B. DEUXIÈME PARTIE : ÉTUDE DE L'APPLICATION DES LOIS PAR SECTEUR

1. Loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement

L'application de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l'office français de la biodiversité n'a malheureusement pas progressé depuis le dernier bilan du Sénat, stagnant au taux de 88 %. Cette abstention de la part du Gouvernement a fait l'objet d'un rappel sévère de la part du juge administratif pour ce qui concerne les modalités de constitution du permis de chasser.

a) Une loi dont le taux d'application n'a pas progressé depuis l'an dernier

Au 31 mars 2024, sur les 16 mesures d'application prévues pour l'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions instaurées par cette loi, 14 ont été prises, ce qui porte le taux global d'application à 88 %. Au 31 mars 2024, plus de quatre ans après la promulgation de la loi, deux décrets relatifs à la réforme de la chasse restaient encore à prendre. La commission déplore que le Gouvernement n'apure pas le stock des mesures réglementaires non prises et ne fasse pas le nécessaire pour que l'ensemble des dispositions cynégétiques de cette loi trouvent à s'appliquer.

Ainsi, un délai de quatre années pour constituer le fichier central du permis de chasser interroge sur la capacité de l'État à mener à bien la fonction régalienne qui lui revient au titre de la police de la chasse et sur sa capacité à piloter les opérateurs chargés de cette mission.

Concernant cette loi, il convient de mentionner que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a institué en mars 2024 une mission d'information chargée de tirer un bilan d'évaluation de la réforme ayant conduit à la création de l'Office français de la biodiversité et de la manière dont ses agents s'acquittent des diverses missions confiées par le législateur.

À cette fin, elle a désigné Jean Bacci comme rapporteur pour conduire les auditions et les déplacements, mener à bien ce travail d'évaluation et assortir son bilan de recommandations, afin d'améliorer l'acceptabilité sociale de l'action de cet établissement public et travailler en meilleure intelligence avec l'ensemble des acteurs de terrain, notamment pour l'exercice de la police de l'environnement.

b) Un décret relatif à la chasse qui n'a toujours pas été pris : le Conseil d'État enjoint le Gouvernement de faire cesser cette abstention qui s'est prolongée au-delà d'un délai raisonnable

Le décret prévu au I de l'article 13, fixant les modalités de constitution et de mise à jour du fichier national du permis de chasser et conditions dans lesquelles les inspecteurs de l'environnement affectés à l'Office français de la biodiversité et les agents de développement commissionnés et assermentés des fédérations départementales des chasseurs consultent le fichier dans le cadre de leurs missions de police de la chasse, n'a toujours pas été pris, plus de quatre ans après la promulgation de la loi.

La commission déplore cet état de fait et avait plaidé, dès l'année dernière, dans le précédent bilan annuel d'application des lois, « pour qu'il puisse être publié dans les meilleurs délais, afin de sécuriser la création du fichier et les données personnelles qu'il contiendra et de faciliter la mise en oeuvre de la police administrative de la chasse, dans une logique de simplification et de facilitation des contrôles ».

Le ministère de la transition écologique avait alors indiqué à la commission rencontrer des difficultés techniques pour mettre en production le fichier central et national du permis de chasser et que l'analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD), demandée par la CNIL, avait pris du retard et devait encore être engagée.

Le 13 novembre 2023, le Conseil d'État, saisi le 8 décembre 2021 par l'association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), a enjoint le Gouvernement, dans sa décision n° 459 252418(*), « de prendre ce décret dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ». Le Conseil d'État a notamment rappelé dans cette décision que « l'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle ».

Dans les considérants de cette décision des 10e et 9e chambres réunies, le Conseil d'État constate qu'à la date de sa décision, « il s'est écoulé plus de quatre ans depuis la promulgation de la loi du 24 juillet 2019. Quand bien même, comme l'allègue le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en défense, l'élaboration du décret se serait heurtée à certaines difficultés d'ordre juridique et technique, du fait notamment des interconnexions devant être réalisées entre le fichier national mentionné à l'article L. 423-4 du code de l'environnement et les fichiers existants consacrés au contrôle des armes, tels que le fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (Finiada) et le système d'information sur les armes (SIA), ces difficultés ne sont pas de nature à justifier une abstention qui s'est prolongée au-delà d'un délai raisonnable ».

Cette décision a conduit le Conseil d'État à enjoindre à la Première ministre de l'époque de prendre ce décret dans un délai de six mois à compter de la notification de celle-ci et, dans les circonstances de l'espèce, à prononcer à l'encontre de l'État, à défaut pour la Première ministre de justifier de l'édiction de ce décret dans le délai prescrit, une astreinte de 200 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle cette décision aura reçu exécution.

Le Gouvernement dispose ainsi jusqu'au 13 mai 2024 pour agir et prendre le décret prévu au I de l'article 13 de la loi n° 2019-773 portant création de l'OFB.

La commission salue cette décision et particulièrement les considérants du Conseil d'État, confirmant la position que ne cesse de rappeler le Sénat en matière d'application des lois et de respect de l'intention du législateur : le pouvoir réglementaire est tenu de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi. L'abstention de la part de l'autorité règlementaire conduit le juge administratif à enjoindre le Gouvernement à édicter les mesures nécessaires pour que la loi puisse pleinement produire ses effets, conformément au rapport existant entre les actes normatifs dans un système fondé sur la hiérarchie des normes.

2. Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP)

La loi dite ASAP du 7 décembre 2020 est pleinement applicable pour ce qui concerne le volet suivi par la commission grâce à une nouvelle mesure d'application relative à l'information préventive par les maires et l'État en matière de risques majeurs publiée cette année.

Sur les 30 articles entrant dans le champ des compétences de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable419(*), 6 articles prévoyaient l'intervention de textes réglementaires d'application pour un total de 9 mesures attendues. Au 31 mars 2024, 9 mesures avaient été prises, soit un taux d'application de 100 %.

En outre, 2 articles ont fait l'objet de mesures réglementaires non explicitement prévues par une disposition législative introduite par la loi « ASAP ».

Plus de trois ans après sa promulgation, l'application des articles de la loi ASAP suivis par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable est donc satisfaisante. L'ensemble des mesures d'application nécessaires sont donc désormais prises.

Depuis le dernier bilan d'application, une nouvelle mesure d'application prévue est intervenue, relative à l'article 47 de la loi.

L'article 47, introduit par un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, porte sur la prise en compte des besoins de la défense nationale en matière de participation et de consultation du public, d'accès à l'information et d'urbanisme.

Il renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de définir les modalités d'exercice du droit à l'information de la population sur les risques majeurs, technologiques ou naturels, notamment celles selon lesquelles les mesures de sauvegarde des intérêts de la défense nationale sont portées à la connaissance du public ainsi que les catégories de locaux dans lesquels les informations sont affichées.

Les dispositions de l'article L. 125-2 du code de l'environnement ayant été réécrites par l'article 10 de la loi dite « Matras » du 25 novembre 2021420(*), cet alinéa spécifique a été remplacé par un III bis renvoyant à un décret simple le soin de définir ces modalités d'application.

C'est l'objet du décret n° 2023-881 du 15 septembre 2023421(*). Il met à jour les principes de l'information préventive exercée par les maires et l'État en matière de risques majeurs en modifiant les parties réglementaires du code de l'environnement et du code de la sécurité intérieure.

Ce décret, pris en application de la loi dite « Matras » du 25 novembre 2021, modifie les zones du territoire où s'appliquent le droit à l'information en raison de la présence d'un risque majeur422(*), précise le contenu de l'information apportée par l'État sur les risques majeurs423(*), définit le contenu et les objectifs de la communication mise en place par les maires des communes sur les risques majeurs424(*) et supprime certains affichages publics et avis en mairie, en laissant le choix au maire des moyens de communication les plus appropriés425(*).

3. Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

La loi du 22 août 2021, dite « Climat et résilience », n'est malheureusement pas pleinement applicable trois ans après sa promulgation, en dépit de l'urgence climatique (taux d'application de 70 %).

Il est regrettable de constater d'une part l'impossibilité d'évaluer l'impact de ce texte sur la baisse historique des émissions de gaz à effet de serre. Les députés avaient pourtant confié cette mission à la Cour des comptes à l'article 298, dénué de force opérationnelle faute de l'avoir dotée des outils adéquats...

La mise en oeuvre d'un volet emblématique de cette loi, le déploiement des zones à faibles émissions, suscite encore malheureusement des réserves conformes aux avertissements du rapporteur Philippe Tabarot, qui est alerté sur l'accompagnement insuffisant des mesures proposées et sur une application sans pilotage réaliste.

L'application du volet aérien est aujourd'hui effective, l'interdiction de certains vols ayant été mise en oeuvre plus largement que ce qu'avait souhaité le législateur, du fait de l'intervention de la Commission européenne.

Les mesures d'adaptation face au recul du trait de côte ne s'appliquent en revanche toujours pas, entravées par l'absence de stratégie de financement.

a) Une application encore incomplète d'une loi pourtant promulguée il y a près de trois ans

Près de trois ans après sa promulgation, la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 affiche un taux d'application de 70 %. Sur les 141 mesures attendues, 42 manquent encore à l'appel.

Compte tenu de l'urgence climatique et de la nécessité de réduire fortement nos émissions de gaz à effet de serre d'ici la fin de la décennie, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, saisie au fond de l'examen de ce texte, ne peut que déplorer les retards pris dans l'application de cette loi.

b) Malgré l'accélération de la baisse des émissions, des incertitudes concernant l'impact du cadre législatif et la capacité à atteindre les objectifs climatiques pour 2030
(1) En 2023, une baisse historique des émissions de gaz à effet de serre

Selon les chiffres provisoires du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa), les émissions de gaz à effet de serre de la France ont baissé de 4,8 % en 2023 par rapport à 2022, pour atteindre 385 millions de tonnes équivalent CO2 (Mt CO2e), soit 29 % de moins que le niveau enregistré en 1990.

Source : Citepa

Cette baisse est notable à plusieurs égards.

Tout d'abord, il s'agit de la plus forte diminution depuis 2015 - exception faite de l'année 2020, marquée par une chute des émissions causée par la pandémie de Covid-19 ; la performance de 2022 (- 2,7 %) est quasi doublée.

De surcroît, les budgets carbone de la deuxième période de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC 2) (2019-2023) sont atteints, tant au regard de la cible annuelle indicative de 397 MtCO2e pour 2023, qu'au regard de la cible annuelle moyenne sur la période de 405 MTCO2e.

Par ailleurs, la baisse constatée en 2023 est, pour la première fois, commune à l'ensemble des grands secteurs : particulièrement marqué dans le secteur de l'énergie (- 14 %), principalement en raison d'une forte augmentation de la production nucléaire, significatif dans le bâtiment résidentiel et tertiaire (- 6 %) et dans l'industrie (- 9 %), ce recul des émissions s'observe également dans le transport routier (- 3 %). Dans ce secteur, une légère diminution avait été observée en 2018-2019, suivie d'une baisse exceptionnellement forte en 2020 pendant la crise Covid. S'en était suivi un rebond des émissions en 2021 et en 2022, sans toutefois que le niveau d'avant-crise sanitaire soit atteint. 2023 marque donc la fin de l'effet rebond post-Covid 19 et permet aux émissions du secteur d'atteindre leur niveau le plus bas observé depuis 2009 (hors 2020, année de la pandémie).

En 2023, seul le sous-secteur de l'aérien a connu une augmentation très importante de ses émissions (+ 21 % pour les vols domestiques, pour atteindre un niveau record ; + 27 % pour les vols internationaux, sans que le niveau de 2019 soit dépassé).

(2) Un rôle des politiques publiques difficile à évaluer

Toutefois, il est difficile de déterminer la part prise par les effets conjoncturels et structurels dans la baisse constatée.

L'étude du Citepa évoque des facteurs relevant de l'une et l'autre des catégories (par exemple, d'une part, des mois de janvier et décembre 2023 plus doux que ceux de 2022 ou un contexte inflationniste et de hausse des prix de l'énergie ; d'autre part, de nombreuses pompes à chaleur installée ou une baisse des ventes de véhicules diesel compensée par la hausse des ventes de véhicules électriques et hybrides), sans pour autant pondérer ces facteurs.

Le rôle joué par les politiques publiques, notamment par les dispositions de la loi « Climat et résilience », semble donc particulièrement difficile à évaluer, comme l'a d'ailleurs constaté la Cour des comptes à laquelle le législateur avait pourtant confié une mission de suivi annuel du texte à l'article 298, dans son rapport annuel du 15 mars dernier426(*). La commission avait d'ailleurs émis de sérieuses réserves sur cette initiative, considérant que c'est au Haut Conseil pour le climat qu'il aurait fallu confier cette expertise, compte tenu de ses compétences en la matière.

(3) Une performance à renouveler jusqu'à la fin de la décennie, dans un contexte marqué par un « risque de recul de l'ambition de la politique climatique »

Pour réduire les émissions nettes (tenant compte de l'absorption par les puits carbone) de l'Union européenne de -55 % d'ici 2030, la performance de l'année 2023 devra être renouvelée jusqu'à la fin de la décennie.

Comme l'a pointé la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), dans un document interne publié par le média Contexte en novembre dernier, ce n'est actuellement pas le chemin pris par la France, même en tenant compte des mesures supplémentaires envisagées par l'exécutif dans le cadre de la SNBC 3 : si l'objectif de réduction de 50 % brut pouvait être atteint, les émissions théoriques par secteur en 2030 étant très proches des cibles, à l'exception du secteur des bâtiments, la sous-performance des puits carbone - en raison principalement de la mauvaise santé de la forêt française - compromettrait l'atteinte de l'objectif de -55 % net (-51,5 %).

Pour combler l'écart, la France devra donc envisager des mesures additionnelles afin d'accélérer la réduction de ses émissions sectorielles.

Cet accroissement de l'effort pour compenser la dégradation du puits forestier devra être engagé dans un contexte difficile, marqué par un « risque de recul de l'ambition de la politique climatique » de la France, pointé par un courrier du Haut Conseil pour le climat adressé au Premier ministre le 2 avril dernier.

Les retards pris dans la programmation écologique et climatique française interpellent ; en particulier, la troisième SNBC - devant fixer le niveau des budgets carbone de la France pour les périodes 2029-2033 et 2034-2038, ainsi que les cibles annuelles pour la période 2024-2028 - et la troisième programmation pluriannuelle de l'énergie - devant fixer les orientations de la politique énergétique nationale de 2024 à 2033 - n'ont toujours pas été publiées, alors qu'elles devaient fixer le cap climatique et énergétique du pays dès cette année 2024.

c) Le déploiement des zones à faibles émissions : des atermoiements répétés, un accompagnement encore insuffisant

L'article 119 de la loi « Climat et résilience » prévoit une accélération et un renforcement du déploiement des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), à travers notamment :

1) l'obligation de création d'une ZFE-m avant le 31 décembre 2024 dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants situées sur le territoire métropolitain ;

2) l'obligation, pour les ZFE-m créées en application de la loi d'orientation des mobilités (LOM)427(*), et lorsque les normes de qualité de l'air ne sont pas respectées de manière régulière, de mettre en oeuvre le schéma d'interdiction de circulation des véhicules automobiles à quatre roues de moins de 3,5 tonnes suivants :

§ les véhicules relevant de la catégorie « Crit'air 5 », au plus tard le 1er janvier 2023 ;

§ les véhicules relevant de la catégorie « Crit'air 4 » au plus tard le 1er janvier 2024 ;

§ les véhicules relevant de la catégorie « Crit'air 3 » au plus tard le 1er janvier 2025.

Lors de l'examen du projet de loi, la commission avait, par la voix de son rapporteur, Philippe Tabarot, alerté sur les risques d'un déploiement trop brutal des ZFE-m. Plus récemment, le rapport d'information « Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) : sortir de l'impasse »428(*), publié au nom de la commission, et dont le rapporteur était Philippe Tabarot, alertait sur les difficultés d'acceptation sociale majeures que posent les ZFE-m, partout où elles sont créées.

S'agissant des ZFE-m devant être déployées d'ici la fin de l'année dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants, plusieurs d'entre elles avaient indiqué au rapporteur que cette échéance leur semblait trop proche, voire « impossible à tenir » et qu'un décalage du calendrier serait le bienvenu.

Quant aux ZFE-m soumises à l'obligation de mettre en place le schéma d'interdiction de circulation des véhicules Crit'air 5 à Crit'air 3 d'ici le 1er janvier 2025, le rapport a constaté les difficultés majeures rencontrées par les agglomérations concernées, cette obligation mettant, de fait, les collectivités territoriales concernées au pied du mur. Alors que les interdictions de circulation seraient susceptibles de concerner 13 millions de véhicules du parc national d'ici moins d'un an, le soutien de l'État est encore loin d'être à la hauteur des enjeux. L'expérimentation d'un prêt à taux zéro « ZFE-m », créé à l'initiative de la commission à l'article 107 de la loi « Climat et résilience », au bénéfice des personnes physiques et morales domiciliées dans ou à proximité d'une commune ayant mis en place une zone à faibles émissions mobilité rendue obligatoire en application de la LOM et dont les normes de qualité de l'air ne sont pas respectées au 1er janvier 2023, peine encore à être pleinement déployée. Si la durée de l'expérimentation a été prolongée de deux à trois ans par la loi de finances pour 2024429(*), la publication des dernières mesures d'application en juin 2023430(*), soit plus de six mois après la date prévue de début de l'expérimentation, a considérablement retardé la mise en oeuvre du dispositif. En outre, la commission ne s'est pas vu communiquer, à ce jour, de premier bilan quantitatif ni qualitatif des premiers mois de déploiement de ce prêt.

En définitive, le déploiement des ZFE-m porte le risque d'un creusement de fractures sociales et territoriales déjà considérables. C'est pourquoi la commission avait formulé, en juin dernier, 9 recommandations visant à améliorer l'acceptabilité sociale des ZFE-m, réparties en 3 axes :

- accélérer le verdissement du parc de véhicules ;

- soutenir plus largement les alternatives à la voiture ;

- assouplir le calendrier de mise en oeuvre des restrictions de circulation.

Lors du comité ministériel sur la qualité de l'air en ville du 20 mars dernier, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a annoncé que les villes de Marseille, Rouen et Strasbourg ne sont plus soumises à l'obligation de mise en place d'un schéma d'interdictions de circulation, puisqu'elles ne sont plus en dépassement régulier des normes de qualité de l'air en 2023. Paris et Lyon restent quant à elles soumises au dispositif ZFE s'appliquant aux agglomérations dépassant régulièrement les seuils limites.

Si la commission salue l'amélioration de la qualité de l'air dans ces villes, elle s'étonne des évolutions erratiques du pilotage du Gouvernement de la mise en place des ZFE-m. En outre, cette annonce ne règle en rien les difficultés rencontrées par les personnes habitant ou travaillant dans ou à proximité de Paris et Lyon, pour lesquelles les mesures d'accompagnement restent insuffisantes face aux besoins.

d) L'interdiction des vols nationaux en cas d'alternative ferroviaire adéquate : une mesure enfin appliquée, mais dont l'impact est limité

L'article 145 de la loi « Climat et résilience » interdit les vols réguliers intérieurs en cas d'alternative ferroviaire adéquate de moins de deux heures trente. Son application nécessitait la parution d'un décret en Conseil d'État, initialement envisagée en mars 2022, effective en mai 2023431(*).

Ce retard s'explique en partie par la durée de la discussion avec la Commission européenne sur les mesures envisagées. Toutefois, en pratique, l'article 145 a donné lieu à la fermeture de lignes aériennes hexagonales concernées avant l'entrée en vigueur du décret d'application.

Comme le mentionne le précédent bilan annuel de l'application des lois à propos du projet de décret rendu public, les échanges entre l'administration française et la Commission européenne ont mené à en modifier le contenu. La Commission a en effet considéré432(*) qu'il n'était pas possible de mettre en oeuvre des possibilités de dérogation pour les vols majoritairement empruntés par des passagers en correspondance, comme le prévoyait la loi. De même, elle a demandé que le projet final de décret ne comprenne pas de dérogations relatives aux liaisons et aux services pouvant être considérés comme décarbonés.

Une fois les discussions avec la Commission européenne achevées, le décret a été publié le 22 mai dernier.

L'article 145 de la loi prévoit que les liaisons ferroviaires alternatives doivent respecter plusieurs conditions :

- liaison ferroviaire inférieure à deux heures trente ;

- sans correspondance ;

- avec plusieurs liaisons quotidiennes ;

- assurant un service suffisant.

Le décret d'application a précisé ces critères :

- La liaison s'entend entre des gares desservant les mêmes villes que les aéroports considérés ;

- lorsque le plus important en termes de trafic des deux aéroports concernés est directement desservi par un service ferroviaire à grande vitesse, la gare retenue est celle desservant cet aéroport ;

- sans changement de train entre ces deux gares ;

- plusieurs fois par jour, avec des fréquences suffisantes et des horaires satisfaisants ;

- permettant plus de huit heures de présence sur place dans la journée.

L'application cumulée de ces conditions restrictives aboutit à ce que trois lignes soient concernées par l'interdiction :

- Paris-Orly-Bordeaux ;

- Paris-Orly-Nantes ;

- Paris-Orly-Lyon.

La commission appelle en outre le Gouvernement à transmettre au Parlement le rapport relatif à l'extension de ce dispositif, actuellement applicable seulement aux transports de passagers, au fret. Ce rapport devait être remis avant le 25 août 2022, mais il n'a pas encore été rendu au Parlement. La situation du transport de marchandises est en effet un point d'attention tout particulier pour la commission, ainsi qu'en témoigne le cycle d'auditions menées depuis juillet dernier sur le fret ferroviaire.

La commission souligne, plus généralement, qu'aucun des rapports prévus au chapitre IV du livre IV de la loi, « Limiter les émissions du transport aérien et favoriser l'intermodalité entre le train et l'avion », n'a pour l'instant été transmis au Parlement. Elle appelle donc le Gouvernement à se conformer à cette obligation dans les plus brefs délais, car il est essentiel que le Parlement puisse bénéficier de l'information nécessaire pour décider des arbitrages nécessaires à la décarbonation du transport aérien.

e) Une clarification utile des modalités d'exercice du droit de préemption au sein des anciens « périmètres sensibles » délimités par les préfets

Les articles 233 et 234 de la loi « Climat et résilience » ont prévu la prise de deux mesures réglementaires :

- l'une pour définir les modalités d'exercice du droit de préemption au sein des anciens « périmètres sensibles » délimités par les préfets au sein des départements inscrits sur une liste établie par décret en Conseil d'État, institués avant la loi du 18 juillet 1985 qui acte la compétence des départements en matière de gestion des espaces naturels sensibles ;

- l'autre pour préciser les conditions dans lesquelles le titulaire du droit de préemption - le département étant le titulaire de plein droit, suivi du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale - peut demander à visiter le bien.

Ces deux clarifications ont été apportées par le décret n° 2023-1174 du 12 décembre 2023433(*), qui a précisé que la mise en oeuvre du droit de préemption dans les zones de préemption des anciens « périmètres sensibles » s'exerce dans les mêmes conditions que le droit de préemption de droit commun mentionné à l' article L. 215-4 du code de l'urbanisme, selon les modalités prévues aux articles R. 215-9 à R. 215-18 du même code. Cette extension du droit de préemption bénéficie directement aux départements désireux d'engager des politiques de protection des milieux naturels plus volontaristes.

À ce propos, il convient de relever que le Conseil constitutionnel a déclaré non conforme à la Constitution le II de l'article 233434(*) de la loi « Climat et résilience », qui consistait en une validation législative des décisions de préemption prises dans les « périmètres sensibles » entre le 1er janvier 2016 et août 2021.

Dans sa décision n° 2023-1071 QPC du 24 novembre 2023435(*), le Conseil constitutionnel a estimé « qu'aucun motif impérieux d'intérêt général ne justifie l'atteinte portée au droit des justiciables de se prévaloir du moyen tiré de l'abrogation des dispositions de l'article L. 142-12 du code de l'urbanisme afin d'obtenir l'annulation de décisions de préemption privées de base légale », en se fondant sur le faible nombre de décisions de préemption qui, n'étant pas devenues définitives, font ou sont susceptibles de faire l'objet d'un recours, ainsi que sur le non-établissement de l'existence d'un risque financier important pour les personnes publiques concernées. La prise d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à compter du 25 novembre 2023.

f) Adaptation face au recul du trait de côte : une mise en oeuvre entravée dans l'attente d'une stratégie de financement

Le chapitre V du titre V de la loi (articles 236 à 248) comporte un ensemble de dispositions visant à adapter les politiques d'aménagement des communes littorales face au recul du trait de côte, qui touche 20 % des côtes françaises. Un décret était prévu pour établir une liste de communes - volontaires - devant établir une carte locale d'exposition de leur territoire au recul du trait de côte (à horizon de 30 ans et de 30 à 100 ans) et en tirer les conséquences dans leur politique d'urbanisme, afin de relocaliser les biens et activités les plus menacés. Plusieurs outils fonciers ont été mis à leur disposition pour mener à bien ces opérations.

Près de trois ans après la promulgation de la loi, sur les neuf mesures d'application prévues pour mettre en oeuvre la réforme relative à l'adaptation face au recul du trait de côte, seules deux ont été publiées :

- le décret436(*) établissant la liste des communes mentionnées au premier alinéa, « dont l'action en matière d'urbanisme et la politique d'aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l'érosion du littoral » ;

- le décret437(*) visant à renforcer l'information des acquéreurs et locataires de biens immobiliers sur les risques auxquels ils sont exposés.

Les autres mesures visent, pour l'essentiel, à permettre la conduite des opérations de recomposition spatiale, à travers deux dispositifs : l'obligation de démolition des constructions nouvelles situées dans la zone exposée au recul du trait de côte à horizon de 30 à 100 ans qui sont gravement menacées à court terme, et le droit de préemption spécifique au recul du trait de côte institué au profit des communes. Ce retard s'explique probablement par les délais nécessaires à l'élaboration préalable des cartes locales d'exposition au recul du trait de côte et à leur intégration dans les documents d'urbanisme, qui vont nécessiter plusieurs années438(*).

Au demeurant, les deux mesures d'application prises à ce jour appellent plusieurs remarques.

· S'agissant du décret n° 2022-750 établissant la liste des communes dont l'action en matière d'urbanisme et la politique d'aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l'érosion du littoral

Au 31 mars 2024, 242 communes figurent sur la liste des communes devant adapter leur politique d'aménagement face au recul du trait de côte439(*). Un projet de décret visant à la modifier a été soumis à consultation publique en mars-avril 2024 : il vise à retirer une commune de la liste et à y ajouter 75 nouvelles communes, portant ainsi le nombre de communes figurant sur la liste à 316. La majorité des ajouts concerne les régions Bretagne (+ 21), Provence-Alpes-Côte d'Azur (+ 17) et les Outre-mer (+ 14).

Le fait que les communes littorales soient de plus en plus nombreuses à s'engager dans la mise en oeuvre du dispositif prévu par la loi « Climat et résilience » est une avancée pour le déploiement de la stratégie nationale de gestion du recul du trait de côte. Cependant, l'absence totale de visibilité sur les modalités de financement des projets de relocalisation demeure un obstacle majeur à la concrétisation de cette démarche :

- d'une part, elle peut conduire de nombreuses communes pourtant exposées au recul du trait de côte à rester à l'écart du dispositif, dans l'attente de garanties financières. En 2023, le Gouvernement a confié à une mission d'inspection IGEDD-IGA la réalisation d'un inventaire des biens exposés au recul du trait de côte et l'identification de pistes de financement en vue de leur relocalisation. Ce rapport440(*) souligne que « les communes les plus impactées sont loin d'être toutes inscrites au “décret liste” » et que « les résultats des inventaires ont [...] révélé un certain “désajustement” entre les communes ayant le plus de biens menacés à horizon 2050 et celles inscrites de manière volontaire » sur la liste ;

- d'autre part, les communes ayant rejoint la liste se heurtent à la lourdeur et au coût élevé des opérations de recomposition spatiale. Il en résulte des dynamiques timides en matière d'élaboration de projets de relocalisation au niveau local. Le rapport indique qu'« à date de novembre 2023 aucune véritable opération de recomposition spatiale n'a été engagée en milieu urbanisé. Les plus abouties sont celles conduites par le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL) en milieu naturel ou agricole. »

Le recul du trait de côte aura de lourdes conséquences financières pour les communes littorales dans les prochaines décennies.

En 2023, le ministère de la transition écologique a confié au Cerema l'évaluation des enjeux liés au recul du trait de côte au niveau national, à court terme (cinq ans) et à moyen et long terme (2050 et 2100). Selon les projections de cet organisme, les enjeux financiers sont relativement limités d'ici 2028441(*) : plus de 1 000 bâtiments (dont une majorité de logements) - hors Guyane et Mayotte - pourraient être exposés au recul du trait de côte, pour une valeur vénale estimée à 240 millions d'euros. Toutefois, d'ici 2050, ce sont 5 200 logements et 1 400 locaux d'activités qui pourraient être concernés, pour une valeur totale de 1,2 milliard d'euros et, à horizon 2100, le recul du trait de côte menacerait 450 000 logements (d'une valeur de 86 milliards d'euros).

À l'heure actuelle, le soutien de l'État aux actions de recomposition n'est prévu que de manière ponctuelle, à travers des projets partenariaux d'aménagement (PPA).

Le comité national du trait de côte (CNTC), institué en mars 2023, a pour mission de réfléchir à un véritable modèle de financement des opérations de relocalisation des biens menacés, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2025.

La commission avait alerté dès l'examen de la loi « Climat et résilience » sur la nécessité d'identifier des pistes de financement pérennes pour accompagner les communes littorales dans l'adaptation face au recul du trait de côte. Tout en regrettant que ce travail de réflexion préalable n'ait pas été engagé plus tôt par le Gouvernement, elle sera particulièrement attentive aux résultats des travaux du CNTC.

· S'agissant du décret n° 2022-1289 relatif à l'information des acquéreurs et des locataires sur les risques

Ce texte impose notamment d'informer les acquéreurs et locataires potentiels dès lors qu'un bien immobilier est situé dans l'une des deux zones exposées au recul du trait de côte (horizon 0-30 ans et 30-100 ans), telles que délimitées par le document d'urbanisme. Si ce dispositif est essentiel à la prévention des risques liés au recul du trait de côte, sa portée demeure limitée tant que la réalisation des cartographies et leur traduction dans les documents d'urbanisme ne sont pas achevées.

Pour l'heure, ce dispositif ne semble pas avoir induit de « signal-prix » sur le marché immobilier. Ainsi que le souligne le rapport d'inspection IGEDD-IGA précité442(*), celui-ci n'a pas encore intégré les menaces associées au recul du trait de côte dans les zones littorales : « Le marché immobilier du littoral reste, pour l'instant, dynamique, et les acquéreurs des biens menacés ne semblent pas inquiets, dès lors que des précédents en matière d'indemnisation de biens sinistrés sont déjà intervenus, à la valeur vénale en application des règles du fonds Barnier, ou des dispositifs exceptionnels (Signal à 70 % de la valeur vénale hors risque) ».

En complément du dispositif prévu par la loi « Climat et résilience », le rapport d'inspection préconise de favoriser une meilleure information préventive sur le risque d'érosion au niveau local à travers, d'une part, la réalisation de porter à connaissance systématiques sur l'érosion du trait de côte au profit des élus locaux et des habitants et, d'autre part, l'ajout d'une signalétique « érosion du littoral » dans les annonces immobilières correspondant à la situation du bien dans la zone exposée au recul du trait de côte à horizon 0-30 ans ou 30-100 ans, sur le modèle du diagnostic de performance énergétique (DPE).

4. Loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France

La loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France du 15 novembre 2021 est largement applicable, de nombreux dispositifs étant d'application directe et 3 décrets sur les 6 attendus ayant été publiés. Il est toutefois regrettable que le Gouvernement n'ait pas pris la mesure de la nécessité de publier les dispositions d'application concernant les consommations des centres de données dans le contexte actuel de crise énergétique et de tensions sur le cycle de l'eau.

La loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France - dite loi « REEN » - est issue d'une initiative sénatoriale -  une proposition de loi déposée par Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte, Hervé Maurey et plusieurs de leurs collègues en octobre 2020. Celle-ci constituait la traduction législative des résultats de la mission d'information de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et des propositions formulées pour une transition numérique écologique.

Le texte avait ensuite été complété en première lecture par le Sénat. Si les députés avaient en grande partie conforté ce travail sénatorial, certaines dispositions pourtant structurantes avaient vu leur portée réduite, et plusieurs avaient même été supprimées.

Le texte a ensuite été adopté au Sénat en deuxième lecture sans modification afin qu'il soit promulgué, en dépit des insuffisances constatées.

La loi « REEN » constitue ainsi un premier jalon visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique dans notre pays. Elle nécessitera à l'avenir des compléments et améliorations.

Elle comporte de nombreux dispositifs d'application directe, et se caractérise donc par un faible nombre de mesures d'application attendues (six décrets d'application sur 36 articles).

Au 31 mars 2024, trois décrets443(*) ont été publiés, portant le taux d'application du texte à 50 %.

Trois décrets sont donc encore attendus.

a) Prise du décret réemploi et réutilisation des matériels

L'article 16 de la loi « REEN » prévoit que les équipements informatiques fonctionnels444(*) dont les services de l'État ou les collectivités territoriales et leurs groupements se séparent sont orientés vers le réemploi ou la réutilisation dans des proportions, selon un calendrier et suivant des modalités définis par décret.

Ce décret a été pris le 12 avril 2023445(*). Il fixe les modalités de mise en oeuvre de cette obligation. Les équipements concernés peuvent être :

- cédés à une autre personne publique ;

- vendus ;

- proposés au don aux personnels des personnes publiques ou à des associations, fondations ou organismes ;

- repris par un éco-organisme agréé par l'État ou le fournisseur initial si ce dernier dispose d'un contrat avec un éco-organisme agréé ou d'un système individuel agréé.

Il définit également un objectif de réemploi et de réutilisation des matériels informatiques réformés de 25 % en 2023, 35 % en 2024 et 50 % en 2025.

b) Des décrets encore attendus concernant les consommations des centres de données

Selon les données collectées par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) dans son enquête « Pour un numérique soutenable », la consommation d'électricité et d'eau des centres de données français est en forte augmentation. Cette hausse est de 15 % pour l'électricité et de 20 % pour l'eau. Les émissions de gaz à effet de serre sont en croissance de 14 %.

C'est la première fois que cette enquête de l'Arcep inclut dans son étude des analyses relatives aux centres de données en application de l'article 1er de la loi n° 2021-1755 du 23 décembre 2021 visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

Or, en application de l'article 28446(*), deux décrets doivent préciser les modalités de mise en oeuvre de l'éco-conditionnalité de l'avantage fiscal attribué aux centres de données en matière d'électricité :

- un décret doit ainsi déterminer un indicateur chiffré sur un horizon pluriannuel en matière d'efficacité dans l'utilisation de la puissance que doivent respecter les centres de données ;

- un décret doit également fixer un indicateur chiffré, sur un horizon pluriannuel, en matière de limitation d'utilisation de l'eau à des fins de refroidissement.

Les données collectées par l'Arcep montrent qu'il est essentiel d'inciter les centres de données à réduire leur consommation d'électricité et l'eau. Dans un contexte de crise énergétique et de crise de l'eau, qui risquent de s'aggraver dans les années à venir compte tenu du dérèglement climatique, il est indispensable que chaque secteur mène des efforts rapides afin de préserver les ressources en eau et tendre vers plus de sobriété énergétique.

La commission appelle donc une nouvelle fois à la publication rapide de ces décrets, qui inciteront les centres de données à rationaliser leur consommation d'énergie et d'eau.

c) L'impact non chiffré de la redevance « copie privée » sur le reconditionné

Lors de l'examen de la loi « REEN », la commission avait regretté le choix des députés et du Gouvernement de revenir sur l'exonération de la redevance pour copie privée (RCP) sur les équipements reconditionnés, votée au Sénat en première lecture : la réécriture du dispositif à l'Assemblée nationale, conservée dans le texte adopté conforme en deuxième lecture au Sénat, entérinait la décision de la commission copie privée (CCP) de taxer ces biens : le tarif retenu était de 40 % pour les smartphones et de 35 % inférieurs au neuf pour les tablettes.

Cette taxation semblait contradictoire à l'objectif de la loi, dont plusieurs dispositifs visaient justement à renforcer la compétitivité du réemploi aux dépens du neuf.

La CCP a confirmé par un vote du 12 janvier 2023 l'application de ce barème différencié pour les produits reconditionnés. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable regrette cette décision qui est préjudiciable à la réduction de l'empreinte environnementale du numérique et à la filière du reconditionnement, qui est source d'emplois non délocalisables.

Elle appelle donc la CCP à revenir sur sa décision et le Gouvernement à exiger l'exonération totale de RCP pour les produits reconditionnés.

La Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) a d'ailleurs recommandé en ce sens de « réétudier la pertinence de la redevance sur la copie privée appliquée aux produits reconditionnés ; ou la réserver uniquement aux produits importés de l'étranger » dans un avis du 27 mars 2023.

Une mission menée par l'Inspection générale des affaires culturelles (Igac) et par l'Inspection générale des finances (IGF) a été lancée en mars 2023 afin d'assister le président de la CCP dans la refonte de la RCP. Ses conclusions n'ont pour l'heure, pas été rendues publiques.

La commission copie privée a d'ailleurs écrit un courrier à l'attention du Gouvernement sur ce sujet dans lequel elle « constate (...) que l'étude des impacts économiques de la rémunération pour copie privée, en particulier sur les supports d'enregistrement d'occasion n'a pas été remise au Parlement dans les délais et conditions déterminées par l'article 20 » de la loi REEN, « rappelle l'utilité d'une telle étude et invite le gouvernement à prendre en charge sa réalisation dans les meilleurs délais »447(*).

La commission appelle donc le Gouvernement à mener cette étude le plus rapidement possible, conformément à l'alinéa 2 de l'article 20 de la loi « REEN ». Elle souligne que la publication -- hors délai448(*) -- du rapport portant sur la rémunération pour copie privée prévu à l'alinéa 1er du même article n'exonère pas le Gouvernement de réaliser ce travail. Elle regrette donc que le ministère de la culture, dans sa réponse à la question n° 9440 du 27 juin 2023 du député Philippe Latombe portant sur l'application dudit article, renvoie au rapport déjà publié alors qu'il était interrogé sur cette seconde étude, qui n'a pas encore été menée. M. Latombe et plusieurs de ses collègues ont d'ailleurs déposé une proposition de loi le 5 décembre dernier tendant à réformer la rémunération pour copie privée et à en exclure les appareils reconditionnés.

5. Loi n° 2022-269 du 28 février 2022 ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace

La loi du 28 février 2022 de ratification de plusieurs ordonnances, pleinement applicable, instaure notamment une taxe sur le transport routier de marchandises par la Collectivité européenne d'Alsace.

Il est cependant regrettable de constater l'absence de cohérence légistique du Gouvernement lequel, quelques mois seulement après la ratification de cette mesure prise par ordonnance, l'a abrogée pour l'intégrer dans un dispositif d'application plus large introduit par ordonnance prise sur le fondement d'une loi antérieure à la loi de 2022 (loi « Climat et résilience » d'août 2021).

Ce changement de véhicule « législatif » témoigne également d'une absence d'anticipation de la part du Gouvernement des mesures qu'il entend mettre en oeuvre.

Le rapport d'application des lois de 2023 soulignait, s'agissant de la loi n° 2022-269, un taux d'application en trompe-l'oeil. Si l'unique arrêté attendu avait été publié449(*), il n'en demeurait en effet pas moins que le taux d'application de 100 % ne traduisait pas le fait que les mesures d'application des ordonnances ratifiées par cette loi n'avaient, dans leur grande majorité, pas été publiées.

En outre, la majorité des articles de cette loi de ratification entendaient modifier les dispositions de l'ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 relative aux modalités d'instauration d'une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d'Alsace. Or, les dispositions de cette ordonnance ne se sont pas encore totalement matérialisées ; la possibilité donnée à la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) d'instaurer une taxe sur le transport de marchandises recourant à certaines voies de son domaine public routier devrait se concrétiser à l'horizon 2025, voire 2026.

En outre, l'ordonnance n° 2023-661 du 26 juillet 2023450(*), a abrogé, par son article 6, l'ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021, pourtant ratifiée un an plus tôt par la loi n° 2022-269. Cette nouvelle ordonnance a été prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 137 de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, afin de permettre à certaines régions d'instituer, à compter du 1er janvier 2024, des taxes perçues au titre de l'usage par les poids lourds du réseau routier relevant du domaine public national qui peut être mis à leur disposition par l'État451(*). Elle a également été prise sur le fondement de l'article 128 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, qui habilite le Gouvernement à poursuivre les travaux de recodification des dispositions relatives aux impositions sur les biens et services et à assurer leur conformité avec le droit de l'Union européenne ; ces impositions incluant notamment les taxes perçues au titre de l'usage par les véhicules du réseau routier.

Cette ordonnance du 26 juillet 2023 vise ainsi à définir un dispositif juridique commun permettant à la Collectivité européenne d'Alsace, d'une part, et aux régions volontaires et supportant un report significatif de trafic sur leurs voies depuis des voies soumises à une autre taxe452(*) d'instituer une taxe sur tout ou partie de leur réseau (ou, dans le cas des régions, du réseau mis à leur disposition). Cette ordonnance vise en outre à transposer le nouveau cadre européen régissant la tarification de l'usage des routes qui impose notamment, d'après le rapport au Président de la République, d'ajuster le dispositif existant pour la Collectivité européenne d'Alsace. La directive du 24 février 2022453(*) modifie en effet le cadre de tarification de l'usage des routes, par exemple en rendant obligatoire, à compter du 25 mars 2026, la mise en place d'un tarif de pollution atmosphérique pour toutes les voies routières soumises à un tarif d'infrastructure. Il s'agissait auparavant d'une simple faculté.

Si la commission prend acte de la nécessaire transposition du nouveau cadre européen et de la recherche d'efficacité et de coordination présidant à la définition d'un cadre commun aux régions volontaires et à la Collectivité européenne d'Alsace, elle estime regrettable d'avoir eu à se prononcer - et à modifier - dans le cadre de l'examen d'un projet de loi de ratification sur une ordonnance qui a été finalement été abrogée moins d'un an et demi après sa ratification. Les évolutions du droit européen que l'ordonnance de juillet 2023 vise à transposer auraient d'ailleurs pu être mieux anticipées par le Gouvernement. L'ordonnance de juillet 2023 n'a en outre, pour l'heure, pas fait l'objet d'une ratification par le Parlement. Enfin, plusieurs mesures d'application des dispositions de cette ordonnance sont encore attendues.

6. Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture

Le volet transport de la loi DDADUE de 2023 est applicable dans sa quasi-intégralité. Toutefois, un décret d'application se fait toujours attendre, ce qui ne permet pas à l'Autorité de régulation des transports d'exercer une compétence confiée par le législateur relative à la mise en oeuvre des collectes de données sur les déplacements multimodaux.

Sur les 7 articles du titre III relatif aux dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de transports (articles 31 à 37) relevant du champ de compétences de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, trois des quatre mesures attendues ont été publiées au 31 mars 2024.

S'agissant des mesures d'application attendues à l'article 31 relatif aux péages routiers, le décret n° 2023-1407 du 27 décembre 2023454(*) vient préciser les règles de modulation des péages applicables aux véhicules lourds de transport de marchandises et de transport de personnes en fonction de leur classe d'émissions de dioxyde de carbone ainsi que les règles d'application de la majoration de la redevance pour coûts externes liée à la pollution atmosphérique due au trafic.

Le décret n° 2023-1260 du 26 décembre 2023455(*), pris en application de l'article 35 de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023, précise les modalités de délivrance des prestations d'assistance en gare, à la montée et à la descente du train aux personnes handicapées ou à mobilité réduite.

En revanche, la publication du décret en Conseil d'État prévu pour l'application de l'article L. 1264-2 du code des transports se fait toujours attendre. Cet article, tel que modifié par l'article 37 de la loi n° 2023-171, permet à certains agents habilités de l'Autorité de régulation des transports (ART) de mettre en oeuvre des collectes automatisées de données ou d'informations sur les déplacements multimodaux publiquement accessibles sur des services numériques. Le décret en Conseil d'État prévu, qui doit être pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, doit préciser les conditions de mise en oeuvre de ces collectes. La commission regrette le retard de publication de ce décret, plus d'un an après la promulgation de loi, qui ne permet toujours pas à l'ART de se saisir pleinement des compétences qui lui ont été conférées par le législateur.

7. Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables

L'application de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables du 10 mars 2023 reste encore décevante compte tenu des ambitions affichées par le Gouvernement dans le contexte actuel d'urgence climatique.

Le volet relatif à la planification commence juste à se déployer et le Gouvernement doit amplifier son pilotage dans les meilleurs délais pour permettre aux communes de s'approprier un dispositif souhaité par le Sénat et préparer leur avenir énergétique dans de bonnes conditions.

a) Une mise en oeuvre trop lente au regard de l'urgence à déployer les énergies renouvelables

Plus d'un an après sa promulgation, la loi relative à la production d'énergies renouvelables456(*) affiche un taux d'application de seulement 26 % (15 mesures prises sur les 58 prévues).

Ce chiffre interpelle au regard de l'urgence à déployer les énergies renouvelables, indispensables au futur climatique et énergétique de la France, y compris dans une trajectoire de relance ambitieuse du nucléaire.

Cette urgence avait d'ailleurs justifié des délais d'examen particulièrement resserrés et une mobilisation importante du Parlement, au premier chef la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, saisie au fond, qui avait largement amélioré et complété le texte du Gouvernement.

La commission appelle donc l'exécutif à réagir urgemment, pour donner à cette loi l'envergure qu'avait souhaité lui donner le législateur.

b) La difficile mise en oeuvre du volet planification

La loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a renforcé le pouvoir des maires dans la planification du déploiement des énergies renouvelables terrestres.

À l'initiative du Sénat, son article 15 a ainsi créé un dispositif permettant aux maires d'identifier des zones d'accélération des énergies renouvelables, zones dans lesquelles les porteurs de projet disposeront d'incitations spécifiques.

Ces zones pourront notamment être incluses dans les documents d'urbanisme, via des modifications simplifiées.

Des mécanismes financiers incitatifs pourront être introduits pour encourager les développeurs à se diriger vers ces zones préférentielles :

- des bonus dans les appels d'offres pour les projets se développant sur ces zones ;

- une modulation tarifaire afin de prendre en compte le productible pouvant être plus faible sur ces zones.

Ces zones d'accélération ne peuvent être fixées sans l'avis conforme des communes. Mais celles-ci ne sont pas des zones exclusives : en d'autres termes, le texte ne prévoit pas de « droit de veto » « projet par projet » des élus en dehors de ces zones. Pour les projets développés hors de ces zones, un comité de projet est néanmoins rendu obligatoire par l'article 16 de la loi dont un décret du 22 décembre 2023457(*) a défini les modalités de. Les dispositions de ce décret entreront en vigueur en juin 2024.

La définition des zones d'accélération par les communes a pris du retard par rapport au calendrier défini par la loi. Alors que les zones devaient être définies avant la fin de l'année 2023, très peu de communes ont pu respecter cette échéance.

Processus de définition des zones d'accélération pour les maires
aux termes de la loi

1. Les maires reçoivent des cartes de potentiels transmises par l'État dans un délai de deux mois suivant la promulgation de la loi (soit, mai 2023).

2. Le maire et son conseil disposent alors de six mois (soit, jusqu'à décembre 2023) pour définir des zones d'accélération, après concertation du public et tenue d'un débat au sein de l'EPCI sur la cohérence des zones identifiées avec le projet du territoire.

3. En cas d'insuffisance des potentiels recensés dans les zones d'accélération, l'État peut redemander une réflexion plus ambitieuse trois mois après la transmission des cartographies par les communes. La commune dispose alors de trois mois pour réexaminer ses zonages et le cas échéant les modifier. Cette modification potentielle doit faire l'objet d'une nouvelle délibération du conseil municipal.

4. Une fois actées, les zones sont arrêtées par le préfet avec avis conforme des communes et, à l'initiative des collectivités, intégrées dans les documents d'urbanisme.

Ce retard pourrait s'expliquer par le manque d'ingénierie et d'accompagnement des élus lors des premiers mois d'application du texte. Comme le prévoyait la loi, un outil cartographique a certes été mis à disposition des communes et des EPCI en mai 2023 : le portail, développé par l'IGN et le Cerema, dresse un état des lieux des potentiels des territoires par filière et permet d'améliorer l'accès à l'information. Mais des versions complètes de ce logiciel, intégrant de nouvelles fonctionnalités, n'ont été mises en ligne qu'en décembre et mars derniers, soit sept et dix mois après le délai pourtant prévu par le législateur.

Par ailleurs, l'absence de planification énergétique nationale a privé les élus d'une boussole pour orienter leurs choix : la troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) - devant fixer les orientations de la politique nationale de 2024 à 2033 - n'a toujours pas été publiée, alors qu'elle devait fixer le cap énergétique du pays dès cette année 2024. Faute de cibles nationales, les objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables n'ont pu être élaborés et les comités régionaux de l'énergie, qui rassemblent une grande partie des acteurs locaux concernés, n'ont pu formuler de propositions d'objectifs, comme le prévoyait pourtant l'article 83 de la loi « Climat et résilience »458(*).

Le Gouvernement devra donc rapidement corriger le tir, pour permettre aux territoires de préparer leur avenir énergétique en connaissance de cause.

Ces constats ne doivent toutefois pas occulter la dynamique observée lors du premier trimestre 2024 : selon les chiffres transmis par l'IGN, fin avril, 355 000 zones d'accélération ont été saisies sur le portail cartographique, par plus de 7 000 communes. En janvier, ce nombre n'était que de 18 000.

À tout le moins, le dispositif semble donc aujourd'hui atteindre sa première cible : celle de susciter une appropriation des problématiques énergétiques par l'ensemble des territoires.

Pour que l'identification des zones d'accélération serve de socle à la planification énergétique de la France, comme l'a voulu le législateur en mars 2023, cette dynamique peut et doit donc être prolongée.

c) Référent préfectoral, RIIPM, « friches » littorales : des textes d'application dont la publication était particulièrement attendue

Dans le champ des articles relevant de l'expertise de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable lors de l'examen du projet de loi, plusieurs textes d'application particulièrement attendus ont été publiés ces derniers mois.

· L'article 6 de la loi crée un référent à l'instruction des projets de développement des énergies renouvelables et des projets nécessaires à la transition énergétique.

Ce référent est nommé au niveau départemental, parmi les sous-préfets. Il est chargé de faciliter les démarches administratives des pétitionnaires, de coordonner les travaux des services chargés de l'instruction des autorisations et de faire un bilan annuel de l'instruction des projets sur son territoire. Il est également chargé de fournir un appui aux collectivités territoriales dans leurs démarches de planification de la transition énergétique.

Les missions de ce référent devaient être précisées par voie réglementaire.

C'est finalement une circulaire459(*) qui a été publiée en novembre 2023 pour préciser ces missions. Cette circulaire fait notamment du référent préfectoral l'interlocuteur privilégié des collectivités pour définir les zones d'accélération. Plus généralement, le référent préfectoral est chargé d'accompagner les différents projets et de faciliter leur instruction.

· L'article 19 de la loi introduit, sous conditions, une reconnaissance de la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) pour certains projets d'énergies renouvelables.

Cette RIIPM constitue l'une des trois conditions cumulatives permettant à un projet de déroger à l'interdiction de porter atteinte aux espèces protégées et à leur habitat (article L. 411-2 du code de l'environnement).

Le décret d'application460(*), paru le 28 décembre dernier, a arrêté les conditions cumulatives de reconnaissance de la RIIPM :

- une puissance prévisionnelle totale supérieure ou égale à un seuil, fixé pour chaque type de technologie ;

- une puissance totale du parc métropolitain, pour chaque source d'énergie, devant être inférieure à l'objectif maximal de puissance fixé par la PPE pour cette même source.

Ainsi, l'application de ces dispositions reposera en partie sur la définition d'objectifs de développement d'énergies renouvelables dans la PPE, dont la troisième version n'a toujours pas été publiée. Dans l'attente, ce sont les objectifs actuels de la deuxième PPE qui pourront être utilisés dans le cadre de la reconnaissance de la RIIPM.

· L'article 37, qui constitue, dans son intention, une reprise d'une proposition de loi sénatoriale adoptée en 2022461(*), prévoit des dérogations à la loi « Littoral » pour l'implantation, en discontinuité d'urbanisme, sous certaines conditions et hors espaces remarquables, d'installations solaires ou de stockage ou de production d'hydrogène bas-carbone, sur des friches ou des bassins industriels de saumure saturée.

Un décret du 29 décembre 2023462(*) a établi une liste de 22 friches ouvertes à ces dérogations. Un second décret pourrait compléter cette liste : il fera l'objet d'un suivi particulièrement attentif de la commission.

8. Loi n° 2023-305 du 24 avril 2023 portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier

La loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier du 24 avril 2023 est pleinement applicable. La commission regrette cependant que le Gouvernement n'ait pas saisi l'opportunité, dans le cadre du pouvoir réglementaire qui lui a été confié, de sortir du statu quo pour renforcer la prise en charge financière de la prévention et de la gestion des déchets par les producteurs.

Avec la publication du décret n° 2023-906 du 28 septembre 2023, les deux mesures d'application attendues pour la mise en oeuvre de la loi n° 2023-305 du 24 avril 2023 portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier ont été prises.

Ce décret définit, d'une part, les modalités de mise en oeuvre de la prime fondée sur la mise à disposition gratuite d'information d'intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition gratuite d'encarts d'information, par les producteurs de la filière REP fusionnée, rassemblant les emballages ménagers et les producteurs de papier. La prime ne pourra pas représenter plus de 20 % du montant annuel total de la contribution due par produit par un même adhérent au titre de la filière REP, à l'exception des publications de presse pour lesquelles elle pourra atteindre 100 %. Ces dernières pourront donc bénéficier d'un traitement préférentiel, par l'annulation de facto de la contribution due au titre de la REP. Le décret précise par ailleurs les modalités de mise à disposition gratuite des encarts d'information, les caractéristiques techniques de ces encarts et les critères de performance environnementale des produits pouvant bénéficier de cette prime.

D'autre part, le décret définit le niveau de prise en charge, par la nouvelle filière REP fusionnée, des coûts supportés par le service public de gestion : ce niveau de prise en charge est fixé à 80 %, pour les emballages ménagers, et 50 %, pour les papiers, des coûts de référence d'un service de gestion optimisé tenant compte de la vente des matières traitées. Ces taux correspondent à un statu quo par rapport à l'état antérieur du droit.

Dans un rapport de juillet 2023 consacré à la réduction, réemploi et recyclage des emballages, la commission avait pourtant invité le pouvoir réglementaire à se saisir de l'opportunité offerte par la loi du 24 avril 2023 pour augmenter ces taux de couverture et renforcer, par là même, la prise en charge financière de la prévention et de la gestion des déchets par les producteurs.


* 418 https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-11-13/459 252

* 419 Les articles de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 entrant dans le champ des compétences de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sont les suivants : 12, 16, 21, 33 à 35, 37, 42 à 44, 46 à 50, 53, 55 à 60, 76, 87, 106 à 108, 134, 143, 144.

* 420 Voir notamment le a) du 1° de l'article 10 de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et à valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.

* 421 Décret n° 2023-881 du 15 septembre 2023 pris pour l'application de l'article L. 125-2 du code de l'environnement.

* 422 Article R.125-10 du code de l'environnement.

* 423 Article R. 125-12 du code de l'environnement.

* 424 Article R. 125-13 du code de l'environnement.

* 425 Article R. 125-14 du code de l'environnement.

* 426 « (...) Les conditions ne sont pas réunies pour que la Cour puisse réaliser l'évaluation annuelle mentionnée dans l'article 298 : - les indicateurs figurant dans l'étude d'impact de la loi, ne suffisent pas en l'état à une véritable évaluation de l'ensemble des mesures de la loi ; en outre, ils sont actuellement suivis de manière dispersée et les données nécessaires ne font pas à ce stade l'objet d'une gestion suffisamment robuste pour en permettre l'exploitation, d'autant plus que le déploiement territorial des dispositifs conditionnant la production de données est encore peu avancé ; - le périmètre de la loi, et donc des mesures à évaluer, représente un autre frein majeur. Sans compter les dispositifs d'application directe, cette loi nécessite plus d'une centaine de textes d'application, avec une mise en place et des effets mesurables jusqu'en 2050. »

* 427 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

* 428 Rapport d'information n° 738 (2022-2023), déposé le 14 juin 2023.

* 429 Article 41 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 430 Arrêté du 12 juin 2023 portant approbation de la convention-type conclue entre l'établissement de crédit ou la société de financement et la société de gestion mentionnée au premier alinéa du VII de l'article 107 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets pour la distribution des prêts ne portant pas intérêt destinés à financer l'acquisition d'un véhicule dont les émissions de dioxyde de carbone sont inférieures ou égales à 50 grammes par kilomètre ou la transformation d'un véhicule léger à motorisation thermique en véhicule à motorisation électrique, dénommés « prêt à taux zéro mobilité ».

* 431 Décret n° 2023-385 du 22 mai 2023 précisant les conditions d'application de l'interdiction des services réguliers de transport aérien public de passagers intérieurs dont le trajet est également assuré par voie ferrée en moins de deux heures trente.

* 432 Dans sa décision d'exécution (UE) 2022/2358 de la Commission du 1er décembre 2022 concernant la mesure française introduisant une limitation de l'exercice des droits de trafic en raison de problèmes graves en matière d'environnement, en vertu de l'article 20 du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil.

* 433 Décret n° 2023-1174 du 12 décembre 2023 définissant les modalités d'exercice du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles à l'intérieur des zones mentionnées à l'article L. 215-4-1 du code de l'urbanisme.

* 434 « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et l'entrée en vigueur du présent article, en tant que leur légalité est ou serait contestée par un moyen tiré de l'abrogation de l'article L. 142 12 du code de l'urbanisme par l'ordonnance n° 2015 1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme. »

* 435 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000 048 459 125.

* 436 Décret n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont l'action en matière d'urbanisme et la politique d'aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l'érosion du littoral.

* 437 Décret n° 2022-1289 du 1er octobre 2022 relatif à l'information des acquéreurs et des locataires sur les risques.

* 438 L'article L. 121-22-3 du code de l'urbanisme prévoit qu'une fois inscrites sur la liste, les communes disposent d'un an pour engager l'évolution de leur document d'urbanisme en vue d'y intégrer la cartographie, puis d'un délai de trois ans pour mener à bien cette procédure.

* 439 La liste initiale a été complétée en 2023 ( décret n° 2023-698 du 31 juillet 2023 modifiant le décret n° 2022-750 du 29 avril 2022).

* 440 Rapport IGEDD-IGA, « Financement des conséquences du recul du trait de côte : comment accompagner la transition des zones littorales menacées ? » Novembre 2023.

* 441 Cerema, « Projection du trait de côte et analyse des enjeux au niveau national - Échéance cinq ans », février 2024.

* 442 Rapport IGEDD-IGA, « Financement des conséquences du recul du trait de côte : comment accompagner la transition des zones littorales menacées ? » Novembre 2023.

* 443 En application de l'article 16 : décret n° 2023-266 du 12 avril 2023 fixant les objectifs et modalités de réemploi et de réutilisation des matériels informatiques réformés par l'État et les collectivités territoriales. En application de l'article 30 : décret n° 2023-4 du 4 janvier 2023 relatif aux modalités d'information du maire concernant le partage de sites ou de pylônes hébergeant des installations radioélectriques. En application de l'article 35 : décret n° 2022-1084 du 29 juillet 2022 relatif à l'élaboration d'une stratégie numérique responsable par les communes de plus de 50 000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants.

* 444 À l'exception des équipements informatiques de plus de dix ans, qui sont orientés vers le recyclage.

* 445 Décret n° 2023-266 du 12 avril 2023 fixant les objectifs et modalités de réemploi et de réutilisation des matériels informatiques réformés par l'État et les collectivités territoriales

* 446 Aujourd'hui codifié aux 6° et 7° de l'article L. 312-70 du code des impositions sur les biens et services.

* 447 Commission de l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle, compte rendu de la séance du 22 décembre 2023 en application de l'article D. 311-8 du Code de la propriété intellectuelle, p. 10.

* 448 Ce rapport a été remis au Parlement le 31 octobre 2022, avec 10 mois de retard.

* 449 Arrêté du 11 avril 2022 relatif aux modalités d'établissement du procès-verbal de constatation des délits et contraventions institués par l'ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021.

* 450 Ordonnance n° 2023-661 du 26 juillet 2023 prise en application des dispositions de l'article 137 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et de l'article 128 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 451 L'article 40 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale prévoit cette possibilité à titre expérimental.

* 452 Seule la région Grand Est a manifesté son intérêt de recourir à cette faculté à ce jour.

* 453 Directive (UE) 2022/362 du Parlement européen et du Conseil du 24 février 2022 modifiant les directives 1999/62/CE, 1999/37/CE et (UE) 2019/520 en ce qui concerne la taxation des véhicules pour l'utilisation de certaines infrastructures.

* 454 Décret n° 2023-1407 du 27 décembre 2023 relatif à la modulation des péages applicables aux véhicules de transport de marchandises par route et aux véhicules de transport de personnes, en fonction de leurs émissions de dioxyde de carbone et à la majoration de ces péages en raison de la pollution atmosphérique due au trafic.

* 455 Décret n° 2023-1260 du 26 décembre 2023 portant modification du décret n° 2021-1124 du 27 août 2021 relatif à la plateforme unique de réservation des prestations d'assistance et de substitution à l'intention des personnes handicapées et à mobilité réduite et au point unique d'accueil en gare.

* 456 La procédure accélérée avait d'ailleurs été engagée par le Gouvernement le 26 septembre 2022.

* 457 Décret n° 2023-1245 du 22 décembre 2023 relatif au comité de projet prévu à l'article L. 211-9 du code de l'énergie.

* 458 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 459 Circulaire du 28 novembre 2023 relative aux missions du référent préfectoral à l'instruction des projets d'énergies renouvelables et des projets industriels nécessaires à la transition énergétique et à la géothermie de minime importance.

* 460 Décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 pris pour l'application, sur le territoire métropolitain continental, de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie et de l'article 12 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023.

* 461 Proposition de loi visant à permettre l'implantation de panneaux photovoltaïques sur des friches.

* 462 Décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023 pris pour l'application de l'article L. 121-12-1 du code de l'urbanisme.

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