N° 769

SÉNAT

2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 septembre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l'immobilier de l'administration territoriale de l'État,

Par Mme Florence BLATRIX CONTAT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », a présenté le mardi 24 septembre 2024 les conclusions de ses travaux de contrôle sur l'immobilier de l'administration territoriale de l'État.

Le patrimoine immobilier de l'administration territoriale de l'État est dans une situation préoccupante. Au regard des différents déplacements et auditions réalisés par la rapporteure spéciale, il ressort que la dégradation globale et continue du parc se poursuit inexorablement, et que l'immobilier de l'administration territoriale de l'État fait figure de « parent pauvre » au sein des dépenses du ministère de l'intérieur. Alors que celui-ci doit répondre à des exigences importantes de transition écologique de ses emprises immobilières, cette vague d'investissements n'est que très partiellement anticipée. La rapporteure spéciale appelle par conséquent à un sursaut, que la mise en place d'une foncière interministérielle pourrait incarner dès 2025, dès lors qu'elle remplira plusieurs conditions.

I. L'IMMOBILIER DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT EST CONTRONTÉ À LA SITUATION CONTRADICTOIRE D'UN FORT MANQUE DE MOYENS ET D'UNE MULTIPLICATION DES VECTEURS BUDGÉTAIRES

A. ALORS QUE LE PROGRAMME 354 PORTE LES DÉPENSES IMMOBILIÈRES D'UN PARC HÉTÉROGÈNE, SES CONDITIONS D'ENGAGEMENT DOIVENT ÊTRE CLARIFIÉES

1. Un patrimoine important, qui peut être propriété de l'État, mis à disposition par des collectivités territoriales, ou encore loué à des bailleurs privés

Le patrimoine de l'administration territoriale de l'État (ATE) comporte 2 871 bâtiments hébergeant près de 75 000 agents pour une surface utile brute (SUB) de plus de 3 millions de m², soit 3 % de la SUB de l'ensemble des bâtiments occupés par l'État et ses opérateurs.

Le périmètre immobilier du programme 354

Le périmètre immobilier du programme 354 « Administration territoriale de l'État » vise les services des :

- 101 préfectures situées en métropole et départements régions d'outre-mer, ainsi que leurs sous-préfectures ;

- 235 directions départementales interministérielles (DDI) ;

- 65 directions régionales du champ de l'administration territoriale de l'État (DR du périmètre ATE), dont 20 en départements ou région d'outre-mer ;

- 28 services de l'éducation nationale installés en cité administrative, dans des locaux communs avec les précédents services.

Source : projet annuel de performance de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2024

Les bâtiments préfectoraux représentent une surface totale de 1,8 million de m², tandis que le parc immobilier des DDI et des DR du périmètre ATE représente un peu plus de 1,3 million de m². Ces sites sont affectés à trois catégories d'usage (bureaux, logements et bâtiments techniques) et peuvent relever de trois statuts patrimoniaux (domanial, mis à disposition ou pris à bail par l'État).

Répartition de l'immobilier de l'administration territoriale de l'État

(en pourcentage des surfaces)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le ministère de l'intérieur

Alors que de nombreux bâtiments mis à disposition par les collectivités territoriales n'ont pas changé de statut depuis les lois de décentralisation, il devrait être permis aux préfets d'engager des échanges avec les collectivités propriétaires pour une cession à un montant symbolique de certaines emprises. Notamment, lorsque les bâtiments ne sont occupés que par les services de l'État, une telle démarche de simplification et de rationalisation ne peut qu'être bienvenue. Surtout, l'intégration pleine et entière de ces biens au patrimoine de l'État doit contribuer à améliorer la vision stratégique du ministère sur son patrimoine.

De plus, les services de l'administration territoriale de l'État louent plus de 320 000 m² à des bailleurs privés, soit près de 10 % des surfaces occupées par ces services. La location représente des montants conséquents en dépenses de fonctionnement : en 2023, ces dépenses se sont élevées à 91,32 millions d'euros, soit 27 % des dépenses immobilières du programme. Ainsi, les loyers externes ont représenté à eux seuls près de deux fois et demi (241 %) les dépenses d'investissement immobilier.

Répartition des dépenses immobilières du programme 354 en 2023

(en CP, en pourcentage des dépenses)

Source : rapport annuel de performance pour l'année 2023 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État »

Les projets visant à abandonner des baux au profit de sites domaniaux doivent pouvoir être financés, dès lors qu'ils présentent un retour sur investissement très performant. Il est dès lors indispensable de disposer de nouveaux outils budgétaires pour permettre le financement d'opérations vertueuses, dans lesquelles les investissements sont rapidement compensés par les économies induites en fonctionnement, en particulier la diminution du coût des fluides, l'optimisation des surfaces et la baisse des charges et de l'entretien.

2. Le périmètre des dépenses soutenues par le programme 354 doit impérativement être clarifié

En principe, les dépenses immobilières du propriétaire des directions départementales interministérielles (DDI) et des directions régionales (DR) de l'ATE n'entrent pas dans le champ des dépenses prises en charge par le programme 354. Néanmoins, les autres ministères de l'ATE ne disposant plus de crédits dédiés aux fonctions support, seul demeure le programme 723, « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État », du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », pour assurer le financement des dépenses du propriétaire afférentes à ces bâtiments. Néanmoins, un tel financement n'est pas conforme à l'objet du programme 723, et les moyens du CAS sont très largement insuffisants pour assurer ces dépenses.

Répartition des dépenses du propriétaire et de l'occupant
de l'administration territoriale de l'État

 

Préfectures

DDI et DR de l'ATE

Dépenses de l'occupant

Programme 354

Programme 354

Dépenses du propriétaire

Programme 723

Source : commission des finances, d'après les informations transmises par le ministère de l'intérieur

Cette situation est d'autant plus préoccupante que les DDI et les DR, « présentent aujourd'hui des risques de détérioration accélérée (et donc de coûts démultipliés) avec les risques que cela comporte, notamment de dégradation de la qualité de vie au travail, d'accueil des usagers... »1(*) Alors que le ministère de l'intérieur souhaiterait que lui soit octroyée une majoration de ses crédits au-delà des plafonds prévus par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), la rapporteure spéciale considère que les moyens nécessaires à la prise en charge des dépenses du propriétaire de l'ensemble de l'ATE doivent être débloqués par le ministère, sous la contrainte des plafonds prévus par la LOPMI.

B. UN PATRIMOINE EN MAUVAIS ÉTAT, AVEC DU RAPIÉÇAGE BUDGÉTAIRE

1. Un patrimoine en mauvais état, qui continue à faire l'objet de mesures de restrictions budgétaires

D'après les réponses transmises par le ministère de l'Intérieur, la situation de l'immobilier de bureau de l'ATE est considérée, au regard du référentiel technique mis en place par la direction de l'immobilier de l'État (DIE), comme « peu satisfaisante / peu conforme ». En effet, la note moyenne obtenue par les différents bâtiments est de 12,2/20. Surtout, 16 % des bâtiments de l'ATE sont aujourd'hui considérés comme peu ou pas conformes au regard du référentiel de la DIE.

Ainsi, il ressort de ces différents éléments et des déplacements que la rapporteure spéciale a effectué que le patrimoine immobilier de l'administration territoriale de l'État (ATE) est dans une situation très dégradée. En effet, les dépenses immobilières de l'ATE sont le « parent pauvre »2(*) des dépenses immobilières du ministère de l'Intérieur, au sein duquel l'immobilier est déjà dans une situation très préoccupante3(*). Il a également été indiqué à plusieurs reprises que, singulièrement pour l'administration territoriale, « l'État se comporte comme un mauvais propriétaire. »

Il est dans un premier temps nécessaire d'améliorer la connaissance du parc, et de renforcer les compétences immobilières parmi les agents de l'administration territoriale. En effet, la compétence de maîtrise d'ouvrage doit être renforcée pour accompagner les principaux chantiers de l'administration territoriale de l'État : il est nécessaire que l'État, lorsqu'il est donneur d'ordre pour des chantiers complexes et onéreux, soit en capacité de disposer d'un interlocuteur compétent.

Par ailleurs, les annulations de crédits découlant du décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits à hauteur de 10 milliards d'euros ont concerné les dépenses immobilières du programme 354 et ont conduit au report de projets concernant notamment des opérations de désamiantage, d'isolation, de réfection des toitures à la suite d'infiltrations, autant d'opérations qui doivent impérativement être menées, et ne peuvent dès lors être purement et simplement annulées. Ainsi, le Gouvernement fait le choix de remplacer le déficit par de la « dette grise » : loin d'améliorer la situation des finances publiques, ces choix conduisent à exposer à davantage de risques la puissance publique, pour un résultat qui pourrait bien être défavorable à l'État. Comme le relevait l'inspection générale de l'administration en 2015, les retards dans l'entretien normal des bâtiments se traduisent « par une dégradation physique des bâtiments liée à une maintenance insuffisante, notamment pour sa composante préventive. Or, l'entretien qui n'est pas réalisé à temps coûte beaucoup plus cher une fois que les désordres sont apparus »4(*).

2. Une multiplication de vecteurs budgétaires dans un contexte d'insuffisance des financements

La présence de multiples vecteurs budgétaires, qui s'accompagne de l'intervention de nombreux acteurs, et dont les périmètres d'intervention ne sont pas clairement définis, nuit à la fois à la capacité de pilotage des projets, et au déploiement d'une réelle stratégie immobilière, qui s'inscrit dans la durée. Certains programmes, comme la rénovation des cités administratives, ou encore le financement de certaines opérations par le plan de relance ont apporté une bouffée d'oxygène bienvenue à l'immobilier de l'ATE.

En effet, les crédits de la mission « Plan de relance » et ceux du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » ont permis de retrouver des marges de manoeuvre pour mener certaines opérations indispensables pour les bâtiments de l'ATE, et ont offert des leviers au gestionnaire du programme 354 pour encourager les regroupements de services et déployer des projets de rénovation énergétique.

Néanmoins, l'urgence est désormais au changement d'échelle : comme l'indique la Cour des comptes dans un rapport de 2023, nous sommes confrontés « au regard des objectifs de rationalisation et de réponse au changement climatique, [à] des résultats décevants avec pour conséquence une mise aux normes et un « mur d'investissement » à franchir dans les vingt prochaines années. »5(*)

II. LE PARC IMMOBILIER DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT DOIT RÉUSSIR SA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

A. L'ÉTAT DOIT RÉPONDRE À DES CONTRAINTES QU'IL A LUI-MÊME FIXÉES

1. Les contraintes nationales et européennes imposent une rénovation thermique des bâtiments publics beaucoup plus ambitieuse

En matière d'efficacité énergétique, le constat des différentes personnes auditionnées par la rapporteure spéciale est unanime : « nous sommes absolument en retard. » Ce retard, et l'absence de réelle planification des besoins de rénovation énergétique, interviennent pourtant dans un contexte de renforcement des obligations nationales et européennes d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments. En application de l'article 175 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi ELAN) la « réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation [doit être] d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010 ». Cette obligation s'étend à tous les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m² construits avant le 24 novembre 2018.

Obligation de baisse des émissions de gaz à effets de serre

Source : commission des finances, d'après l'article 175 de la loi ELAN

Selon l'étude d'impact du décret tertiaire6(*), sa mise en oeuvre exige 17 milliards d'euros d'investissements publics sur 30 ans pour remettre à niveau le parc immobilier de l'État, sur la base d'un coût estimé en ordre de grandeur à 180 €/m². Cette estimation, grandement irréaliste car très en deçà des coûts réels de rénovation énergétique7(*), illustre l'ambigüité de l'exécutif depuis 2017 : alors que les nouvelles normes et obligations se multiplient, celui-ci ne se donne pas réellement les moyens d'y répondre.

Cet écart est d'autant plus important depuis la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, adoptée en avril 2024, qui apporte de nouvelles obligations aux États membres de l'Union européenne. Ces derniers devront « rénover les 16 % de bâtiments les moins performants d'ici à 2030 et les 26 % les moins performants d'ici à 2033. »8(*) Ainsi, en application de cette directive, « tous les bâtiments neufs devraient être à émissions nulles d'ici à 2030, et les bâtiments existants devraient être transformés en bâtiments à émissions nulles d'ici à 2050. »9(*)

Les besoins d'investissements « vert » identifiés avec le CEREMA se situeraient autour de 5 milliards d'euros par an, là où il ne réalise aujourd'hui que 500 millions d'euros. Ainsi, d'après le directeur de l'immobilier de l'État, M. Alain Resplandy-Bernard, les travaux de rénovation énergétique « n'ont pas été finement déclinés au niveau de l'administration territoriale de l'État ; quoi qu'il en soit, les crédits immobiliers consacrés à l'ATE (et singulièrement et DDI et directions régionales) sont notoirement insuffisants ne serait-ce que pour permettre l'entretien des bâtiments. Les crédits immobiliers prévus pour l'entretien et la rénovation thermique des bâtiments de l'État sont donc insuffisants dans l'immédiat, y compris en pluri-annualité. »

2. Pour atteindre les objectifs énergétiques, la nécessaire adaptation des surfaces par agent

Comme le relève la direction de l'immobilier de l'État, « la transition ne pourra pas se faire à parc immobilier constant»10(*). Il est par conséquent nécessaire de mener une politique de densification beaucoup plus ambitieuse, les objectifs de densification des bureaux étant loin d'être atteints sur le périmètre de l'ATE.

La surface utile brute des bureaux se situe autour d'une quarantaine de m² par résident, soit bien au-delà du plafond de 18 m² par résident de la nouvelle doctrine immobilière de l'État, fixée par la circulaire du 8 février 2023 - le plafond n'a toutefois vocation à s'appliquer dans l'immédiat qu'aux projets de construction, de rénovation, aux acquisitions et aux prises à bail. Alors que l'écart avec le plafond de 18 m² est très important, les objectifs annuels de réduction des surfaces sur le périmètre de l'ATE doivent être beaucoup plus ambitieux.

Néanmoins, il doit être tenu compte de spécificités architecturales et des usages propres aux préfectures, qui ne constituent pas un immobilier de bureaux « classique » pour calculer les surfaces par agent. Ainsi, les salons de réception ou certaines salles de réunion ne sauraient être intégrés dans les ratios de surface.

B. POUR RÉPONDRE AUX BESOINS MASSIFS D'INVESTISSEMENTS, LA MISE EN PLACE D'UNE FONCIÈRE PEUT CONSTITUER UNE RÉPONSE PERTINENTE DÈS LORS QUE CERTAINES CONDITIONS SERONT REMPLIES

1. L'immobilier de l'ATE en concurrence avec les autres postes du budget du ministère de l'intérieur, un arbitrage perdu d'avance

Comme l'a relevé lors de son audition M. Clément Boisnaud, sous-directeur de la 5sous-direction du budget, « le ministère de l'intérieur dispose d'une enveloppe au sein de laquelle il lui revient de faire ses arbitrages. » À l'échelle de la mission, les grands projets immobiliers portés par le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », absorbent une part importante des crédits, notamment le site Universeine et le site unique du renseignement Intérieur qui représentent respectivement 287 millions d'euros et 1,29 milliard d'euros.

Au-delà du seul périmètre de la mission, la priorité données aux dépenses de personnels au profit des forces de sécurité intérieure donne lieu à un effet d'éviction massif sur les autres dépenses du ministère.

Comme le relèvent l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable, l'immobilier « se doit d'être géré au coût le plus juste sans dégrader sa valeur en gérant beaucoup d'arbitrages, notamment entre le court et le moyen terme, entre la dépense immobilière et d'autres dépenses, dont la sensibilité immédiate est plus forte, entre des arguments rationnels et des ressentis qui le sont moins, mais sont une caractéristique du rapport psychologique à l'immobilier »11(*).

Il est désormais indispensable d'en revenir à une approche beaucoup plus rigoureuse de ces arbitrages et de ne plus mettre en balance les dépenses immobilières avec les autres priorités politiques du ministère.

Dans ce contexte, il est indispensable de parvenir à une solution qui, au plan budgétaire, permette de sanctuariser les crédits nécessaires à l'entretien et à la rénovation thermique des bâtiments, en écartant la possibilité laissée au ministère de l'intérieur de prioriser d'autres postes de dépenses. La rapporteure spéciale recommande par conséquent que, lors de la préparation du budget, la direction du budget intègre de façon beaucoup plus avancée l'analyse de la soutenabilité des dépenses immobilières proposées par le ministère de l'intérieur, alors que la rénovation thermique des bâtiments résulte désormais d'obligations juridiques.

2. La mise en place d'une foncière constitue une réponse adaptée aux enjeux de l'immobilier de l'administration territoriale

Dans plusieurs États européens, la détention des biens occupés par l'État relève d'une foncière publique : tel est le cas notamment en Allemagne, au Pays-Bas, en Belgique, au Danemark ou encore en Autriche. Les modèles de gouvernance et de financement varient entre ces différents États.

Les différents modèles de détention des biens occupés par l'État

Source : étude comparative sur la gestion de l'immobilier d'État en Europe, restitution finale de l'étude, Ernst and Young pour la Commission européenne, avril 2022

Lors de la conférence nationale de l'immobilier public du 26 mars 2024, la DIE a présenté la méthodologie devant permettre de lancer une structure préfiguratrice de la foncière interministérielle à partir du 2 janvier 2025, qui sera mise en place dans les régions Normandie et Grand-Est.

La rapporteure spéciale considère que la foncière, en limitant le morcellement de la gouvernance et l'éclatement des financements, pourra contribuer de manière très positive à l'amélioration de la gestion de l'immobilier de l'État territorial. Elle recommande par conséquent de maintenir les projets pilotes tels qu'envisagés par le précédent gouvernement.

En matière de gouvernance de la foncière, il est nécessaire de maintenir une organisation cohérente au niveau territorial, en faisant notamment de la région l'échelon territorial de référence, et en confiant l'ensemble des décisions stratégiques au préfet de région.

Par ailleurs, les modalités de financement retenues devront garantir deux éléments majeurs, à savoir d'une part, permettre le bon niveau de financement pour assurer la transition énergétique du parc et, d'autre part, maintenir une incitation forte des ministères à rationaliser leurs emprises.

Alors que la fixation d'un niveau de prix équivalent aux prix de marché pourrait avoir pour conséquence un renchérissement considérable de la fonction immobilière pour les administrations occupantes, la rapporteure spéciale recommande de définir les loyers par référence aux coûts supportés par la foncière.

Néanmoins, il s'agira d'intégrer à ces loyers l'ensemble des coûts actualisés qui devront être supportés par la foncière pour maintenir un niveau d'entretien satisfaisant du parc et surtout assurer sa transition énergétique conformément à la réglementation établie par le droit national et européen.


* 1 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable.

* 2 Le terme est issu du rapport Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.

* 3 C'est l'un des principaux constats de l'audit relatif aux investissements immobiliers du ministère de l'intérieur, mené en 2 mars 2022 par l'Inspection générale de l'Administration, l'inspection générale de la police nationale, l'inspection générale de la gendarmerie nationale et l'inspection générale de la sécurité intérieure.

* 4 Cité par la Cour des comptes dans La gestion de l'immobilier préfectoral, janvier 2023, Cour des comptes, p. 57.

* 5 La politique immobilière de l'État, une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, décembre 2023, Cour des comptes, communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, p. 7.

* 6  Fiche d'impact générale, Décret relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie dans les bâtiments à usage tertiaire, 10 avril 2019.

* 7 L'étude du CEREMA publiée en juillet 2024 estime que le coût moyen pour les objectifs 2050 (soit trente ans), seraient plutôt de l'ordre de 600 euros par m² - Rénovation BBC et exigences du dispositif éco énergie tertiaire, repères technico-économiques pour passer à l'action, Les références, CEREMA, juillet 2024.

* 8 Adoption d'une directive sur la performance énergétique des bâtiments pour réduire les factures énergétiques et réduire les émissions, Représentation en France de la commission européenne, 12 avril 2024.

* 9 Directive (UE) 2024/1275 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments (refonte) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE).

* 10 Rapport annuel de la direction de l'immobilier de l'État, 2023, p. 24.

* 11 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable.

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