II.  UN BILAN EN STABILISATION MAIS QUI CACHE DE GRANDES DISPARITÉS

A. UN TAUX GLOBAL STABLE MAIS UNE APPLICATION INSUFFISANTE DES LOIS D'ORIGINE PARLEMENTAIRE

Le taux global d'application des lois calculé par le Sénat se stabilise, pour s'établir à 64 % des mesures attendues, contre 65 % pour 2021-2022. Si l'on exclut les mesures dont le législateur a prévu une entrée en vigueur différée, il atteint 68 %, soit un taux identique à celui de l'année dernière. De même, les mesures réglementaires d'application ont été publiées en moyenne 5 mois et 23 jours après la promulgation de la loi, soit un niveau stable par rapport à la session précédente. Pour la deuxième année consécutive, ce délai est inférieur à la limite de six mois que s'est fixée le Gouvernement.

Taux d'application des lois depuis la session 2017-2018

Cette stabilisation globale ne peut cependant être satisfaisante : près de 35 % des mesures ne sont pas prises et le taux global d'application des lois pour 2022-2023 est de plus de 15 points inférieur au niveau de la session 2017-2018 (64 % contre 78 %). Certaines lois emblématiques de la session enregistrent par ailleurs de très faibles taux d'application.

Surtout, l'application des lois d'origine parlementaire apparait particulièrement insuffisante, et ce plus encore que l'année dernière. Leur taux moyen d'application s'établit à 43 % contre 64 % pour le taux global d`application des lois, toutes origines confondues. L'écart est ainsi de plus de 20 points contre un différentiel de 10 points la session précédente.

Taux d'application des lois selon leur origine

L'application de 5 lois emblématiques de la session 2022-2023

Face à la crise énergétique et au dérèglement climatique et afin de rattraper le retard pris par la France, la loi du 10 mars 20232(*) entend accélérer le développement des renouvelables. Plus d'un an après sa promulgation, cette loi affiche un taux d'application de seulement 26 %. Ce chiffre interpelle au regard de l'urgence à déployer les énergies renouvelables, indispensables au futur climatique et énergétique de la France, y compris dans une trajectoire de relance ambitieuse du nucléaire. Cette urgence avait pourtant justifié des délais d'examen particulièrement resserrés et une mobilisation importante du Parlement.

D'origine parlementaire, la loi « Rist 2 »3(*) du 19 mai 2023 introduit pour les patients un accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA), aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes, afin de faire face à la pénurie de médecins. Le taux d'application de cette loi n'est que de 30 %. À titre d'exemple, les mesures concernant la primo-prescription ou l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et les infirmiers en pratique avancée sont donc inapplicables alors qu'elles sont attendues par les professionnels de santé.

Également d'origine parlementaire, la loi pour faciliter le permis de conduire du 21 juin 20234(*) vise à remédier à deux difficultés majeures : le coût et les délais d'obtention du permis de conduire. Au 31 mars 2024, aucune mesure d'application n'a été publiée, sur les 3 prévues. Le décret devant préciser les modalités de mise en oeuvre de la plateforme recensant l'ensemble des aides disponibles pour la préparation du permis de conduire n'a notamment pas été pris.

Issue d'une proposition de loi sénatoriale, la loi « ZAN 2 »5(*) du 20 juillet 2023 assouplit les conditions d'application des mesures relatives à l'artificialisation des sols de la loi « Climat-Résilience ». Au 31 mars 2024, un seul décret avait été pris, portant le taux d'application de la loi à seulement 25 %. La non-publication des trois quarts des textes réglementaires porte sur le mécanisme des projets d'envergure nationale et européenne et réduit ainsi la capacité des collectivités à en tirer pleinement parti.

D'initiative parlementaire, la loi « anti-squat » du 27 juillet 20236(*) entend mieux protéger les propriétaires victimes de squatteurs. Les sanctions en cas de squat d'un logement sont triplées. De nouveaux délits sont créés, notamment pour les locataires en impayés de loyers restés dans le logement à la fin de la procédure d'expulsion. Au 31 mars 2024, aucune mesure règlementaire sur les quatre mesures attendues n'avait été prise, empêchant l'application ce cette loi.


* 2 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables

* 3 Loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé

* 4 Loi n° 2023-479 du 21 juin 2023 visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire

* 5 Loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux

* 6 Loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite

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