C. GARANTIR DES PROCÉDURES D'ASILE CONFORMES AUX DROITS HUMAINS

1. L'intervention de M. Olivier Bitz, au nom du groupe ADLE

Madame la Présidente.

Mes chers collègues,

Je veux tout d'abord remercier notre collègue Mme Stephanie Krisper pour son rapport extrêmement complet. Il s'agit d'un travail très sérieux et d'une actualité brûlante.

Faut-il le rappeler, manifestement oui, la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Chahal de 2016, a très clairement affirmé que les États jouissent du « droit indéniable de contrôler souverainement l'entrée des étrangers sur leur territoire ». Mais ce droit indéniable, il s'exerce évidemment dans le respect du droit international, en particulier de la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés, et du droit européen, en particulier de la Convention européenne des droits de l'homme.

Or, le rapport de notre collègue illustre parfaitement les difficultés de plus en plus grandes auxquelles sont confrontés les demandeurs d'asile. Les décisions en matière de demandes d'asile, émanant pour la plupart de personnes venant de pays en guerre, ne cessent d'augmenter depuis plusieurs années. Leur nombre a été multiplié par quatre entre 2017 et 2022, ce qui soulève de nombreux défis pour tous nos États membres, et ce d'autant plus que certains États sont confrontés à des actions de déstabilisation hybrides, dans lesquelles les demandeurs d'asile sont utilisés.

On ne peut ignorer la forte pression migratoire à laquelle de nombreux États membres de notre Organisation sont soumis, ni la confusion souvent opérée entre immigration illégale et demandes d'asile, sur fond de montée des populismes en Europe. Je mesure parfaitement, en particulier, la sensibilité du débat relatif au respect de l'obligation de quitter le territoire en cas de rejet de la demande d'asile.

Oui, les défis sont nombreux et importants, très sensibles sur le plan politique. Nul ne peut le nier. Mais c'est la vertu de ce rapport que de nous rappeler à nos valeurs dans le traitement des demandes d'asile. Je rejoins notamment les analyses de Mme la rapporteure concernant les politiques d'externalisation de l'asile qui se développent : la notion de pays tiers sûr ne doit pas être galvaudée, tandis que les accords bilatéraux ne doivent pas conduire à amoindrir les droits des demandeurs d'asile.

Pour ma part, je me félicite enfin des avancées obtenues au niveau de l'Union européenne avec l'adoption, en avril dernier, du pacte sur l'asile et la migration.

Les textes adoptés doivent permettre la mise en place de procédures d'asile et de retour rapides et effectives, avec des garanties renforcées pour les demandeurs, comme un conseil juridique gratuit et une évaluation indépendante de la procédure en termes de respect des droits fondamentaux. Afin de soulager les États membres de première entrée, notamment la Grèce, l'Italie ou l'Espagne, des dispositifs de relocalisation sont prévus. Enfin, une réserve de solidarité doit être créée pour permettre des mesures de soutien financier aux États qui accueillent des réfugiés. Ces mesures, qui entreront en application en 2026, étaient particulièrement attendues.

En parallèle, les organes de suivi du Conseil de l'Europe doivent continuer de travailler pour garantir la sécurité des demandeurs d'asile. Je pense en particulier à la prévention de la traite des êtres humains, des violences faites aux femmes ou encore des violences dans les lieux de privation de liberté. Je forme le voeu que notre nouveau Commissaire aux droits de l'homme se montre vigilant sur ces différents enjeux.

Au nom du groupe ADLE, j'appelle donc à soutenir le projet de résolution tel qu'il nous est présenté.

Je vous remercie.

2. L'intervention de M. Christophe Chaillou

Madame la Présidente,

Mes chers collègues,

Permettez-moi à mon tour de remercier notre collègue Stephanie Krisper pour la grande qualité de son rapport, qui nous rappelle - je ne peux que partager ce qui vient d'être dit par notre collègue Olivier Bitz à l'instant - la nécessité de mettre en place des procédures d'asile respectueuses des droits de l'homme, respectueuses des valeurs que nous avons en partage.

Nous devons le dire d'emblée, n'en déplaise à certains : personne ne fuit son pays de gaieté de coeur. Les personnes qui viennent frapper à notre porte en formulant des demandes d'asile sont avant tout des victimes de la guerre ou des persécutions. Les accueillir et leur permettre de faire valoir les droits énoncés dans la Convention de Genève et dans la Convention européenne des droits de l'homme est un devoir premier d'humanité.

Pourtant, la hausse continue du nombre de demandeurs d'asile depuis 2015 a incité les États membres de notre Organisation à durcir les conditions pour l'accès au droit d'asile. Ces restrictions se sont malheureusement trop souvent accompagnées d'un discours xénophobe, confondant asile et immigration irrégulière, et liant les questions de sécurité nationale, notamment de lutte contre le terrorisme, à une meilleure maîtrise des flux migratoires. Elles s'accompagnent également souvent de la remise en cause de plus en plus fréquente de la Cour européenne des droits de l'homme.

C'est malheureusement le cas, y compris dans mon pays la France, où l'on voit que les surenchères auxquelles donne lieu la campagne électorale actuelle montrent la pression de plus en plus prégnante de l'extrême droite sur les débats.

Bien évidemment, les États sont souverains sur leur territoire et les gouvernements ont pour mission de garantir la sécurité des citoyens. Mais ils ont également l'obligation de permettre un exercice satisfaisant du droit d'asile. Il ne doit pas y avoir d'opposition entre ces deux principes : les deux sont nécessaires et font partie de nos valeurs.

Dans ce contexte, la contribution des organes du Conseil de l'Europe est plus que jamais indispensable. Le GRETA et le GREVIO, notamment, doivent continuer à développer des outils pratiques de suivi et des mécanismes de prévention pour soutenir les demandeurs d'asile. De même, les organes du Conseil de l'Europe, notamment le Commissaire aux droits de l'homme qui dispose d'une très longue expérience au sein de l'Union européenne, seront particulièrement utiles pour évaluer le respect des droits de l'homme dans le cadre de la mise en oeuvre du Pacte pour l'asile et la migration adopté - qui vient d'être évoqué, de nouveau, par mon collègue Olivier Bitz - qui a donc été adopté avant la fin de la dernière mandature du Parlement européen.

Ce pacte, cela vient d'être dit, doit permettre de rationaliser les procédures d'asile au sein de l'Union ; il implique bien évidemment, il impliquera un investissement financier important pour permettre un traitement équitable et rapide des demandes d'asile, mais également un accueil dans des conditions décentes des demandeurs d'asile. Bien évidemment, toutes ces réformes adoptées dans le cadre du pacte devront permettre de tester la volonté des États membres de se conformer véritablement à des procédures respectueuses des droits humains. Je l'appelle bien évidemment de mes voeux.

Je souhaite enfin, avant de terminer, qu'une attention particulière soit accordée à la situation des mineurs, qui est une véritable difficulté dans un grand nombre de pays, y compris la France. Le Conseil de l'Europe se doit d'être vigilant sur cette question et développer des outils adaptés pour aider les États membres à mieux les prendre en charge.

Compte tenu de tous ces éléments, vous aurez compris, Madame la Présidente, mes chers collègues, que je ne peux que soutenir et voter ce projet de résolution.

Je vous remercie.

3. L'intervention de M. Alain Cadec

Madame la Présidente,

Mes chers collègues,

Tout d'abord, je remercie notre collègue Mme Stephanie Krisper pour ce rapport qui porte sur la nécessité de garantir des procédures d'asile conformes aux droits de l'homme.

Compte tenu de la situation politique dans nombre de nos États, il est nécessaire que notre Assemblée prenne une position claire sur ce sujet, conforme aux valeurs humanistes qui nous rassemblent ici. J'observe tout d'abord que nous enregistrons un nombre croissant de demandeurs d'asile en Europe.

En 2022, selon les données d'Eurostat, l'Union européenne a reçu environ 966 000 demandes d'asile, contre 630 000 en 2021. La plupart des demandeurs d'asile viennent de Syrie, d'Afghanistan et, bien sûr, d'Ukraine. La guerre et les régimes autoritaires restent, de fait, les principales raisons qui poussent les demandeurs d'asile à fuir leur pays d'origine.

Le Conseil de l'Union européenne a, pour la première fois, mis en oeuvre le régime de la protection temporaire pour venir en aide aux Ukrainiens qui fuient la guerre d'agression menée par la Fédération de Russie. Ce régime garantit une protection rapide et effective aux personnes déplacées, tout en assurant une répartition équitable des responsabilités entre les États membres. Je me réjouis du soutien qui a ainsi été accordé aux réfugiés ukrainiens.

Toutefois, ceux-ci ne sont pas les seuls à fuir leur pays et à chercher refuge en Europe, loin s'en faut. Nous devons être en mesure de traiter dignement toutes les demandes d'asile, dans un esprit de responsabilité.

Nous devons accueillir les demandeurs dans des conditions décentes. C'est une évidence. Mais nous devons aussi, parallèlement, veiller à ce que les procédures d'asile ne soient pas détournées pour favoriser une immigration économique et lutter contre l'immigration illégale. Nous devons également nous assurer qu'en cas de rejet de la demande d'asile, l'obligation de quitter le territoire soit exécutée.

C'est un point très sensible sur le plan politique. Les agressions dont nos concitoyens ont pu faire l'objet, de la part de personnes déboutées de leur demande d'asile et faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire qui n'avait pas été exécutée, ont contribué à hystériser les débats sur ces questions dans mon pays. Il faut en tenir compte. Garantir le droit d'asile et lutter contre les migrations illégales avec fermeté et humanité sont les deux faces d'une même pièce.

La question des migrations sera au coeur des défis qui attendent nos sociétés dans l'avenir. Nous devons dès à présent nous préparer à faire face à une prochaine crise migratoire. Il nous appartient donc de réaffirmer dès à présent les principes fondamentaux que doivent respecter les procédures de demandes d'asile et de mettre en place les moyens nécessaires pour ne pas revivre la situation que nous avons connue en 2015 et 2016.

Alors que l'Union européenne a pu adopter le pacte sur l'asile et la migration avant la fin de la dernière législature, l'expertise du Conseil de l'Europe en la matière sera particulièrement bienvenue.

Je voterai évidemment cette résolution.

4. L'intervention de M. Didier Marie

Monsieur le Président.

Chers collègues,

Je voudrais à mon tour remercier et féliciter notre collègue Stephanie Krisper pour son rapport plein d'humanité qui met parfaitement en évidence les défis migratoires auxquels l'Europe est aujourd'hui confrontée, ainsi que les enjeux en termes de respect des droits de l'homme.

À la suite d'une recommandation adoptée par notre Assemblée en 2019, le Comité des Ministres avait rappelé son attachement au droit d'asile. Je rappelle que la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés vise à protéger toute personne qui fuit son pays parce qu'elle craint « avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». La protection accordée se fait ainsi à titre individuel.

Or, sur fond de montée des populismes en Europe, nous voyons les enjeux migratoires être politiquement instrumentalisés avec l'objectif d'affaiblir les droits des demandeurs d'asile, au mépris de la Convention de Genève et de la Convention européenne des droits de l'homme.

Au-delà des réformes politiques limitant progressivement le droit de demander l'asile, que je condamne, je suis particulièrement préoccupé par les pratiques visant à limiter le droit d'accéder au territoire d'asile, en violation du principe de non-refoulement, et par les réformes engagées par certains États ou envisagées par d'autres visant à externaliser les demandes dans des pays qui, pour bon nombre d'entre eux, n'ont rien de sûr.

L'exemple le plus éclatant, dont notre Assemblée a eu à débattre, est bien sûr celui de la loi adoptée par le Parlement britannique afin de permettre au Royaume-Uni d'envoyer au Rwanda des personnes venues demander l'asile ou arrivées dans le pays de manière irrégulière, en contradiction avec les règles internationales. Il conviendra de suivre la mise en oeuvre de cette politique, si jamais elle se poursuit.

Mais j'observe que d'autres États membres de notre Organisation ont mis en oeuvre de tels accords de coopération, quand ce n'est pas l'Union européenne elle-même qui conclut des accords avec la Tunisie ou l'Égypte, qui ne sont pas des parangons de vertu en matière de droits de l'homme.

Il me semble important d'affirmer ici qu'aucun État membre du Conseil de l'Europe ne devrait mettre en oeuvre de tels accords bilatéraux qui ne garantissent pas un plein respect de la Convention de Genève sur les réfugiés et de la Convention européenne des droits de l'homme.

Cette position de principe me paraît d'autant plus nécessaire que le Pacte sur l'asile et la migration adopté par l'Union européenne prévoit une coopération bilatérale accrue avec des pays tiers, ce qui est susceptible de conduire à la conclusion d'accords bilatéraux avec des pays ne respectant pas pleinement les droits de l'homme. Il m'apparaît donc indispensable que le Conseil de l'Europe et l'Union européenne travaillent ensemble pour s'assurer que la mise en oeuvre du pacte respecte les droits fondamentaux des demandeurs d'asile et que nous fassions preuve de la plus grande vigilance.

Enfin, je pense que nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion approfondie sur les droits des réfugiés climatiques. Cela deviendra à coup sûr un enjeu majeur des prochaines décennies, sur fond de dérèglement climatique. Il faut nous y préparer en adaptant nos cadres juridiques, sans jamais renier nos valeurs d'humanité.

Je vous remercie.

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