D. LA DEMANDE DEVRA SE DÉPLACER AU MOMENT DE LA JOURNÉE OÙ LA PRODUCTION SERA LA PLUS FORTE

L'exercice de projection à horizon 2050 réalisé par la commission d'enquête a permis d'explorer la question du niveau futur de la demande électrique.

Mais cet exercice permet de comprendre d'autres évolutions structurelles qui vont affecter cette demande.

La consommation résiduelle, définie comme la consommation qui n'est pas couverte par les moyens pilotables, va devenir le nouvel élément dimensionnant de la consommation électrique et le besoin de flexibilité de la demande va augmenter. En miroir, le profil de la demande va évoluer d'usages traditionnellement assez rigides, vers des usages plus flexibles.

1. La consommation non couverte par les moyens pilotables sera le nouvel élément dimensionnant du système électrique

Le système électrique va, dans les 30 prochaines années, connaître de nombreuses évolutions : électrification des usages, développement de l'autoconsommation, déploiement de la proportion d'énergie renouvelables... Ces évolutions vont entraîner une déformation structurelle de la consommation résiduelle.

Au sein de ces évolutions, le développement de la production photovoltaïque est le plus structurant. Il conduit à un afflux de production électrique décarbonée en milieu de journée en particulier de mars à octobre, modifie la courbe de charge résiduelle et crée des opportunités de décalage de consommation vers ces périodes où l'électricité est abondante et bon marché.

La courbe de consommation résiduelle présente désormais tous les jours ouvrés deux périodes de creux la nuit et l'après-midi, et deux pointes relativement courtes, en début de matinée et en début de soirée. Le week-end, la période de pointe du matin n'existe pas : la période de creux va généralement de la nuit à la fin d'après-midi.

D'ici 2030, le développement attendu de la production solaire en France et plus encore en Europe est tel que ce creux d'après-midi sera également significatif durant les mois d'hiver.

Projection de l'évolution de la consommation résiduelle moyenne un jour ouvré dans le scénario « A - référence » du Bilan Prévisionnel 2023

Source : RTE, réponse aux questionnaires de la Commission d'enquête

À ce premier élément structurel quotidien se superposent les variations liées aux productions des éoliennes, s'étalant généralement sur plusieurs jours. Ces variations sont moins prévisibles, et ne privilégient a priori pas d'horaires ou de jours de la semaine particuliers. Mais elles sont pour l'essentiel connues quelques jours à l'avance et bien quantifiées quelques heures avant le temps-réel.

Face à ces évolutions, l'objectif doit devenir non pas seulement de diminuer ponctuellement la consommation lors de pointes annuelles, mais plus généralement de faire coïncider au plus près la courbe de demande et la courbe de production, notamment en déplaçant les usages qui peuvent l'être sans impact sur le confort vers les moments où la production décarbonée est la plus disponible.

La problématique de la pointe évolue à long terme

Les situations les plus tendues ne seront plus les pointes de demande mais les combinaisons de demandes élevées et de creux d'offre, notamment en lien avec le développement de production ENR variable.

Du fait de la flexibilité accrue, notamment de la consommation, les profils journaliers d'appel de puissance n'auront plus le caractère relativement cyclique qu'ils présentent aujourd'hui.

Les pointes de consommation ne refléteront plus des situations de tension sur l'équilibre du système électrique mais résulteront au contraire de l'optimisation de ce pilotage.

Source : Commission d'enquête

Cela conduira à maximiser l'utilisation du productible bas-carbone et bon marché, afin de positionner la consommation lorsque la production d'énergie renouvelable et nucléaire est abondante. À l'inverse, cela conduira à limiter la consommation lorsqu'il est nécessaire d'utiliser des centrales thermiques à combustibles fossiles, plus coûteuses et plus polluantes.

Le schéma ci-dessous illustre que ces éléments sont liés. Mieux positionner la consommation permet de réduire les pointes de consommation et donc réduire le besoin de moyens dédiés pour assurer l'équilibre offre et demande électrique.

Rôle des flexibilités vis-à-vis de la courbe de demande résiduelle

Source : RTE, réponse aux questionnaires de la Commission d'enquête

L'élément dimensionnant pour l'exploitation du système électrique de demain sera donc la consommation résiduelle, c'est-à-dire la consommation qui n'est pas couverte par les moyens pilotables. « Les instants qui présenteront le plus de contraintes sur l'équilibre offre-demande seront les instants à plus forte consommation résiduelle, et non pas les instants de plus forte consommation » résume RTE426(*).

2. Le besoin d'une demande plus flexible

Faire coïncider une production moins pilotable avec une consommation électrique en croissance implique de renforcer le caractère flexible de cette dernière.

Le schéma suivant de RTE résume le bouquet de flexibilités nécessaire à horizon 2035 dans la configuration de référence. Il met en évidence que le déficit de puissance potentiel par rapport au critère réglementaire de sécurité d'approvisionnement, entendu comme le risque d'une défaillance induisant le recours aux moyens exceptionnels pour assurer l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité, est de 10 GW.

Pour faire face à ce besoin, les flexibilités de la demande sont les premières mobilisées et peuvent apporter une réponse à hauteur de 5 GW. Atteindre au moins ce niveau est donc indispensable pour contribuer à la sécurité d'approvisionnement et pour éviter de recourir aux autres moyens signalés dans ce tableau, dont les moyens carbonés.

Solutions pour assurer l'équilibrage en puissance au sens du critère réglementaire à l'horizon 2030 : les différents « bouquets de flexibilité » possibles

Source : RTE427(*)

Cette action de positionnement de la consommation en phase avec la production sera facilitée par le fait qu'une partie de ces nouveaux usages repose sur des temps d'utilisation courts qui sont facilement programmables : véhicules électriques, stockage, pompes à chaleur... De sorte qu'ils constitueront des éléments de flexibilité au bénéfice du système électrique comme nous l'analyserons plus avant dans ce rapport. La part de la consommation flexible, estimée à 4 % par RTE aujourd'hui, passerait à 15 % en 2050 dans la trajectoire de référence.

Il est donc important d'évaluer quelles sont les puissances maximales pilotables de la demande à horizon 2035 et 2050. Dans la configuration de référence du Bilan prévisionnel 2023, elles sont de 30 GW à horizon 2035 (premier graphique) et de l'ordre de 44 GW en 2050, dans la configuration la plus haute des Futurs énergétiques 2050 (deuxième graphique).

Évolution des puissances maximales effaçables et modulables de la demande d'électricité dans la configuration de référence du Bilan prévisionnel 2023

Lecture : le graphique évalue les puissances maximales effaçables et modulables de la demande d'électricité. Il précise à quel point chaque type d'usage permet de contribuer à cette flexibilité.

Source : RTE428(*)

Puissances moyennes effaçables de la demande d'électricité et nature du pilotage (statique ou dynamique) à l'horizon 2050 dans les différentes configurations considérées et dans les études externes

Lecture : le graphique évalue les puissances maximales effaçables et modulables de la demande d'électricité. Il précise à quel point chaque type d'usage permet de contribuer à cette flexibilité.

Source : RTE429(*)

La mobilisation des flexibilités de la demande modifie sensiblement le profil de la courbe de consommation.


* 426 RTE, réponse écrite aux questionnaires de la commission d'enquête.

* 427 Bilan prévisionnel 2023, principaux résultats, p. 52.

* 428 RTE, Bilan prévisionnel 2023, chapitre 2, p. 89.

* 429 RTE, Futurs énergétiques 2050, p. 319.

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