III. LA POSITION DE VOS RAPPORTEURS : L'IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ D'INSCRIRE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS SUR LE TEMPS LONG
Les rapporteurs ont une conviction forte : il est essentiel de penser la formation des professeurs comme un continuum en plusieurs étapes, commençant par une sensibilisation aux réalités du métier en formation postbac, s'intensifiant dans les deux années du master complétée par une période d'approfondissement les trois premières années de titularisation puis se poursuivant tout au long de la carrière.
A. METTRE À PROFIT LES TROIS ANNÉES DE LICENCE POUR UNE MEILLEURE SENSIBILISATION AU MÉTIER D'ENSEIGNANT
1. Favoriser le plus tôt possible la confrontation avec la réalité du métier de professeur
L'une des critiques récurrentes à l'égard de la formation des professeurs est une confrontation trop tardive, voire inexistante, avec la réalité du métier d'enseignant.
· Pour le premier degré
Le contenu de la maquette de la LPPE n'est à ce stade pas connu. Les rapporteurs préconisent de s'inspirer de celui des parcours préparatoires au professorat des écoles (PPPE), mis en place à la rentrée 2021 qui incluent une pluridisciplinarité dans les enseignements et des stages dès la L1.
Les parcours préparatoires au professorat des écoles (PPPE)
En octobre 2020, un appel à manifestation d'intérêt est lancé conjointement par le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'enseignement supérieur, afin de créer des parcours préparatoires au professorat des écoles (PPPE). Spécificité de cette formation, elle s'appuie sur un binôme lycée-université : la première année, les étudiants effectuent 75 % de leurs études au sein du lycée, 50 % la deuxième année, puis 25 % la troisième année.
La maquette pédagogique des PPPE prévoit 126 heures de français-étude de la langue et littérature ainsi que de mathématiques, 63 heures pour l'accompagnement individualisé et 42 heures pour les autres matières : philosophie morale et politique, EPS, histoire-géographie, sciences et technologie, langue vivante, arts plastiques et éducation musicale. Des stages sont également prévus : trois semaines de stage d'observation filées sur l'ensemble de l'année ou regroupées en L1 et L2 et 4 semaines de mobilité internationale obligatoire en L3.
En 2022, il existe 49 PPPE proposant 1 572 places par niveau.
Les rapporteurs constatent une volonté des rectorats de permettre à l'étudiant inscrit en PPPE de découvrir la diversité des niveaux dans lequel un professeur du premier degré est appelé à exercer : les stages sont souvent réalisés dans des cycles différents avec un partage des temps de stage entre maternelle et élémentaire. Cette initiative est à saluer et à conserver.
Recommandation : (1) Afin de permettre à l'étudiant d'être confronté à la diversité du métier de professeur du premier degré :
- organiser chaque année de licence de professorat des écoles obligatoirement au moins un stage d'immersion en élémentaire et en maternelle et au cours des trois années de licence dans des cycles d'enseignement différents ;
- réaliser au moins un de ces stages dans une classe à plusieurs niveaux et un de ceux-ci dans une école en réseau d'éducation prioritaire ou une « école orpheline ».
· Pour le second degré
Tout en conservant le principe des licences disciplinaires, les rapporteurs proposent de mieux faire connaître les missions du métier de professeur du second degré via des unités d'enseignement en licence (UE) portant sur la pédagogie ou « l'écosystème éducatif » ainsi qu'en facilitant l'organisation de stages courts au sein d'établissements scolaires. Pour cela, les rapporteurs suggèrent la mise en place dans chaque académie d'une « banque des stages » en lien avec les universités, les établissements scolaires et le rectorat.
Recommandations :
(2) Pour la formation des professeurs du second degré, développer dès la licence des unités d'enseignement (UE) en lien avec les LPPE permettant à un étudiant souhaitant devenir enseignant d'acquérir dès la licence des connaissances sur le fonctionnement du système éducatif, la pédagogie ainsi que les attendus du métier (déontologie, obligation du fonctionnaire, gestion des conflits, ...).
(3) Pour les étudiants souhaitant devenir professeurs dans le second degré, favoriser et valoriser dans l'organisation des études la réalisation de stages, dès la L1, par exemple sous la forme d'un stage filé (une demi-journée par semaine) sur une partie d'un semestre et mettre en place dans chaque rectorat en lien avec les universités une « banque des stages ».
2. Tirer les conséquences d'un concours positionné à bac+3
À ce stade, seuls deux éléments des maquettes sont connus : des modules professionnels (pédagogie, didactique, gestion de classe, ...) et des stages en observation représentant 1/3 du temps de formation en première année puis en responsabilité devant élèves en deuxième année à hauteur de 2/3 du temps de formation.
Le positionnement du concours à bac+3 au lieu de bac+5 pour le Capes, le Capet et le Caplp entraîne mécaniquement une formation disciplinaire plus courte. C'est pourquoi les rapporteurs estiment essentiel d'inclure dans la maquette du master professionnalisant des modules disciplinaires pour permettre aux futurs enseignants d'approfondir leurs connaissances.
Par ailleurs, les rapporteurs jugent nécessaire de réorienter les agrégés - dont le concours est maintenu à la fin du M2 - en lycée et dans l'enseignement post-baccalauréat. Selon les chiffres issus de la publication « repères et statistiques 2023 » du ministère de l'éducation nationale, en 2022-2023 11 463 professeurs agrégés enseignaient au collège, y compris en Segpa, soit 23 % du corps des agrégés. Parallèlement, plus d'un tiers des certifiés enseignent en lycée ou dans des formations postbac.
Recommandations :
(4) Pour les futurs professeurs du second degré, poursuivre leur formation disciplinaire au sein du master professionnalisant afin de leur assurer un haut niveau de maîtrise de leur discipline.
(5) Afin de tirer les conséquences du positionnement des concours à bac+3 - excepté pour l'agrégation - et pour garantir la maîtrise disciplinaire des professeurs intervenant au lycée et en formation post-baccalauréat - y affecter prioritairement les agrégés ; dans un délai de 5 ans tous les agrégés ont vocation à enseigner en lycée en classes d'examen ainsi qu'en classes post-baccalauréat.