même de permettre l'exercice de certaines compétences locales, nous estimons que, plutôt que de créer une nouvelle forme d'EPCI, il conviendrait de modifier les compétences susceptibles d'être exercées par les EPCI actuels de la Polynésie française.
Voici donc les constats et réflexions que peut nous inspirer notre déplacement, ainsi que les propositions que nous soumettons à votre approbation dans ce rapport que nous proposons d'intituler Vingt-deux propositions pour conforter l'autonomie et la proximité de l'action publique en Polynésie française.
Mme Lana Tetuanui. - Je suis ravie que mes collègues membres de la mission aient découvert notre territoire, tout comme je me réjouis de la prochaine mission de la délégation aux outre-mer. En effet, partager la réalité du terrain est crucial, car nous votons des textes, à 20 000 kilomètres de notre territoire, qui ne sont pas toujours adaptables. Je ferai un voeu pieux : nos recommandations doivent se traduire dans des propositions de loi. En effet, je ne souhaite pas que, après la présentation d'un énième rapport sur la Polynésie française, rien ne suive. Je sais que je pourrai compter sur l'engagement de mes collègues de la commission des lois du Sénat et du président Larcher, qui a une partie de son coeur en Polynésie.
Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie se trouve à cinq heures de Papeete. La Polynésie, pour le moment, est très calme, mais l'histoire de ces deux collectivités a toujours été liée : quand tout va bien à Papeete, tout va mal à Nouméa ; et quand tout va bien à Nouméa, c'est tout le contraire à Papeete.
De petits détails peuvent tout changer. Teva Rohfritsch, mon collègue de Polynésie, vient de rejoindre notre commission. J'espère que nos propositions et amendements seront soutenus par les membres de la commission des lois, de gauche comme de droite : c'est un véritable cri du coeur que je lance !
M. Francis Szpiner. - Je suis très réticent à l'égard de vos propos sur la diplomatie régionale. Il s'agit d'un vrai problème politique : le président actuel de la Polynésie est un indépendantiste ; le Forum des îles du Pacifique (FIP) n'est pas forcément le meilleur ami de la France ; renforcer le rôle du Pays en matière de diplomatie régionale me semble pour le moins hasardeux.
Manque dans ce rapport un point très important. Dans le cadre de l'autonomie interne, dans de nombreux secteurs, l'assemblée territoriale peut édicter des sanctions pénales. Au-delà d'un certain niveau de peine, ces sanctions pénales doivent faire l'objet d'une homologation préalable de la représentation nationale. Or cela ne fonctionne pas. Il faudrait, pour la Polynésie comme pour la Nouvelle-Calédonie, imposer un examen annuel, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, de lois d'homologation. Si nous voulons que l'autonomie interne fonctionne, il faut régler ce problème.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Évidemment, tout ce qui est d'ordre législatif doit être traduit en proposition de loi. Les recommandations de ce rapport ne peuvent rester lettre morte, car la Polynésie a besoin de ces mesures.
Le territoire de la Polynésie française est très particulier, très éloigné : les dispositifs se doivent d'être efficaces et adaptés. Il est également aussi grand que l'Europe.
Lors de notre déplacement, nous n'avons pas été interpellés sur ces questions d'homologation de sanctions pénales. Nous pourrons étudier ce point à part.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - De nos échanges ressort le sentiment d'un calme impatient, ou d'une impatience encore calme, à ce que l'on réponde aux problèmes très concrets de la population et du territoire. Ces ajustements, qui ne sont pas proposés pour la première fois, comme Lana Tetuanui l'a dit, nécessitent des dispositions législatives, pour que ce calme demeure et que l'impatience s'apaise.
M. Christophe-André Frassa, président. - Pendant longtemps nous n'avons pas eu que des amis au sein du FIP, mais la situation évolue depuis que la Micronésie a aidé la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie à intégrer le FIP en tant que membres à part entière. Le sentiment vis-à-vis de la France est aujourd'hui plus équilibré qu'avant.
Les recommandations sont adoptées.
La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.