B. LE CONTRÔLE DE LA VIE PUBLIQUE ET POLITIQUE : UN ARSENAL LÉGISLATIF RÉCEMMENT RENFORCÉ, MAIS QUI RESTE À PARFAIRE ET À METTRE PLEINEMENT EN oeUVRE

1. Le financement des campagnes électorales et de la vie politique : un dispositif de contrôle qui comporte encore certaines failles

Le financement des campagnes électorales et de la vie politique constitue un canal bien identifié pour les opérations d'ingérences à finalité d'influence.

En France, le contrôle du respect par les candidats aux élections et par les formations politiques des règles qui leur sont applicables relève de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Ce corpus juridique, codifié au sein du code électoral, prévoit notamment l'interdiction de tout concours directs ou indirects au financement des partis en provenance de toute personne morale, française comme étrangère. Dans le cadre des campagnes électorales, les dons aux candidats ne peuvent qu'être consentis par des personnes physiques (dans la limite de 4 600 euros par personne et par élection) ou des partis politiques.

La loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique279(*) a porté plusieurs dispositifs importants pour mieux encadrer le recours aux emprunts, en faisant une distinction entre les banques européennes et non-européennes. La loi prévoit ainsi désormais une interdiction générale des prêts de toute personne morale - c'est désormais le principe -, sauf par des partis politiques au sens de la loi du 11 mars 1988280(*) ou par des banques de l'Espace économique européen (EEE). Ainsi, les banques implantées dans les pays n'appartenant pas à cet espace ne peuvent financer de campagnes électorales ni de parti politique. Par ailleurs, des obligations de transparence ont été ajoutées sur ces contrats d'emprunts.

Cette condition d'appartenance de la banque à l'EEE constitue une garantie importante, en particulier en assurant que celle-ci soit soumise aux règles prudentielles issues des accords de Bâle III.

Par ailleurs, cette loi a prévu une limitation à cinq ans de la durée des prêts des personnes physiques.

Lors de son audition par la commission d'enquête, le Président de la CNCCFP, Jean-Philippe Vachia, a néanmoins indiqué que certains risques et marges d'incertitudes demeurent281(*).

La principale marge d'incertitude a trait au « poids du passé dans les comptes des partis politiques », avec notamment la question de l'emprunt contracté par le Rassemblement national auprès d'une banque russe en 2014 (voir encadré). Interrogé par le rapporteur sur le point de savoir si ce prêt était assimilable à une ingérence, le président de la CNCCFP a indiqué avoir son « opinion personnelle », tout en précisant bien que la CNCCFP « n'a jamais pris une position qui me permette de répondre positivement ». En particulier, la commission n'a « aucun moyen de savoir » si cet emprunt était assorti ou non de contreparties.

Focus sur l'emprunt contracté par le Rassemblent national auprès d'une banque russe en 2014

Le Front national, devenu Rassemblement national en 2018, avait pu bénéficier en 2014 d'un prêt de plus 9,1 millions d'euros de l'établissement bancaire russe First Czech Russian Bank, à échéance 2019. Après sa faillite en 2016, la créance a été reprise par la société russe Aviazapchast. Renégociée en 2019 pour, un remboursement par tranches annuelles étalé jusqu'en 2028, cette dette, ayant été contractée sous l'empire des anciennes dispositions applicables avant l'entrée en vigueur au 1er janvier 2018 de la loi du 15 septembre 2017 relative à la confiance de la vie politique, le parti pouvait la conserver au passif de son bilan et continuer à financer ainsi son fonctionnement (avec le relai des emprunts contractés auprès des personnes physiques.

Au 31 décembre 2022 cette dette, en partie amortie depuis 2020, s'élevait encore à 6,5 millions d'euros. Selon les informations communiquées dans la presse, cet emprunt aurait fait l'objet d'un remboursement anticipé en 2023 : l'examen des comptes 2023, à produire avant la date du 30 juin 2024, permettra de le vérifier.

Une fois achevé, le remboursement de l'emprunt souscrit par le Rassemblement national en 2014 mettra un terme à la persistance de l'état de fait résultant des dispositions en vigueur avant le 1er janvier 2018.

Source : Rapport annuel 2023 de la CNCCFP

Le président de la CNCCFP, en outre, a pointé certaines lacunes importantes qui subsistent dans notre droit.

En premier lieu, si un critère d'appartenance à l'EEE a été posé pour les banques, aucune règle de nationalité ne vient encadrer les prêts consentis par des personnes physiques282(*), ni le droit de cotiser auprès d'un parti politique.

De surcroît, le montant de ces prêts des personnes physiques n'est limité par aucun plafond.

Le droit en vigueur ne permet en outre pas d'appréhender certaines activités des candidats et des partis sur les plateformes numériques, et des pratiques éventuelles de rémunérations des créateurs de contenus (ou « influenceurs »), qui peuvent être de nationalité française ou étrangère.

La CNCCFP a fait part à la commission d'enquête de son souhait de disposer de moyens d'enquêtes supplémentaires pour exercer pleinement ses missions.

En particulier, elle propose que lui soient octroyées, pour vérifier l'origine des fonds prêtés ou donnés par les personnes physiques, des prérogatives nouvelles :

- la faculté d'exiger des preuves auprès des personnes physiques concernées ;

- la faculté de saisir Tracfin pour vérifier la provenance et le circuit des fonds prêtés ;

- la faculté d'accéder au fichier national des comptes bancaires (Ficoba).

Ces moyens d'enquêtes sont importants, notamment pour vérifier que la personne physique donnant ou prêtant les fonds n'est pas en réalité un intermédiaire qui masquerait un financement prohibé.

2. Les influences étrangères : un « angle mort » du régime de transparence de la vie publique, corrigé par la récente loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France
a) Un « angle mort » dans notre dispositif de transparence de la vie publique

Les influences étrangères ont longtemps constitué un « angle mort » du cadre juridique français régissant la transparence de la vie publique, issu principalement des lois organique283(*) et ordinaire284(*) du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, qui a notamment permis la création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Pourtant, comme l'exprime clairement son président Didier Migaud devant la commission d'enquête, « la multiplication des actions d'influences, directes ou indirectes, exercées par des États étrangers, leur manque de traçabilité, leur complexité font peser des risques importants sur les processus démocratiques nationaux ». Il ajoute que « plus la transparence existe sur les actions d'influences étrangères, mieux cela permet d'identifier les mesures d'ingérences étrangères susceptibles d'être conduites par certains pays » 285(*).

Jusqu'à la très récente loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France (loi « Ingérences étrangères », voir encadré), la HATVP n'avait pas pour mandat explicite de contrôler les risques spécifiques liés à des influences étrangères En pratique, elle ne pouvait apprécier ce risque qu'indirectement, au travers des trois missions principales qu'elle exerce actuellement.

Premièrement, via la gestion du répertoire des représentants d'intérêts issu de la loi dite « Sapin II »286(*) qui couvre également les représentants d'intérêts étrangers cherchant à influencer les décisions des responsables publics français dès lors qu'ils remplissent les critères enclenchant les obligations déclaratives.

À ce titre, la HATVP a mis à jour récemment les lignes directrices du répertoire : depuis le 1er octobre 2023, les représentants d'intérêts doivent déclarer les administrations étrangères qui font appel à leurs services. Le bilan de cette évolution est cependant, à ce jour, plutôt décevant, puisque seules deux entités ont déclaré des pays étrangers comme clients :

Edile Consulting qui déclare le Qatar comme client ainsi qu'une fiche d'activité pour son compte ;

Espée & Lancée qui déclare la Corée du Sud comme client.

Ce très faible résultat montre que le dispositif d'encadrement de la représentation d'intérêts en France issu de la loi Sapin II n'est pas adapté - car trop restrictif - pour permettre de tracer efficacement les activités d'influence étrangère.

Deuxièmement, via le contrôle des mobilités professionnelles des responsables publics entre les secteurs public et privé, qui peut porter sur les carrières de hauts fonctionnaires français établis à l'étranger ou des responsables publics qui souhaitent rejoindre des entreprises étrangères. Néanmoins, la prise en compte de risques liés à une influence étrangère se heurte à une limite juridique : dans le cadre de son mandat, la Haute Autorité peut éventuellement identifier un tel risque mais son contrôle, conformément à la loi, vise exclusivement à prévenir les risques d'ordre pénal et déontologique.

Troisièmement, via le contrôle des déclarations d'intérêts déposées par les responsables publics. Ce contrôle peut permettre, le cas échéant, à la Haute Autorité d'identifier l'existence de certaines associations très liées à des États étrangers dans lesquelles les déclarants auraient des fonctions dirigeantes ou rémunérées.

La loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France

La loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, définitivement adoptée au Parlement le 5 juin 2024, est issue d'une proposition de loi des députés Sacha Houlié, Constance Le Grip et Thomas Gassilloud. Elle fait suite aux rapports de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative aux ingérences étrangères287(*), ainsi qu'au rapport annuel 2022-2023 de la délégation parlementaire au renseignement, qui était pour partie consacré à cette même question288(*).

Son article 1er institue un répertoire national des représentants d'intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers sur le modèle du Foreign Agents Registration Act (FARA) états-unien, géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Son article 2 prévoit un contrôle de la même HATVP sur les risques d'influence étrangère en matière de reconversion professionnelle des responsables publics dans le secteur privé.

Son article 3 prévoit une obligation de transmission à la HATVP des informations relatives aux financements étrangers perçus par les laboratoires d'idées (think tanks).

Son article 4 prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport biannuel sur l'état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, en particulier celles résultant d'ingérences étrangères.

Son article 5 permet de renforcer le contrôle parlementaire en matière de sécurité économique, en précisant que la publication annuelle des données statistiques relatives au contrôle par le Gouvernement des investissements étrangers en France puisse donner lieu à un débat dans les assemblées.

Son article 6 autorise les services de renseignements, à titre expérimental jusqu'au 1er juillet 2028, à utiliser la technique consistant à faire fonctionner des traitements automatisés de données (technique dite « de l'algorithme), dans le but détecter des connexions susceptibles de révéler toute forme d'ingérence ou de tentative d'ingérence étrangère. Cette technique était jusqu'ici réservée aux seuls besoins de la prévention du terrorisme

.../...

.../...

Son article 7 ouvre au ministre chargé de l'économie et au ministre de l'intérieur la possibilité de décider, conjointement, le gel des fonds et ressources économiques des personnes physiques ou morales ou de toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes d'ingérence, y incitent ou y participent.

Son article 8 prévoit une aggravation des peines encourues en cas d'infraction pénale commise pour le compte d'une entité étrangère et à autoriser, dans le cadre de la judiciarisation de telles infractions, le recours aux techniques spéciales d'enquête prévues notamment en matière de criminalité organisée (interceptions de correspondances, surveillance, infiltration, recueil de données de connexion, captation de données...).

Son article 9 porte sur l'application de la loi dans les Outre-mer.

Source : commission d'enquête

b) La loi visant à prévenir les ingérences étrangères a permis de combler certaines lacunes

La loi  « Ingérences étrangères » en France a prévu trois dispositifs pour combler cette lacune, en confiant à la HATVP trois nouvelles missions spécifiques.

(1) La création d'un « FARA » à la française

En premier lieu, l'article 1er de cette loi crée un répertoire national des représentants d'intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers sur le modèle du Foreign Agents Registration Act (FARA) états-unien (voir encadré), géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

La France s'inscrit ainsi dans le sillage d'autre pays de l'OCDE ayant mis en place un dispositif similaire : l'Australie dès 2018, avec le Foreign Influence Transparency Scheme (FITS) Act de 2018 et le Royaume-Uni, qui est en train d'établir également le Foreign Influence Registration Scheme (FIRS) à la suite de la mise à jour de la loi sur la sécurité nationale en 2023 (cf. en annexes la synthèse du rapport de l'OCDE « Renforcer la transparence et l'intégrité des activités d'influence étrangère en France » et le tableau comparatif des dispositifs existants).

Le Foreign Agents Registration Act (FARA) aux États-Unis

La loi américaine sur l'enregistrement des agents étrangers (22 U.S.C. §§611-621 ; « Foreign AgentsRegistration Act » - FARA) a été promulguée en 1938 dans un contexte d'influence grandissante de la propagande nazie aux États-Unis. Dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale, le Congrès américain avait en effet identifié plusieurs personnes et organisations opérant aux États-Unis et propageant de de la propagande ayant pour but de façonner l'opinion publique américaine en donnant une image positive du nouvel État allemand et en contrant certains rapports faisant état de la brutalité du régime nazi à l'égard des opposants politiques et des Juifs.

Sur recommandation de la commission spéciale sur les activités anti-américaines du 73ème Congrès (1934-1935), l'adoption du FARA avait donc pour objectif de faire la lumière sur l'utilisation de « proxies » en exigeant plutôt que les personnes engagées dans des activités de propagande pour le compte de gouvernements étrangers s'enregistrent auprès du gouvernement et rendent transparentes des informations sur leurs clients, leurs activités et les termes de leurs contrats, sans toutefois interdire ces activités. À cet égard, le FARA est souvent considéré comme la loi sur le lobbying la plus ancienne du monde.

Amendé au fil des ans, le FARA s'applique aujourd'hui largement à toute personne qui agit au nom d'un mandant étranger (« foreign principal ») pour, entre autres, influencer la politique ou l'opinion publique des États-Unis.

Concrètement, le FARA exige de certains agents qui mènent certaines activités d'influence pour le compte d'entités étrangères (foreign principals) d'enregistrer périodiquement auprès du département de la Justice (Department of Justice) leurs relations avec le mandant étranger, ainsi que les activités et dépenses à l'appui de cette influence. Le département de la Justice est tenu de rendre ces informations accessibles au public.

Source : OCDE « Renforcer la transparence et l'intégrité des activités d'influence étrangère en France », 2024.

Concrètement, le dispositif prévu par la loi « Ingérences étrangères » en France prévoit la tenue par la HATVP d'un répertoire spécifiquement aux activités d'influence réalisées pour le compte d'un mandant étranger, distinct de celui prévu par la loi Sapin II. Celui-ci entrerait pleinement en vigueur à compter du 1er juillet 2025.

Selon les termes de cette loi, sont visées toutes les activités des représentants d'intérêt agissant pour le compte d'un mandant étranger et qui destinées à influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d'une loi, d'un acte réglementaire ou d'une décision individuelle, ou sur la conduite des politiques publiques nationales et de la politique européenne ou étrangère de la France. Les activités concernées sont ainsi celles consistant à :

entrer en communication avec les principaux responsables publics ou leurs collaborateurs : les membres (ou anciens membres) du Gouvernement ou de cabinets ministériels, les parlementaires (ou anciens parlementaires) et leurs collaborateurs, les anciens présidents de la République, les collaborateurs du président de la République, les responsables d'autorités indépendantes, les élus des collectivités territoriales de plus de 20 000 habitants, les candidats déclarés aux élections nationales, les dirigeants de partis, certains hauts fonctionnaires etc. ;

réaliser toute action de communication à destination du public ;

collecter des fonds ou procéder au versement de fonds sans contrepartie.

Les déclarations doivent porter sur :

l'identité du représentant d'intérêt et du mandant étranger ;

- le contenu de l'accord ou la nature du lien entre la personne agissant pour le compte d'un mandant étranger et le mandant étranger - la loi étant rédigée ici de façon volontairement souple, de telle sorte que l'absence de contrat officiel ne permette pas de contourner l'obligation de déclaration ;

- le nombre de personnes employées dans l'accomplissement des activités concernées et, le cas échéant, le chiffre d'affaires généré par ces activités durant l'année précédente ;

- le détail des actions réalisées.

Le dispositif prévoit également certaines obligations régissant les représentants d'intérêts, en prévoyant expressément, lorsqu'ils entrent en communication avec un responsable public, qu'ils :

- déclarent leur identité ;

- s'abstiennent de leur offrir des présents, des dons ou des avantages quelconques d'une valeur significative ;

- s'abstiennent de toute incitation à l'égard de ces personnes à enfreindre les règles déontologiques qui leur sont applicables

Enfin, il octroie à la HATVP certaines prérogatives spécifiques pour contrôler le respect de ces nouvelles dispositions. Cette dernière peut ainsi :

- à son initiative ou à la suite d'un signalement, mettre en demeure toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle entre dans le champ des personnes soumises à déclaration de lui communiquer, dans un délai d'un mois, toute information ou tout document nécessaire à l'exercice de sa mission, sans que le secret professionnel puisse lui être opposé ;

-  procéder à des vérifications sur place dans les locaux professionnels de ces personnes, sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris et en présence d'un officier de police judiciaire, lors desquelles ses agents peuvent exiger la communication et obtenir ou prendre copie, par tout moyen et sur tout support, des documents professionnels de toute nature, entre quelques mains qu'ils se trouvent, propres à faciliter l'accomplissement de leur mission ;

- demander aux responsables publics visés par le texte la liste des représentants d'intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers entrés en communication avec eux ;

Lorsqu'elle constate un manquement aux règles prévues, la HATVP peut :

- mettre la personne concernée en demeure de respecter ces obligations, et éventuellement rendre publique cette mise en demeure ;

- si la mise en demeure n'est pas suivie d'effet, prononcer une astreinte dont nt le montant maximal est fixé à 1 000 euros par jour, et qu'elle peut rendre publique.

Enfin, la loi créée un nouveau délit constitué par le fait pour une personne de se soustraire à ses obligations déclaratives, et puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

La commission d'enquête ne peut que saluer l'adoption par le Parlement de ce dispositif, qui constitue une avancée réelle.

(2) Un contrôle des mobilités professionnelles des responsables publics à l'aune du risque d'influence étrangère

L'article 2 de cette même loi permet également de renforcer le mandat de la HATVP pour lui permettre de prendre en compte les risques d'influence étrangère dans le cadre de son contrôle des reconversions professionnelles dans le secteur privé des hauts responsables publics.

Sont concernés les personnes ayant exercé, au cours des cinq dernières années :

- des fonctions gouvernementales ;

- des fonctions de membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante ;

- des fonctions exécutives au sein d'une collectivité locale de plus de 20 000 habitants.

Dans ce cadre, la HATVP se prononce sur la compatibilité de l'exercice de l'activité privée concernée avec les fonctions précitées. En cas d'avis d'incompatibilité, la personne concernée ne peut pas exercer l'activité envisagée pendant une période expirant trois ans après la fin de l'exercice des fonctions.

Cette mesure, qui constitue un apport du Sénat lors de l'examen du texte, est également de bon sens.

(3) Un contrôle du financement des laboratoires d'idées

Enfin, l'article 3 de la même loi créée une obligation nouvelle pour les laboratoires d'idées (think tanks) de transmettre à la HATVP le montant des dons et versements étrangers qu'ils reçoivent.

S'il est bien légitime, pour un État, de mener une politique d'influence consistant à peser sur les débats publics étrangers dans le sens de ses intérêts, une telle politique doit être menée à visage découvert, sans quoi elle relève purement et simplement de l'ingérence. Ce dispositif constitue ainsi une garantie de transparence du débat public à cet égard.

c) Un manque de moyens avéré pour la HATVP

La principale question qui se pose est désormais celle de l'adéquation entre les exigences de bonne application de ces dispositifs et les moyens dont cette institution dispose effectivement.

La création du nouveau répertoire des représentants d'intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers suppose notamment, en effet, comme l'a précisé le Président Didier Migaud lors de son audition, de créer de nouveaux logiciels et des nouvelles applications informatiques.

Pour Didier Migaud, les moyens actuels de la HATVP, qui sont déjà taillés au plus juste sont largement insuffisants pour accomplir ces nouvelles missions : « en termes de moyens, la Haute Autorité dispose aujourd'hui de 75 agents. Une dizaine de personnes sont affectées au contrôle du répertoire des représentants d'intérêts au titre de la loi Sapin II : la comparaison de nos moyens avec des pays ayant mis en place des obligations et répertoires similaires m'inspire une certaine gêne, tant ces effectifs sont insuffisants. Nous manquons donc déjà de personnel pour faire vivre ce répertoire et procéder aux contrôles requis, avant la mise en place de tout autre dispositif »289(*).

Il s'agit donc, pour la commission d'enquête, d'un point majeur de vigilance dans la perspective des prochains débats budgétaires.


* 279 Loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

* 280 Loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

* 281 Audition du 28 mars 2024.

* 282 Il est à noter que les prêts des personnes physiques sont interdits dans le cadre de l'élection présidentielle, mais autorisés pour les autres élections et pour le financement des partis politiques.

* 283 Loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

* 284 Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

* 285 Audition du 23 mai 2024.

* 286 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 287 Rapport n° 1311 (seizième législature) fait par Constance Le Grip au nom de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères - États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées - visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des dirigeants ou des partis politiques français, déposé le 1er juin 2023.

* 288 Rapport public n° 1454 (seizième législature- Assemblée nationale) / n° 810 (2022-2023 - Sénat) fait par Sacha Houlié au nom de la délégation parlementaire au renseignement relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2022-2023, déposé le 29 juin 2023.

* 289 Audition du 23 mai 2024

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