DEUXIÈME PARTIE
LE NOUVEAU PROTOCOLE DE 2023-2027
DOIT ACCOMPAGNER LA RÉVISION STRATÉGIQUE AMORCÉE PAR LA
DSNA
I. LA « SOUS-PERFORMANCE » DU CONTRÔLE AÉRIEN FRANÇAIS SUPPOSE DE PROFONDES ÉVOLUTIONS
A. UN CONTRÔLE AÉRIEN FRANÇAIS SOUS-PERFORMANT
1. Une performance « médiocre »
a) La France est responsable de 35 % des retards liés au contrôle aérien en Europe
Dans son rapport d'information de 2018 précité, le rapporteur avait déjà souligné à quel point la performance du contrôle de la navigation aérienne en France était « très insuffisante ». En réponse au rapporteur, la DGAC reconnaît d'ailleurs elle-même que la performance actuelle des services du contrôle aérien français peut être considérée comme « médiocre en comparaison de celle de nos partenaires ».
Élevés, les retards moyens par vol imputables à la DSNA sont repartis à la hausse depuis la sortie de la crise sanitaire. Après une année noire en 2019 (1,8 minute de retard), cet indicateur s'était artificiellement amélioré en raison de la chute du trafic aérien résultant de la crise. Il s'est de nouveau fortement dégradé en sortie de crise, dépassant les 2 minutes en 2023. 85 % des retards sont générés par l'activité dite « en-route », c'est-à-dire le contrôle des avions en survol. Au cours de cette dernière année, les grèves, en particulier issues du conflit lié à la réforme des retraites ont participé à dégrader davantage cet indicateur. Au cours de l'été 2023, le retard moyen par vol a même atteint 4 minutes.
Ces dernières années, l'indicateur de retard moyen est toujours resté nettement plus élevé que l'ambition européenne qui était de le ramener à 0,5 minute par vol opéré.
Délai moyen par vol en-route imputable aux services du contrôle aérien français (2001-2023)
(en minutes par vol)
Source : commission des finances, d'après les réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur
Les vols traités chaque année par la DSNA représentent environ 30 % du trafic européen et 15 % des heures de vols contrôlées tandis que les retards constatés en France comptent pour environ 35 % du total européen, cette part variant globalement entre 20 % et 40 % selon les mois. Sur l'ensemble de l'année 2023, la France a ainsi été le principal contributeur aux retards dus aux services du contrôle de la navigation aérienne en Europe, à hauteur de 37 % devant l'Allemagne pour 26 %. Les centres de contrôle en route de la navigation aérienne (CRNA) de Reims et d'Aix-en-Provence sont parmi ceux qui génèrent le plus de retards en Europe.
Ponctualité des vols en Europe (2022-2023)
Source : rapport d'activité 2022-2023 de la DSNA
b) Bien qu'en amélioration, la productivité des contrôleurs français reste inférieure à celles de leurs principaux homologues en Europe
Si la productivité horaire des contrôleurs aériens français s'est nettement améliorée ces dernières années, passant de 0,78 vol contrôlé par heure en 2017 à 0,88 en 2022, elle reste encore inférieure à la moyenne européenne qui atteint 0,89 et surtout aux performances de beaucoup de leurs homologues, au premier rang desquels les contrôleurs du centre de Maastricht (2,02) mais aussi les Portugais (1,24), les Hongrois (1,12), les Britanniques (1,06), les Allemands (0,95), les Espagnols (0,95) ou encore les Italiens (0,91).
Productivité horaire des contrôleurs aériens en Europe (2022)
(en nombre de vol contrôlé par heure)
Source : ACE benchmarking report 2024 edition, Eurocontrol, mai 2024
Le rapporteur tient cependant à souligner qu'entre 2017 et 2022, la productivité horaire des contrôleurs aériens français s'est accrue de 13 % quand elle ne progressait en moyenne que de 1 % au niveau européen et que celle de leurs homologues allemands s'effondrait de 17 %. Il est essentiel que cette évolution encourageante se poursuive.
Évolution comparée de la productivité horaire des contrôleurs aériens (2017-2022)
(en nombre de vol contrôlé par heure)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les rapports d'Eurocontrol
c) Un déficit de performance qui a de lourdes conséquences pour les compagnies
Lors des auditions que le rapporteur a conduit au cours de sa mission de contrôle, la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (FNAM) tout comme Air France - KLM ont déploré la performance insuffisante des services du contrôle de la navigation aérienne en France et les conséquences financières qui en résultent pour les compagnies. Pour un vol, chaque minute de retard représente en moyenne un coût de 100 euros. En 2023, Air France - KLM a par exemple subi 815 000 minutes de retard dus au contrôle aérien, dont 75 % imputables à la DSNA, soit une perte d'environ 80 millions d'euros pour la compagnie.
Air France - KLM a ainsi alerté le rapporteur sur les efforts de productivité indispensables que le contrôle aérien français doit accomplir dans les prochaines années pour se mettre à niveau : « nous constatons que, malgré une légère amélioration depuis 2017, les performances opérationnelles de la DSNA demeurent insuffisantes pour fournir la capacité et les effectifs nécessaires pour répondre à la demande de trafic, particulièrement lors des pics d'activité, avec 50-60 % des retards sur juin - septembre »22(*).
d) Un défaut de performance qui s'explique principalement par l'incapacité de la DSNA à adapter sa capacité de contrôle au trafic
La DGAC a signalé au rapporteur que les retards générés par le contrôle aérien sont dus pour une large part au manque de contrôleurs en planification, c'est-à-dire à l'incapacité qu'a la DSNA à positionner suffisamment de contrôleurs et les heures de contrôles au moment où le trafic est le plus important. Cette situation provient d'une organisation du travail trop rigide de laquelle résulte une capacité très insuffisante de la DSNA à adapter et optimiser sa capacité de contrôle aux évolutions pourtant bien connues du trafic.
S'agissant du contrôle en-route, c'est-à-dire du contrôle effectué par les équipes des CRNA des avions en survol, il apparaît que, dans l'absolu, les effectifs actuels de contrôleurs devraient permettre de faire passer le trafic dans de bien meilleures conditions moyennant une plus grande souplesse d'organisation. C'est l'analyse qu'a présenté la DGAC au rapporteur dans les réponses écrites qu'elle lui a apporté : « l'offre de contrôle en-route de la DSNA, représentée par un nombre d'unités de contrôle simultanément disponibles par heure, devrait être de nature à largement couvrir le besoin global. En effet, si on compare cette offre à son utilisation réelle, on constate un écart conséquent et un taux d'utilisation qui s'améliore mais reste faible (55 % en 2023 pour une cible interne fixée à 75 %). Ainsi, malgré un potentiel d'offre de contrôle globalement satisfaisant, l'organisation du travail des contrôleurs ne possède pas la flexibilité nécessaire à positionner cette dernière en regard de la demande de trafic générant ainsi un volume de délai « Staffing » considérable ». La comparaison du potentiel de contrôle avec son utilisation effective, présentée dans le graphique ci-après, est à cet égard éloquente.
Comparaison du potentiel de contrôle disponible avec son utilisation effective (2021-2023)
(en heures de contrôle)
Source : commission des finances, d'après les réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur
D'après la DGAC, l'augmentation prévisible du trafic ainsi que sa nature sont susceptibles d'accroître ces difficultés dans les années à venir. En effet, selon les prévisions d'Eurocontrol, le réseau européen pourrait vraisemblablement devoir traiter 50 000 vols par jour en 2029, contre seulement 32 000 au cours de l'été 2024. En Europe, en moyenne, le trafic aérien devrait progresser de 2 % par an jusqu'en 2029. À cette échéance, les vols contrôlés en Europe pourraient dépasser les 12 millions par an contre 10,1 millions en 2023. La DSNA pourrait alors de devoir contrôler 3,8 millions de vols par an, contre 3,2 millions en 2023.
Dans ces conditions, la DGAC semble consciente qu'une réforme ambitieuse de l'organisation du travail des contrôleurs aériens est incontournable pour que la performance de la DSNA puisse se rapprocher de celle de ses principaux homologues européens : « ainsi, afin de pouvoir assurer les 50 000 vols par jours prévus en 2029 au niveau européen, soit probablement 15 000 vols par jour en France, il est nécessaire d'obtenir la flexibilité permettant d'optimiser l'utilisation du potentiel de contrôle et en améliorer le rendement »23(*).
2. Une organisation du travail excessivement rigide
a) De lourds handicaps lestent la performance du contrôle aérien « à la française »
En France, le contrôle de la navigation aérienne est réalisé par des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA), qui exercent dans les CRNA et les centres d'approche, et des techniciens supérieurs des études et d'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC), qui exercent dans certains centres d'approches et d'aérodromes. Dans les CRNA, les ICNA travaillent dans une salle de contrôle composée de plusieurs positions de contrôle et placée sous la responsabilité d'un chef de salle. Chaque position de contrôle est armée de deux contrôleurs, un contrôleur dit radariste et un autre dit organique.
Dans la mesure où le trafic aérien ne s'arrête jamais, la mission d'intérêt général de contrôle de la navigation aérienne induit une activité continue 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Des équipes constituées de contrôleurs aériens se relaient ainsi sur des positions de contrôle pour assurer la continuité du service. Ces conditions de travail supposent d'importantes sujétions et de fortes contraintes associées à de très lourdes responsabilités. Cette réalité justifie que le temps de travail des contrôleurs soit limité à 1 420 heures par an (au lieu de 1 607 pour le régime de droit commun), soit en moyenne 32 heures par semaine. Ces 1 420 heures se répartissent entre 1 312 heures de vacations de contrôle qui incluent des phases de pauses (de 25 % à 13 % selon les moments du jour et de la nuit) et 108 heures de formation continue.
Le rythme de travail de chaque équipe de contrôleurs est défini en cycles de 12 jours, le nombre de vacations sur le cycle étant égal à la moitié du nombre de jours du cycle, soit 6 jours, une règle dite du « un jour sur deux ». En 2018, le rapporteur notait que « cette règle a été mise en place pour limiter les trajets des contrôleurs entre leur domicile et leur travail, mais elle ne permet malheureusement pas toujours d'optimiser les tours de service ». Dans son rapport de 2021, la Cour des comptes a développé la même analyse : « l'organisation en 6 jours/12 s'est avérée d'une grande rigidité dans la gestion des équipes, la présence des agents un jour sur deux ne permettant pas de faire face aux pics de trafic saisonniers ou ponctuels ».
Les cycles comportent des plages d'activité la nuit, le dimanche et les jours fériés, qui ne sont pas rémunérées mais récupérées ultérieurement. La durée maximale des plages de travail des contrôleurs aériens, qualifiées de vacations est fixée à 11 heures pour les vacations de jour et à 12 heures pour les vacations de nuit, y compris 25 % de temps de pause. La durée de travail effectif théorique pendant les vacations de jour est donc de 8 heures 15 tandis qu'elle est de 8 heures pour les vacations de nuit. Toutefois, elles durent au total plutôt 8 à 9 heures en pratique, soit 6 heures à 6 heures 15 lorsqu'on déduit les temps de pause. Le temps de repos minimal entre deux vacations est de 11 heures. En vertu des règles européennes, chaque contrôleur doit réaliser au moins 200 heures de contrôle effectif par an afin de maintenir la validité de sa licence.
L'organisation du travail est très largement déléguée aux chefs d'équipes qui panifient les tours de service en tenant compte des prévisions de vols journalières, hebdomadaires et saisonnières et décident de l'adaptation du nombre de positions de contrôle ouvertes à la demande réelle du trafic. En France, le cycle de travail est principalement24(*) organisé en équipes25(*) alors qu'ailleurs en Europe, l'organisation en horaires individuels est souvent privilégiée. Chaque équipe alterne 3 jours de vacations, 3 jours de repos, 3 jours de vacations et 3 jours de repos par cycle de 12 jours. Le programme des équipes sert de base à l'organisation du travail des contrôleurs. Fixé à l'avance, il n'évolue qu'à la marge en cours d'année et même d'une année à l'autre.
Le rapporteur note que ce principe de « l'équipe », si caractéristique du contrôle aérien « à la française » est aussi l'un des principaux vecteurs de sa rigidité puisqu'il fait obstacle à toute gestion individualisée et optimisée des horaires de travail. Il n'est clairement pas le plus optimal en termes de performance. Les horaires et la gestion individualisés des contrôleurs, qui constituent la norme en Europe et qui sont notamment pratiqués dans le centre de Maastricht, le plus performant du continent, parce qu'ils offrent une plus grande flexibilité, sont beaucoup plus vertueux en matière de productivité.
Le rapporteur constate aussi qu'à ce handicap inhérent au contrôle aérien français s'ajoute la disparité des pratiques et des modes d'organisation d'un centre à l'autre, une autre spécificité qui affecte la performance de la DSNA.
Face aux évolutions et au développement du trafic aérien, la compagnie Air France - KLM a indiqué au rapporteur ne pas observer « les changements nécessaires pour s'y adapter dans l'organisation du travail des contrôleurs aérien »26(*). Elle précise que « la souplesse et la flexibilité des services de navigation aérienne en France restent très en deçà de ce qui serait requis ». Raison pour laquelle elle appelle de ses voeux à « des évolutions dans l'organisation du travail permettant une flexibilité du contrôle aérien pour faire face aux variations de trafic induites par les évolutions du marché ».
Le rapporteur l'avait déjà souligné dans son rapport précité de 2018 sur la modernisation de la DSNA, les rythmes de travail des contrôleurs aériens en France sont manifestement « inadaptés aux évolutions du trafic ». Rappelés ci-après, les constats qu'il avait alors dressés sont malheureusement toujours et plus que jamais d'actualité. Il avait notamment constaté que « la gestion des effectifs d'ICNA en salle de contrôle implique une suracapacité à certaines périodes de l'année ou de la journée, alors que la capacité est insuffisante à d'autres périodes. Il convient donc de mettre en place des mesures permettant d'offrir plus de capacités aux périodes de pointe, et moins en période creuse, sans modifier le nombre global d'heures travaillées ». Il affirmait déjà sa ferme conviction que « des gains de productivité et de capacité considérables peuvent être dégagés en revoyant en profondeur l'organisation du travail des aiguilleurs du ciel, aujourd'hui beaucoup trop figée et rigide ». Il ajoutait que « l'offre de capacités proposée par les contrôleurs aériens doit répondre à la demande des compagnies aériennes et s'adapter avec beaucoup plus d'agilité et de souplesse aux évolutions du trafic aérien, qui risquent de s'accentuer encore à l'avenir ». Le rapporteur regrette que la situation n'ait que si peu évolué depuis lors sur le front de l'organisation du travail des contrôleurs.
b) Faute de pouvoir payer ses contrôleurs autant que chez ses principaux partenaires en Europe, la France n'aurait-elle pas laissé s'installer une organisation du temps de travail sous-optimale ?
Si les performances des contrôleurs aériens français sont inférieures à celles de leurs principaux homologues et que leur organisation du travail est à ce point sous-optimale, leurs rémunérations, si elles apparaissent élevées à grade équivalent au sein de l'administration française, ne sont en réalité pas si importantes au regard d'autres pays comparables. Le rapporteur a tendance à considérer que ces deux éléments ne sont pas sans lien. Faute de pouvoir ou de vouloir payer ses contrôleurs autant qu'ailleurs la France n'aurait-elle pas fait plus ou moins sciemment le choix d'une organisation du temps de travail qui leur est plus favorable tout en étant si handicapante en termes de productivité pour la DSNA ?
Le salaire brut moyen annuel d'un ICNA est de l'ordre de 96 000 euros par an, soit environ 8 000 euros mensuels. Si elle semble élevée au premier abord en comparaison de postes affichant des grades équivalents au sein de la fonction publique, cette rémunération n'apparaît pas excessive au regard des pratiques observées chez nos principaux partenaires européens. Ainsi, au centre de Maastricht, le salaire brut annuel médian d'un contrôleur s'établit à 132 000 euros, un montant comparable à la rémunération moyenne d'un contrôleur allemand (130 000 euros). En Suisse, les rémunérations vont de 90 000 euros à 190 000 euros.
Tout en faisant le constat d'une rémunération des contrôleurs français globalement inférieure à celle de leurs principaux homologues en Europe, la DGAC a toutefois mis en garde le rapporteur sur les limites liées à ces comparaisons européennes : « les comparaisons sont toutefois délicates, les données fournies sur ce sujet étant peu précises et les règles de retenues de charges sociales et ou de déductions d'impôts, aussi complexes que diverses. Pour autant, il semble possible d'affirmer que les rémunérations des autres contrôleurs européens sont sensiblement plus élevées que celle des contrôleurs français »27(*).
Ce constat se retrouve dans les indicateurs utilisés par Eurocontrol, et notamment celui du coût d'emploi par heure de contrôle. D'après les données les plus récentes, datant de 2022, le coût d'une heure de contrôle en France s'élevait ainsi à 130 euros, soit un montant légèrement inférieur à la moyenne européenne (133 euros) et surtout nettement en dessous des niveaux atteints au centre de Maastricht (328 euros), en Allemagne (243 euros), en Suisse (229 euros), en Belgique (178 euros), en Autriche (177 euros), en Espagne (163 euros), au Royaume-Uni (158 euros) ou encore en Italie (153 euros).
Coût d'emploi du contrôle aérien par heure de contrôle (2022)
(en euros par heure de vol)
Source : ACE benchmarking report 2024 edition, Eurocontrol, mai 2024
3. Une loi récente a résolu le problème de la disproportion des conséquences sur le trafic de certaines grèves du contrôle aérien
a) Entre 2004 et 2016, la France a été responsable de 96 % des retards pour cause de grève en Europe
Au-delà des défauts de l'organisation du travail des contrôleurs, les conflits sociaux avaient historiquement des conséquences très lourdes pour l'ensemble du secteur du transport aérien.
D'après une étude de 201728(*) citée notamment par la Cour des comptes dans son rapport de 2021 sur la politique des ressources humaines de la DGAC, les grèves du contrôle aérien français auraient, à elles seules, été responsables de 96 % des retards résultants de mouvements sociaux en Europe sur la période 2004-2016.
Dans son rapport précité de 2018, le rapporteur déplorait ainsi « que les grèves des contrôleurs aériens français perturbent autant le trafic aérien européen et donnent de leur profession une image très négative par ailleurs injustifiée ».
La DGAC considère ainsi qu'une journée de grève des services du contrôle aérien en France engendre une perte d'environ 14 millions d'euros pour les compagnies et de 3 à 5 millions d'euros pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA)29(*).
b) En améliorant considérablement la prévisibilité des conflits sociaux, la loi du 28 décembre 2023 a permis de proportionner à l'ampleur réelle des grèves leurs conséquences sur le trafic
En 2018 déjà, dans son rapport d'information, le rapporteur soulignait que l'absence de préavis individuel de grève nuisait gravement à la prévisibilité de l'ampleur des mouvements sociaux affectant le contrôle aérien français. Dans ces conditions, faute d'être en mesure d'anticiper précisément l'ampleur d'une grève, par sécurité, afin d'assurer la continuité du service, la DGAC était conduite à annuler de nombreux vols de façon préventive et d'activer le dispositif de service minimum et ce, même si in fine le nombre effectif de grévistes ne le justifiait pas. Des contrôleurs étaient ainsi souvent réquisitionnés de façon disproportionnée. Par ailleurs, il pouvait arriver dans certains cas que, même en l'absence de gréviste dans un service, de nombreux vols qui auraient dû être traités par ce dernier soient annulés. Inversement, une sous-estimation des grévistes effectifs dans un centre par la DGAC a pu conduire à des annulations de dernière minute, « à chaud », extrêmement dérangeantes pour les compagnies et les passagers.
Le rapporteur notait ainsi que, faute d'obligation pour les contrôleurs de déclarer en amont leur participation à un mouvement de grève, « il demeure impossible de prévoir l'ampleur exacte de leurs grèves, ce qui peut conduire à des situations ubuesques, où quelques grévistes suffisent pour provoquer la mise en place du service minimum et de son système d'astreinte, sans parler des nombreux vols annulés alors qu'il y aurait eu suffisamment de contrôleurs pour permettre leur maintien ». Cette situation s'est répétée de façon quasi systématique au printemps 2023 lors du conflit social lié à la réforme des retraites, au point de susciter une exaspération inédite de l'ensemble de l'écosystème aérien. Le statu quo n'était plus tenable.
Aussi, en application de la recommandation qu'il avait formulée dès 2018 dans son rapport, le rapporteur a-t-il déposé en mai 2023 une proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic. Cette proposition de loi, définitivement adoptée le 15 novembre 202330(*), a créé une obligation de déclaration individuelle de participation au mouvement social à midi l'avant-veille d'une journée de grève. En améliorant leur prévisibilité, cette disposition doit faire en sorte qu'un mouvement de grève des contrôleurs aériens se traduise par une réduction du trafic proportionnée à l'ampleur de la grève.
Les différents mouvements de grèves d'ampleur modeste qui se sont développés depuis l'adoption de la loi n'ont pas affecté le trafic de façon disproportionnée comme cela aurait été le cas jusqu'en 2023, illustrant l'utilité d'une mesure saluée de manière quasi unanime par les acteurs du transport aérien.
* 22 Réponses écrites de la compagnie Air France - KLM au questionnaire du rapporteur.
* 23 Réponses de la DGAC au questionnaire du rapporteur.
* 24 Dans les principaux centres de contrôle classés A, B et C.
* 25 Composées d'au moins dix contrôleurs et deux chefs d'équipe.
* 26 Réponses écrites de la compagnie Air France - KLM au questionnaire du rapporteur.
* 27 Réponses écrites de la DGAC au questionnaire du rapporteur.
* 28 Ricardo Energy and Environment (in conjunction with York aviation), Study on options to improve
ATM service continuity in the event of strikes-final report, 6 mars 2017.
* 29 À travers une baisse du montant de redevances perçues.
* 30 Loi n° 2023-1289 du 28 décembre 2023 relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic.