AVANT-PROPOS

Depuis 35 ans, chaque grande loi sur l'école est l'occasion de réformer la formation initiale des enseignants. Aucune de ces réformes successives n'a permis de répondre aux besoins des futurs professeurs et aux attentes du ministère de l'éducation nationale : l'entrée dans le métier reste compliquée et conduit à un nombre record de démissions dans les cinq premières années en poste tandis que chaque nouvelle étude nationale et internationale témoigne de difficultés toujours plus marquées dans l'acquisition par les élèves des savoirs fondamentaux.

Esquissé en mars 2023 par Pap Ndiaye, alors ministre de l'éducation nationale, le calendrier de la réforme de la formation initiale s'est brutalement accéléré fin mars 2024 avec la publication par la presse spécialisée d'un document de travail. Le 5 avril dernier, le Président de la République a annoncé les trois principaux axes de celle-ci : la création d'une licence dédiée à la préparation au professorat des écoles ; le déplacement dès la session 2025 du concours de professeur du premier et du second degrés - à l'exception de l'agrégation - à la fin de la troisième année de licence (L3) et non plus à la fin de la deuxième année de master (M2) et enfin, la mise en place de deux années de master professionnalisantes et rémunérées.

De nombreuses questions demeurent pourtant concernant la mise en oeuvre de cette réforme : pratiquement aucune information complémentaire n'a été apportée depuis avril. Dans ce contexte, les rapporteurs ont souhaité prendre comme point de départ de leur réflexion le projet de réforme du Gouvernement pour le préciser afin que celui-ci ne soit pas une énième tentative sans réelle amélioration pour l'école.

Il résulte de leurs travaux 13 recommandations qui visent à inscrire la formation dans un continuum allant de la licence à la formation tout au long de la carrière par une sensibilisation au métier d'enseignant dès la licence ; une formation post-concours sur 5 ans s'appuyant sur une formation continuée obligatoire ; une formation continue obligatoire prise en compte dans le déroulement de carrière ; un poids renforcé pour le ministère de l'éducation nationale dans le contrôle et le pilotage des futures écoles normales supérieures du professorat (ENSP).

I. UNE FORMATION INITIALE DÉCRIÉE QUI NE RÉPOND PAS AUX BESOINS DES FUTURS ENSEIGNANTS ET DE L'ÉDUCATION NATIONALE

A. UN PARCOURS DE FORMATION TARDIF QUI PEINE À ATTEINDRE SON OBJECTIF

La durée de la formation des futurs enseignants en France est certes comparable à celle de la plupart des pays européens, soit de 4 ou 5 ans. Mais elle se caractérise par l'absence d'une formation dédiée dès la première année de licence.

Il s'agit pourtant d'un métier vers lequel les étudiants souhaitent s'orienter de manière précoce : selon le Cnesco, dans son étude de 2021 sur l'attractivité du métier d'enseignant auprès des étudiants, celui-ci reste un « métier vécu comme une vocation. [...] 60 % des étudiants envisageant de devenir enseignant auraient fait ce choix avant même d'entamer leurs études supérieures ».

Alors que le métier de professeur des écoles nécessite des connaissances dans des domaines variés - français, mathématiques, histoire-géographie, sciences, sport, ... - il existe peu de licences pluridisciplinaires. Aussi, au moment du choix de leur orientation postbac, de nombreux bacheliers souhaitant enseigner en primaire se retrouvent sans repère.

S'ensuit une diminution du vivier de candidats potentiels du fait d'étudiants s'orientant vers d'autres métiers ou choisissant une licence mal adaptée pour postuler ensuite en master MEEF (métier de l'enseignement, de l'éducation et de la formation).

Par ailleurs le modèle « consécutif » de formation existant en France qui focalise la première partie des études sur les apprentissages théoriques généraux interroge - la didactique et la pratique n'intervenant qu'en deuxième partie de formation : sauf exception, les étudiants ne sont pas confrontés à la réalité du métier de professeur en licence.

Enfin, le master MEEF créé en 2013, n'a pas obtenu les résultats escomptés. D'une part, le master MEEF n'est pas devenu la voie privilégiée de la formation des enseignants : à peine un peu plus de 50 % des lauréats du concours de recrutement du professorat des écoles (CRPE) sont issu du master MEEF et au moins 23 % des lauréats de ce même concours n'ont pas suivi de préparation spécifique pour devenir professeur des écoles.

D'autre part, les étudiants issus des masters MEEF ne sont pas meilleurs enseignants que les autres. Du point de vue du ministère-employeur, il n'y a ainsi pas de plus-value à avoir suivi cette voie de formation qui se veut professionnalisante pour mieux préparer les futurs professeurs.

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