E. GARANTIR UNE GOUVERNANCE ET UNE ORGANISATION DES ENSP AU SERVICE D'UNE FORMATION EFFICACE DES FUTURS ENSEIGNANTS

Pour les rapporteurs, il est indispensable de renforcer le lien organique liant le ministère de l'éducation nationale et les organismes de formation initiale des enseignants. S'ils sont profondément attachés à l'autonomie des universités, ils estiment nécessaire que le ministère de l'éducation nationale dispose d'un pouvoir de contrôle spécifique sur la formation des professeurs afin de conforter son rôle de ministère-employeur et de ministère co-formateur. Tout en associant les universités, qui disposent du monopole de la délivrance du diplôme de master, ils préconisent de redonner la main à l'éducation nationale sur la formation de ceux-ci.

La gouvernance actuelle des Inspé

La loi pour une école de la confiance a renforcé les prérogatives du ministère sur la nomination du directeur de l'Inspé : si les candidats sont auditionnés par un comité co-présidé par le recteur et le président de l'université, le ministre n'est plus tenu de suivre l'avis motivé de ce comité.

Les Inspé sont actuellement administrés par un conseil de l'école qui adopte notamment les règles relatives aux examens et les modalités de contrôle des connaissances et est consulté sur le recrutement de l'institut. Son président est élu en son sein parmi les personnalités extérieures nommées par le recteur.

Le président de l'ENSP doit être nommé par le recteur qui doit également présider le conseil d'administration. Le recteur doit également être chargé de recruter les intervenants des ENSP.

Enfin, les rapporteurs rappellent que tout service, établissement, institution ou organisme qui participe ou concourt à l'application de la législation relative à l'éducation et à l'enseignement supérieur est soumis aux vérifications de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche - IGÉSR (art. L. 241-1 du code de l'éducation).

Actuellement, l'intervention de l'IGÉSR se limite principalement dans l'enseignement supérieur à des enquêtes administratives liées à des dysfonctionnements8(*). En raison du rôle spécifique de l'ENSP dans la formation des futurs enseignants et du statut particulier des étudiants qui seront déjà fonctionnaires en M2, les rapporteurs souhaitent que l'IGÉSR élargisse son périmètre d'intervention et procède à des missions d'évaluation, d'expertise, de contrôle et d'appui au sein des ENSP et de leurs intervenants, y compris sur les contenus pédagogiques.

Recommandations :

- (11) Établir une gouvernance des Inspé qui tout en associant l'université par convention en particulier pour la délivrance du master, donne la prééminence au ministère de l'éducation nationale ; pour cela placer les futurs ENSP auprès des recteurs.

- (12) Renforcer le co-pilotage par le ministère de l'éducation nationale des ENSP sur la partie pédagogique et faciliter le contrôle des intervenants dans les ENSP par l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche.

La commission insiste depuis de nombreuses années sur la nécessité de renforcer la présence de professionnels de terrain dans la formation initiale des enseignants. Déjà en 2014 puis en 2015, nos anciens collègues Colette Mélot et Jacques-Bernard Magner plaidaient pour un renforcement de leur présence au sein des ESPÉ9(*). La commission avait d'ailleurs adopté un amendement en ce sens lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance.

Alain Fruguière, président du réseau des Inspé et directeur de l'Inspé de Paris a souligné l'intérêt pour les étudiants de formateurs en service partagé - à mi-temps en temps que formateur à l'Inspé et à mi-temps en poste devant les élèves - et indiqué que ceux-ci sont particulièrement appréciés.

Or, les rapporteurs ont été informés lors de leurs auditions de la présence de formateurs dans les ESPÉ puis les Inspé sans contact avec le terrain depuis de nombreuses années. Pour reprendre les termes d'une des personnes auditionnées, il y a parfois dans les Inspé « des personnels qui sont là depuis très longtemps et un peu coupés de la réalité ».

Afin d'éviter une formation hors-sol, les rapporteurs préconisent de limiter à cinq ans la durée maximale de décharge totale pour enseignement dans les ENSP - qu'il s'agisse d'un personnel enseignant, de direction ou d'inspection - pour les formateurs dits « de terrain ». Ils rappellent une demande ancienne de la commission de « transformer à terme [les organismes de formation initiale des enseignants] en structures sans formateurs propres, faisant appel aux ressources de l'éducation nationale (enseignants-formateurs) et de l'enseignement supérieur (enseignants-chercheurs) ».

Une telle mesure nécessite une démarche volontariste des rectorats pour identifier des potentiels formateurs : devenir enseignants-formateurs reste encore trop peu valorisé dans la carrière d'un enseignant ou d'un personnel encadrant. Enfin les rectorats doivent mieux accompagner leurs personnels souhaitant devenir formateurs.

Recommandation (13) : Afin de garantir une formation au plus près de la réalité du métier, limiter à cinq ans - à l'exception des enseignants chercheurs (professeurs universitaires et maîtres de conférence) en charge de l'enseignement de disciplines strictement universitaires nécessaires à la formation des professeurs -, la durée maximale de décharge totale de classe, de direction ou d'inspection pour les professionnels.


* 8 Cf. par exemple, rapport n° 21-22 256A de novembre 2022, enquête administrative portant sur des dysfonctionnements au sein d'une UFR de l'université N.

* 9 L'an II des ESPÉ, Colette Mélot, Jacques-Bernard Magner, 2015.

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