N° 763

SÉNAT

2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 septembre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur la coopération
et l'intégration régionales des outre-mer
volet 1 :
bassin océan Indien,

Par MM. Christian CAMBON, Stéphane DEMILLY
et Georges PATIENT,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Micheline Jacques, président ; Mmes Audrey Bélim, Jocelyne Guidez, M. Victorin Lurel, Mme Viviane Malet, M. Akli Mellouli, Mmes Annick Petrus, Marie-Laure Phinéra-Horth, M. Teva Rohfritsch, Mme Lana Tetuanui, MM. Pierre-Jean Verzelen, Robert Wienie Xowie, vice-présidents ; M. Frédéric Buval, Mmes Vivette Lopez, Solanges Nadille, M. Georges Naturel, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Viviane Artigalas, MM. Philippe Bas, Christian Cambon, Mme Agnès Canayer, M. Guillaume Chevrollier, Mmes Catherine Conconne, Evelyne Corbière Naminzo, MM. Mathieu Darnaud, Stéphane Demilly, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Philippe Folliot, Stéphane Fouassin, Éric Jeansannetas, Mikaele Kulimoetoke, Antoine Lefèvre, Jean-François Longeot, Thani Mohamed Soilihi, Saïd Omar Oili, Georges Patient, Jean-Gérard Paumier, Mmes Évelyne Perrot, Sophie Primas, MM. Rachid Temal, Dominique Théophile.

L'ESSENTIEL

Le constat est ancien et documenté : les outre-mer sont devenus « étrangers à leur géographie » pour reprendre la formule de Serge Letchimy. En cause : des relations historiques et des liens économiques avec la « métropole » hérités de la période coloniale et encore très prégnants.

Pour rééquilibrer cet état de fait aux effets pervers régulièrement pointés, une politique de coopération régionale, animée par les territoires et l'État et menée avec le soutien de l'Union européenne, s'est développée depuis plus de trente ans. Cette politique s'appuie sur l'idée d'un intérêt mutuel :

Ø pour les territoires, elle est censée favoriser leur développement endogène et réduire les effets induits de l'éloignement géographique ;

Ø pour la France et l'Union européenne, des outre-mer bien insérés peuvent participer à l'accroissement de leur influence et de leur rayonnement.

2019

Lancement de la stratégie « Trois Océans » de l'AFD

2035 ?

Organisation des Jeux des îles par Mayotte

2016

Loi « Letchimy »

2020

Adhésion de la France à l'IORA

La coopération régionale dans l'océan Indien en quelques dates

Abordant dans ce premier volet la situation des outre-mer français du bassin Indien - Mayotte, La Réunion et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) -, la délégation sénatoriale aux outre-mer observe qu'au lieu d'être un catalyseur de leur intégration, la coopération régionale apparaît actuellement plutôt comme un substitut. Les flux d'échanges, notamment commerciaux, peinent à se développer et à produire les effets attendus sur les économies concernées. Comment dès lors briser ce « plafond de verre » ?

L'ensemble des acteurs auditionnés ou rencontrés sur place par la délégation considère que l'intégration régionale n'est plus une option mais une absolue nécessité. Des opportunités considérables s'ouvrent et doivent être saisies. Cet objectif figure d'ailleurs parmi les priorités du dernier Comité interministériel des outre-mer (CIOM 2023). Mais quels en sont les perspectives concrètes et les obstacles à lever ?

A. LES OUTRE-MER DE L'OCÉAN INDIEN, UN RÉANCRAGE DIFFICILE MAIS INDISPENSABLE

Le bassin océan Indien offre de nombreuses opportunités régionales. Mayotte est situé au coeur du Canal du Mozambique. La Réunion dispose d'une population nombreuse et qualifiée et d'infrastructures modernes. Les Terres australes et antarctiques (TAAF), inhabitées, constituent un réservoir de biodiversité et de ressources marines exceptionnels. Les financements disponibles pour la coopération régionale augmentent régulièrement. Les îles du sud-ouest de l'océan Indien forment un espace francophone unique avec des liens scientifiques, culturels, diasporiques et linguistiques forts.

Des territoires au coeur de routes commerciales stratégiques : 30 % des flux mondiaux d'hydrocarbure

Le bassin ultramarin le plus peuplé : 1,2 million de Français

1/4 de la ZEE française (2,8 millions de km2), en incluant les TAAF 

La Commission de l'océan Indien (COI), une organisation régionale qui monte en puissance

Des financements en hausse.

Fonds Interreg : 73 M€ pour 2021-2027

Stratégie « Trois océans » de l'AFD

Principaux marchés fournisseurs du bassin océan Indien entre 2017 et 2022 (source IEDOM)

Les rapporteurs au port de Mayotte

Pourtant, l'insertion régionale économique ne décolle pas. Mayotte et La Réunion demeurent coincées dans un « couloir économique » les reliant à l'Hexagone et l'Europe. La connectivité aérienne est mauvaise.

L'océan Indien est aussi le seul bassin où la souveraineté française sur plusieurs territoires est contestée :

· Mayotte par les Comores, avec pour conséquence un isolement régional paralysant et humiliant (non-participation à la COI, coopération compliquée avec tous les États partenaires) ;

· l'île Tromelin par Maurice ;

· les Îles Éparses par Madagascar.

L'obstacle normatif : Mayotte et La Réunion sont deux régions ultrapériphériques de l'Union européenne (RUP). Une force, mais aussi un inconvénient : ces territoires sont des enclaves de droit européen et les accords commerciaux européens sont souvent conclus au détriment des intérêts des RUP.

Des écarts de richesse parmi les plus élevés dans le monde.

PIB/habitant : Mayotte/Madagascar un facteur 20 ; La Réunion/Maurice du simple au double. S'insérer oui, mais pour échanger quoi et avec quels leviers ?

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