EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 10 juillet 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet, rapporteurs spéciaux, sur l'aide alimentaire.
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons par une communication de nos rapporteurs spéciaux sur la mission « Aide publique au développement », relative à l'aide alimentaire.
M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. - En tant que rapporteurs spéciaux de la mission « Aide publique au développement », Michel Canévet et moi-même avons choisi de poursuivre le travail de contrôle engagé avec mon prédécesseur Jean-Claude Requier sur l'aide alimentaire au sein de notre politique de développement, et ce pour deux raisons principales.
La première raison tient à l'actualité : la crise sanitaire liée au covid-19 et l'agression russe contre l'Ukraine ont profondément dégradé la sécurité alimentaire dans le monde. Cela exige un effort important de la part des grands États donateurs, dont fait partie la France.
La seconde raison tient à la situation budgétaire propre à la mission « Aide publique au développement ». Le total des crédits consacrés à l'aide au développement dans le budget de l'État a plus que doublé entre 2017 et 2024, pour atteindre environ 15 milliards d'euros. Si cet effort honore la France, le contexte budgétaire incertain renforce notre obligation de veiller à l'efficience de la dépense publique. C'est pourquoi nous cherchons à mieux évaluer notre politique d'aide au développement, comme nous le faisons pour n'importe quelle autre politique publique. Nous poursuivrons d'ailleurs cette démarche à la rentrée, puisque la Cour des comptes devrait remettre prochainement à la commission des finances une enquête 58-2 sur les contributions de la France en matière d'aide multilatérale.
Si les définitions peuvent varier selon les organisations internationales, nous estimons que l'aide alimentaire correspond à une action d'assistance alimentaire visant, à court terme, à garantir l'accès à une alimentation suffisante et sûre en période de crise alimentaire et, à moyen et long termes, à renforcer la résilience des populations des pays affectés par l'insécurité alimentaire.
L'aide alimentaire peut prendre différentes formes : traditionnellement, elle visait à écouler les surplus de production agricole des pays développés ; de nos jours, elle s'exerce de plus en plus sous la forme de transferts financiers. Pour prendre un exemple récent, à Gaza, le Programme alimentaire mondial (PAM) fournit aux habitants des bons d'achat auprès de boulangeries agréées.
Ces éléments de définition étant posés, permettez-moi de revenir un instant sur la situation alimentaire mondiale. Les Nations unies estiment que 735 millions de personnes ont souffert de la faim en 2022, soit 9,2 % de la population mondiale. L'insécurité alimentaire est plus particulièrement concentrée en Afrique, où se situent la majorité des pays les moins avancés (PMA) et où 20 % de la population est touchée par la faim. Il s'agit également de la région où la faim a le plus progressé au cours des dernières années, le nombre de personnes touchées ayant augmenté de plus 48 % entre 2015 et 2022.
Trois facteurs principaux contribuent au déclenchement de crises alimentaires.
Premièrement, les crises géopolitiques et les conflits déstabilisent les systèmes agricoles et l'approvisionnement des pays concernés. Les cinq pays et territoires en situation de crise alimentaire majeure en 2023 - la bande de Gaza, le Burkina Faso, le Mali, la Somalie et le Soudan du Sud - connaissent un niveau de conflictualité très élevé.
Deuxièmement, le changement climatique perturbe la production alimentaire des pays les plus vulnérables. La sécurité alimentaire de quelque dix-huit pays s'est dégradée en 2023 du fait d'aléas climatiques : sécheresse, feux, pluies intenses ou inondations.
Troisièmement, les chocs économiques peuvent limiter l'accès aux ressources alimentaires. Une forte inflation dans les pays en crise alimentaire réduit évidemment la disponibilité des ressources. En 2023, la dégradation du contexte économique a renforcé l'insécurité alimentaire dans vingt et un pays.
La dimension politique et géopolitique de cette question devient majeure. Il convient de reconnaître que la dimension politique de l'agriculture a été quelque peu oubliée en Europe cependant que des pays tels que la Russie, la Chine, le Brésil ou les États-Unis ne l'avaient pas perdu de vue, comme l'a souligné la représentante permanente de la France auprès de l'ONU à Rome, Mme Céline Jurgensen, lorsque nous l'avons rencontrée.
En réponse à la multiplication de ces crises alimentaires, les flux internationaux ont largement progressé depuis le début des années 2010. Si leurs estimations du total de l'aide alimentaire distribuée diffèrent, l'OCDE et la Convention de Londres s'accordent sur le fait que le montant de celle-ci a été multiplié par trois entre 2014 et 2022.
La comptabilisation de l'aide alimentaire demeure un exercice délicat. Nous avons constaté qu'il n'existe pas d'évaluation transversale de l'aide alimentaire de la France. Le ministère n'a pas été en mesure de nous fournir cette donnée. En reconstituant les dépenses effectuées en 2023, nous avons évalué le total de notre aide alimentaire à 347 millions d'euros. Si cette estimation est exacte, la France se situe plutôt en retrait par rapport à d'autres contributeurs : elle ne serait que le quatorzième contributeur d'aide alimentaire parmi les pays de l'OCDE. Au sein des pays européens, elle se classe après l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède.
Pour autant, la France a accentué ses efforts, dans la mesure où l'aide alimentaire programmée (AAP), qui constitue le « noyau dur » de notre aide alimentaire, a été multipliée par cinq depuis 2019. Les personnes que nous avons auditionnées ont largement souligné la réactivité et l'agilité de la France, qui en font une exception à préserver absolument. Nous ne sommes pas les plus gros contributeurs, mais nous sommes certainement les plus réactifs. Or en matière alimentaire, le coût de l'inaction est toujours très supérieur à celui de l'action - il faut aller vite !
J'en viens maintenant aux canaux de distribution de notre aide alimentaire. Il existe un canal bilatéral et un canal multilatéral. J'évoquerai brièvement le premier et laisserai Michel Canévet présenter le second.
Sur le plan bilatéral, le principal constat que nous formulons est qu'il n'existe pas de guichet unique de l'aide alimentaire française. La direction générale de la mondialisation du ministère de l'Europe et des affaires étrangères dispose d'un instrument dédié, l'aide alimentaire programmée, mais d'autres instruments budgétaires contribuent à financer nos actions en la matière, notamment le fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS), géré par le centre de crise et de soutien (CDCS) et le fonds Minka, géré par l'Agence française de développement (AFD).
Cette dispersion de notre aide alimentaire bilatérale soulève de forts risques de chevauchements. Deux rapports demandés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ont souligné ces risques, que nos auditions ont confirmés. Les projets financés sont similaires et les organisations de la société civile que nous avons interrogées ont du mal à distinguer les différents guichets.
Trois facteurs semblent expliquer ces redondances : premièrement, il n'existe pas de formalisation des mandats respectifs des différents instruments bilatéraux qui concourent à notre aide alimentaire ; deuxièmement, la hausse des enveloppes consacrées à l'aide alimentaire programmée et au fonds d'urgence humanitaire a multiplié les zones de recoupements ; troisièmement, la coordination entre ces différents instruments est largement perfectible.
En effet, l'AAP, le FUHS et le fonds Minka sont gérés par trois services différents. Il existait jusqu'en 2023 un comité interministériel de l'aide alimentaire. Si nous n'allons pas jusqu'à recommander de recréer une nouvelle instance, il nous parait au moins nécessaire que les services échangent davantage sur les priorités de notre politique d'aide alimentaire.
M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - S'agissant de l'aide alimentaire française transitant par le canal multilatéral, le total des contributions multilatérales de la France aux organisations participant à la sécurité alimentaire représentait 252,93 millions d'euros en 2023, soit la majeure partie de notre aide en la matière.
Trois organisations spécialisées des Nations unies situées à Rome contribuent plus spécifiquement à la lutte contre la faim dans le monde : l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO), qui est spécialisée dans l'appui aux politiques agricoles et dans la coopération technique ; le Programme alimentaire mondial, qui est le principal opérateur d'aide alimentaire ; et le Fonds international de développement agricole (Fida), qui est centré sur l'appui au développement agricole et dont les modes d'intervention sont proches de ceux de l'Agence française de développement.
Dans le cadre de notre mission de contrôle, nous nous sommes rendus à Rome pour mieux comprendre le travail de ces trois agences et échanger avec ses différents responsables. Pour éviter d'être trop long tout en restant concret, j'aborderai plus en détail l'engagement de la France auprès du Programme alimentaire mondial, qui est de loin le premier opérateur international d'aide alimentaire, son budget s'élevant à 8 milliards d'euros.
Cette organisation dispose d'une expérience logistique et assure un soutien technique à l'ensemble des acteurs de l'aide humanitaire. Elle assure notamment la gestion du service aérien humanitaire des Nations unies (UNHAS), qui lui permet de transporter 900 tonnes de fret par mois. Le PAM nous a donné un exemple parlant de son action : il achète environ 399 tonnes de nourriture par heure, soit l'équivalent du poids de 266 hippopotames.
D'une part, la France a considérablement renforcé ses contributions à cette organisation, qui sont passées de 17,5 millions d'euros en 2018 à 167 millions d'euros en 2023, et par conséquent son influence au sein de celle-ci. En effet, son financement reposant uniquement sur des contributions volontaires, la position de donateur important offre de facto un contact privilégié avec l'agence. Dans le cadre du dernier accord de rotation des États au conseil d'administration du PAM, l'apport financier de la France lui a permis d'y siéger sept ans sur neuf.
D'autre part, la France s'est engagée auprès du PAM et d'autres acteurs multilatéraux sur de grandes priorités thématiques, à l'instar de la coalition mondiale pour l'alimentation scolaire, que la France préside avec la Finlande et le Brésil. L'alimentation scolaire est en effet un filet de sécurité sociale particulièrement utile aux bénéficiaires finaux : elle améliore la nutrition et la santé des enfants ; elle soutient le revenu des ménages en créant des emplois dans les cantines et en renforçant les marchés locaux ; et elle augmente le niveau d'éducation, notamment celui des filles.
L'engagement de la France sur un sujet aussi porteur a renforcé sa visibilité dans le domaine de la sécurité alimentaire, comme nous avons pu le constater au cours de nos échanges avec les ambassadrices du Brésil et de la Suisse auprès des agences onusiennes à Rome.
Par ailleurs, nous avons pu mesurer les efforts de la France au sein du système onusien pour renforcer la redevabilité des organisations internationales intervenant dans le domaine de la sécurité alimentaire. Nos contributions internationales reviennent à déléguer une politique publique à un opérateur international. Il paraît donc nécessaire de contrôler, en retour, le bon usage de ces financements et de valoriser cette action publique externalisée. En effet, si l'action de la France en faveur d'une meilleure recevabilité rencontre plus de succès auprès du PAM que de la FAO, d'importants problèmes de gouvernance et de transparence persistent au sein de cette organisation.
Nous avons également pu observer un déficit de coordination européenne au sein des instances de gouvernance des agences de l'ONU à Rome. Ce point avait déjà été soulevé dans un précédent rapport par nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud. Il nous apparaît nécessaire de faire progresser la coordination de l'action européenne au sein du système onusien de l'alimentation et de l'agriculture, l'Union européenne et ses États membres constituant le principal contributeur du PAM, auquel ils ont octroyé 2,6 milliards de dollars au total en 2023.
J'en viens aux recommandations qui découlent de nos travaux. Elles sont au nombre de treize - ce qui, je l'espère, ne sera pas de mauvais augure pour notre réunion - et se découpent en trois ensembles.
Les premières ont trait à la valorisation de l'effort français en matière d'aide alimentaire, qui est la condition du maintien d'un niveau élevé de celui-ci. Il nous paraît souhaitable que cette aide soit mieux identifiée au sein du total de notre aide publique au développement.
Ensuite, nous avons émis plusieurs recommandations portant sur les instruments bilatéraux contribuant à l'aide alimentaire de la France. Nous appelons à une clarification de leurs objectifs et à une meilleure coordination pour éviter les chevauchements.
Enfin, certaines recommandations font suite à notre déplacement à Rome auprès des organisations de l'ONU spécialisées dans l'aide alimentaire. Si nous estimons que le travail de ces agences est positif, en particulier celui du PAM, il nous semble indispensable que la France poursuive ses efforts en faveur d'une meilleure redevabilité et d'une plus grande transparence au sein de ces institutions.
Avant de passer aux questions, Raphaël Daubet et moi-même tenons à remercier chaleureusement de leur accueil et de la qualité de leur travail la représentante permanente de la France auprès de l'ONU à Rome, Mme Céline Jurgensen, qui s'est particulièrement impliquée dans ce déplacement, ainsi que ses équipes.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'aide publique au développement est toujours un sujet sensible au moment d'examiner le budget. Je remercie les deux corapporteurs d'avoir mis l'accent sur l'aide alimentaire, cela m'a rajeuni de cinquante ans, me renvoyant à une époque où nous allions dans les villages vendre des timbres pour lutter contre la faim dans le monde... Nous ne saurions rester sans réagir face aux carences alimentaires dans le monde.
Votre constat est préoccupant, et la complexité du schéma de l'aide alimentaire qui figure dans le rapport est éloquente. Faute d'une vision consolidée, à 360 degrés, les coûts s'additionnent de manière vertigineuse. Cela contrevient à l'esprit de responsabilité auquel nous aspirons s'agissant de la dépense publique. Cela vaut tant à l'échelle de la France qu'à celle des instances internationales.
J'espère que vos recommandations permettront d'améliorer la situation et d'aboutir à une dépense publique mieux ciblée. Lorsque le sujet ne manquera pas d'être remis sur la table au moment de l'examen du budget, nous devrons nous montrer précis pour convaincre que nous pouvons réaliser des économies sans nuire à notre efficacité.
M. Bernard Delcros. - Je remercie les rapporteurs spéciaux pour ce rapport très précis et intéressant.
La France est un contributeur important à l'aide publique au développement. Des chiffres ont été évoqués, mais quelle est précisément la place de l'aide alimentaire dans cette contribution ?
Par ailleurs, les collectivités territoriales participent de plus en plus à l'aide publique au développement. Est-ce également le cas pour l'aide alimentaire et, le cas échéant, dans quelles proportions ?
Enfin, quel est le coût de gestion des organisations internationales de l'aide alimentaire ?
Mme Isabelle Briquet. - Merci à nos deux rapporteurs d'avoir réalisé un rapport sur ce sujet complexe et foisonnant.
Je partage l'objectif d'une meilleure coordination avec l'Agence française de développement, qui pilote l'aide au développement. Nous voyons bien que l'aide alimentaire n'est qu'un petit morceau de l'aide publique au développement. Il convient de distinguer ce qui relève de l'urgence et ce qui relève du long terme, notamment les actions pensées en aval pour que les pays puissent aider directement leur population.
Toutefois, je m'interroge sur un point de détail de la recommandation n° 3 : quelle est la nuance entre l'aide alimentaire programmée et l'assistance alimentaire programmée ?
Mme Christine Lavarde. - Quelle forme prend l'aide alimentaire ? Est-ce essentiellement des conteneurs remplis de denrées provenant des pays donateurs ou des flux financiers qui sont ensuite injectés dans l'économie locale, ce qui, en plus d'apporter des calories aux habitants, permet au système économique de vivre ?
Par ailleurs, l'aide alimentaire vise-t-elle à adapter les agricultures locales des pays receveurs pour qu'ils produisent eux-mêmes plus de denrées ? Comment la France lie-t-elle ce sujet aux actions de l'AFD ?
Enfin, la question des réfugiés est gérée par un autre versant de l'ONU, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ce qui peut avoir pour conséquence que les déplacés finissent par vivre mieux que la population endogène, car ils bénéficient de per diem en dollars alors que la monnaie locale s'effondre. Les responsables des organisations internationales que vous avez rencontrés ont-ils évoqué ce sujet ?
M. Thierry Cozic. - Vous avez mentionné les cinq pays d'Afrique les plus dans le besoin. Comment s'organise l'aide alimentaire avec ces pays ? Nous savons que la France a plutôt mauvaise presse dans certains d'entre eux. Cela remet-il en cause le niveau de l'aide alimentaire que nous leur apportons ?
M. Claude Raynal, président. - L'aide publique au développement est souvent abordée sous un prisme très simple : il s'agit de la seule dépense publique que nous pouvons diminuer sans que cela ait un impact sur la croissance. Qu'en pensez-vous ?
M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, la complexité des dispositifs nous a également frappés. Cela appelle à une meilleure coordination, pour que notre action nationale soit cohérente. C'est l'objet de l'une de nos recommandations. De même, il est souhaitable de simplifier les dispositifs. Plusieurs ONG nous ont indiqué que la multiplication des portes d'entrée ne leur permettait pas de s'y retrouver.
Je suis également d'accord sur la nécessité d'utiliser les moyens de l'aide publique au développement de la manière la plus efficiente possible, indépendamment du niveau des crédits consentis. Si nous avons proposé lors de l'examen du dernier projet de loi de finances de réduire ces crédits, c'est parce que nous avions constaté que nous n'étions pas capables de bien les consommer dans leur ensemble. Il vaut mieux inscrire des objectifs ciblés plutôt que de surconsommer des crédits. Par ailleurs, l'annulation de crédits opérée en 2024 a finalement été plus élevée que l'effort que nous proposions.
Notre contribution à l'aide alimentaire représente environ 350 millions d'euros. Nos contributions internationales au profit d'organisations intervenant en matière de sécurité alimentaire s'élèvent à 252 millions d'euros, sur un total de 15 milliards d'euros d'aide publique au développement, qui concerne également les prêts que nous accordons.
En ce qui concerne les collectivités territoriales, elles interviennent en effet sur l'aide alimentaire. L'AFD peut d'ailleurs leur accorder des crédits pour mener leurs projets en la matière. Toutefois, nous ne disposons pas d'évaluation sur cette question.
Le coût de gestion des organisations internationales demeure une interrogation. C'est pourquoi nous avons demandé à la Cour des comptes un rapport sur les organisations multilatérales, qui devrait nous être remis à la rentrée. Nous savons toutefois que les coûts de gestion du PAM s'élèvent à 6,5 %, ce qui en fait sans doute l'une des organisations internationales où ils sont le moins élevés. Il convient de veiller à réduire au maximum ces coûts pour que les crédits que nous consacrons à l'aide internationale soient perçus par ceux qui en ont effectivement besoin.
Pour répondre à l'interrogation de Mme Briquet sur le sigle AAP, nous avons tenu à conserver celui-ci car il est connu par les acteurs. Mais, estimant que notre action ne doit pas se réduire à des aides matérielles et financières, et que nous devons soutenir et accompagner les acteurs sur le terrain dans une logique de résilience et non plus seulement d'urgence, nous avons jugé le mot « assistance » plus approprié que le mot « aide ».
M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. - Notre aide publique au développement prend essentiellement la forme de flux financiers, et non de conteneurs remplis de denrées. Cela permet de contribuer au développement local, comme l'a souligné Michel Canévet. Les organisations internationales privilégient les flux financiers dès lors que les systèmes productifs agricoles et les systèmes logistiques sur place permettent de fournir les denrées alimentaires nécessaires.
Monsieur le rapporteur général, nous pensons que le besoin de clarification passera certainement par le nexus des trois temps de l'aide alimentaire. Le premier temps est la gestion de la crise, durant laquelle les denrées alimentaires doivent être fournies en urgence. Le second temps est celui de la résilience, c'est-à-dire la reconstruction des moyens de productions agricoles. Le troisième temps est le développement et le soutien à l'agriculture - en cela, je réponds à la deuxième question de Christine Lavarde.
Le terme d'« assistance » traduit mieux cet aspect que celui d'« aide ». La clarification des dispositifs et des organisations internationales passera aussi par l'identification de ces temps, pour y répondre de manière coordonnée.
Nous avons effectivement abordé la question des réfugiés avec nos interlocuteurs, dans la mesure où les populations déplacées provoquent malheureusement des crises alimentaires dans les pays riverains. Nous le voyons actuellement dans le cas du Soudan du Sud et de l'Éthiopie. Les déplacements de réfugiés peuvent aggraver les crises alimentaires. Il s'agit d'un sujet important.
M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - J'imagine, monsieur Cozic, que vous pensiez particulièrement aux pays du Sahel - Niger, Mali et Burkina Faso - dans votre intervention. Le sentiment anti-français s'y est développé et la France a mis fin à ses actions d'aide au développement à l'exception des actions d'aide humanitaire. Le Mali est le seul pays à avoir refusé toute forme d'aide. En revanche, les actions internationales se poursuivent, et ces pays continuent d'être soutenus par le Programme alimentaire mondial.
Sur l'invitation de Bruno Belin, qui est le président du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest, nous avons reçu le directeur général de l'Agence française de développement, qui nous a dit que les liens étaient renoués avec les pouvoirs en place au Mali et étaient en passe de l'être avec les dirigeants du Burkina Faso pour faire en sorte que la France intervienne de nouveau. En tout état de cause, une rupture très claire de nos liens avec ces pays est intervenue.
Claude Raynal a évoqué l'impact des crédits de la mission sur la croissance. Il y a un intérêt direct de la France sur l'ensemble de ces dispositifs. Avec la délégation sénatoriale aux entreprises, j'ai visité voilà quelques années l'entreprise Nutriset en Normandie, qui produit des éléments nutritifs pour les pays en développement. Il y a dix jours, j'ai visité le groupe agroalimentaire coopératif Even dans le Finistère, dont une partie de la production laitière est destinée aux pays en développement. Le PAM achète pour environ 88 millions de dollars par an de produits français pour acheminer directement des denrées alimentaires dans les pays qui en ont besoin.
L'aide alimentaire contribue à la croissance des pays en développement. Les dispositifs du PAM, du Fida et de la FAO reposent sur la mise en place de systèmes de production locaux. C'est le cas pour la distribution de repas dans les écoles, que j'ai évoquée, visant à encourager la scolarisation des enfants, mais permettant également de développer l'économie locale.
La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et autorisé la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.