N° 683

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juin 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur les modalités de formation des enseignants,

Par Mme Annick BILLON et M. Max BRISSON,

Sénatrice et Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, M. Jean Hingray, Mme Mireille Jouve, MM. Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

LISTE DES RECOMMANDATIONS
DE LA MISSION D'INFORMATION

Favoriser le plus tôt possible une confrontation avec le métier d'enseignant

Recommandation n° 1 : Afin de permettre à l'étudiant d'être confronté à la diversité du métier de professeur du premier degré :

- organiser chaque année de licence de professorat des écoles obligatoirement au moins un stage d'immersion en élémentaire et en maternelle et au cours des trois années de licence dans des cycles d'enseignement différents ;

- réaliser au moins un de ces stages dans une classe à plusieurs niveaux et un de ceux-ci dans une école en réseau d'éducation prioritaire ou une « école orpheline ».

Recommandation n° 2 : Pour la formation des professeurs du second degré, développer dès la licence des unités d'enseignement (UE) en lien avec les LPPE permettant à un étudiant souhaitant devenir enseignant d'acquérir des connaissances sur le fonctionnement du système éducatif, la pédagogie ainsi que les attendus du métier (déontologie, obligation du fonctionnaire, gestion des conflits, ...).

Recommandation n° 3 : Pour les étudiants souhaitant devenir professeurs dans le second degré, favoriser et valoriser dans l'organisation des études la réalisation de stages, dès la L1, par exemple sous la forme d'un stage filé (une demi-journée par semaine) sur une partie d'un semestre et mettre en place dans chaque rectorat en lien avec les universités une « banque des stages ».

Tirer les conséquences d'un concours positionné à bac+3

Recommandation n° 4 : Pour les futurs professeurs du second degré, poursuivre leur formation disciplinaire au sein du master professionnalisant afin de leur assurer un haut niveau de maîtrise de leur discipline.

Recommandation n° 5 : Afin de tirer les conséquences du positionnement des concours à bac+3 - excepté pour l'agrégation - et pour garantir la maîtrise disciplinaire des professeurs intervenant au lycée et en formation post-baccalauréat, y affecter prioritairement les agrégés ; dans un délai de 5 ans tous les agrégés ont vocation à enseigner en lycée en classes d'examen ainsi qu'en classes post-baccalauréat.

Garantir une formation renforcée de qualité lors des deux années de master suivant le concours

Recommandation n° 6 : Pour les lauréats du concours ne disposant pas d'expérience dans le domaine de l'enseignement, les intégrer dans la formation de deux ans post-concours au même titre que les lauréats titulaires d'une licence ; pour ceux en reconversion professionnelle, prévoir le cas échéant une indemnité complémentaire lors de la première année afin de limiter la baisse de revenu par rapport à leur précédent salaire ainsi que celui d'enseignant stagiaire.

Recommandation n° 7 : Afin de préserver la formation professionnelle face au temps nécessaire de préparation des cours et classes, articuler la deuxième année de formation post-concours autour d'un ratio 2/3 de temps de formation 1/3 de temps en responsabilité devant élèves.

Faire de la formation continuée un temps obligatoire complémentaire de la formation initiale

Recommandation n° 8 : Afin d'accompagner les néo-titulaires dans leur prise de poste et garantir une formation de qualité :

- organiser le référentiel de formation post-concours sur 5 ans incluant les trois premières années après la titularisation ;

- rendre obligatoire une formation continuée pour tous les enseignants du premier et second degrés pendant les trois années suivant leur titularisation (10 jours en 1re année après la titularisation, 5 jours en deuxième année et 3 jours en troisième année après la titularisation).

Recommandation n° 9 : Afin de garantir une unité de lieu entre l'académie de formation post-concours et les premières années de titularisation pour un continuum de formation allant de la 1re année de master à la 3e année après la titularisation, réfléchir à deux options :

- régionaliser les concours du CAPES, du CAPET et du CAPLP ;

- maintenir un concours national du CAPES, du CAPET et du CAPLP avec formulation de voeux académiques et affectation dans les ENSP en fonction d'un classement national.

Rendre effective l'obligation de formation continue inscrite dans la loi depuis 2019

Recommandation n° 10 : Afin de garantir l'effectivité de l'obligation de formation continue inscrite dans la loi depuis 2019 :

- intégrer dans les obligations réglementaires de service des professeurs du second degré une obligation horaire annuelle de formation continue alignée sur celle de leurs collègues du premier degré ;

- prendre obligatoirement en compte celle-ci dans le déroulement de carrière pour le passage de classe et dans la mobilité pour les postes spécifiques ou à profil lorsque le professeur a suivi une formation correspondant à ceux-ci.

Garantir une gouvernance et une organisation des ENSP au service d'une formation efficace des futurs professeurs

Recommandation n° 11 : Établir une gouvernance des Inspé qui tout en associant l'université par convention en particulier pour la délivrance du master, donne la prééminence au ministère de l'éducation nationale ; pour cela placer les futurs ENSP auprès des recteurs.

Recommandation n° 12 : Renforcer le co-pilotage par le ministère de l'éducation nationale des ENSP sur la partie pédagogique et faciliter le contrôle des intervenants dans les ENSP par l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche.

Recommandation n° 13 : Afin de garantir une formation au plus près de la réalité du métier, limiter à cinq ans - à l'exception des enseignants chercheurs (professeurs universitaires et maîtres de conférence) en charge de l'enseignement de disciplines strictement universitaires nécessaires à la formation des professeurs -, la durée maximale de décharge totale de classe, de direction ou d'inspection pour les professionnels.

AVANT-PROPOS

Depuis 35 ans, chaque grande loi sur l'école est l'occasion de réformer la formation initiale des enseignants. Aucune de ces réformes successives n'a permis de répondre aux besoins des futurs professeurs et aux attentes du ministère de l'éducation nationale : l'entrée dans le métier reste compliquée et conduit à un nombre record de démissions dans les cinq premières années en poste tandis que chaque nouvelle étude nationale et internationale témoigne de difficultés toujours plus marquées dans l'acquisition par les élèves des savoirs fondamentaux.

Esquissé en mars 2023 par Pap Ndiaye, alors ministre de l'éducation nationale, le calendrier de la réforme de la formation initiale s'est brutalement accéléré fin mars 2024 avec la publication par la presse spécialisée d'un document de travail. Le 5 avril dernier, le Président de la République a annoncé les trois principaux axes de celle-ci : la création d'une licence dédiée à la préparation au professorat des écoles ; le déplacement dès la session 2025 du concours de professeur du premier et du second degrés - à l'exception de l'agrégation - à la fin de la troisième année de licence (L3) et non plus à la fin de la deuxième année de master (M2) et enfin, la mise en place de deux années de master professionnalisantes et rémunérées.

De nombreuses questions demeurent pourtant concernant la mise en oeuvre de cette réforme : pratiquement aucune information complémentaire n'a été apportée depuis avril. Dans ce contexte, les rapporteurs ont souhaité prendre comme point de départ de leur réflexion le projet de réforme du Gouvernement pour le préciser afin que celui-ci ne soit pas une énième tentative sans réelle amélioration pour l'école.

Il résulte de leurs travaux 13 recommandations qui visent à inscrire la formation dans un continuum allant de la licence à la formation tout au long de la carrière par une sensibilisation au métier d'enseignant dès la licence ; une formation post-concours sur 5 ans s'appuyant sur une formation continuée obligatoire ; une formation continue obligatoire prise en compte dans le déroulement de carrière ; un poids renforcé pour le ministère de l'éducation nationale dans le contrôle et le pilotage des futures écoles normales supérieures du professorat (ENSP).

I. UNE FORMATION INITIALE DÉCRIÉE QUI NE RÉPOND PAS AUX BESOINS DES FUTURS ENSEIGNANTS ET DE L'ÉDUCATION NATIONALE

A. UN PARCOURS DE FORMATION TARDIF QUI PEINE À ATTEINDRE SON OBJECTIF

La durée de la formation des futurs enseignants en France est certes comparable à celle de la plupart des pays européens, soit de 4 ou 5 ans. Mais elle se caractérise par l'absence d'une formation dédiée dès la première année de licence.

Il s'agit pourtant d'un métier vers lequel les étudiants souhaitent s'orienter de manière précoce : selon le Cnesco, dans son étude de 2021 sur l'attractivité du métier d'enseignant auprès des étudiants, celui-ci reste un « métier vécu comme une vocation. [...] 60 % des étudiants envisageant de devenir enseignant auraient fait ce choix avant même d'entamer leurs études supérieures ».

Alors que le métier de professeur des écoles nécessite des connaissances dans des domaines variés - français, mathématiques, histoire-géographie, sciences, sport, ... - il existe peu de licences pluridisciplinaires. Aussi, au moment du choix de leur orientation postbac, de nombreux bacheliers souhaitant enseigner en primaire se retrouvent sans repère.

S'ensuit une diminution du vivier de candidats potentiels du fait d'étudiants s'orientant vers d'autres métiers ou choisissant une licence mal adaptée pour postuler ensuite en master MEEF (métier de l'enseignement, de l'éducation et de la formation).

Par ailleurs le modèle « consécutif » de formation existant en France qui focalise la première partie des études sur les apprentissages théoriques généraux interroge - la didactique et la pratique n'intervenant qu'en deuxième partie de formation : sauf exception, les étudiants ne sont pas confrontés à la réalité du métier de professeur en licence.

Enfin, le master MEEF créé en 2013, n'a pas obtenu les résultats escomptés. D'une part, le master MEEF n'est pas devenu la voie privilégiée de la formation des enseignants : à peine un peu plus de 50 % des lauréats du concours de recrutement du professorat des écoles (CRPE) sont issu du master MEEF et au moins 23 % des lauréats de ce même concours n'ont pas suivi de préparation spécifique pour devenir professeur des écoles.

D'autre part, les étudiants issus des masters MEEF ne sont pas meilleurs enseignants que les autres. Du point de vue du ministère-employeur, il n'y a ainsi pas de plus-value à avoir suivi cette voie de formation qui se veut professionnalisante pour mieux préparer les futurs professeurs.

B. UNE FORMATION INITIALE MONTRANT DE NOMBREUSES FAIBLESSES

Schéma de la formation actuelle des professeurs du premier et du second degrés

La dernière étude européenne Talis de 2018 montre que plus de 50 % des enseignants français expriment un manque de préparation s'agissant de la pédagogie et des pratiques de classes à l'issue de la formation. Selon les chiffres transmis par le SNUipp-FSU aux rapporteurs, 29,5 % des professeurs des écoles stagiaires n'ont jamais réalisé de stages d'observation avant leur prise de poste.

Les auditions réalisées par les rapporteurs notamment des syndicats enseignants mettent en avant une formation initiale jugée inadaptée. Ainsi, pour l'UNSA, « le master MEEF ne répond pas à la totalité des enjeux du métier. Les thématiques liées à l'inclusion ou à la laïcité sont trop peu présentes dans la maquette de formation initiale, les enseignants n'y sont pas formés ». Pour le SNUipp-FSU, la formation actuelle est centrée sur les savoirs fondamentaux, au détriment des autres disciplines. Par ailleurs, « la formation n'explore pas assez la gestion de l'hétérogénéité des élèves dans une classe. Cela pose problème à un très grand nombre d'entrants dans le métier ». Plus de 50 % des enseignants français expriment un manque de préparation s'agissant de la pédagogie et des pratiques de classe à l'issue de leur formation1(*).

Il existe un consensus de l'ensemble des acteurs du monde éducatif pour juger la formation initiale inadaptée : celle-ci, ajoutée à une vision erronée de la réalité du métier d'enseignant et un « bizutage institutionnel » conduisant à nommer les enseignants stagiaires et néo-titulaires dans les postes les plus difficiles sans réel accompagnement sont autant de raisons qui participent au nombre relativement important de jeunes enseignants quittant l'éducation nationale à peine quelques années après l'avoir rejointe.

Alors que le pays manque d'enseignants, aujourd'hui plus d'un quart des enseignants stagiaires (28 %) ne se projettent pas à plus de 5 ans. Le nombre de démissions de jeunes enseignants, ou d'abandons en cours de stage est en hausse ces dernières années. Selon les derniers chiffres du panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire, 3,75 % des stagiaires - le taux étant quasiment le même pour le premier et second degré - démissionnent. Ce taux était inférieur à 1 % avant 2014.

Selon France Stratégie, le métier d'enseignant est à l'horizon 2030 le deuxième métier comportant le plus de postes à pourvoir en raison de nombreux départs à la retraite - 328 000 enseignants concernés.

Or, le métier d'enseignant doit faire face depuis plusieurs décennies à un défaut d'attractivité. L'évolution du nombre de candidats par poste au concours externe de recrutement de professeur des écoles depuis 2008 en témoignent.

Source : ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, DEPP

Cette moyenne cache de fortes disparités : si dans 15 académies, il y a entre 4 et 7 candidats présents aux épreuves écrites pour un poste, dans celles de Créteil, de Guyane et de Versailles, ce ratio tombe à 1 à 2 candidats présents aux épreuves écrites pour 1 poste. Depuis 2015, un concours supplémentaire est ouvert dans l'académie de Créteil, dans lequel entre 300 et 500 postes sont proposés. Il en est de même pour l'académie de Versailles depuis 2018 (sauf en 2021) où le nombre de postes proposés oscille entre 200 et 250.

Par rapport à 2019, le nombre d'inscrits au concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) est en diminution de 24 %. Pour le second degré, il est en baisse de 38 % de manière globale sur l'ensemble des CAPES.

Face à cette situation, il est urgent d'élargir le vivier des étudiants se destinant à ce métier et de renforcer leur formation pour un enseignement de qualité.

II. UNE RÉFORME DE LA FORMATION INITIALE PORTÉE PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AUTOUR DE 3 AXES

A. LA MISE EN PLACE D'UNE NOUVELLE LICENCE PROFESSIONNALISANTE FORMANT AU PROFESSORAT DES ÉCOLES

Revenant sur une spécificité française, la réforme met en place pour la formation des professeurs du premier degré, en lien avec les universités, des licences professionnalisantes pluridisciplinaires spécifiques préparant au concours de professeur des écoles (LPPE). Au moins une licence par académie devrait être créée. Comme l'a indiqué Guillaume Gellé, président de France Universités, « ce parcours de formation construit en 5 ans permet de sortir de l'illusion que l'on peut former un enseignant en 2 ans de master ».

Cette nouvelle licence permet également d'accroître la lisibilité du parcours postbac pour devenir professeur des écoles. Elle est appelée à devenir la voie principale de préparation au concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE). Néanmoins, il restera possible de suivre une licence disciplinaire : des modules de préparation au concours seront proposés en L3.

B. UN CONCOURS DE RECRUTEMENT POSITIONNÉ EN FIN DE LICENCE

Les concours de recrutement des professeurs des premier et second degrés - à l'exception de l'agrégation - sont positionnés à la fin de la 3ème année de licence. Leurs contenus sont également amenés à évoluer afin de recentrer les épreuves sur les aspects disciplinaires.

Nouvelles modalités du concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE)

Deux épreuves écrites à l'admissibilité sont prévues : l'une portant sur les mathématiques, et l'autre sous forme de questions à réponses courtes pour les autres champs disciplinaires.

Pour l'admission, la première épreuve est un exposé afin de vérifier la capacité du candidat de présenter un sujet de manière claire et logique. Un second oral devrait porter sur la motivation du candidat ainsi que la maîtrise des points essentiels des valeurs du service public (neutralité, laïcité notamment).

Pour le premier degré, estimant que la validation des connaissances disciplinaires se fait chaque année dans le cadre des examens de la LPPE, le gouvernement envisage un concours spécifique simplifié pour les étudiants issus de cette filière. Un système similaire a existé jusque dans les années 1980 pour le Capes : les élèves professeurs des centres de recrutement - également dénommés IPES du nom des précédents instituts de préparation aux enseignements du second degré - étaient dispensés des épreuves écrites.

C. UNE FORMATION DE DEUX ANS POST-CONCOURS RÉMUNÉRÉE DANS LE CADRE DES NOUVELLES ÉCOLES NATIONALES SUPÉRIEURES DU PROFESSORAT (ENSP)

La création des écoles nationales supérieures du professorat (ENSP) traduit une volonté du ministère de l'éducation nationale de disposer de marges de manoeuvre renforcées sur la formation de ses futurs fonctionnaires, sans remettre en cause leur mastérisation. L'étudiant y sera d'abord élève fonctionnaire en première année avec une indemnité de 900 euros, puis fonctionnaire stagiaire en deuxième année avec une rémunération correspondant au premier échelon de la grille salariale des enseignants, soit 1 800 euros. En contrepartie, l'étudiant s'engage à servir dans l'éducation nationale pendant un nombre d'années restant à définir : une durée de quatre ans semble être envisagée.

La titularisation (T) intervient à l'issue de ces deux années de formation post-concours à la double condition de la validation du master et après avis d'une commission de titularisation qui s'appuiera sur les rapports des stages du chef d'établissement et de l'inspecteur d'académie
- inspecteur pédagogique régional (IA-IPR) - pour le second degré - ou de l'inspecteur de l'éducation nationale (IEN) - pour le premier degré. Cette évaluation portera notamment sur la capacité pour l'enseignant stagiaire à être apte à assurer une fonction en situation de classe2(*).

III. LA POSITION DE VOS RAPPORTEURS : L'IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ D'INSCRIRE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS SUR LE TEMPS LONG

Les rapporteurs ont une conviction forte : il est essentiel de penser la formation des professeurs comme un continuum en plusieurs étapes, commençant par une sensibilisation aux réalités du métier en formation postbac, s'intensifiant dans les deux années du master complétée par une période d'approfondissement les trois premières années de titularisation puis se poursuivant tout au long de la carrière.

A. METTRE À PROFIT LES TROIS ANNÉES DE LICENCE POUR UNE MEILLEURE SENSIBILISATION AU MÉTIER D'ENSEIGNANT

1. Favoriser le plus tôt possible la confrontation avec la réalité du métier de professeur

L'une des critiques récurrentes à l'égard de la formation des professeurs est une confrontation trop tardive, voire inexistante, avec la réalité du métier d'enseignant.

· Pour le premier degré

Le contenu de la maquette de la LPPE n'est à ce stade pas connu. Les rapporteurs préconisent de s'inspirer de celui des parcours préparatoires au professorat des écoles (PPPE), mis en place à la rentrée 2021 qui incluent une pluridisciplinarité dans les enseignements et des stages dès la L1.

Les parcours préparatoires au professorat des écoles (PPPE)

En octobre 2020, un appel à manifestation d'intérêt est lancé conjointement par le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'enseignement supérieur, afin de créer des parcours préparatoires au professorat des écoles (PPPE). Spécificité de cette formation, elle s'appuie sur un binôme lycée-université : la première année, les étudiants effectuent 75 % de leurs études au sein du lycée, 50 % la deuxième année, puis 25 % la troisième année.

La maquette pédagogique des PPPE prévoit 126 heures de français-étude de la langue et littérature ainsi que de mathématiques, 63 heures pour l'accompagnement individualisé et 42 heures pour les autres matières : philosophie morale et politique, EPS, histoire-géographie, sciences et technologie, langue vivante, arts plastiques et éducation musicale. Des stages sont également prévus : trois semaines de stage d'observation filées sur l'ensemble de l'année ou regroupées en L1 et L2 et 4 semaines de mobilité internationale obligatoire en L3.

En 2022, il existe 49 PPPE proposant 1 572 places par niveau.

Les rapporteurs constatent une volonté des rectorats de permettre à l'étudiant inscrit en PPPE de découvrir la diversité des niveaux dans lequel un professeur du premier degré est appelé à exercer : les stages sont souvent réalisés dans des cycles différents avec un partage des temps de stage entre maternelle et élémentaire. Cette initiative est à saluer et à conserver.

Recommandation : (1) Afin de permettre à l'étudiant d'être confronté à la diversité du métier de professeur du premier degré :

- organiser chaque année de licence de professorat des écoles obligatoirement au moins un stage d'immersion en élémentaire et en maternelle et au cours des trois années de licence dans des cycles d'enseignement différents ;

- réaliser au moins un de ces stages dans une classe à plusieurs niveaux et un de ceux-ci dans une école en réseau d'éducation prioritaire ou une « école orpheline ».

· Pour le second degré

Tout en conservant le principe des licences disciplinaires, les rapporteurs proposent de mieux faire connaître les missions du métier de professeur du second degré via des unités d'enseignement en licence (UE) portant sur la pédagogie ou « l'écosystème éducatif » ainsi qu'en facilitant l'organisation de stages courts au sein d'établissements scolaires. Pour cela, les rapporteurs suggèrent la mise en place dans chaque académie d'une « banque des stages » en lien avec les universités, les établissements scolaires et le rectorat.

Recommandations :

(2) Pour la formation des professeurs du second degré, développer dès la licence des unités d'enseignement (UE) en lien avec les LPPE permettant à un étudiant souhaitant devenir enseignant d'acquérir dès la licence des connaissances sur le fonctionnement du système éducatif, la pédagogie ainsi que les attendus du métier (déontologie, obligation du fonctionnaire, gestion des conflits, ...).

(3) Pour les étudiants souhaitant devenir professeurs dans le second degré, favoriser et valoriser dans l'organisation des études la réalisation de stages, dès la L1, par exemple sous la forme d'un stage filé (une demi-journée par semaine) sur une partie d'un semestre et mettre en place dans chaque rectorat en lien avec les universités une « banque des stages ».

2. Tirer les conséquences d'un concours positionné à bac+3

À ce stade, seuls deux éléments des maquettes sont connus : des modules professionnels (pédagogie, didactique, gestion de classe, ...) et des stages en observation représentant 1/3 du temps de formation en première année puis en responsabilité devant élèves en deuxième année à hauteur de 2/3 du temps de formation.

Le positionnement du concours à bac+3 au lieu de bac+5 pour le Capes, le Capet et le Caplp entraîne mécaniquement une formation disciplinaire plus courte. C'est pourquoi les rapporteurs estiment essentiel d'inclure dans la maquette du master professionnalisant des modules disciplinaires pour permettre aux futurs enseignants d'approfondir leurs connaissances.

Par ailleurs, les rapporteurs jugent nécessaire de réorienter les agrégés - dont le concours est maintenu à la fin du M2 - en lycée et dans l'enseignement post-baccalauréat. Selon les chiffres issus de la publication « repères et statistiques 2023 » du ministère de l'éducation nationale, en 2022-2023 11 463 professeurs agrégés enseignaient au collège, y compris en Segpa, soit 23 % du corps des agrégés. Parallèlement, plus d'un tiers des certifiés enseignent en lycée ou dans des formations postbac.

Recommandations :

(4) Pour les futurs professeurs du second degré, poursuivre leur formation disciplinaire au sein du master professionnalisant afin de leur assurer un haut niveau de maîtrise de leur discipline.

(5) Afin de tirer les conséquences du positionnement des concours à bac+3 - excepté pour l'agrégation - et pour garantir la maîtrise disciplinaire des professeurs intervenant au lycée et en formation post-baccalauréat - y affecter prioritairement les agrégés ; dans un délai de 5 ans tous les agrégés ont vocation à enseigner en lycée en classes d'examen ainsi qu'en classes post-baccalauréat.

B. GARANTIR UNE FORMATION RENFORCÉE DE QUALITÉ LORS DES DEUX ANNÉES SUIVANT LE CONCOURS

1. S'assurer d'une formation suffisante pour les lauréats des concours titulaires d'un master ou en reconversion professionnelle

Le ministère a indiqué aux rapporteurs qu'un lauréat du futur concours titulaire d'un master 2 ne ferait qu'une année de formation. Pour les étudiants titulaires d'un master n'ayant aucune expérience dans le domaine de l'enseignement, les rapporteurs estiment nécessaire qu'ils suivent un parcours de formation professionnelle identique à un lauréat du concours titulaire d'une licence. Le cas échéant, des dispenses de certains modules disciplinaires correspondant à leur master pourraient leur être accordées.

Les rapporteurs appellent à une vigilance particulière pour les lauréats des concours en reconversion professionnelle. Les secondes carrières sont un atout pour l'éducation nationale. Dans certaines académies, elles peuvent représenter jusqu'à la moitié des lauréats du concours de professeur des écoles. Les rapporteurs notent que le ministère souhaite encourager les professeurs en deuxième carrière : lors de la session 2024, le nombre de places ouvertes au troisième concours - ouvert sans condition de diplôme, mais basé sur l'expérience professionnelle - a été fixé à 20 % des places offertes aux concours externes, contre 10 % les années précédentes.

Or, un nombre significatif d'entre eux n'ont aucune expérience professionnelle dans le domaine de l'enseignement : 18 % des lauréats du CRPE en 2022 sont en reconversion professionnelle issus du secteur privé ou du secteur public hors éducation nationale. Pour ceux-ci, les rapporteurs estiment qu'ils doivent également suivre les deux années de formation de master. Une telle recommandation allonge d'un an leur temps de formation : cette année supplémentaire indemnisée à hauteur de 900 euros mensuels présente un risque de décrochage salarial important par rapport au salaire perçu dans leur précédente carrière ainsi que par rapport à celui d'un enseignant stagiaire en 2ème année de master (1 800 euros). Afin de ne pas éloigner des concours un vivier important de candidats, les rapporteurs préconisent la mise en place d'une compensation financière partielle.

Recommandation (6) : Afin de conforter la formation des professeurs :

- Pour les lauréats du concours ne disposant pas d'expérience dans le domaine de l'enseignement, les intégrer dans la formation de deux ans post-concours au même titre que les lauréats titulaires d'une licence ; pour ceux en reconversion professionnelle prévoir le cas échéant une indemnité complémentaire lors de la première année afin de limiter la baisse de revenu par rapport à leur précédent salaire ainsi que celui d'enseignant stagiaire.

2. Sécuriser le temps de formation professionnelle par rapport à la mise en responsabilité devant élèves

Selon les informations transmises aux rapporteurs, en deuxième année de master, les lauréats devraient être en responsabilité devant une classe à 50 % de leur temps, soit 12 heures en primaire et 9 heures dans le second degré. Les rapporteurs constatent que ce ratio théorie/pratique en deuxième année est identique au schéma actuel. Or, il conduit pour l'étudiant de M2 - désormais professeur stagiaire dans le projet de réforme - à sacrifier son temps de formation théorique pour préparer ses classes et cours. Les rapporteurs estiment que le rapport idéal entre théorie et pratique doit être de 2/3-1/3 pendant les deux années de master.

Recommandation (7) : Afin de préserver la formation professionnelle face au temps nécessaire de préparation des cours et classes, articuler la deuxième année de formation post-concours autour d'un ratio 2/3 de temps de formation - 1/3 de temps en responsabilité devant élèves.

C. PENSER LA FORMATION DES ENSEIGNANTS SUR HUIT ANS : FAIRE DE LA FORMATION CONTINUÉE UN TEMPS OBLIGATOIRE COMPLÉMENTAIRE DE LA FORMATION INITIALE

Pour les rapporteurs, la formation initiale doit se penser dans un continuum allant jusqu'à la troisième prise de poste (T3). Il est illusoire de penser qu'une formation initiale de 5 ans pour le 1er degré et de 2 ans pour le 2nd degré est suffisante pour permettre à un jeune professeur une entrée sereine dans le métier. En 2016, le rapport Filâtre a déjà souligné : « La formation initiale ne peut pas donner au futur enseignant toutes les connaissances et toutes les compétences nécessaires à l'enseignant confirmé. À vouloir tout mettre dans les programmes, on nuit considérablement à la qualité de la formation ».

La dernière enquête Talis datant de 2018 montre que seulement 22 % des enseignants français de collège disent se sentir bien ou très bien préparés à la gestion des comportements des élèves et de la classe à l'issue de leur formation initiale.

La commission a été à l'origine de l'inscription dans le code de l'éducation d'une formation continuée lors des trois premières années en poste (art. L. 625-2), dans le cadre de l'examen de la loi pour une école de la confiance. Cette nouvelle réforme est l'occasion de préciser les modalités concrètes de mise en oeuvre de la formation continuée afin de garantir son effectivité et son déploiement en cohérence avec la formation initiale. Pour les rapporteurs, les apprentissages doivent être séquencés entre la formation initiale et les trois premières années en poste. Une telle organisation de la formation professionnalisante permet d'éviter un survol des thématiques évoquées et d'apporter une réponse aux questions qui apparaissent dans les premières années d'exercice.

Penser la formation des enseignants dans un continuum allant jusqu'à la troisième année de titularisation (T3) implique d'accepter que les modules soient répartis sur cinq ans et que certains soient abordés alors que le professeur est déjà en poste.

Cela signifie également la mise en place de journées de formation obligatoire pendant les trois premières années après la titularisation (T1, T2 et T3). Pour permettre aux nouveaux enseignants de suivre ces modules, les rapporteurs proposent en première année de titularisation (T1) 10 journées banalisées, intégrées dans les emplois du temps, communes à l'ensemble de l'académie ou de la circonscription et connues dès le début de l'année pour permettre à l'enseignant, au chef d'établissement et aux services académiques en charge de son remplacement de s'organiser. Celles-ci doivent être placées régulièrement tout au long de l'année.

Cette formation continuée doit être de 5 jours en deuxième année de titularisation puis de 3 jours en troisième année. Ces journées doivent être l'occasion d'un échange entre pairs, un retour d'expériences et un dialogue sur les difficultés rencontrées.

Recommandation (8) : Afin d'accompagner les néo-titulaires dans leur prise de poste et garantir une formation de qualité :

- organiser le référentiel de formation post-concours sur 5 ans incluant les trois premières années après la titularisation ;

- rendre obligatoire une formation continuée pour tous les enseignants du premier et second degrés pendant les trois années suivant leur titularisation (10 jours en 1ère année après la titularisation, 5 jours en deuxième année et 3 jours en troisième année après la titularisation).

Comme a pu le souligner un recteur d'académie aux rapporteurs, pour les professeurs du second degré, il est actuellement difficile de mettre en place un continuum de formation entre le master MEEF et les premières années en poste, car l'étudiant n'est pas nécessairement nommé dans son académie de formation. Penser la formation sur huit ans implique de garantir une unité de lieu entre l'académie de formation post-concours et les premières années de titularisation3(*).

Recommandation (9) : Afin de garantir une unité de lieu entre l'académie de formation post-concours et les premières années de titularisation pour un continuum de formation allant de la 1ère année de master à la 3ème année après la titularisation, réfléchir à deux options :

- régionaliser les concours du Capes, du Capet et du Caplp ;

- maintenir un concours national du Cape, du Capet et du Caplp avec formulation de voeux académiques et affectation dans les ENSP en fonction d'un classement national.

D. RENDRE EFFECTIVE L'OBLIGATION DE FORMATION CONTINUE INSCRITE DANS LA LOI DEPUIS 2019

1. Mettre fin à une tendance chronique d'absence de formation continue au sein du ministère de l'éducation nationale

Il existe depuis plus de quinze ans un consensus européen sur le fait que « la formation d'un enseignant doit être considérée comme un processus graduel comprenant une formation initiale, une phase d'accompagnement et un perfectionnement professionnel continu »4(*).

Or, la formation continue reste en France le parent pauvre de l'enseignement scolaire (1,3 jour de formation contre 8,7 jours de formation pour les agents des autres ministères). Il est paradoxal que l'un des principaux ministères en charge de la formation soit l'un de ceux qui s'occupent aussi peu de celle de ses propres agents. L'obligation de formation continue inscrite dans le code de l'éducation depuis 2019 reste un objectif purement déclaratoire sans portée réelle. Les travaux de notre ancien collègue Gérard Longuet sur la formation continue des enseignants ont montré que « l'inscription par la loi pour une école de la confiance de l'obligation de formation pour les enseignants n'a pas entraîné une hausse du taux d'accès à la formation ».

Le récent rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des crédits pour l'année 2023 pointe la sous-consommation des crédits de formation : 62,5 % des crédits engagés à ce titre n'ont pas été consommés. Si la sous-consommation des crédits de formation est chronique et s'aggrave d'année en année, elle est en 2023 « d'envergure inédite ».

Taux de sous-consommation des crédits dédiés à la formation
inscrits dans la loi de finances initiale5(*)

Année

2018

2021

2022

2023

Taux de sous-consommation des crédits

13 %

29 %

40 %

62,5 %

Pour la Cour des comptes, les crédits alloués à la formation « ne concourent pas dans leur majorité à la formation des enseignants, mais font office de réserve consommée sur d'autres dépenses ». Au-delà des questions de sincérité budgétaire, les rapporteurs s'interrogent sur la discordance entre une volonté ministérielle affichée de renforcer la formation et la consommation réelle des crédits alloués.

Or, pour les rapporteurs, la formation continue doit prendre le relais de la formation continuée afin de garantir à l'enseignant le maintien d'un haut niveau de qualification et de maîtrise tant disciplinaire que de gestion de classe. Comme a pu l'indiquer un représentant d'un syndicat enseignant en audition, « les élèves d'aujourd'hui ne sont pas les mêmes qu'il y a dix ans ». Par ailleurs, les techniques pédagogiques ou les connaissances didactiques évoluent régulièrement.

De ce fait, ils estiment que rien ne justifie un nombre d'heures annuelles de formation continue inférieur dans le second degré par rapport au premier degré (18 heures par an) et appellent à une intégration de celles-ci dans les obligations réglementaires de service des professeurs du second degré.

Renforcer la formation continue nécessite de la part du ministère de l'éducation nationale une action volontariste afin de proposer des formations en lien direct avec les pratiques pédagogiques et les besoins des professeurs. Or, un rapport conjoint de l'IGEN et de l'IGAENR de 2018 pointait « le peu d'ancrage dans les réalités du travail enseignant dans la classe qui constitue le motif le plus récurrent de désaffection pour la formation ». Le ressenti par les enseignants de la formation continue constaté par ce rapport est sévère : « les enseignants déclarent souvent que les formations ne correspondent pas à leurs attentes personnelles, qui sont plurielles comme le sont leurs profils, ils observent que trop souvent la formation est adressée à un professeur virtuel ». Et de conclure : « Comme si à vouloir s'adresser à tous et en étant dès lors peu ancrée dans le vécu professionnel de chaque destinataire, elle ne s'adressait finalement à personne »6(*).

A contrario, le modèle de formation « en constellation » mis en place dans le premier degré pour les mathématiques et le français présente un modèle intéressant apprécié des enseignants pour trois raisons : « la possibilité d'échanger entre pairs autour d'un pair formateur ; une implication des enseignants dans la construction de la formation et enfin des observations en classe qui permettent d'aller au-delà des échanges de bonnes pratiques ».

Ces modèles peuvent servir d'exemples pour le développement de plan de formation similaires y compris dans le secondaire, au-delà des seules disciplines de mathématiques et de français. Ils permettraient également de répondre à la demande de plusieurs syndicats d'enseignants de renforcer la dimension du travail collectif au sein du travail d'enseignant.

2. Faire de la formation continue un passage obligé pour l'évolution de carrière

Si un contenu répondant mieux aux besoins des enseignants est de nature à augmenter le recours à la formation continue, il ne suffira sans doute pas à convaincre l'ensemble des professeurs à se former régulièrement : à ce jour, plus d'un enseignant français sur deux estime qu'il n'a aucune incitation à se former. Seuls 6 % des enseignants français au collège estiment que leur participation à la formation continue peut avoir une incidence positive sur leur déroulement de carrière. Les rapporteurs constatent que l'article L. 912-2-3 du code de l'éducation prévoyant que « la formation continue des enseignants est prise en compte dans la gestion de leur carrière » n'est pas appliqué dans les faits.

Afin de rendre effective l'obligation de formation continue prévue dans la loi, elle doit devenir un point de passage obligé dans le cadre de l'évolution de carrière, par exemple par une plus forte prise en compte dans le passage de classe du suivi de modules de formation continue. Une priorité pourrait être accordée pour les postes à profil ou spécifiques aux professeurs ayant suivi une formation continue correspondant à ceux-ci.

Une telle mesure implique de la part du ministère de l'éducation et de ses services déconcentrés une mobilisation forte en termes des contenus des formations proposées pour répondre aux attentes des enseignants et de remplacement de ceux-ci devant leurs élèves. Elle pose la question de la reconnaissance par le ministère des formations réalisées en dehors de celles qu'il propose : aujourd'hui, la moitié des enseignants se forment en dehors du ministère (via des associations d'enseignants disciplinaires, des sociétés savantes, des syndicats, des associations, ...). L'étude du Cnesco de 2021 précitée souligne ainsi qu' « au fil des décennies, un écosystème de la formation continue informelle s'est constitué en parallèle de celui du ministère de l'éducation nationale ».

Se pose toutefois la question de la vérification de la formation suivie tant dans son contenu que dans son effectivité. Sans aller jusqu'à la mise en place d'un système de certification de formateur agréé à l'image de ce qui existe via le label Qualiopi pour les organismes de formation souhaitant proposer des formations faisant intervenir des fonds publics, un système simplifié de labellisation ou de catalogue annuel élargi de formation pourrait être mis en place.

Enfin, les rapporteurs estiment nécessaire d'associer les chefs d'établissements à la formation continue des enseignants de leurs établissements. Ceux-ci sont peu associés à la construction des formations et disposent souvent de peu de retours sur les formations suivies par les professeurs de leurs établissements. Le rapport d'inspection sur la formation continue des enseignants du second degré se fait ainsi l'écho des propos d'un chef d'établissement : « la formation est très silencieuse. Pas de retour, pas d'essaimage, pas de réinvestissement » et souligne « aucune capitalisation ne peut être faite dans ces conditions au sein de l'EPLE pour partager les formations suivies et s'en nourrir pour construire des projets et faire évoluer les pratiques »7(*).

Recommandation (10) : Afin de garantir l'effectivité de l'obligation de formation continue inscrite dans la loi depuis 2019 :

- intégrer dans les obligations réglementaires de service des professeurs du second degré une obligation horaire annuelle de formation continue alignée sur celle de leurs collègues du premier degré ;

- prendre obligatoirement en compte celle-ci dans le déroulement de carrière pour le passage de classe et dans la mobilité pour les postes spécifiques ou à profil lorsque le professeur a suivi une formation correspondant à ceux-ci.

E. GARANTIR UNE GOUVERNANCE ET UNE ORGANISATION DES ENSP AU SERVICE D'UNE FORMATION EFFICACE DES FUTURS ENSEIGNANTS

Pour les rapporteurs, il est indispensable de renforcer le lien organique liant le ministère de l'éducation nationale et les organismes de formation initiale des enseignants. S'ils sont profondément attachés à l'autonomie des universités, ils estiment nécessaire que le ministère de l'éducation nationale dispose d'un pouvoir de contrôle spécifique sur la formation des professeurs afin de conforter son rôle de ministère-employeur et de ministère co-formateur. Tout en associant les universités, qui disposent du monopole de la délivrance du diplôme de master, ils préconisent de redonner la main à l'éducation nationale sur la formation de ceux-ci.

La gouvernance actuelle des Inspé

La loi pour une école de la confiance a renforcé les prérogatives du ministère sur la nomination du directeur de l'Inspé : si les candidats sont auditionnés par un comité co-présidé par le recteur et le président de l'université, le ministre n'est plus tenu de suivre l'avis motivé de ce comité.

Les Inspé sont actuellement administrés par un conseil de l'école qui adopte notamment les règles relatives aux examens et les modalités de contrôle des connaissances et est consulté sur le recrutement de l'institut. Son président est élu en son sein parmi les personnalités extérieures nommées par le recteur.

Le président de l'ENSP doit être nommé par le recteur qui doit également présider le conseil d'administration. Le recteur doit également être chargé de recruter les intervenants des ENSP.

Enfin, les rapporteurs rappellent que tout service, établissement, institution ou organisme qui participe ou concourt à l'application de la législation relative à l'éducation et à l'enseignement supérieur est soumis aux vérifications de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche - IGÉSR (art. L. 241-1 du code de l'éducation).

Actuellement, l'intervention de l'IGÉSR se limite principalement dans l'enseignement supérieur à des enquêtes administratives liées à des dysfonctionnements8(*). En raison du rôle spécifique de l'ENSP dans la formation des futurs enseignants et du statut particulier des étudiants qui seront déjà fonctionnaires en M2, les rapporteurs souhaitent que l'IGÉSR élargisse son périmètre d'intervention et procède à des missions d'évaluation, d'expertise, de contrôle et d'appui au sein des ENSP et de leurs intervenants, y compris sur les contenus pédagogiques.

Recommandations :

- (11) Établir une gouvernance des Inspé qui tout en associant l'université par convention en particulier pour la délivrance du master, donne la prééminence au ministère de l'éducation nationale ; pour cela placer les futurs ENSP auprès des recteurs.

- (12) Renforcer le co-pilotage par le ministère de l'éducation nationale des ENSP sur la partie pédagogique et faciliter le contrôle des intervenants dans les ENSP par l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche.

La commission insiste depuis de nombreuses années sur la nécessité de renforcer la présence de professionnels de terrain dans la formation initiale des enseignants. Déjà en 2014 puis en 2015, nos anciens collègues Colette Mélot et Jacques-Bernard Magner plaidaient pour un renforcement de leur présence au sein des ESPÉ9(*). La commission avait d'ailleurs adopté un amendement en ce sens lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance.

Alain Fruguière, président du réseau des Inspé et directeur de l'Inspé de Paris a souligné l'intérêt pour les étudiants de formateurs en service partagé - à mi-temps en temps que formateur à l'Inspé et à mi-temps en poste devant les élèves - et indiqué que ceux-ci sont particulièrement appréciés.

Or, les rapporteurs ont été informés lors de leurs auditions de la présence de formateurs dans les ESPÉ puis les Inspé sans contact avec le terrain depuis de nombreuses années. Pour reprendre les termes d'une des personnes auditionnées, il y a parfois dans les Inspé « des personnels qui sont là depuis très longtemps et un peu coupés de la réalité ».

Afin d'éviter une formation hors-sol, les rapporteurs préconisent de limiter à cinq ans la durée maximale de décharge totale pour enseignement dans les ENSP - qu'il s'agisse d'un personnel enseignant, de direction ou d'inspection - pour les formateurs dits « de terrain ». Ils rappellent une demande ancienne de la commission de « transformer à terme [les organismes de formation initiale des enseignants] en structures sans formateurs propres, faisant appel aux ressources de l'éducation nationale (enseignants-formateurs) et de l'enseignement supérieur (enseignants-chercheurs) ».

Une telle mesure nécessite une démarche volontariste des rectorats pour identifier des potentiels formateurs : devenir enseignants-formateurs reste encore trop peu valorisé dans la carrière d'un enseignant ou d'un personnel encadrant. Enfin les rectorats doivent mieux accompagner leurs personnels souhaitant devenir formateurs.

Recommandation (13) : Afin de garantir une formation au plus près de la réalité du métier, limiter à cinq ans - à l'exception des enseignants chercheurs (professeurs universitaires et maîtres de conférence) en charge de l'enseignement de disciplines strictement universitaires nécessaires à la formation des professeurs -, la durée maximale de décharge totale de classe, de direction ou d'inspection pour les professionnels.

EXAMEN EN COMMISSION

JEUDI 6 JUIN 2024

___________

M. Laurent Lafon, président. - Après les discussions que nous avons eues hier sur deux propositions de loi importantes, nous abordons aujourd'hui un point tout aussi essentiel : la conclusion de la mission d'information, créée voilà plusieurs mois, sur la formation des enseignants. Les rapporteurs en sont Annick Billon et Max Brisson.

Je leur laisse la parole afin qu'ils présentent leur rapport et leurs propositions.

M. Max Brisson, rapporteur. - Je remercie tous les commissaires présents ce matin durant cette semaine particulièrement chargée. Je salue également celles et ceux d'entre vous qui ont assisté aux auditions.

Nous avons décidé de coller à l'actualité. Au départ, cette mission portait sur la formation et la place des professeurs dans le système éducatif. Toutefois, certaines déclarations du Président de la République, du Premier ministre, de la ministre de l'éducation nationale nous ont conduits à recentrer nos travaux sur la formation. D'autant que de nouvelles annonces pourraient avoir lieu très bientôt...

Je rappellerai que de nombreuses réformes se sont succédé sur le sujet - je ne reviendrai pas sur nos débats d'hier et sur les expressions de « récurrence » et d'« obsession » -, ce qui prouve qu'aucune n'a permis de répondre aux attentes des professeurs et de la société en matière de formation des professeurs.

Plusieurs raisons expliquent cette situation.

Tout d'abord, cela est dû à l'organisation de la formation des professeurs. Si sa durée, de cinq ans, est comparable à celle qui a été constatée dans la plupart des autres pays européens, la familiarisation au futur métier commence très tardivement. Cela se caractérise en France par l'absence d'un cursus dédié dès la première année de licence.

Alors que le métier de professeur des écoles nécessite des connaissances dans des domaines variés, il existe très peu de licences pluridisciplinaires dans notre système universitaire. Aussi, au moment du choix de leur orientation postbac, nombre de bacheliers candidats au métier de professeur des écoles se retrouvent sans repère.

Cela est d'autant plus paradoxal que le métier d'enseignant reste un métier de vocation. Selon une étude du Centre national d'étude des systèmes scolaires (Cnesco), 60 % des étudiants envisageant de devenir enseignant auraient fait ce choix avant même de passer le baccalauréat. L'absence de voies dédiées peut les conduire à choisir au final un autre métier ou à se tromper d'orientation, optant pour une licence mal adaptée les conduisant à un échec.

Par ailleurs, nous sommes l'un des rares pays européens à avoir adopté un modèle dit « consécutif ». Les premières années se focalisent sur la formation académique ou théorique. La formation didactique et pratique n'intervient qu'en deuxième partie de formation. C'est seulement au moment du master - au plus tôt - que les étudiants sont confrontés à la réalité du métier d'enseignant. Ces deux temps de formation, théorique puis pratique, sont pratiquement hermétiques.

Enfin, le master de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) créé en 2013 n'a pas obtenu les résultats escomptés. À peine 50 % des lauréats du concours de professorat des écoles en sont issus.

Cette dichotomie entre la formation théorique et la formation professionnelle peut aussi expliquer les difficultés rencontrées. Et aucune réforme n'a été jusqu'au bout sur ce sujet.

Mme Annick Billon, rapporteure. - Le constat est sans appel sur les faiblesses de cette formation : près de 30 % des professeurs des écoles stagiaires n'ont jamais réalisé de stages d'observation au sein d'une classe avant leur prise de poste. Plus de 50 % des enseignants français expriment un manque de préparation s'agissant de la pédagogie et des pratiques de classe à l'issue de leur formation. Ils entrent dans le métier sans immersion suffisante ou satisfaisante.

Cette formation initiale inadaptée s'ajoute à un bizutage institutionnel dans la nomination lors des premiers postes. Ce sont autant de raisons qui poussent de plus en plus de jeunes enseignants à abandonner rapidement l'éducation nationale : près de la moitié des départs volontaires - démissions ou ruptures conventionnelles - ont lieu pendant les six premières années. Aujourd'hui, 28 % des enseignants stagiaires ne se projettent pas dans leur métier à plus de cinq ans.

Il existe ainsi un consensus de l'ensemble des acteurs, y compris des syndicats enseignants, sur les constats et la nécessité de revoir la formation initiale des professeurs.

L'annonce faite par le Président de la République le 5 avril dernier, en marge d'un déplacement dans une école, a pris tout le monde de court - y compris nous-mêmes : les syndicats tout d'abord, puisque la dernière réunion de travail datait d'octobre, les universités et les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé), mais aussi les services du ministère. D'ailleurs, les textes de mise en oeuvre de la réforme qui doivent entrer partiellement en vigueur dès la rentrée 2024 ne sont pas prêts. C'est au compte-gouttes à travers des pré-projets de texte qui sortent dans la presse que la réforme se dessine avec beaucoup d'hésitations, de flous et de questionnements.

Dans ce contexte d'accélération du calendrier, nous avons fait deux choix : d'une part, celui de recentrer nos travaux sur la formation des enseignants - la portée de notre mission était initialement plus large -, et, d'autre part, de prendre comme point de départ de nos réflexions, les pistes lancées par le Président de la République.

Notre rapport peut être résumé ainsi : comment préciser et améliorer le projet du Gouvernement afin que celui-ci ne soit pas une énième tentative sans réelle amélioration pour notre école ?

M. Max Brisson, rapporteur. - Comment réagir au projet gouvernemental qui n'est pas totalement finalisé, mais à partir duquel nous disposons de quelques lignes essentielles ?

Ce projet du Gouvernement s'articule autour de trois axes.

Premièrement, il est prévu de créer une licence dédiée à la préparation des concours du professorat des écoles.

Deuxièmement, dès la session 2025 est envisagé un déplacement des concours de professeurs du premier et du second degrés, à l'exception de l'agrégation, à la fin de la licence et non plus du master. Le concours interviendra donc en L3.

Troisièmement, seront mises en place deux années de master professionnalisantes au sein d'écoles nationales du professorat, rémunérées à hauteur de 900 euros mensuels en première année - il s'agira d'élèves professeurs - et de 1 800 euros mensuels en deuxième année - pour les fonctionnaires stagiaires ; ce dernier statut est un point important.

À l'issue des discussions et des auditions que nous avons menées, nous pouvons dire que cette réforme va dans le bon sens. Toutefois, pour qu'elle soit réussie, il est indispensable de l'inscrire dans un continuum. Le métier de professeur ne peut être acquis en deux ans ; la formation doit être étalée dans le temps. Elle commencerait par une sensibilisation avant la licence aux réalités du métier en formation postbac. Puis, elle s'intensifierait dans les deux années du master complétées par une période d'approfondissement durant les trois premières années de titularisation par la formation continuée. Enfin, elle se poursuivrait tout au long de la carrière de l'enseignant en formation continue.

Tout d'abord, il nous semble essentiel de mettre à profit les trois années de licence pour une meilleure sensibilisation et confrontation au métier d'enseignant. Pour le premier degré, nous recommandons de prévoir des stages obligatoires, tant en maternelle qu'en élémentaire lors des trois années de la nouvelle licence de professorat des écoles, si possible dans des classes à plusieurs niveaux en zone rurale et dans des classes situées en réseau d'éducation prioritaire (REP). Ces stages doivent refléter la diversité des situations dans lesquelles un professeur du premier degré est amené à exercer.

Pour le second degré, il n'y aura pas de licence dédiée ; le Gouvernement ne l'a pas prévu. Nous proposons de s'appuyer sur des unités d'enseignement spécifiques élaborées dans le cadre des licences disciplinaires classiques et de favoriser l'organisation de stages courts, filés : par exemple, une demi- journée par semaine sur une partie du semestre, afin d'aider à une prise de conscience sur le fonctionnement du système éducatif et les attendus du métier.

Par ailleurs, il nous semble important de tirer les conséquences d'un concours positionné à bac+3.

Des projets de programme de concours commencent à circuler : le positionnement du concours à bac+3 au lieu de bac+5 pour le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (Capes), le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique (Capet) et le concours d'accès au corps des professeurs de lycée professionnel (CAPLP) entraîne mécaniquement une formation disciplinaire plus courte. Cela risque de poser des difficultés pour des professeurs appelés à enseigner en classes terminales ou en classes postbac. C'est pourquoi il nous semble indispensable de prévoir dans la maquette de formation post-concours, en master, des modules disciplinaires d'approfondissement, en parallèle des modules de formation professionnelle. Par ailleurs, il est nécessaire d'engager une véritable réflexion - c'est un serpent de mer - sur l'affectation des agrégés. Nous recommandons qu'à terme ils soient affectés en classes de terminale. Quoi qu'il en soit, le concours s'effectuera à bac+5 après le master, tandis que la certification des professeurs aura lieu au niveau de la licence. C'est le choix du Gouvernement, et il nous faut en tirer des conclusions.

Mme Annick Billon, rapporteure. - Deuxième axe qui nous semble important : il s'agit de garantir une formation de qualité pour tous les lauréats des concours. Le ministère nous a indiqué qu'un lauréat du futur concours titulaire d'un master 2 ne bénéficierait que d'une année de formation.

Pour nous, s'il n'a aucune expérience professionnelle dans le domaine de l'éducation, il est impératif qu'il suive le même parcours de formation qu'un étudiant de L3, soit deux ans de formation post-concours.

Nous avons également une attention particulière pour les lauréats des concours en reconversion professionnelle. Les secondes carrières sont un atout pour l'éducation nationale. Dans certaines académies, elles peuvent représenter jusqu'à la moitié des lauréats du concours de professeur des écoles.

Or un nombre significatif d'entre eux n'ont aucune expérience professionnelle dans le domaine de l'enseignement. Nous estimons qu'ils doivent également suivre les deux années de formation du master. Nous sommes toutefois conscients que cet allongement de la formation peut conduire à un décrochage salarial important. C'est pourquoi nous proposons la mise en place d'une compensation financière permettant de couvrir partiellement ce décrochage.

Un autre point essentiel pour une formation initiale de qualité est de sécuriser le temps de formation par rapport à la mise en responsabilité devant élèves.

Selon les informations qui nous ont été transmises, en deuxième année de master, les lauréats devraient être en responsabilité devant une classe à 50 % de leur temps. Ce ratio théorie/pratique en deuxième année est identique au schéma actuel. Or il conduit l'étudiant de M2 - futur professeur stagiaire dans le projet de réforme - à sacrifier son temps de formation théorique pour préparer ses classes et cours. Pour nous, le rapport idéal entre théorie et pratique doit être de deux tiers-un tiers pendant les deux années de master.

M. Max Brisson, rapporteur. - Cette recommandation me semble importante, sinon l'on se heurtera aux mêmes erreurs d'une formation professionnalisante considérée comme secondaire par rapport à la prise en charge des classes. C'est l'un des échecs du régime actuel.

Troisième axe de notre réflexion : la formation des enseignants doit être pensée sur huit ans. Nous avons repris l'expression de l'« internat », comme en médecine.

Nous soutenons une position constante de notre commission, à savoir une formation continuée obligatoire dans les trois premières années de la titularisation, dans laquelle se poursuit la formation initiale et qui permet à celle-ci de s'appuyer sur un temps plus long pour être mieux organisée et approfondie.

Le rapport Filâtre le soulignait déjà en 2018 : « La formation initiale ne peut pas donner au futur enseignant toutes les connaissances et toutes les compétences nécessaires à l'enseignement confirmé. À vouloir tout mettre dans les programmes, on nuit considérablement à la qualité de la formation. » C'est la concentration des exigences sur un temps très court qui explique notamment l'échec de la formation et des différentes réformes qui se sont succédé. C'est pourquoi nous proposons de penser la formation de la première année de master jusqu'à la troisième année de titularisation. Cela entraîne deux conséquences majeures.

D'une part, les jeunes enseignants doivent bénéficier de journées banalisées dans leur emploi du temps - 10 jours en première année, soit un par mois puis 5 et 3 jours - connues à l'avance et communes à l'échelle du département ou de la circonscription, afin de finaliser leurs formations initiales.

D'autre part, si la formation est pensée comme un continuum entre le master et les trois premières années en poste, il est nécessaire d'avoir une unité de lieu pendant ces cinq ans. Il s'agirait d'une nouveauté majeure pour le second degré.

Deux voies pourraient être envisageables sur ce sujet potentiellement polémique : une régionalisation des concours du second degré - la ministre a indiqué être ouverte à cette proposition -, ou le maintien d'un concours national avec la formulation de voeux académiques et une affectation dans les écoles de formation en fonction d'un classement national, pratique déjà en cours dans de nombreux concours de la fonction publique. Le modèle de l'internat de médecine est relativement similaire.

Mme Annick Billon, rapporteure. - Le quatrième axe pour garantir une formation de qualité est le renforcement de la formation continue. Nous avons déjà évoqué ce sujet à de nombreuses reprises. L'inscription dans la loi de l'obligation de formation continue en 2019 est restée un objectif purement déclaratoire sans portée réelle. Pire, les taux de sous-consommation des crédits de formation atteignent une envergure inédite : près des deux tiers de ces crédits n'ont pas été consommés en 2023, au point d'être devenus pour le ministère une réserve budgétaire.

Nous proposons d'inclure, dans les ordres réglementaires du service des enseignants du second degré, 18 heures annuelles au titre de la formation continue, comme c'est le cas pour leurs collègues du premier degré. Celles-ci devraient être prises en compte dans le déroulement de carrière.

Là encore, une mobilisation importante du ministère est nécessaire, notamment sur les contenus. Un récent rapport d'inspection dénonçait des formations pensées pour « un professeur virtuel, peu ancré dans le vécu professionnel, qui au final ne s'adresse à personne ».

Cela implique également pour le ministère de reconnaître l'existence de formations organisées en dehors de celles qu'il propose : je pense par exemple aux formations dispensées par des sociétés savantes, des syndicats ou encore des associations d'enseignants disciplinaires.

M. Max Brisson, rapporteur. - Ces formations existent et sont souvent suivies par les enseignants, sans être validées ou valorisées. Les formations dispensées par les associations de spécialistes sont pourtant particulièrement pertinentes et favorisent des rencontres avec le monde universitaire.

Mme Annick Billon, rapporteure. - Nous pourrions envisager un système de labellisation ou de conventions.

M. Max Brisson, rapporteur. - Enfin, il nous semble indispensable de renforcer le lien organique liant le ministère de l'éducation nationale et les organismes de formation initiale des professeurs. Le ministère de l'éducation nationale doit en effet pouvoir exercer un contrôle spécifique sur ces organismes qui, je le répète, accueilleront en deuxième année des fonctionnaires stagiaires. Après tout, l'État employeur peut exprimer des exigences vis-à-vis de ceux qui sont appelés à le servir ensuite. Voilà pourquoi nous souhaitons, en plaçant les Inspé sous l'autorité des recteurs, que le ministère contrôle la nomination du président de cette instance et le recrutement des intervenants. Bien évidemment, les universités resteront associées à ces écoles, par convention, en particulier pour la délivrance des masters.

L'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (Igésr) doit également être davantage sollicitée. Elle a vocation à piloter et à assurer la cohérence nationale de l'enseignement, il lui reviendrait aussi de veiller à la cohérence de la formation des futurs professeurs. Actuellement, son rôle se limite principalement, dans l'enseignement supérieur, à des enquêtes administratives liées à des dysfonctionnements.

En raison du rôle spécifique des écoles nationales supérieures du professorat (ENSP) dans la formation des futurs enseignants et du statut particulier des étudiants fonctionnaires, l'inspection générale doit pouvoir procéder à des missions d'évaluation, d'expertise, de contrôle et d'appui, au sein des ENSP et auprès de leurs intervenants. Le volet pédagogique doit également être concerné.

Mme Annick Billon, rapporteure. - L'ensemble de ces réflexions nous a conduits à formuler 13 recommandations que nous vous avons en grande partie déjà présentées.

L'inscription de la formation des enseignants dans un parcours pensé sur le temps long et abordant conjointement théorie et pratique est le gage d'une formation de qualité. Il est en effet urgent de sortir de l'illusion selon laquelle un enseignant peut être formé en deux années.

M. Laurent Lafon, président. - Votre démarche est d'autant plus intéressante que l'État peut modifier la formation des enseignants sans recourir à la loi. De ce point de vue, il paraît pertinent de formuler des propositions avant que le Gouvernement ne décline concrètement les annonces du Président de la République. C'est une bonne manière de se placer en interlocuteur du ministère sur ce sujet.

Mme Laure Darcos. - Je remercie les rapporteurs pour leur travail. En préalable, je rappelle que le déficit de candidats persiste : au niveau de mon rectorat, plus de la moitié des postes de professeurs à pourvoir ne seront pas pourvus, alors même que les candidats qui se présentent aux épreuves d'admissibilité seront tous reçus, quel que soit leur niveau.

S'agissant des mathématiques, un cercle vicieux est enclenché : ceux qui se présenteront au concours dans les prochaines années n'auront pas suivi cette discipline dans le tronc commun de première et de terminale. Quid d'un renforcement de l'enseignement de cette matière ?

Au-delà d'un programme de formation que nous avons tendance à alourdir en y ajoutant des sujets variés tels que la sexualité ou l'environnement, les stagiaires de cette année et de l'année dernière s'interrogent : présents toute la semaine en classe, leurs formations sont organisées le mercredi après-midi et les week-ends, d'où des emplois du temps extrêmement chargés.

Enfin, si je suis favorable à la régionalisation, je souhaite m'assurer qu'aucun Inspé ne disparaisse et qu'un maillage territorial équitable soit maintenu dans toutes les académies.

Mme Colombe Brossel. - L'amélioration et la stabilisation de la formation sont nécessaires après un empilement de réformes qui a pu désorienter les jeunes étudiants souhaitant s'engager dans le métier de professeur. Les propositions des rapporteurs sont intéressantes, même si je soulèverai certains points de désaccord.

Parmi les points positifs, favoriser la confrontation avec le métier d'enseignant au travers de stages et de rencontres diverses nous semble intéressant dès lors que ces moments sont organisés sur le temps de travail. De la même manière, nous souscrivons à l'objectif d'une formation de qualité pendant les deux années de master et nous sommes plutôt favorables à l'avancement du concours à la fin de la troisième année de licence. La manière dont vous en tirer les conséquences est intéressante.

Sans prétendre définir scientifiquement la répartition du temps des enseignants, le fait est que 50 % de formation et 50 % de présence devant les élèves ne nous paraît pas être le bon équilibre. Telle pourrait être la proposition du Gouvernement, qui semble avoir d'autres préoccupations, notamment budgétaires. Le ratio de temps que vous proposez nous semble plus adapté pour mieux former et mieux fidéliser les enseignants.

J'ai été frappée, au cours des auditions, par des paroles très fortes sur le fait que l'éducation nationale, en tant qu'employeur, serait « maltraitante » avec les jeunes arrivants dans le métier. Je crois que c'est vrai, et penser la formation - comme vous l'avez fait en pensant une formation continuée particulièrement séduisante - est une démarche très positive.

En revanche, nous sommes fortement opposés à la régionalisation des concours. Nous sommes déjà confrontés à de sérieuses difficultés d'affectations et à un déficit de candidats tel qu'une proposition de ce type pourrait de facto mettre fin à la solidarité nationale. Compte tenu de la situation dramatique dans certaines académies - à commencer par Versailles et Créteil -, cette régionalisation n'est pas envisageable.

Je souscris, cependant, à l'attention portée par Annick Billon à la formation continue, même si je doute que ses propositions soient reprises par le Gouvernement. Néanmoins, je ne suis pas sûre que d'avoir voulu sortir la formation du temps de travail ait contribué à son suivi par les enseignants.

La réelle ligne rouge a trait à vos trois dernières propositions. Bien évidemment, votre proposition ne vise nullement à jeter l'opprobre sur la capacité des universités à proposer des parcours de qualité et des formations à des personnes venant parfois d'horizons très différents. Mais je ne pense pas que la bonne solution consiste à redonner un pouvoir de tutelle au ministère de l'éducation nationale, y compris sur les nominations.

Certes, l'éducation nationale a, en tant qu'employeur, la responsabilité de la formation de ses salariés - de ses agents, en l'espèce - et doit pouvoir veiller à l'organiser, d'autant plus qu'aucune autre administration ne délègue à ce point cette tâche à d'autres : la justice et la police disposent, en comparaison, de leurs propres écoles. Je note cependant que le mouvement à l'oeuvre dans ces secteurs, en termes de formation initiale, tend à s'orienter davantage vers l'université, afin de renforcer la formation et de mieux fidéliser les personnels. Je doute donc que l'évolution que vous proposez, au-delà d'une question de principe sur la place des universités, soit gage d'une plus grande efficacité.

M. Bernard Fialaire. - Ce rapport nous fournit l'opportunité de rappeler que l'enseignement moral et civique (EMC) n'est pas une matière secondaire, mais qu'il doit au contraire redevenir une composante prioritaire de la formation des enseignants. À l'occasion des travaux autour de la proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne et de la mission d'information consacrée à l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, nous n'avons pu que constater les conséquences des insuffisances de cet enseignement.

Par ailleurs, l'université n'est pas nécessairement la structure la plus efficace pour favoriser les nécessaires brassages culturels : ma propre expérience d'étudiant en médecine m'a permis de constater que nous ne rencontrions guère les étudiants d'autres filières.

M. Gérard Lahellec. - Merci aux rapporteurs pour cette excellente initiative qui permet de préparer le travail en amont plutôt qu'en réaction. Pour ce qui est de la première partie, vos préconisations me semblent aller dans le bon sens.

Je m'interroge quant aux liens avec les organismes de formation : ne conviendrait-il pas de permettre aux universités de mieux gérer leurs contenus pédagogiques ? Dépositaires d'un certain nombre de responsabilités, elles ne sont en effet pas en mesure de gérer ces contenus, ce qui ne les place pas dans une situation optimale pour répondre aux besoins de formation.

M. Cédric Vial. - L'éducation nationale est au coeur de toutes les problématiques de notre société, d'où l'attention portée à l'enjeu de la formation des enseignants. Pour autant, toute évolution de cette formation est sensible et les responsables politiques peinent à s'emparer du sujet. Je pense pourtant qu'il convient de s'y attaquer afin de modifier le système et d'atteindre les résultats que la société attend de la part du ministère de l'éducation nationale.

Les propositions avancées sont à la fois audacieuses et pertinentes. Nous avons déjà expérimenté le recours à la formation universitaire et j'estime qu'il est temps d'en tirer les conclusions afin d'aller vers un système qui place l'expérience de l'enseignant au coeur du dispositif, sans négliger sa formation académique. L'autre chantier renvoie d'ailleurs à la formation des formateurs, qu'il ne faudra pas négliger. Le groupe Les Républicains soutiendra les propositions des rapporteurs, que je remercie.

Mme Annick Billon, rapporteure. - Merci pour vos remarques.

Concernant la charge de la formation et les matières enseignées, notre référentiel de formation étalé sur cinq ans prévoit des modules adaptés lorsque les enseignants sont en poste. Notre solution permet de rencontrer et non de « confronter » le métier et les situations d'enseignement, et d'assurer une formation continuée et continue dans le métier.

Rendre la formation attractive et éviter de voir des personnes se détourner du métier durant les cinq premières années constitue une première réponse au déficit de candidats.

Sur le concours à bac+3, nous sommes tous d'accord sur le constat. Nous pourrons nous retrouver sur un modèle permettant d'assurer une meilleure formation, de base et continue, et de faire en sorte que les personnes formées resteront dans la profession.

Nous nous doutions que la régionalisation du concours ne serait pas une proposition partagée par tous. Aucune étude d'impact n'a démontré les conséquences sur telle ou telle académie. Quoi qu'il en soit, nous avons besoin de mettre en avant la réussite à un concours. Le mélange entre un concours national et le classement est adapté, pour mettre en avant les talents et donner le choix par rapport à un travail et des résultats.

Sur les relations avec l'université et l'agilité, il peut y avoir des compétences hors les murs. Utiliser ces compétences peut être une richesse supplémentaire, en prévoyant des formations labellisées par l'éducation nationale, et qui permettraient d'éviter aux enseignants d'être « sclérosés » dans un milieu. Les compétences doivent pouvoir évoluer.

Nous savions qu'il y aurait un désaccord sur la gouvernance.

La recommandation n° 10 prend en compte la formation pour le déroulement de carrière. L'obligation doit induire une compensation, ce que nous prévoyons.

M. Max Brisson, rapporteur. - Les professeurs formateurs sont un sujet essentiel. Il y a quelques années, j'avais souhaité qu'il n'y ait aucun professeur permanent dans les Inspé et que tous continuent d'enseigner dans les classes en même temps.

On ne peut envisager des formateurs dans les Inspé en dehors des disciplines universitaires pour ce qui a trait au contenu disciplinaire. Mais en matière de didactique, il faut obligatoirement que les professeurs formateurs soient en contact avec des élèves - ou ne soient pas restés trop longtemps sans être devant eux - pour ne pas rester dans la théorie, mais être dans le transfert de méthodes didactiques.

Madame Darcos, nous ne proposons qu'une réponse parmi d'autres pour renforcer l'attractivité du métier.

La maltraitance des jeunes professeurs, que je qualifiais auparavant de « bizutage institutionnel », est un point central des problèmes d'attractivité, parmi d'autres comme la rémunération. Nous proposons de réduire fortement ce bizutage, en créant une unité de lieu et de formation pour l'insertion professionnelle. Cela stabiliserait l'entrée dans le métier. C'est parce que l'entrée dans le métier est manquée qu'il y a beaucoup de démissions. L'accompagnement et l'installation dans le métier sont des sujets dont le ministère de l'éducation nationale doit se préoccuper.

Nous commençons à avoir des problèmes d'attractivité dans tous les départements, y compris dans le mien. Cela va s'accroître, puisque 300 000 professeurs en exercice vont partir prochainement à la retraite.

Il faut trouver des solutions urgentes pour augmenter l'attractivité. Nous avons fait des propositions sur le volet formation. Je crois beaucoup à l'accompagnement et à l'unité de lieu dans la formation et l'entrée dans le métier.

Comme Laure Darcos et d'autres, j'ai défendu la régionalisation du concours dans le second degré. Il est déjà régionalisé dans le premier degré, sans que la République en ait été ébranlée. Notre proposition de concours national avec classement est une solution intermédiaire qui peut apaiser les craintes. Vous évoquiez les académies de Créteil et Versailles. La solution, c'est la région académique. Dans celle-ci, il y a Paris, qui est très attractif. Chaque région académique comporte des territoires attractifs. La région académique peut être une réponse à la régionalisation des concours, mais le concours peut demeurer national avec un classement lié aux résultats. Cela s'inscrit dans la tradition républicaine du concours national avec affectation en fonction de ses voeux et du classement. Cela mérite un débat permettant de sortir des postures dogmatiques.

Précédemment, nous avons tous géré la réforme de la formation des professeurs par la place du concours - que ce soit au moment de la réforme Darcos-Chatel ou lors des réformes socialistes - et avec des déterminants également financiers. Il faut entrer dans une approche en continuum de la formation.

Il faut parvenir à un équilibre de la gouvernance. Il y a trente ans, l'éducation nationale était maître chez elle avec les écoles normales et les centres pédagogiques régionaux (CPR). Actuellement, le ministre a beaucoup de mal à se faire entendre, conséquence de l'échec de la réforme Blanquer.

Il faut jeter un pavé dans la mare pour revenir au moins à un certain équilibre. Le fait que ce soit des fonctionnaires stagiaires est un élément déterminant. Certes, la liberté académique est essentielle, mais l'État, qui forme les professeurs, peut formuler ses attentes et déterminer les conditions de la formation.

Nous ne remettons pas en cause la mastérisation, et les masters sont bien délivrés à l'université. Mais nous proposons un cap fort pour rétablir le curseur vers un meilleur équilibre.

Mme Laure Darcos. - Je suis d'accord avec les derniers propos de Max Brisson.

Le communiqué de presse de France Universités montre que l'enseignement supérieur a l'impression d'être totalement exclu des réflexions de la rue de Grenelle. Il faut que l'enseignement supérieur y trouve toute sa place.

Mme Colombe Brossel. - Je vous rappelle que nous nous opposerons aux propositions nos 9, 11, 12 et 13.

M. Gérard Lahellec. - Nous nous abstiendrons sur ces quatre recommandations.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Mercredi 20 mars 2024

- Conseil supérieur des programmes : M. Mark SHERRINGHAM, président.

Mercredi 27 mars 2024

- Auteurs du rapport « De l'urgence d'une grande réforme de la formation continue des enseignants » : M. Marc-Olivier PADIS, directeur des études, Terra Nova, Mme Florence RIZZO, co-fondatrice, Ecolhuma.

Mercredi 3 avril 2024

- Table ronde des syndicats enseignants du 1er degré : M. Laurent ALEXANDRE, secrétaire fédéral, SGEN-CFDT, M. Dominique BRUNEAU, secrétaire fédéral, SGEN-CFDT, M. Jérémie CONGY, conseiller national SE-UNSA, Mme Marianne LE PENNEC, en charge du secteur « Neo titulaires et entrants dans le métier », SNUipp-FSU, Mme Justine PIBOULEAU, en charge du secteur « Neo titulaires et entrants dans le métier », SNUipp-FSU.

Jeudi 11 avril 2024

- Table ronde syndicats enseignants du 2nd degré : M. Fabien MELANIE, secrétaire national, FSU, Mme Camille AUDÉ, secrétaire nationale, FSU, M. Gwenaël LE PAIH, secrétaire national, SNES-FSU, M. Benoît HUBERT, secrétaire national, SNEP-FSU, Mme Caroline BRISEDOUX, secrétaire nationale, SGEN CFDT, M. Laurent KAUFMANN, secrétaire fédéral et principal, SGEN CFDT.

Mercredi 17 avril 2024

- France Universités : M. Guillaume GELLÉ, président, M. Kevin NEUVILLE, conseiller parlementaire et institutionnel, M. Antoine GUERY, chargé de relations parlementaires et institutionnelles.

Jeudi 2 mai 2024

- Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (Inspé) : M. Alain FRUGIÈRE, président du réseau des Inspé et directeur de l'Inspé de Paris, Mme Elsa LANG-RIPERT, vice-présidente du réseau des Inspé et directrice de l'Inspé de Bourgogne, Mme Anne-Lise ROTUREAU, déléguée générale du réseau des Inspé.

- Recteurs : Mme Anne BISAGNI FAURE, rectrice de l'académie de Bordeaux, M. Pierre MOYA, recteur de l'académie d'Amiens.

- Direction générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale (DGRH) : M. Boris MELMOUX-EUDE, directeur général des ressources humaines.

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (Snalc)

Fédération nationale de l'enseignement de la culture et de la formation professionnelle Force ouvrière (Fo-fnecfp)

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE
ET DE SUIVI DES RECOMMANDATIONS

 

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

(le cas échéant)

Support

Favoriser le plus tôt possible une confrontation avec le métier d'enseignant

1

Afin de permettre à l'étudiant d'être confronté à la diversité du métier de professeur du premier degré :

- organiser chaque année de licence de professorat des écoles obligatoirement au moins un stage d'immersion en élémentaire et en maternelle et au cours des trois années de licence dans des cycles d'enseignement différents ;

- réaliser au moins un de ces stages dans une classe à plusieurs niveaux et un de ceux-ci dans une école en réseau d'éducation prioritaire ou une « école orpheline ».

Ministère de l'éducation nationale, Rectorats,

Universités

Rentrée 2025

Référentiel ministériel,

Maquettes pédagogiques des universités

2

Pour la formation des professeurs du second degré, développer dès la licence des unités d'enseignement (UE) en lien avec les LPPE permettant à un étudiant souhaitant devenir enseignant d'acquérir des connaissances sur le fonctionnement du système éducatif, la pédagogie ainsi que les attendus du métier

Universités

Rentrée 2026

Maquettes pédagogiques des universités

Tirer les conséquences d'un concours positionné à bac+3

4

Pour les futurs professeurs du second degré, poursuivre leur formation disciplinaire au sein du master professionnalisant afin de leur assurer un haut niveau de maîtrise de leur discipline.

Ministère de l'éducation nationale

Universités

Rentrée 2025

référentiel ministériel

5

Afin de tirer les conséquences du positionnement des concours à bac+3 - excepté pour l'agrégation - et pour garantir la maîtrise disciplinaire des professeurs intervenant au lycée et en formation post-baccalauréat, y affecter prioritairement les agrégés ; dans un délai de 5 ans tous les agrégés ont vocation à enseigner en lycée en classes d'examen ainsi qu'en classes post-baccalauréat.

Ministère de l'éducation nationale

Rentrée 2027

Cahier des charges de la formation du master

Garantir une formation renforcée de qualité lors des deux années de master suivant le concours

7

Afin de préserver la formation professionnelle face au temps nécessaire de préparation des cours et classes, articuler la deuxième année de formation post-concours autour d'un ratio 2/3 de temps de formation 1/3 de temps en responsabilité devant élèves.

Ministère de l'éducation nationale

Rentrée 2026

Cahier des charges de la formation du master

Faire de la formation continuée un temps obligatoire complémentaire de la formation initiale

8

Afin d'accompagner les néo-titulaires dans leur prise de poste et garantir une formation de qualité :

- organiser le référentiel de formation post-concours sur 5 ans incluant les trois premières années après la titularisation ;

- rendre obligatoire une formation continuée pour tous les enseignants du premier et second degrés pendant les trois années suivant leur titularisation (10 jours en 1re année après la titularisation, 5 jours en deuxième année et 3 jours en troisième année après la titularisation).

Ministère de l'éducation nationale,

ENSP,

Rectorats

Rentrée 2025

Directives ministérielles

9

Afin de garantir une unité de lieu entre l'académie de formation post-concours et les premières années de titularisation pour un continuum de formation allant de la 1re année de master à la 3e année après la titularisation, réfléchir à deux options :

- régionaliser les concours du CAPES, du CAPET et du CAPLP ;

- maintenir un concours national du CAPES, du CAPET et du CAPLP avec formulation de voeux académiques et affectation dans les ENSP en fonction d'un classement national.

Ministère de l'éducation nationale

Rentrée 2026

Décret

Garantir une gouvernance et une organisation des ENSP
au service d'une formation efficace des futurs professeurs

11

Établir une gouvernance des Inspé qui tout en associant l'université par convention en particulier pour la délivrance du master, donne la prééminence au ministère de l'éducation nationale ; pour cela placer les futurs ENSP auprès des recteurs.

Ministère de l'éducation nationale,

Universités

Rentrée 2025

Loi,

Décret

12

Renforcer le co-pilotage par le ministère de l'éducation nationale des ENSP sur la partie pédagogique et faciliter le contrôle des intervenants dans les ENSP par l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche.

Ministère de l'éducation nationale, IGÉSR

Rentrée 2025

Directives ministérielles

13

Afin de garantir une formation au plus près de la réalité du métier, limiter à cinq ans - à l'exception des enseignants chercheurs (professeurs universitaires et maîtres de conférence) en charge de l'enseignement de disciplines strictement universitaires nécessaires à la formation des professeurs -, la durée maximale de décharge totale de classe, de direction ou d'inspection pour les professionnels.

Ministère de l'éducation nationale

Rentrée 2027

Directives ministérielles


* 1 Enquête Talis, 2018.

* 2 Avec possibilité de report de stage, voire de radiation sans commission administrative paritaire en cas de manquement très important.

* 3 Cette unité de formation risque toutefois d'être impossible à mettre en place pour des sections et options de Capes ou Capet pour lesquels peu de postes sont ouverts, sauf à rigidifier fortement la mobilité des enseignants déjà en poste pour ces options et spécialités.

* 4 « La profession enseignante en Europe : pratiques, perceptions et politiques », Eurydice, 2015.

* 5 Source : analyse de l'exécution budgétaire 2023, mission interministérielle « enseignement scolaire », Cour des comptes, avril 2024.

* 6 La formation continue des enseignants du second degré : de la formation continue au développement professionnel et personnel des enseignants du second degré ? IGEN-IGAENR, rapport n° 2018-068, septembre 2018.

* 7 La formation continue des enseignants du second degré : de la formation continue au développement professionnel et personnel des enseignants du second degré ?, rapport n° 2018-068, septembre 2018.

* 8 Cf. par exemple, rapport n° 21-22 256A de novembre 2022, enquête administrative portant sur des dysfonctionnements au sein d'une UFR de l'université N.

* 9 L'an II des ESPÉ, Colette Mélot, Jacques-Bernard Magner, 2015.

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