B. DES RÉMUNÉRATIONS LARGEMENT INFÉRIEURES À CELLES DES AUTRES ADMINISTRATIONS MALGRÉ LES HAUSSES RÉCENTES

1. Un niveau de rémunération inférieur de 11 % en moyenne à celui des personnels administratifs des autres ministères

Le coût des personnels administratifs est quasiment intégralement constitué de dépenses de rémunération. La rémunération nette moyenne au 1er janvier 2024 pour l'ensemble des personnels administratifs et techniques est de 2 320 euros.

La rémunération des agents administratifs est composée d'une part du traitement indiciaire, commun à l'ensemble de la fonction publique, et du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État (RIFSEEP), variable selon la fonction des agents24(*).

Les cas spécifiques des primes accordées aux agents
exerçant en éducation prioritaire et en outre-mer

Les enseignants présents dans établissement situé en éducation prioritaire (REP ou REP +) bénéficient d'un régime indemnitaire spécifique, composé d'une part fixe et d'une part modulable attribuée sur la base d'objectifs collectifs d'engagements professionnels fixés au niveau national et dont l'atteinte est évaluée localement. Les personnels administratifs bénéficient également de ce régime25(*). Le montant maximum de la part variable est fixé à 702 euros, celui de la part fixe à 5 114 euros en REP+ et 1 734 euros en REP.

Les agents en outre-mer, enseignants comme administratifs, disposent également d'avantages spécifiques. En application de l'article L741-1 du code général de la fonction publique, le traitement du fonctionnaire de l'État en service dans les départements d'outre-mer est majoré de 25 %, à l'exception de Mayotte où il est majoré de 40 %. S'y ajoute, sauf pour Mayotte, un complément temporaire compris entre 10 % et 15 %. Dans les collectivités d'outre-mer, le traitement des agents est également majoré suivant un coefficient spécifique.

Outre les majorations de traitement, les personnels en outre-mer bénéficient également d'indemnités spécifiques, communes à l'ensemble de la fonction publique :

- l'indemnité de sujétion géographique ;

- l'indemnité d'éloignement ;

- l'indemnité forfaitaire d'isolement en Guyane ;

- les indemnités de remboursement partiel des loyers.

Source : commission des finances

Lors de la mise en place du RIFSEEP en 2012, les académies ont eu une latitude dans le choix des montants indemnitaires dont certaines se sont emparées afin de procéder à des revalorisations pour leurs personnels. Ce choix a eu pour conséquence une divergence des rémunérations entre académies, pouvant être justifiée par des difficultés d'attractivité et de pouvoir d'achat (en particulier en région parisienne) mais parfois désincitative à la mobilité interacadémique.

La part indemnitaire est principalement composée de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE). La part indemnitaire de la rémunération brute représente en moyenne 23 % de la rémunération et 18 % pour les agents de catégorie C.

Exemples de différences de rémunération entre académies
pour des agents administratifs de catégorie C

(en euros)

 

IFSE mensuelle dans l'académie de Normandie

IFSE mensuelle dans l'académie de Nancy-Metz

IFSE mensuelle dans les académies de Versailles, Créteil et Paris

Groupe 1 (secrétariat du recteur, technicien comptable...)

444,9

414,6

531

Groupe 2 (gestionnaires administratifs, secrétariat de direction)

406,2

381,2

498

Source : commission des finances d'après les académies

Les montants versés au titre du RIFSEEP des agents administratifs du ministère de l'Éducation nationale sont largement inférieurs à ceux des agents d'autres ministères26(*). Le décalage est, pour l'année 2022 et à catégorie identique, de 2 264 euros et culmine à 3 618 euros pour les agents de catégorie A. En volume, le décalage est le plus important pour les agents de catégorie C, pour lequel le régime indemnitaire est inférieur d'un quart à la moyenne des autres ministères.

Régime indemnitaire (RIFSEEP) moyen annuel par ETPT en 2022 

(en euro et en %)

Source : commission des finances d'après la direction générale de l'administration et de la fonction publique et les chiffres du ministère de l'Éducation nationale

Indépendamment de la pyramide des corps, le ministère de l'Éducation nationale a admis être « très en retard » par rapport à la moyenne des ministères sur la part indemnitaire27(*).

Conséquence de ce décalage, la rémunération des personnels administratifs de l'Éducation nationale est désormais largement inférieure à celle ayant cours dans les autres administrations. Ainsi, la différence atteint 410 euros bruts par mois pour les personnels de catégorie B. En moyenne, les personnels administratifs de l'Éducation nationale sont payés 360 euros bruts de moins par mois que les agents d'autres administrations, et ce malgré les dernières revalorisations accordées au cours des dernières années.

Rémunération brute moyenne mensuelle des corps administratifs du ministère de l'Éducation nationale en 2023 et comparaison avec les autres administrations

(en euros)

Source : commission des finances d'après la direction générale de l'administration et de la fonction publique et le ministère de l'Éducation nationale

Cet écart est le résultat d'une sédimentation historique, et comme cela sera développé ci-dessous, a commencé à se résorber. Il n'en demeure pas moins que la dynamique de rattrapage entre le ministère de l'Éducation nationale et les autres ministères est loin d'être aboutie et ne peut que s'avérer problématique s'agissant de l'attractivité du ministère. Comme l'a indiqué au rapporteur spécial le secrétaire général du ministère de l'Éducation nationale, « un agent de catégorie B du ministère de l'Intérieur est mieux payé qu'un personnel de catégorie A du ministère de l'Éducation nationale »28(*).

De même, alors que la rémunération des attachés et des certifiés était historiquement alignée, les dernières revalorisations des enseignants ont entraîné un décalage, de sorte qu'il est fréquent que le secrétaire général d'un établissement scolaire soit moins bien rémunéré qu'une grande partie des enseignants de son établissement. Ainsi, en 2023, la rémunération brute d'un attaché était de 3 890 euros et celle d'un secrétaire administratif (ce qui est encore le cas d'un certain nombre de secrétaires généraux d'établissement scolaire) de 2 570 euros. La rémunération moyenne brute d'un enseignant devrait approcher de 3 600 euros en 2024 à la suite des revalorisations consécutives et donc être quasiment équivalente à celle des administratifs de catégorie A et supérieure de près d'un millier d'euros à celle des administratifs de catégorie B.

2. Des dépenses supplémentaires depuis 2020 liées aux mesures indiciaires générales et à des revalorisations indemnitaires

Face d'une part au constat des disparités entre les rémunérations à l'intérieur du ministère de l'Éducation nationale et celles des administrations d'autres ministères et d'autre part aux demandes réitérées lors du Grenelle de l'Éducation en 2020 d'un alignement, le ministère de l'Éducation nationale a mis en oeuvre une politique de revalorisation des rémunérations au cours des dernières années. Entre 2021 et 2023, les revalorisations indiciaire et indemnitaire des agents de la filière administrative conduisent à un gain moyen par ETP de près de 3 620 euros bruts annuels. Entre 2020 et janvier 2024, la rémunération moyenne mensuelle brute des personnels administratifs a augmenté de 333 euros.

Gain moyen mensuel entre 2020 et 2024 de rémunération
par catégorie de personnels

(en euros)

Source : commission des finances d'après le ministère de l'Éducation nationale

Une part importante de cette revalorisation recouvre cependant des mesures générales accordées à l'ensemble de la fonction publique, en particulier les deux revalorisations successives du point d'indice (+ 3,5 % au 1er juillet 2022 et + 1,5 % au 1er juillet 2023) et dans une moindre mesure l'octroi de 5 points d'indice majoré au 1er janvier 2024.

Le ministère estime que 40 % de la hausse accordée en moyenne aux personnels sont imputables aux revalorisations indiciaires générales, et 60 % aux revalorisations indemnitaires spécifiques à la filière administrative.

Les mesures générales de revalorisation

Face à la baisse de pouvoir d'achat des agents publics du fait de la forte inflation constatée au cours des deux dernières années, plusieurs mesures, outre celles touchant à la revalorisation du point d'indice, ont été mises en place :

- relèvements successifs en 2021, 2022 et 2023 de l'indice minimal de la fonction publique ;

- mise en place en 2021 d'une indemnité forfaitaire de télétravail plafonnée à 253 euros par an ;

- prise en charge depuis janvier 2022 de la protection sociale complémentaire des agents du ministère de l'Éducation nationale à hauteur de 15 euros par mois ;

- en 2023, versement aux agents éligibles de la prime de pouvoir d'achat exceptionnelle échelonnée entre 300 euros et 800 euros bruts ;

- depuis septembre 2023, remboursement des abonnements transport domicile-travail à 75 % ;

- depuis janvier 2024, revalorisation de l'indemnisation des jours épargnés sur un compte-épargne-temps (CET).

Source : commission des finances

Depuis 2020, le ministère a en outre mis en place un processus de revalorisation indemnitaire destiné à rapprocher progressivement les rémunérations des agents administratifs du ministère des moyennes interministérielles, conformément aux engagements pris lors du Grenelle de l'éducation.

Cette revalorisation est notamment passée par une mesure de convergence indemnitaire, ciblée sur l'IFSE perçue par les agents relevant des corps des attachés d'administration de l'État et des secrétaires administratifs. Une dotation globale pour l'ensemble des ministères avait été allouée pour un montant de 121 millions d'euros, dont 57 millions d'euros ont bénéficié aux personnels administratifs de l'Éducation nationale. Cette mesure aura permis d'augmenter en moyenne l'IFSE des attachés de 3 000 euros annuels et celle des secrétaires d'administration de 2 000 euros. Pour les agents de catégorie C, la hausse de l'IFSE aura entraîné un gain de rémunération de 56 euros par mois, soit 675 euros annuels.

En outre, le RIFSEEP des agents de la filière administrative a été réévalué à plusieurs reprises, une première fois en 2019 (+ 5 % pour la catégorie C, + 4 % pour la catégorie B, + 3 % pour la catégorie A), puis en 2021 au 1er janvier 2022 pour les attachés et secrétaires administratifs. Pour les agents de catégorie A, la revalorisation du RIFSEEP a entraîné un gain d'environ 2 100 euros par an. Pour les agents de catégorie B, la hausse varie entre 2 000 euros et 1 300 euros selon les métiers.

Cet effort financier doit être salué et constitue une reconnaissance de l'engagement des personnels administratifs. D'après le ministère de l'Éducation nationale, sur la période 2021-2023, les gains indemnitaires s'élèvent à 4 450 euros bruts annuels pour les attachés, 2 480 euros pour les secrétaires administratifs et 1 875 euros pour les adjoints administratifs.

Cependant, comme l'indiquent les chiffres précédents, la revalorisation de ces personnels ne peut être considérée comme achevée.

Premièrement, dans la mesure où une part des hausses de rémunération n'est pas liée à des mesures de convergence indemnitaire mais à des mesures ayant concerné l'ensemble de la fonction publique, l'alignement entre les rémunérations des personnels administratifs du ministère et celles des autres administrations n'est pas complet : l'écart à la moyenne a certes été réduit mais demeure important. L'écart du RIFSEEP des agents de l'Éducation nationale à la moyenne interministérielle a certes été réduit de 5 points entre 2022 (26 % d'écart à la moyenne) et 2023 (21 % d'écart à la moyenne à fin 2023) mais il demeure considérable. Dans les réponses au questionnaire du rapporteur spécial, le ministère note seulement que « l'effort reste à poursuivre en 2024 et au-delà pour parvenir à rejoindre la moyenne interministérielle ».

D'autre part, une partie non négligeable de cette hausse, accordée en période de forte inflation, n'a pas entraîné un gain de pouvoir d'achat aussi important qu'attendu mais a été érodé par la hausse des prix. Les hausses ont surtout permis de stabiliser le pouvoir d'achat des personnels administratifs, là où celui des agents des autres administrations a été davantage érodé. Ainsi, entre 2018 et 2023, en euros constants, la rémunération des agents du ministère de l'Éducation nationale a cru entre 3 % et 8 %, alors que celles des agents comparables d'autres ministères a baissé d'entre 6 % et 1 % sur la même période.

Évolution de la rémunération des principaux corps administratifs
entre 2018 et 2023

(en euros en EQTP et en %)

Catégorie

Périmètre

Corps administratifs

Nombre d'emplois titulaires

Rémunération mensuelle brute en 2023

Évolution de la rémunération 2023/2018 en euros courants

Évolution de la rémunération 2023/2018 en euros constants

A

Hors ministère de l'éducation nationale

Attaché d'administration de l'État

19 240

4 280 

10,5 %

-3,4 %

Ministère de l'éducation nationale

Attaché d'administration de l'État

8 750

3 890 

17,2 %

3,3 %

B

Hors ministère de l'éducation nationale

Secrétaires administratifs de l'intérieur et de l'outre-mer

11 320

2 800 

10,2 %

-3,7 %

Secrétaire administratif des administrations de l'État

10 750

3 150 

7,6 %

-6,3 %

Moyenne hors Éducation nationale

22 060

2 980 

8,3 %

-5,6 %

Ministère de l'éducation nationale

Secrétaires administratifs de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur

14 810

2 570 

16,8 %

2,9 %

C

Hors ministère de l'éducation nationale

Corps d'adjoint administratif des administrations de l'État

46 620

2 380 

12,6 %

-1,3 %

Agent administratif des finances publiques

20 340

2 460 

10,1 %

-3,8 %

Moyenne hors Éducation nationale

66 960

2 400 

11,7 %

-2,2 %

Ministère de l'éducation nationale

Adjoints administratifs de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur

18 610

2 110 

22,0 %

8,1 %

Source : commission des finances d'après les données de la DGAFP

Enfin, les relèvements successifs de l'indice minimal de la fonction publique ont entraîné un tassement des grilles et une quasi stabilité des rémunérations pendant l'essentiel de la carrière. Si le ministère a tenté de réintroduire une progressivité dans les grilles des plus bas salaires par un changement de correspondance des indices bruts et indices majorés29(*), les grilles de carrière des agents administratifs demeurent très plates.

Ainsi, pour un agent de catégorie C (adjoint administratif), il faut 19 ans d'ancienneté pour voir sa rémunération brute mensuelle être supérieure de 100 euros à celle obtenue en début de carrière. Pour un agent de catégorie B, il faudra 8 ans pour voir sa rémunération croître de 100 euros bruts mensuels et 26 ans pour gagner environ 700 euros de plus qu'en début de carrière.

Enfin, le déploiement à la rentrée 2023 du Pacte enseignant, permettant à des enseignants d'être rémunérés pour la réalisation de missions supplémentaires, a pu contribuer au décalage entre les équipes administratives des établissements et les enseignants. En effet, plusieurs cas ont été transmis au rapporteur spécial de missions assurées bénévolement par les personnels administratifs des établissements qui auraient pu, si elles avaient été réalisées par des enseignants, donner lieu à une rémunération supplémentaire au titre du pacte (missions d'animation et de coordination notamment). Or le pacte est réservé aux équipes éducatives (y compris les conseillers principaux d'éducation) et par conséquent inaccessible aux personnels administratifs. Il serait souhaitable que, dans le cas où un agent administratif réalise une mission pouvant déjà être rémunérée au titre du Pacte, et qui ne serait pas une mission entrant déjà dans son champ de compétences, celui-ci puisse bénéficier des mêmes avantages que les enseignants, ce qui permettrait d'éclairer les missions que peuvent réaliser les personnels administratifs en établissement et valoriser leurs missions.

Recommandation n° 6 : étendre le Pacte aux missions supplémentaires réalisées à titre exceptionnel en dehors de leur champ de compétences par des personnels administratifs présents en établissement scolaire (DGESCO).

Plus largement, la question du Pacte rejoint celle de la reconnaissance de l'engagement de certains personnels. La majorité des intervenants entendus par le rapporteur spécial déplorent que les heures supplémentaires effectuées par les personnels administratifs ne puissent être rémunérées. S'il est actuellement difficile d'objectiver combien de personnes sont concernées par cette situation, le manque de personnels administratifs dans certains établissements et académies semble se traduire fréquemment par un report non rémunéré de la charge de travail sur les personnels en place. Faute de rémunération des heures supplémentaires, ces missions ne sont pas reconnues et valorisées financièrement. En conséquence, il serait opportun, en l'absence de revalorisation indemnitaire globale, d'ouvrir une réflexion sur la possibilité pour le ministère de l'Éducation nationale de se saisir de ce levier.

Recommandation n° 7 : engager une réflexion sur la rémunération des missions complémentaires effectuées par les personnels administratifs par le biais d'heures supplémentaires (DGESCO, DGRH).

Le rapporteur spécial considère que, mis à part des gains de performance, notamment liés à la baisse de la démographie scolaire dans certains départements, les dépenses liées aux rémunérations des personnels administratifs laissent peu de marge de manoeuvre et ne sauraient véritablement constituer une piste viable d'économies budgétaires. Il convient au contraire de s'assurer que les efforts budgétaires déployés depuis 2021, qui doivent être salués, ne soient pas annulés au cours des prochaines années.

Recommandation n° 8 : préserver les moyens actuellement consacrés aux personnels administratifs afin de ne pas annuler les efforts de convergence indemnitaire avec les personnels comparables des autres administrations de l'État (direction du budget, DGRH)


* 24 Décret n° 2012-624 du 3 mai 2012 pris en application de l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et fixant les modalités et les limites de la prime d'intéressement à la performance collective des services dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

* 25 Décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes « Réseau d'éducation prioritaire renforcé » et « Réseau d'éducation prioritaire ».

* 26 Moyenne interministérielle calculée en excluant le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse.

* 27 Audition de la DGRH.

* 28 Audition du secrétariat général.

* 29 Décret n° 2023-519 du 28 juin 2023.

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