C. UN DISPOSITIF DE PROTECTION ÉTOFFÉ MAIS À GÉOMÉTRIE VARIABLE, SANS STRATÉGIE D'ENSEMBLE

La prise de conscience des stratégies étrangères d'influence malveillantes a conduit à élaborer, bloc par bloc, un schéma de réponse en trois dimensions :

· les actions de détection et de caractérisation, regroupant les activités de surveillance et d'identification des opérations d'influence. Le service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères, Viginum, placé auprès du Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), assure ainsi une mission de détection des ingérences numériques étrangères (INE) ;

· les actions de riposte, correspondant à l'ensemble de la palette d'entraves à la disposition des pouvoirs publics, qui peuvent aller des démarches diplomatiques à une judiciarisation des opérations d'influence. Cet arsenal a récemment été renforcé par la loi « Ingérences étrangères », définitivement adoptée le 5 juin 2024.

· les politiques de résilience, visant à protéger la société civile contre les opérations d'influence, en amont de la détection et de la riposte.

Ce schéma de réponse permet de couvrir théoriquement l'ensemble de nos politiques publiques, en permettant de lutter : à l'intérieur, contre les opérations d'influence visant le territoire national ou l'espace informationnel français et, à l'extérieur, contre les opérations d'influence ciblant le déploiement et l'image de nos armées ainsi que les intérêts français à l'étranger.

Pour autant et en dépit d'un bilan globalement satisfaisant, les politiques de lutte contre les opérations d'influence malveillantes frappent par leur empirisme. La construction de dispositifs ad hoc de détection et de caractérisation des actions d'influence malveillante a conduit à une « archipélisation » de nos capacités. Il en découle un risque de dispersion de nos moyens de réponse, assorti de l'absence, sur le plan opérationnel, d'une doctrine claire de riposte aux manoeuvres hostiles. À ces difficultés opérationnelles s'ajoute une mauvaise connaissance académique du phénomène des influences étrangères, peu étudié dans nos universités.

Sur un plan stratégique, la France ne dispose d'aucune vision unifiée sur la question des influences étrangères malveillantes. En outre, le sujet ne fait pas l'objet d'un portage politique par le Premier ministre alors qu'il s'agit d'une thématique éminemment interministérielle. Il en ressort un profond décalage entre l'implication des ministères régaliens, largement mobilisés, et celle des autres administrations, peu au fait de cette politique. Par ailleurs, la société civile, cible principale des opérations d'influence, est paradoxalement peu associée à la lutte contre cette menace.

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