I. II. LES RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES DU SÉNAT SONT MAJORITAIREMENT PRISES EN CONSIDÉRATION DANS LES DÉBATS EUROPÉENS
Les développements qui suivent présentent, d'un point de vue statistique et procédural, les suites données aux résolutions européennes adoptées par le Sénat, entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023.
1. Rappel sur la procédure d'adoption des propositions de résolution européenne
Par une résolution européenne, le Sénat prend position sur un texte à l'intention du Gouvernement, en lui indiquant des objectifs à poursuivre dans la négociation au sein du Conseil de l'Union européenne.
L'article 88-4 de la Constitution permet au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, de voter des résolutions sur les textes européens avant qu'ils ne soient adoptés par les institutions européennes et deviennent des directives, des règlements ou des décisions de l'Union européenne.
À cet effet, le Gouvernement doit soumettre au Sénat tous les projets d'acte de l'Union européenne, dès leur transmission au Conseil. Mais le Sénat peut également, de sa propre initiative, et depuis la révision constitutionnelle de 2008, se saisir de « tout document émanant d'une institution de l'Union », par exemple un rapport, un livre vert ou un document préparatoire.
La commission des affaires européennes est chargée d'examiner systématiquement les projets d'acte de l'Union européenne soumis au Sénat par le Gouvernement afin de déterminer ceux d'entre eux qu'il estime avoir un objet important et soulèvent d'éventuelles difficultés. Elle peut prendre l'initiative d'une résolution européenne, qui est alors renvoyée soumise à la commission compétente au fond (qui peut s'en saisir ou l'approuver tacitement), voire être examinée en séance plénière du Sénat.
LA RÉSERVE D'EXAMEN PARLEMENTAIRE Afin de garantir la possibilité de prendre en compte les résolutions des assemblées, des circulaires du Premier ministre ont mis en place une « réserve d'examen parlementaire ». Ce mécanisme assure au Sénat (comme à l'Assemblée nationale) un délai de huit semaines pour manifester sa volonté de se prononcer sur un projet d'acte législatif européen. Lorsqu'une telle volonté s'est clairement manifestée, le Gouvernement doit éviter de prendre une position définitive au Conseil et, si nécessaire, proposer un report du vote du Conseil pour que la résolution puisse être prise en compte. |
2. Quelques statistiques sur les résolutions européennes adoptées lors de la session parlementaire 2022-2023
Sur la période allant du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023, la commission des affaires européennes a traité 1077 textes européens. Parmi les textes traités, 586 (54,41 %, soit la même proportion qu'en 2021-2022) relevaient d'une procédure de levée automatique de la réserve parlementaire5(*), selon laquelle le texte est présumé adopté dans les 72 heures de son dépôt, sauf décision de la commission de les examiner. Par ailleurs, 486 textes (soit 45,58 %) se situaient en dehors de cette procédure, dont 283 textes (soit 26,6 % du total des textes et 58 % des textes non concernés par la levée de réserve) ont été soit examinés en commission, soit traités en procédure écrite.
Ces différents chiffres sont récapitulés dans le tableau ci-après :
Textes traités sur la session 2022-2023 |
10776(*) |
|
Textes déposés et traités lors de la session 2022-2023 |
1072 |
|
Procédure 72 h |
Nominations |
182 |
PESC |
370 |
|
Virements |
20 |
|
TVA |
10 |
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Fonds européen d'ajustement à la mondialisation |
4 |
|
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586 |
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|
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Levée tacite hors PESC |
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203 |
Procédures écrites/textes examinés en commission |
283 |
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486 |
Au cours de cette période, le Sénat a examiné 19 résolutions européennes, en a rejeté une et en a adopté 18 (contre 17 sur la même période l'année dernière7(*)).
La proposition de résolution européenne (PPRE) rejetée en commission des affaires européennes avait été proposée par les sénateurs communistes et était relative à la relance du processus de paix en Irlande du Nord8(*). À l'origine de la proposition, la victoire électorale du Sinn Fein (qui milite en faveur de l'indépendance et de la réunification de l'Irlande) aux élections législatives en Irlande du Nord en mai 2022 et le blocage de la formation du nouveau gouvernement par le parti unioniste (en faveur du maintien de l'Irlande du nord au sein du Royaume-Uni), contrairement aux accords du Vendredi saint d'avril 1998, qui ont ramené la paix et prévu un partage du pouvoir.
En réponse à cette situation, la proposition invitait le Gouvernement à agir au niveau européen et international afin de faire respecter les dispositions de l'accord de paix en Irlande du nord, demandait le « maintien d'une position ferme de l'Union européenne au-delà du cadre de Windsor face au blocage (...) des unionistes » et exigeait « la restauration du système de pouvoir partagé ».
Constatant que ses rapporteurs (les sénateurs Colette Mélot et Didier Marie) étaient divisés sur leur évaluation de la proposition (la première estimant que la proposition de résolution constituait une « ingérence » dans les affaires intérieures britanniques et le second prônant l'adoption d'une PPRE amendée par ses soins), la commission des affaires européennes a rejeté la proposition.
Liste des résolutions européennes adoptées par le Sénat entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023
Texte |
Rapporteur(s) de la commission |
Amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey |
Avenir de l'agence Frontex |
M. Jean-François Rapin, président |
Mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux en Iran |
M. Pascal Allizard |
Volet politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) |
M. Jean-François Rapin, président |
Programme de travail de la Commission européenne pour 2023 |
MM. Didier Marie et Jean-François Rapin, président |
Transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Russie |
MM. André Gattolin et Claude Kern |
Prévention et lutte contre les abus sexuels sur les enfants en ligne |
M. Ludovic Haye, Mme Catherine Moron-Desailly et M. André Reichardt |
Régulation européenne de l'intelligence artificielle (IA) |
M. André Gattolin, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Cyril Pellevat et Mme Elsa Schalck |
Instrument d'urgence pour le marché unique |
Mmes Amel Gacquerre et Christine Lavarde, et M. Didier Mari |
Protection de la filière pêche française et plan d'action européen pour le milieu marin |
M. Alain Cadec |
Redevances et droits dus à l'agence européenne des médicaments |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey |
Équité de l'accès aux données et de l'utilisation des données |
Mme Florence Blatrix-Contat, M. André Gattolin et Mme Catherine Morin-Desailly |
Gestion des déchets outre-mer |
Mmes Marta de Cidrac et Gisèle Jourda |
Normes Euro 7 |
Mme Pascale Gruny, M. Jean-Michel Houllegatte et M. Dominique de Legge |
Réforme du marché de l'électricité |
MM. Daniel Gremillet et Claude Kern |
Espace européen des données de santé |
Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey |
Écosystème européen pour la fabrication de produits zéro émission (« zéro net ») |
Mme Amel Gacquerre et MM. Daniel Gremillet et Didier Marie |
Approvisionnement en matières premières critiques |
Mme Amel Gacquerre et MM. Daniel Gremillet et Didier Marie |
Sur les 18 textes adoptés :
· 12 sont issus d'une proposition de résolution de la commission des affaires européennes (amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes ; programme de travail de la Commission européenne pour 2023 ; prévention et lutte contre les abus sexuels sur les enfants ; règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle ; instrument d'urgence du marché unique ; agence européenne des médicaments ; équité de l'accès aux données et de leur utilisation ; norme Euro 7 ; réforme du marché de l'électricité ; espace européen des données de santé ; technologie « zéro net » ; approvisionnement en matières premières critiques) ;
· et 6 trouvent leur origine dans l'initiative d'un ou plusieurs sénateurs :
- avenir de l'agence Frontex (proposition déposée par les présidents MM. François-Noël Buffet et Jean-François Rapin) ;
- mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux en Iran (proposition déposée par Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues) ;
- volet relatif à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) des négociations d'adhésion de l'Union européenne (UE) à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) (proposition déposée par les présidents François-Noël Buffet, Christian Cambon et Jean-François Rapin) ;
- dénonciation des transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie (proposition déposée par M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues) ;
- protection de la filière pêche française dans le cadre du « plan d'action pour le milieu marin » (proposition déposée par M. Michel Canévet et plusieurs de ses collègues) ;
- gestion des déchets Outre-mer (proposition déposée par Mmes Gisèle Jourda et Viviane Malet).
Il faut observer que sur deux sujets essentiels pour l'avenir de l'Union européenne et le respect des compétences des États membres prévues par les traités (avenir de Frontex ; éventuelle acquisition d'une compétence de la CJUE pour juger de décisions dans le domaine de la PESC, contrairement à la lettre et à l'esprit des traités européens), le choix a été fait d'un dépôt de proposition de résolutions européennes par le président de la commission des affaires européennes et son ou ses homologues des commissions permanentes concernées, afin de souligner plus solennellement la mobilisation de l'ensemble du Sénat sur ces dossiers. De surcroît, ces démarches permettent de sensibiliser un plus grand nombre de sénateurs à ces enjeux européens ;
· 6 propositions ont donné lieu à un rapport d'information de la commission des affaires européennes (avenir de l'agence Frontex ; mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux en Iran ; volet relatif à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) des négociations d'adhésion de l'Union européenne (UE) à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) ; dénonciation des transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie ; protection de la filière pêche française dans le cadre du « plan d'action pour le milieu marin » ; gestion des déchets Outre-mer) ;
· 15 ont également fait l'objet d'un avis politique que la commission des affaires européennes a adressé à la Commission européenne dans le cadre du dialogue politique (conditions de travail des travailleurs des plateformes ; avenir de Frontex ; mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux en Iran ; volet relatif à la PESC des négociations d'adhésion de l'UE à la CESDH ; dénonciation des transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie ; règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle ; instrument d'urgence du marché unique ; protection de la filière pêche française dans le cadre du « plan d'action pour le milieu marin » ; agence européenne des médicaments ; équité de l'accès aux données et de leur utilisation ; norme Euro 7 ; réforme du marché de l'électricité ; espace européen des données de santé ; technologie « zéro net » ; approvisionnement en matières premières critiques).
Sur ce point, au cours des dernières sessions, il faut constater la tendance accrue de la commission des affaires européennes à proposer sur un même sujet, à la fois une résolution européenne, pour s'adresser au Gouvernement dans ses négociations européennes, et un avis politique à la rédaction similaire, pour tenter d'influencer directement la Commission européenne, la sensibiliser plus rapidement sur des difficultés et obtenir des éclaircissements ou des justifications de sa part.
· 1 a fait l'objet d'un débat en séance publique (avenir de Frontex).
Ces résolutions illustrent l'origine variée du traitement des questions européennes au Sénat, et la volonté de ce dernier de sensibiliser simultanément le Gouvernement français et la Commission européenne à ses priorités sur les sujets européens d'importance.
3. Les suites données aux résolutions européennes du Sénat
Que fait le Gouvernement des résolutions européennes votées par le Sénat ?
Ce rapport démontre que les résolutions européennes du Sénat ont des conséquences directes sur les négociations conduisant à l'élaboration de la législation européenne, qui, du fait de l'applicabilité directe des règlements et de la transposition des directives, a des incidences évidentes sur la législation française.
Les suites données aux résolutions européennes votées par le Sénat ne sont pas encore nécessairement toutes connues à ce jour, dès lors que l'état d'avancement des négociations varie d'un dossier à l'autre.
Les résolutions du Sénat peuvent connaître des suites d'autant plus favorables qu'elles sont mises en avant, voire soutenues par le Gouvernement au cours des négociations au Conseil.
En tout état de cause, les suites données s'apprécient différemment selon le texte de la résolution elle-même qui peut porter sur un sujet plus ou moins circonscrit et sur un projet d'acte de nature législative ou non. Ainsi, certaines résolutions poursuivent un dessein plus général, par exemple lorsqu'il s'agit d'exprimer une position de principe du Sénat dans un débat public. Il est dès lors logique que l'information sur leur suivi revête une dimension moins opérationnelle.
En tout état de cause, de manière à formaliser ce suivi des positions exprimées par le Sénat sur chaque dossier, le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) établit une « fiche de suivi » pour chaque résolution adoptée par le Sénat, qu'il adresse à la commission des affaires européennes.
Pour le suivi de la session 2022-2023, trois résolutions européennes adoptées n'ont donc pas donné lieu à une fiche d'impact simplifié (FIS) mais cette absence a été justifiée. Tout d'abord, la résolution annuelle adoptée sur le programme de travail de la Commission européenne n'est pas suivie d'une FIS, car cette dernière ne pourrait être ni lisible ni concise et par conséquent, pas exploitable En effet, ce programme de travail couvre l'ensemble des politiques européennes.
Deux autres résolutions européennes étaient relatives à des enjeux diplomatiques dans des pays tiers, qui ne sont pas suivis par le SGAE mais directement par le Quai d'Orsay (résolutions européennes relatives aux droits fondamentaux en Iran et aux transferts forcés d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie).
En tout état de cause, le rapporteur, comme l'année dernière, souhaite remercier le SGAE pour la grande qualité des informations qui lui ont été transmises.
D'une façon quelque peu schématique, en fonction des informations recueillies auprès du SGAE, il est possible de classer les résolutions européennes du Sénat en trois catégories quant aux suites qu'elles ont reçues : une prise en compte complète, ou presque complète, une mise en oeuvre partielle et une absence de suites.
a) Le sort variable des résolutions européennes adoptées en 2021-2022
Plusieurs résolutions européennes du Sénat ont été adoptées lors de la session parlementaire 2021-2022 sur des réformes qui demeuraient alors en cours de discussion.
· La résolution européenne du Sénat n° 124 sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », devenue définitive le 5 avril 20229(*)
La Commission européenne avait présenté, le 11 décembre 2019, une feuille de route visant à faire de l'Europe le premier continent climatiquement neutre d'ici à 2050, « le pacte vert pour l'Europe ».
Ce dernier prévoit la transition écologique de tous les secteurs clefs de l'économie : énergie ; transports ; bâtiments ; agriculture...
Afin de décliner les principes de ce pacte en mesures effectives, la Commission européenne a présenté plusieurs initiatives législatives, au premier rang desquelles la loi européenne sur le climat, le 4 mars 2020, qui a fait une obligation légale de la réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % en 2030 et le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », le 14 juillet 2021, qui définit le cadre juridique d'ensemble pour la transition écologique.
L'objet du présent commentaire n'est pas de revenir sur le détail des principales mesures de ce paquet et sur leur conformité à la résolution européenne du Sénat, ces points ayant déjà été examinés dans le rapport d'information du Sénat relatif au suivi des résolutions européennes adoptées au cours de la session 2021-202210(*).
Toutefois, par exception, la proposition de directive formalisant les objectifs de l'Union européenne en matière d'énergies renouvelables n`avait alors pas été adoptée définitivement.
C'est chose faite, depuis le 30 mars dernier, date à laquelle Conseil et Parlement sont parvenus à un accord en trilogue : cet accord prévoit que la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique globale de l'Union européenne devrait passer à 42,5 % en 2030 avec un objectif indicatif supplémentaire pour atteindre 45 %.
Or, avant même cette décision, la France, qui n'avait pas atteint les objectifs européens prévus dans ce domaine (à savoir une part de 23 % d'énergies renouvelables dans sa consommation énergétique à échéance 2020) négociait déjà avec la Commission européenne pour éviter des pénalités. En octobre 2023, le Gouvernement a publiquement affirmé que l'objectif 2020 ne tenait pas compte du caractère très décarboné du mix électrique français. Puis, en novembre, les autorités françaises ont présenté leur « plan énergie-climat », qui ne fait aucune référence aux objectifs chiffrés européens adoptés pour 2030, préférant mettre en avant un objectif d'énergie décarbonée, intégrant renouvelables et nucléaire.
En réponse à cette annonce, la commissaire européenne à l'énergie, Mme Kadri Simson, a demandé à la France de rehausser ses objectifs en matière d'énergies renouvelables à « au moins 44 % » d'ici 2030, la menaçant, à défaut, de prendre d'autres « mesures au niveau de l'Union européenne » pour y remédier. Les tensions sont réelles.
La position prise par le Gouvernement est cependant conforme aux priorités exprimées par le Sénat dans sa résolution précitée. Cette dernière avait apporté un soutien de principe aux objectifs généraux du paquet mais avait simultanément rappelé que « les États membres (déterminaient) souverainement la structure générale de leur approvisionnement énergétique ». Cette « ligne rouge » avait été ensuite rappelée avec force dans l'avis motivé n°111 adopté par le Sénat le 22 mai 2023 sur la proposition de règlement (COM(2023) 147 final) visant à améliorer la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie (commenté en partie IV du présent rapport).
La résolution du Sénat avait aussi :
- estimé que « les États membres dont la production d'électricité est déjà largement décarbonée (devaient) pouvoir s'appuyer sur cette stratégie pour valoriser leur engagement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et qu'il ne (pouvait) leur être imposé d'objectifs de diversification inadaptés à la structure même de leur système énergétique » ;
- appelé en outre « à garantir une complète neutralité technologique entre les procédés, les technologies ou les projets de recherche et d'innovation concourant de manière équivalente à cette décarbonation de l'économie ».
· La résolution européenne du Sénat n° 143 relative à la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, devenue définitive le 1er août 2022
Présentée le 23 février 2022, la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité11(*) vise à imposer aux sociétés concernées de mettre en oeuvre des processus visant à prévenir, atténuer ou supprimer les incidences négatives de leurs activités et de celles de leur « chaîne de valeur » sur les droits de l'Homme et sur l'environnement. La réforme concerne les entreprises établies dans l'Union européenne (définies selon des critères fondées sur le secteur d'activité, le nombre de salariés et le chiffre d'affaires mondial12(*)) et prévoyait à titre principal : un cadre juridique permettant d'engager la responsabilité civile des entreprises en cas de dommage causé par un manquement à leur obligation de vigilance (y compris par leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants) ; la mise en oeuvre, par chaque entreprise visée, d'un plan pour assurer la compatibilité de ses modèles et stratégies avec la transition écologique.
La résolution du Sénat, rapportée par la sénatrice Mme Christine Lavarde et par les sénateurs MM. Jacques Fernique et Didier Marie, avait approuvé le principe d'une telle initiative législative européenne tout en demandant « de tenir compte des capacités inégales des entreprises ». Elle demandait aussi une clause de révision qui pourrait permettre de prendre en considération les données consolidées des entreprises pour modifier les seuils déterminant les obligations, une définition plus rigoureuse des « activités à fort impact sur les droits de l'Homme et l'environnement», la substitution de la notion de « chaîne d'activités » à celle de « chaîne de valeur », dont les ambiguïtés avaient été soulignées par le Sénat ou encore le choix d'une entrée en vigueur « rapprochée mais progressive » (application aux entreprises de plus de 1.000 salariés réalisant plus de 300 millions d'euros de chiffre d'affaires net mondial et aux entreprises étrangères réalisant un tel chiffre d'affaires pendant les trois ans suivant l'entrée en vigueur de la réforme).
Un compromis reprenant ces éléments avait été trouvé entre le Conseil et le Parlement européen, le 14 décembre 2023. Il rendait la réforme applicable aux entreprises employant plus de 500 salariés et réalisant - au niveau mondial - un chiffre d'affaires net de plus de 150 millions d'euros (les services financiers étant temporairement exclus des nouvelles obligations), précisait la nature des incidences environnementales couvertes par la réforme13(*) ainsi que l'obligation de moyens s'imposant aux entreprises précitées (nécessité d'adopter un plan de transition en matière d'atténuation du changement climatique ; respect du devoir de vigilance posé comme critère d'attribution de marchés publics). Elle confortait aussi leur responsabilité civile et prévoyait des amendes en cas de manquement (d'un montant maximal égal à 5 % du chiffre d'affaires net mondial de l'entreprise concernée).
Cependant, malgré l'adoption de ce compromis, l'opposition contre le texte est demeurée forte, non seulement de la part de certains États membres (Allemagne ; Autriche ; Italie) mais aussi des députés européens des groupes du parti populaire européen (PPE), des Conservateurs et Réformistes européens (CRE) et Identité et Démocratie (ID). Le principal point de friction portait sur les obligations imposées par la réforme aux petites et moyennes entreprises (PME). Et, au cours du mois de février 2024, les représentants permanents des 27 États membres ont échoué par deux fois à adopter définitivement cet accord au Conseil.
La présidence belge du Conseil a alors travaillé à un nouvel accord. Ce dernier, entériné le 15 mars dernier par le Conseil, restreint le nombre d'entreprises concernées et prévoit une entrée en vigueur progressive des nouvelles obligations pour n'appliquer la réforme qu'aux plus grandes d'entre elles14(*), comme le recommandait le Sénat. Il fait aussi disparaître la notion de « secteurs à haut risque » et maintient l'exclusion du secteur financier de la réforme. Malgré cela, neuf États membres, dont l'Allemagne, se sont abstenus lors du vote. Le Parlement européen devrait à son tour entériner cet accord.
· La résolution européenne n° 150 relative à la préservation des filières du patrimoine, notamment celles du vitrail, de la facture d'orgue, de la restauration et de la conservation des monuments et bâtiments historiques, des objets et oeuvres d'art et des biens culturels, menacées par l'interdiction du plomb ou la procédure d'autorisation telles qu'envisagées par la révision du règlement « REACH »15(*) :
Déposée par la sénatrice Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues, la proposition de résolution a ensuite été adoptée avec modifications par la commission des affaires européennes du Sénat, sur le rapport des sénateurs Mme Catherine Morin-Desailly et M. Louis-Jean de Nicolaÿ, le 21 juillet 2022. Elle est devenue résolution du Sénat, le 26 août 2022.
Dans le cadre des réflexions préparatoires à la révision du règlement « REACH » précitées, les filières artisanales et industrielles du patrimoine avaient informé les sénateurs d'une possible interdiction du plomb s'il était inscrit dans la liste des substances soumises à autorisation au titre de l'annexe XIV du règlement (substances soumises à autorisation).
La résolution avait rappelé l'importance du patrimoine architectural, religieux ou civil, en Europe dont l'entretien et la préservation sont dépendants de l'usage du plomb (vitraux ; orgues ; couvertures ; parements ; ornements ; revêtements...), « irremplaçable » à ce jour. Elle avait également constaté le dynamisme des filières du patrimoine et souligné leurs « efforts exemplaires » pour protéger, « notamment grâce aux équipements de protection individuelle et grâce à des mesures de prévention collective », les « artisans, intervenants et travailleurs en contact avec le plomb. » Constatant l'absence de données épidémiologiques fiables sur ce dossier, elle avait demandé la réalisation d'études scientifiques pour y remédier.
Elle avait ensuite souligné que l'interdiction du plomb ou la subordination de son usage à la procédure d'autorisation prévue à l'annexe XIV du règlement menaçait directement ces filières et aurait pour conséquence de « délocaliser les savoir-faire » vers des pays tiers, regrettant l'association insuffisante des professionnels concernés aux réflexions de la Commission européenne.
Elle avait enfin appelé les filières françaises à conjuguer leurs efforts avec celles de leurs homologues des autres États membres afin de pouvoir concilier « la nécessaire protection des citoyens européens contre les effets nocifs de certaines substances toxiques » avec « la préservation du patrimoine culturel français et européen ».
Dans ce contexte, le processus d'instruction devant mener à la présentation éventuelle, fin 2023, d'une proposition de modification du règlement « REACH » par la Commission européenne pour inscrire le plomb comme substance soumise à autorisation, a été « gelé ». Le règlement « REACH » dans son ensemble a été soumis à une nouvelle évaluation dans le cadre de la procédure dite REFIT. Cela ne signifie pas pour autant que le dossier est clos.
En effet, plusieurs enjeux sanitaires pourraient inciter la Commission européenne à tenter de nouveau de réviser le règlement « REACH » (en particulier pour mieux prendre en compte les effets nocifs des substances polyfluoroalkylées (ou PFAS)).
D'ailleurs, l'Assemblée nationale a récemment demandé l'ouverture de nouvelles négociations sur la révision de « REACH », sans que sa demande fasse référence aux spécificités des filières du patrimoine16(*).
Et, simultanément, le 14 novembre 2023, l'Union européenne a modifié à la baisse les valeurs limites biologiques (VLB) et d'exposition professionnelle (VLEP) pour le plomb applicables aux travailleurs qui y sont exposés, afin de mieux protéger leur santé17(*).
*
b) Concernant les résolutions adoptées en 2022-2023, le Sénat a été totalement ou très largement suivi dans plus de 61 % des cas
Sur les dix-huit résolutions européennes adoptées en 2022-2023 qui font l'objet du présent rapport, onze, soit environ 61,1 %, ont été prises totalement ou très largement en compte au cours des négociations, voire dans le texte européen définitif.
b1) La résolution européenne du Sénat n° 335 sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2023, devenue définitive le 13 mars 2023
Cette résolution, présentée par les sénateurs MM. Jean-François Rapin et Didier Marie, est un exercice annuel par lequel le Sénat fait connaître au Gouvernement sa vision des priorités européennes pour l'année à venir sur la base de ses observations relatives au programme de travail de la Commission européenne. Elle a été doublée d'un avis politique directement transmis à la Commission européenne, qui lui a répondu le 26 mai 2023. Le détail de ces textes, qui s'adressent à titre principal à la Commission européenne, sont commentés infra dans le bilan des avis politiques adoptés par le Sénat (partie III). Si le suivi des recommandations relatives aux méthodes de travail est largement perfectible, celui de ses observations émises sur le contenu du programme de travail apparaît satisfaisant.
b2) La résolution européenne condamnant les transferts massifs forcés d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie
La résolution européenne du Sénat n° 95 résulte de l'initiative de M. André Gattolin, alors sénateur et membre de la commission des affaires européennes du Sénat, et de plusieurs de ses collègues. Adoptée par la commission des affaires européennes sur le rapport des sénateurs MM. André Gattolin et Claude Kern le 9 mars 2023, elle est devenue définitive le 17 avril 2023.
Son objet est simple : répondre aux alertes lancées par plusieurs ONG18(*) et par l'université de Yale19(*) qui dénonçaient l'enlèvement, le transfert, la naturalisation, le changement de nom et de filiation forcés de nombreux enfants ukrainiens par les forces russes, dans le cadre de la tentative d'invasion de l'Ukraine menée par elles depuis le 24 février 2022.
La résolution a condamné « le processus d'assimilation forcée et accélérée mis en oeuvre par les autorités russes à l'égard de ces enfants » et a demandé à la Russie de respecter le droit international.
Constatant que ces enlèvements étaient assimilables à des crimes de guerre, elle a demandé à la France et à l'Union européenne de mener des actions diplomatiques en faveur de ces enfants ukrainiens, de veiller à la mise en oeuvre des mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) sur le territoire des États membres et de renforcer leur soutien (humain, financier...) à cette cour, afin qu'elle puisse identifier les responsables de ces crimes et les poursuivre. Elle leur a aussi recommandé d'appuyer l'action de l'agence européenne de coopération judiciaire (Eurojust) pour documenter et recenser les cas de transferts forcés.
Enfin, elle a appelé les autorités françaises et la Commission européenne à soutenir les efforts des institutions et associations ukrainiennes pour accompagner médicalement, psychologiquement et socialement les enfants victimes.
Malheureusement, les autorités russes poursuivent aujourd'hui cette politique de transferts forcés, de détention et « d'effacement » des enfants ukrainiens.
Mais comme souhaité par la résolution du Sénat, la mobilisation en faveur de ces enfants et de leur retour dans leurs familles est générale.
La Commission européenne, dans un courrier en date du 12 juillet 2023, a d'ailleurs remercié le Sénat pour sa prise de position et a confirmé qu'elle condamnait aussi vigoureusement « les transferts forcés d'enfants ukrainiens perpétrés par la Fédération de Russie. »
Rappelons que :
· le Conseil européen, dans ses conclusions des 26-27 octobre et 14-15 décembre 2023, a souligné la responsabilité totale de la Russie dans la guerre d'agression contre l'Ukraine et dans les crimes internationaux qui en résultent ;
· le Conseil de l'Union européenne a adopté à l'unanimité, le 19 décembre 2023, un douzième « train » de sanctions à l'encontre de 140 personnes physiques et morales du fait de leur action dans la stratégie d'agression russe. Depuis juillet 2022, l'Union européenne a décidé de sanctionner 16 personnes pour leur responsabilité dans la « rééducation » forcée d'enfants ukrainiens, dont Mme Maria Lvova-Belova, commissaire russe chargée des « droits de l'enfant » ;
· l'Union européenne apporte un soutien aux activités de lutte contre l'impunité et son assistance au fonctionnement du bureau du procureur général ukrainien ;
· de nombreuses enquêtes pénales ont été ouvertes sur des crimes commis en Ukraine, et une équipe commune d'enquête (ECE) a été constituée le 25 mars 2022 sous l'égide d'Eurojust20(*). En outre, le 23 février 2023, Eurojust a mis en place la base de données centrale sur les preuves de crimes de guerre et aux infractions pénales connexes (CICED), instrument essentiel pour rassembler, analyser et recouper les éléments de preuve. Enfin, le travail de l'ECE est appuyé par la mise en place d'un centre international pour la poursuite du crime d'agression contre l'Ukraine (ICPA).
Dans ce cadre, la France soutient l'action d'Eurojust et a mis une équipe au service de la CPI, dont elle est le troisième contributeur net au budget21(*). En outre, le pôle « crimes contre l'Humanité » du parquet national antiterroriste (PNAT) a développé des contacts avec la société civile ukrainienne. Enfin, la France a fait une offre de coopération aux autorités ukrainiennes pour la prise en charge des enfants orphelins22(*).
b3) Les résolutions relatives aux droits des travailleurs des plateformes et à la protection de la pêche française
· La résolution européenne n° 17 relative à l'amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes
Adoptée par la commission des affaires européennes du Sénat, le 5 octobre 2022 sur le rapport des sénatrices Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey, elle est devenue définitive le 14 novembre 2022.
Présentée le 9 décembre 2021 par la Commission européenne qui constatait le développement des plateformes numériques et du nombre de personnes travaillant par leur intermédiaire, la proposition de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme23(*) a prévu, à titre principal, d'assurer à ces travailleurs « un statut professionnel correct » et un certain nombre de droits24(*), d'instituer une présomption légale de relation de travail entre une plateforme25(*) et un travailleur (présomption légale de salariat) dès lors qu'il est prouvé que la plateforme contrôle le travail de ce dernier26(*), et d'instaurer une possibilité de renverser cette présomption, et, enfin, d'encadrer l'utilisation des systèmes automatisés (algorithmes) mis en place par les plateformes pour attribuer des tâches aux travailleurs et les surveiller.
La résolution européenne du Sénat a approuvé le principe d'un encadrement européen du travail des plateformes, tant pour rééquilibrer le rapport de force entre travailleurs et plateformes que pour assurer une concurrence équitable entre ces dernières et les entreprises traditionnelles, ainsi que l'instauration d'une présomption légale de salariat, tout en demandant d'en préciser les critères et en autorisant explicitement les États membres à ne pas l'appliquer s'ils ne le souhaitent pas. Elle a préconisé une transparence et une surveillance accrue de la gestion des algorithmes utilisés par les plateformes pour contrôler le travail, demandé l'ajout d'un dispositif permettant une vérification fiable de l'identité des travailleurs et souhaité que la réforme n'impose pas de contraintes trop lourdes aux petites et moyennes entreprises (PME).
Cependant, la réforme a divisé les États membres (les autorités françaises affichant dès le début des négociations, une réelle hostilité à la présomption légale de salariat) et le Parlement européen (qui souhaitait étendre le champ des plateformes concernées par la réforme ainsi que les critères qualificatifs de la présomption de salariat, et interdire la prise de décision sur le travail des personnes par simple système automatisé).
Le 13 décembre 2023, un compromis difficile a néanmoins été trouvé en trilogue, sur la base des règles initialement fixées pour la présomption légale de salariat, d'une interdiction, pour les plateformes, de traiter un certain nombre de données personnelles (conversations privées ; opinions politiques ; activité syndicale...), et du principe d'une supervision humaine des algorithmes.
Par la suite, le texte a cependant été rejeté au Conseil, le 22 décembre 2023, sous l'impulsion de plusieurs États membres, dont la France, qui justifiait son refus par le risque de « requalifications massives » de travailleurs indépendants en salariés. Une version du texte « édulcorée » a alors été présentée par la présidence belge du Conseil, supprimant les critères européens de présomption légale de salariat au profit d'une compétence des États membres, chargés de déterminer eux-mêmes les faits caractérisant le contrôle et la direction sur lesquels repose le déclenchement de la présomption.
Ce texte a finalement été adopté sans modification, lors d'une réunion des ministres du travail (le 11 mars dernier) par surprise, en raison des votes favorables de l'Estonie et de la Grèce, jusqu'alors opposées à la réforme. Le Gouvernement allemand, divisé sur ce dossier, et le Gouvernement français, sont demeurés isolés et n'ont pas été suivis.
Ce compromis final répond en revanche aux souhaits du Sénat, puisqu'il introduit la présomption de salariat mais laisse aux États membres la latitude pour la qualifier.
· La résolution européenne du Sénat n° 125 relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « plan d'action de l'Union européenne : protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente » (COM (2023) 102 final) présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne
Le paquet pour une « pêche durable » de la Commission européenne, composé de quatre documents27(*) dont le plan d'action précité, avait un double objectif : accélérer la transition des activités de pêche dans l'Union européenne vers des pratiques durables et faciliter l'articulation de la mise en oeuvre de la politique commune de la pêche (PCP) et des politiques environnementales européennes.
Pour atteindre cet objectif, le plan d'action présenté proposait plusieurs mesures, en particulier l'interdiction des engins de fond dans les sites Natura 200028(*) de la directive « Habitats faune flore » d'ici à mars 2024 et dans toutes les aires marines protégées (AMP) d'ici à 2030.
En effet, selon les associations de défense de l'environnement consultées par la Commission européenne, l'ensemble des engins de pêche de fond mobile (dragues ; chaluts ; sennes de fond) détruisent les écosystèmes marins, fragilisent les espèces de poissons qui s'y abritent et s'y reproduisent, favorisent les prises accidentelles et sont associées à une empreinte carbone élevée.
Pour rappel, la stratégie Natura 2000 de l'Union européenne visait la création de zones protégées représentant 30 % de la superficie marine des États membres de l'Union européenne, dont 10 % strictement protégées. Cependant, si des aires marines protégées existent, force est de constater qu'il en existe de toutes sortes et que, dans nombre d'entre elles, les activités humaines comme la pêche et l'aquaculture y sont autorisées. La France compte 565 aires marines protégées qui assurent une protection à 33 % des eaux françaises.
Alors qu'elle avait toujours prôné une approche adaptée aux enjeux propres à chaque territoire, la Commission européenne a, en l'espèce, voulu afficher l'interdiction de la pêche de fond mobile en tant que principe général.
Certes, le plan d'action concerné n'avait pas de valeur normative. Mais la présentation de tels documents par la Commission européenne constitue toujours une étape préalable à l'élaboration d'un cadre réglementaire européen.
Voilà pourquoi les lacunes dans la concertation préalable à l'annonce de cette mesure et l'absence d'analyse d'impact pour démontrer la pertinence de cette interdiction dans les aires marines protégées ont suscité de vives réactions des pêcheurs et des élus locaux des zones littorales. Elles ont conduit le sénateur M. Michel Canévet et plusieurs de ses collègues à déposer une proposition de résolution européenne (le 2 mai 2023), qui a été ensuite été examinée par la commission des affaires européennes (24 mai 2023), et par la commission des affaires économiques (le 31 mai 2023) sur le rapport du sénateur M. Alain Cadec, et qui est devenue définitive, le 6 juin 2023.
Cette résolution européenne a regretté l'absence de concertation et la préparation insuffisante de ce plan d'action, constaté que ce dernier risquait de ruiner les efforts conjoints de l'État, des collectivités territoriales, des pêcheurs et des chercheurs pour reconstituer les stocks halieutiques et garantir une pêche durable et aurait pour conséquence directe la disparition d'un tiers de la flotte française d'ici à 2030, privant ainsi d'emplois plus de 4 350 marins-pêcheurs embarqués sur 1 200 navires, représentant 36 % des volumes embarqués.
Elle a en conséquence marqué l'opposition du Sénat à une interdiction générale de la pêche de fond mobile s'appliquant de manière uniforme dans toutes les zones Natura 2000 dès 2024, et dans l'ensemble des zones marines protégées à compter de 2030, et appelé à poursuivre et à approfondir les travaux scientifiques destinés à identifier les zones abritant des écosystèmes marins vulnérables.
En cohérence avec cette position forte du Sénat, le Gouvernement s'est opposé à une interdiction générale des engins traînants de fond29(*), tout comme onze autres États membres (Espagne ; Portugal ; Danemark ; Allemagne ; Irlande ; Grèce ; Slovénie ; Croatie ; Italie ; Bulgarie ; Lettonie) au sein du Conseil. Au Parlement européen, la majorité des membres de la commission PECH, en particulier les députés français Pierre Karleskind (président ; Renew) et François-Xavier Bellamy (PPE), ont également critiqué ce plan d'action.
Cette cohérence est d'autant plus importante pour l'avenir que, comme le rappelle la résolution du Sénat, « au cours du premier semestre 2024, dans le cadre de l'examen à mi-parcours de la stratégie en faveur de la biodiversité, la Commission [européenne] entend examiner si de nouvelles mesures ou législations sont nécessaires pour améliorer la mise en oeuvre de cette dernière. »
b4) Les résolutions relatives à l'énergie et aux transports (marché de l'électricité ; normes « Euro 7 »)
· La résolution européenne du Sénat n° 141 relative aux propositions de règlement portant réforme du marché de l'électricité de l'Union européenne
Afin de tenter d'endiguer l'augmentation forte des prix de l'électricité résultant de la reprise économique « post covid-19 » dans l'Union européenne, du déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie en février 2022 et des indisponibilités des parcs électriques nucléaires et renouvelables30(*), la Commission européenne a présenté plusieurs mesures, en particulier une réorganisation du marché européen de l'électricité.
Ainsi, le 8 mars31(*) puis le 18 avril 202232(*), dans plusieurs communications, elle avait considéré que le marché européen de l'électricité demeurait globalement pertinent mais que des adaptations de son organisation étaient nécessaires.
Elle avait aussi présenté plusieurs actions pour répondre à la hausse des prix : intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie33(*) ; modification des règles européennes pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables34(*) ; établissement d'un mécanisme de correction du marché35(*).
Dans ce contexte, le 14 mars 2023, la Commission européenne a présenté un paquet de textes rassemblant une proposition de modification des règlements en vigueur afin d'améliorer l'organisation du marché européen36(*), une proposition de directive devant assurer la protection de l'Union européenne contre la manipulation du marché de gros de l'énergie37(*) - qui a fait l'objet d'un avis motivé du Sénat au titre du contrôle de subsidiarité (voir en partie IV), ainsi qu'une recommandation et un document de travail sur le stockage de l'énergie.
Si l'on résume les intentions de la Commission européenne, cette réforme tend à remplir trois objectifs : la réduction de la dépendance du prix de l'électricité dans les États membres de l'Union européenne à l'égard des énergies fossiles (en particulier, le gaz russe), une meilleure protection des consommateurs et une stabilité accrue pour les entreprises, et un accès facilité aux énergies renouvelables et bas carbone.
La proposition de résolution européenne, issue des travaux de la commission des affaires européennes du Sénat, sur le rapport des sénateurs MM. Daniel Gremillet et Claude Kern (le 1er juin 2023), a ensuite a été examinée par sa commission des affaires économiques (qui l'a examinée le 7 juin 2023 sur le rapport de Daniel Gremillet) et est devenue définitive le 19 juin 2023. À titre principal, elle :
- a souhaité garantir aux consommateurs une protection contre la volatilité des prix des énergies, contribuer à renforcer la compétitivité de l'économie européenne face à la concurrence internationale et concourir à la transition énergétique en préservant la neutralité technologique entre les différentes sources d'énergie décarbonées ;
- a exigé la préservation de la compétence des États membres dans la définition de leur bouquet énergétique ;
- a soutenu le développement d'un marché de long terme fondé sur des accords d'achat d'électricité (AAE) et des contrats d'écart compensatoires bidirectionnels, qui doivent structurer les investissements publics en faveur de la production d'électricité bas carbone, tout en demandant que ces instruments soient définis par les États membres et qu'ils soient également applicables à la production d'électricité à partir d'énergie nucléaire ;
- a appuyé la volonté de la Commission européenne d'assurer une large palette d'offres de fourniture d'électricité et de mieux protéger les ménages les plus vulnérables, mais estimé nécessaire de promouvoir les contrats les plus protecteurs des consommateurs, de rendre optionnels les contrats à tarification dynamique et de conférer aux seuls États membres le soin de qualifier une situation énergétique de crise ;
- a souhaité le maintien des compétences des autorités nationales de régulation, y compris leurs pouvoirs d'enquête et de sanction, et considéré que les nouveaux pouvoirs d'observations et de recommandations prévues pour l'agence européenne de coopération des régulateurs d'énergie (ACER) ne devaient pas avoir un caractère contraignant.
En pratique, les accords trouvés par les négociateurs européens en trilogue, sur la proposition de directive « marché de gros » (le 16 novembre 2023) et sur la proposition de règlement relative à l'organisation du marché de l'électricité (le 14 décembre 2023), répondent aux attentes du Sénat, en particulier sur l'insertion de l'énergie nucléaire parmi les énergies bas-carbone visées, sur la protection des ménages vulnérables ou encore sur la procédure de constat d'une crise énergétique (qui serait le fait du Conseil et non de la Commission). A contrario, le compromis trouvé confère de larges pouvoirs à l'ACER (enquêtes sur des incidents transfrontières ; astreinte...), contrairement à ce que souhaitait le Sénat, mais donne aux autorités de régulation nationales la faculté de s'opposer à leur mise en oeuvre, au cas par cas.
· La résolution européenne n° 149 sur l'adoption de nouvelles normes d'émission des véhicules Euro 7
Le transport routier constitue encore l'une des principales sources de pollution de l'air, en particulier dans les espaces urbains. En 2018, il était ainsi responsable de 39 % des émissions nocives d'oxydes d'azote (Nox). En zone urbaine, ce taux montait à 47 %. Les véhicules routiers génèrent aussi 56 % des émissions de particules fines dans Paris.
Le 10 novembre 2022, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement relatif aux émissions et à la durabilité des batteries de certains types de véhicules (COM(2022) 586 final) afin de renforcer les exigences réglementaires européennes relatives aux plafonds d'émissions de polluants atmosphériques, dites « normes Euro », applicables, d'une part aux véhicules particuliers et utilitaires légers (normes Euro 638(*)) et, d'autre part, aux véhicules utilitaires lourds (camions et bus ; normes Euro VI39(*)).
Concrètement, la proposition de règlement s'inscrit dans le cadre du « Pacte vert pour l'Europe » qui engage l'Europe à devenir le premier continent neutre sur le plan climatique à échéance 2050. Dans cette perspective, l'Union avait déjà acté difficilement la fin de la mise sur le marché européen des véhicules légers neufs à moteur thermique en 203540(*). La réforme proposée prévoit, quant à elle, le remplacement des normes en vigueur Euro 6 et Euro VI par des normes Euro 7 plus strictes, au 1er juillet 2025 pour les véhicules particuliers et les utilitaires légers, et au 1er juillet 2027 pour les camions et les bus.
L'objectif affiché de la Commission européenne est de réduire en 2035 les émissions totales d'oxydes d'azote (N0x) des voitures et des camionnettes de 35 % par rapport à Euro 6 et de 56 % par rapport à Euro VI pour les camions et les bus.
La proposition vise aussi à réglementer les émissions provenant des freins et des pneumatiques, à allonger la période au cours de laquelle les véhicules devront se conformer aux normes fixées et à soutenir le déploiement des véhicules électriques par la réglementation de la composition des batteries.
Adoptée en commission des affaires européennes le 24 mai 2023 sur le rapport des sénateurs Mme Pascale Gruny, MM. Jean-Michel Houllegatte et Dominique de Legge, et devenue définitive le 30 juin 2023, la résolution européenne du Sénat :
- a exprimé le scepticisme de la Haute assemblée sur la nécessité de nouvelles normes d'émission dont certaines nécessiteraient des développements importants sur les moteurs thermiques tout en ne s'appliquant que de manière transitoire (du fait de la fin de la production des véhicules légers neufs à moteur thermique en 2035), et en n'apportant que des économies d'émissions polluantes limitées ;
- a soulevé plusieurs incohérences dans l'analyse faite par la Commission européenne pour évaluer l'impact de sa réforme (ex : sous-estimation des investissements nécessaires et du renchérissement du coût des véhicules pour les ménages les plus modestes) ;
- a demandé la compatibilité des normes de décarbonation des véhicules routiers avec la préservation d'une industrie automobile européenne alors que certains pays tiers ont pris de l'avance dans l'offre de véhicules électriques à des prix compétitifs ;
- a souhaité le maintien des seuils d'émission en vigueur pour les véhicules particuliers, les utilitaires légers et les bus ;
- a soutenu l'adoption de nouvelles exigences européennes en matière d'émissions de polluants liées à l'usure des plaquettes de frein et à l'abrasion des pneus pour l'ensemble des véhicules ;
- a recommandé que les tests d'émission soient effectués sur la base d'une méthodologie reposant sur une utilisation standard des véhicules ;
- a demandé le report du calendrier de mise en oeuvre de la réforme, afin de tenir compte des délais nécessaires à l'adaptation de l'industrie automobile et des autorités d'homologation.
Après plusieurs mois de discussion, Conseil et Parlement européen ont trouvé un compromis en trilogue, les 14 et 18 décembre 2023.
Ce compromis a repris les préconisations du Sénat, en particulier sur le maintien des normes d'émission actuelles pour les véhicules particuliers, sur l'adoption de règles relatives aux émissions liées à l'usage des freins et des pneus, sur l'organisation des tests en conditions de conduite réelles et sur l'octroi de délais supplémentaires (six mois) pour la mise en oeuvre de la réforme.
b5) Les résolutions européennes relatives au fonctionnement du marché intérieur et à la politique industrielle
· La résolution européenne n°101 sur l'instrument du marché unique pour les situations d'urgence
Tirant les conséquences des vulnérabilités du marché intérieur constatées à l'occasion de la pandémie de covid-19 et depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie, la Commission européenne a présenté un ensemble de textes destinés à lui permettre de fonctionner en cas de crise, le 19 septembre 2022.
Dans cet ensemble, la proposition de règlement COM(2022) 459 final a pour objet d'établir un instrument pour les situations d'urgence. Ce dernier doit comprendre :
- un groupe consultatif chargé de conseiller la Commission européenne sur les mesures à prendre en cas de crise ;
- un cadre réglementaire pour la planification des mesures d'urgence (établissement de protocoles de crise et de règles de communication en cas de crise ; système d'alerte rapide signalant tout évènement perturbant significativement le marché unique et ses chaînes d'approvisionnement) ;
- un dispositif applicable aux situations d'alerte (surveillance des chaînes d'approvisionnement et constitution de réserves stratégiques par les États membres ; acquisition de biens et services stratégiques par la Commission européenne pour le compte des États membres ou par ces derniers) ;
- des règles destinées à répondre aux situations d'urgence (notification obligatoire de toute mesure concernant des biens et services stratégiques ou nécessaires en cas de crise et restreignant la liberté de circulation ; interdiction de certaines restrictions d'exportation ; passation de marchés publics pour l'acquisition de biens nécessaires ; réaffectation des capacités de production ; distribution ciblée et coordonnée de réserves stratégiques ; commandes prioritaires aux opérateurs économiques).
Dans sa résolution européenne, adoptée en commission des affaires européennes le 29 mars 2023, sur le rapport des sénateurs Mmes Amel Gacquerre, Christine Lavarde et M. Didier Marie, et devenue définitive le 9 mai 2023, le Sénat a soutenu la création de cet instrument.
Après plusieurs mois de négociation, la proposition de règlement a fait l'objet d'un accord du Parlement européen et du Conseil en trilogue, le 1er février 2024, approuvé au Conseil le 16 février 2024 et par la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen (IMCO), le 22 février dernier.
Le compromis a requalifié « l'instrument d'urgence pour le marché unique » en notion -malheureusement moins explicite- de « règlement sur les situations d'urgence et la résilience du marché intérieur ».
L'accord final a retenu la plupart des recommandations du Sénat en :
- précisant certaines définitions clefs41(*), afin de renforcer la sécurité juridique de l'instrument ;
- confortant l'architecture à trois niveaux de l'instrument, afin d'assurer une réponse graduée aux menaces de crises et aux crises (planification ; mode d'alerte ; mode d'urgence) ;
- adoptant une architecture de gouvernance respectueuse de l'équilibre des institutions européennes (statut d'observateur accordé au Parlement européen) et pragmatique (invitation de toutes les parties prenantes, dont les partenaires sociaux et les représentants des régions ultrapériphériques lorsque cela est nécessaire) ;
- veillant à ne pas imposer des obligations disproportionnées aux opérateurs économiques, en particulier aux petites et moyennes entreprises (PME) ;
- instituant une évaluation de la mise en oeuvre de l'instrument dans les quatre mois suivant sa désactivation.
Seule la demande tendant à préserver l'autonomie des États membres dans le déclenchement, la prolongation et la clôture des modes « alerte » et « urgence » n'a pas été reprise « à la lettre ». Mais les autorités françaises ont veillé à introduire une clause permettant de sauvegarder les intérêts essentiels de sécurité et de défense nationale.
· La résolution européenne du Sénat n°169 sur la proposition de règlement relatif à l'établissement d'un cadre de mesures en vue de renforcer l'écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net » (COM(2023) 161 final)
Prévue par le « plan industriel du pacte vert pour l'ère du zéro émission nette », proposé par la Commission européenne en février 2023, et présentée par cette dernière le 16 mars 2023, en même temps que la proposition de règlement citée ci-après établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable de l'Union européenne en matières premières critiques, cette proposition prévoit :
- de faciliter les investissements dans la conception et la production de technologies « zéro net »42(*) dans l'Union européenne, en rationalisant les processus administratifs et la délivrance des autorisations pour les projets stratégiques « zéro net » et de coordonner le développement des capacités d'injection de CO2 sur le territoire des États membres ;
- d'ouvrir aux technologies « zéro net » un accès aux marchés publics, de renforcer les compétences dans ces technologies et de promouvoir la création, par les États membres, de « bacs à sable réglementaires »43(*) pour appuyer l'innovation ;
- de créer une plateforme « Europe zéro net », afin de permettre à la Commission européenne de coordonner ces différentes actions conjointement avec les États membres, de partager les connaissances et de mettre en place un suivi renforcé afin d'anticiper d'éventuelles pénuries.
La résolution européenne du Sénat, adoptée par la commission des affaires européennes, le 13 juillet 2023, sur le rapport des sénateurs Mme Amel Gacquerre, et MM. Daniel Gremillet et Didier Marie, est devenue définitive le 25 août 2023. Elle a, à titre principal :
- soutenu le principe de la démarche de consolidation des technologies « zéro net » mais déploré l'absence d'étude d'impact et l'absence de nouveau financement dédié, tout en constatant que les outils existants pouvaient être mobilisés et qu'une plateforme européenne des technologies stratégiques (STEP) venait d'être mise en place pour soutenir les États membres ;
- souhaité que la cible incitative prévoyant que l'Union européenne produise au moins 40 % de ses besoins en technologies « zéro net » en 2030 concerne l'ensemble de la chaîne de valeur (amont et aval) de ces technologies ;
- demandé l'ajout, d'une part, de « technologies prometteuses » (hydrogène bas-carbone ; hydroélectricité ; carburants alternatifs durables...) et, d'autre part, des technologies nucléaires, à la liste des technologies « stratégiques » visées ;
- observé que le principe de subsidiarité imposait de maintenir la compétence des États membres dans la délivrance des autorisations ;
- promu la mise en place de vallées d'industries « zéro émission » bénéficiant d'une accélération de la planification et de financements supplémentaires ;
- attiré l'attention sur le risque pour la sécurité nationale, d'un niveau d'exigence de transparence disproportionné sur les capacités nationales de stockage de CO2 et voulu clarifier la contribution individuelle requise des producteurs de pétrole et de gaz au régime de stockage, en particulier en cas de défaillance de l'opérateur ;
- appuyé le développement des compétences professionnelles, dans le respect des pouvoirs des États membres en matière d'enseignement et de formation et demandé d'associer des représentants des acteurs économiques et de la société civile à la plateforme « euro zéro net » chargée de conseiller la Commission européenne et les États membres.
Par la suite, au sein du Conseil, la France a été contrainte de « batailler » longuement contre les États anti-nucléaire, pour intégrer les technologies nucléaires parmi les « technologies stratégiques » primées par la réforme et a finalement obtenu gain de cause. Les négociations européennes ont abouti à un accord provisoire entre Conseil et Parlement européen, le 6 février 2024. Les préconisations du Sénat, en particulier sur les technologies stratégiques et les vallées industrielles, ont été satisfaites par cet accord, qui modifie également les procédures de passation de marchés publics pour limiter la dépendance de l'Union européenne à l'égard de certains pays tiers (la Chine, en premier lieu) dans ces technologies44(*).
b6) Les résolutions relatives au numérique et à l'intelligence artificielle
· La résolution européenne du Sénat n° 100 relative à la proposition de règlement établissant des règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle45(*) (C0M(2021) 206 final)
Cette proposition de règlement a été présentée le 21 avril 2021 par la Commission européenne avec pour ambition de doter l'Union européenne de la première réglementation globale de l'intelligence artificielle dans le monde, alors que l'utilisation de cette technologie se diffuse très rapidement.
Le texte défend une approche fondée sur les risques et pose une liste d'usages de l'intelligence interdits (ex : manipulations subliminales agissant sur l'inconscient des personnes). Elle introduit également une distinction entre les utilisations de l'IA créant un haut risque46(*), qui peuvent être autorisées moyennant le respect d'exigences spécifiques et une évaluation ex ante de leur conformité, et celles instituant un risque faible.
La proposition impose en outre des obligations de transparence pour certains systèmes d'IA (ex : ceux qui interagissent avec les êtres humains ou sont utilisés pour détecter des émotions) et a prévu des mesures de soutien à l'innovation (« bacs à sable réglementaires »), tout en préconisant la création d'un comité européen de l'intelligence artificielle.
La résolution européenne du Sénat, adoptée par la commission des affaires européennes le 30 mars 2023 sur le rapport des sénateurs M. André Gattolin, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Cyril Pellevat et Mme Elsa Schalck, et devenue définitive le 9 mai 2023, a soutenu le principe de cette réglementation, ainsi que les mesures proposées pour le soutien à la recherche et à l'innovation, tout en prônant une politique industrielle ambitieuse dans ce domaine afin d'obtenir une réelle autonomie stratégique de l'Union européenne en la matière.
Elle a recommandé d'adopter la définition de l'IA donnée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)47(*) et préconisé d'étendre le champ des utilisations à haut risque (systèmes d'IA ayant des incidences négatives sur les droits des personnes vulnérables (enfants) ou la santé ; prise en compte des risques systémiques). Elle a affirmé que les applications d'IA pour des motifs de sécurité nationale et de défense nationale devaient obéir à des règles dérogatoires spécifiques et exigé un contrôle humain dans le fonctionnement de celles déployées aux frontières. Elle a souligné l'intérêt d'une évaluation de la conformité des systèmes d'IA par des tiers, demandé la mise en place d'un mécanisme d'alerte permettant aux personnes affectées négativement par les systèmes d'IA de signaler aux régulateurs et aux fournisseurs d'éventuels manquements à la réglementation. Elle a aussi affirmé la nécessité d'appliquer ce cadre européen sans préjudice du Règlement général sur la protection des données (RGPD), souhaité qu'en France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) veille à sa bonne application, préconisé d'accroître l'autonomie du comité européen de l'intelligence artificielle et d'y intégrer des scientifiques, et a finalement critiqué le recours à des actes délégués pour modifier les techniques et approches d'IA visées par la réforme.
Après avoir fait l'objet d'une orientation générale du Conseil (en décembre 2022) et avoir été amendée par le Parlement européen (en juin 2023), la proposition de règlement a finalement été adoptée par les négociateurs européens en trilogue, le 9 décembre 2023. Il faut noter que le compromis final a été difficilement obtenu, du fait d'une opposition larvée de la France, de l'Allemagne et de l'Italie, qui auraient souhaité un cadre réglementaire plus souple en invoquant la nécessité de préserver la croissance des entreprises européennes spécialisées dans l'IA.
Le compromis final impose des règles communes à tous les systèmes d'IA et des obligations supplémentaires pour ceux « à haut risque ».
Et, à l'exception de l'évaluation par les tiers, non retenue, il répond pour l'essentiel aux demandes du Sénat. Ainsi, il confirme les exceptions de sécurité et de défense nationale, « sous réserve de garanties appropriées »48(*). À noter également qu'il enrichit la gouvernance européenne de l'IA (au risque d'une « suradministration » ?) en ajoutant au comité européen, un panel scientifique et un « bureau de l'intelligence artificielle », dont la nécessité ne semble pas évidente.
· La résolution européenne du Sénat n°140 sur la proposition de règlement fixant des règles harmonisées pour l'équité de l'accès aux données et de l'utilisation de ces données (règlement sur les données ou Data act) (COM(2022) 68 final)
Cette proposition de règlement a été présentée le 23 février 2022 par la Commission européenne pour assurer l'équité dans la répartition de la valeur produite par les données entre les acteurs économiques, pour stimuler le marché des données et l'innovation dans leur exploitation et pour assurer leur accès au plus grand nombre.
Elle a prévu de faciliter le changement de fournisseur de services de traitement des données, de mettre en place des garanties contre le transfert illicite de données et d'introduire des normes d'interopérabilité pour le partage et le traitement de ces données.
Adoptée en commission des affaires européennes le 11 mai 2023 sur le rapport des sénateurs Mme Florence Blatrix-Contat, M. André Gattolin et Mme Catherine Morin-Desailly, la résolution européenne est devenue définitive, le 16 juin 2023.
Cette résolution soutient le principe d'une réglementation européenne pour favoriser le développement d'une « économie de la donnée » et en sécuriser le fonctionnement.
Elle a souhaité préciser le champ d'application de la réforme (en visant explicitement les produits connectés), rappeler la primauté des règles de protection des données à caractère personnel dans la mise en oeuvre de ce nouveau cadre juridique (en demandant le respect du RGPD49(*)) et renforcer les droits des utilisateurs d'un objet connecté ou de services liés à un droit d'accès aux données (droit d'accès aisé aux données ; information préalable sur les données et leur usage ; utilisation des données dans le cadre d'un accord contractuel entre le détenteur et l'utilisateur des données ; élimination des clauses abusives).
Elle a préconisé de faciliter le partage des données avec des tiers en confirmant une obligation de mise à disposition des données à leur profit et en approuvant le principe d'une compensation raisonnable pour le détenteur, tout en souhaitant encadrer strictement cette compensation.
Elle a préconisé un respect équilibré du secret des affaires justifiant « exceptionnellement » de pouvoir refuser la transmission de données et recommandé un encadrement de l'accès des autorités publiques compétentes aux données en cas d'urgence publique. Elle a aussi voulu renforcer l'effectivité du droit de changer de fournisseur de services de traitement des données en rappelant que de très grandes entreprises étrangères jouissaient d'une position dominante sur le marché européen et avaient développé des outils pour empêcher un tel changement (constat de la durée excessive du délai de trois ans prévu pour la suppression progressive des frais de changement de fournisseur).
Elle a appuyé l'édiction de règles strictes pour autoriser les transferts de données vers les autorités de pays tiers et a demandé l'édiction d'une liste de données sensibles pour lesquelles un hébergement « souverain » (= par une entreprise majoritairement détenue par des capitaux européens) est nécessaire. Elle a enfin émis plusieurs recommandations pour garantir l'efficacité de la supervision de l'application de la réforme.
La proposition de règlement a fait l'objet d'un accord provisoire en trilogue, le 27 juin 2023, accord qui a ensuite été confirmé au Conseil (27 novembre 2023).
Le compromis trouvé répond aux exigences du Sénat sur l'essentiel des dispositions de la réforme (droits garantis à l'utilisateur des données ; respect du RGPD ; mise en oeuvre équilibrée du secret des affaires ; identification des clauses abusives ; encadrement des transferts internationaux de données...). A contrario, elle a laissé le soin aux États membres de définir les « urgences publiques » nécessitant l'accès de leurs autorités publiques aux données et n'a pas jugé nécessaire d'établir une liste de données sensibles.
· La résolution européenne du Sénat n° 849 sur la proposition de règlement relatif à l'espace européen des données de santé (COM(2022) 197 final)
Inscrite dans la stratégie de l'Union européenne pour les données (présentée par la Commission européenne en février 2020), la proposition de règlement COM(2022) 197 final, en date du 3 mai 2022, tend à la fois, à permettre aux personnes d'avoir davantage de contrôle sur leurs données de santé, à assurer un accès des chercheurs et organismes de réglementation à ces données, afin de favoriser un meilleur diagnostic et de développer des traitements plus efficaces, et à mettre en place une architecture juridique sécurisée pour le traitement de ces données.
Afin d'atteindre ces objectifs, le texte prévoit un financement européen pour la création de l'espace européen des données de santé50(*), vise à autoriser et à encadrer le traitement des données de santé à des fins d'utilisation primaire51(*) ou secondaire 52(*), instaure des systèmes de dossiers de santé électroniques (DSE) et leur auto-certification afin de garantir leur compatibilité, organise l'accès des professionnels de santé aux données par une infrastructure unique (MyHealth@EU) et tend à créer un comité de l'espace européen des données de santé qui doit faciliter la coopération entre les autorités de santé numérique et les organismes responsables de l'accès aux données de santé.
La résolution européenne du Sénat, adoptée le 5 juillet 2023 en commission des affaires européennes (sur le rapport de Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey), puis, le 11 juillet 2023, en commission des affaires sociales (sur le rapport de Mme Catherine Deroche), est devenue définitive le 17 juillet 2023.
Pour l'essentiel, cette résolution a confirmé la pertinence de traitements des données de santé à des fins d'utilisation primaire et d'utilisation secondaire, sous réserve, dans ce dernier cas, que cette utilisation présente un lien suffisant avec la santé publique, a appelé la Commission européenne à augmenter son budget de soutien et a proposé l'instauration de redevances pour couvrir les coûts de mise à disposition des données. Elle a aussi considéré que l'accès des entreprises pharmaceutiques aux données de santé pour des utilisations secondaires devait être subordonné à leur engagement renforcé pour parer aux besoins médicaux non satisfaits et assurer l'accessibilité et le caractère abordable des médicaments.
Estimant que la base juridique choisie pour la proposition ne permettait pas de traiter des conditions de fourniture de services de santé, et notamment de télémédecine, elle a demandé la suppression des dispositions concernées. Elle a aussi solennellement demandé le respect du RGPD pour les données de santé à caractère personnel et une définition plus stricte des autres données. Elle a aussi affirmé que les États membres devaient décider si le traitement de données de santé à des fins d'utilisation secondaire nécessitait ou non le consentement des patients.
Elle a par ailleurs modifié la liste des données de santé transmissibles (ajout des résultats de tests médicaux pour une utilisation primaire ; exclusion des données de santé issues des applications de bien-être pour une utilisation secondaire), défini des situations de refus de communication par le détenteur de données (secret des affaires ; droits de propriété intellectuelle), précisé les hypothèses valides d'utilisation primaire53(*) et restreint les conditions d'accès pour une utilisation secondaire54(*).
La résolution a aussi soutenu la conservation des données dans des « environnements de traitement sécurisé », recommandé que les systèmes de DSE fassent l'objet d'une certification par un tiers et fermement exigé que l'hébergement des données de santé électroniques et les services affiliés soient assurés sur le territoire des États membres de l'Union européenne par une entreprise européenne détenue majoritairement par des capitaux européens.
Elle a souhaité l'amélioration de la gouvernance envisagée par une association systématique des associations de patients et de professionnels de santé dans les autorités et organismes prévus et refusé la possibilité pour la Commission européenne de modifier certaines dispositions essentielles de la réforme par des actes délégués55(*).
La proposition de règlement a fait l'objet d'un accord des négociateurs européens en trilogue, le 15 mars dernier. Cet accord reprend les principales préconisations du Sénat (stockage des données de santé dans l'Union européenne ; information des patients sur l'utilisation de leurs données et instauration d'un droit d'opposition encadré ; mis en place de redevances ; suppression des mentions à la télémédecine...).
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c) Cinq résolutions européennes du Sénat ont été partiellement suivies
· La résolution européenne du Sénat n° 64 visant à prendre des mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux commises en Iran
Le 13 septembre 2022, une jeune femme iranienne, Mme Mahsa Amini, âgée de 22 ans, était arrêtée par la police des moeurs iranienne pour non-respect de la loi sur le port obligatoire du voile islamique. Conduite et interrogée dans un centre de détention, elle est décédée le 16 septembre 2022.
À l'annonce de sa mort, une vague de protestations mettant en cause la responsabilité du régime iranien dans ce décès, a secoué tout le pays. Vague à laquelle les autorités iraniennes ont répondu par une féroce répression conjuguant arrestations arbitraires, procès inéquitables, exécutions sommaires et harcèlement à l'encontre des familles des victimes.
« Pour l'Union européenne et ses États membres, l'usage généralisé et disproportionné de la force contre des manifestants non violents n'est ni justifiable ni acceptable », déclarait, le 25 septembre 2022, le Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
Par la suite, dans des conclusions fermes, le Conseil européen du 15 décembre 2022 a condamné les violations des droits fondamentaux commises par les forces de sécurité iraniennes et les « Gardiens de la Révolution » contre les manifestants, en particulier, leur recours systématique à la torture et à des traitements cruels, inhumains et dégradants, les arrestations arbitraires, les exécutions sommaires, les formes de discrimination systémiques à l'égard des femmes et des filles dans la vie publique et privée, et la détention arbitraire de ressortissants des États membres de l'Union européenne (pratique des « otages d'État »).
Dans la lignée de ces conclusions, une proposition de résolution a été déposée par Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues, le 4 janvier 2023.Examinée et modifiée par la commission des affaires européennes le 2 février 2023, puis par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le 15 février 2023 (dans les deux cas, sur le rapport de M. Pascal Allizard), elle est devenue définitive le 24 février 2023.
Pour l'essentiel, cette résolution énumère à son tour les graves atteintes aux droits de l'Homme et aux libertés fondamentales commises par les forces de sécurité de la République islamique d'Iran et visées par les conclusions précitées du Conseil européen. Elle condamne également le soutien de l'Iran à la Russie dans sa guerre contre l'Ukraine.
Saluant l'établissement d'une mission d'enquête internationale par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, elle soutient les conclusions du Conseil européen du 15 décembre 2022 et invite le Gouvernement français et/ou l'Union européenne à :
- demander aux autorités iraniennes de mettre fin aux condamnations à mort et aux exécutions des manifestants pacifiques en Iran, et de libérer sans délai tous les manifestants condamnés à mort ;
- exiger de ces autorités la libération immédiate des otages d'États européens arrêtés et détenus arbitrairement ;
- favoriser, dans le strict respect des principes et de la réglementation applicables, la délivrance de visas à toute personne « craignant avec raison d'être persécutée pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique dans le cadre des manifestations en Iran » ;
- élargir la liste des personnes et entités faisant l'objet de mesures restrictives pour de graves violations des droits de l'homme en Iran, à renforcer les sanctions applicables en cas de poursuite des atteintes aux droits fondamentaux et, si cela est justifié, à inscrire les groupes et entités responsables de la répression sur la liste européenne des organisations terroristes.
Malheureusement, la résolution européenne du Sénat n'a pas empêché le régime iranien de continuer sa politique de répression afin de se maintenir au pouvoir et de faire taire toute contestation.
La mission internationale indépendante d'établissement des faits sur la République islamique d'Iran, constituée par les Nations unies, a même constaté, le 14 septembre 2023, que la répression menée contre les femmes par le régime iranien s'était accrue.
Simultanément, la France et l'Union européenne ont continué à demander la fin des violences et atteintes précitées et exigé la libération des « otages d'État » européens. Dans ce contexte, deux otages français, MM. Benjamin Brière et Bernard Phelan ont été libérés en mai 2023.
L'Union européenne a par ailleurs, adopté plusieurs « trains » de mesures restrictives56(*) à l'encontre des responsables des violations des droits de l'homme (en particulier, le 23 janvier 202357(*), le 20 mars 202359(*), le 15 septembre 202360(*)).
· La résolution européenne n° 55 sur l'avenir de l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex)
Déposée par les présidents de la commission des affaires européennes et de la commission des lois, les sénateurs MM. Jean-François Rapin et François-Noël Buffet, à l'issue d'un travail d'auditions, cette résolution a ensuite été examinée en commission des affaires européennes sur le rapport de M. Jean-François Rapin, puis examinée et modifiée en commission des lois sur le rapport de M. Arnaud de Bellenet, avant d'être définitivement adoptée en séance publique (le 8 février 2023).
Elle visait à « ausculter » le fonctionnement de l'agence Frontex, alors fragilisée par la hausse des franchissements irréguliers des frontières extérieures de l'Union européenne (330 000 en 2022, soit une hausse de 64 % par rapport à 2021, représentant un niveau inégalé depuis 2016) et par une double crise qui avait conduit, le 28 avril 2022, à la démission de son directeur exécutif, M. Fabrice Leggeri.
Frontex était en effet touchée par la crise de croissance d'une agence qui s'était vue dotée d'importants moyens et de missions étendues pour soutenir les États membres dans le contrôle des frontières extérieures par le règlement 2019/1896 mais qui n'avait pas eu le temps d'effectuer les recrutements nécessaires et de mettre en place les procédures adaptées.
S'y ajoutait une crise de confiance, alimentée par de potentiels irrégularités et manquements dans sa gestion interne et par sa participation alléguée à des violations de droits fondamentaux en mer Égée.
Les auditions auxquelles avaient procédé les auteurs de la proposition avaient également souligné la faiblesse du pilotage politique de l'agence, l'existence de conflits de personnes parmi les acteurs européens compétents sur ce dossier et les divergences existant entre institutions européennes sur les priorités de l'agence.
Sur la base de ce constat, la résolution européenne du Sénat a :
- réaffirmé la pertinence de l'agence Frontex en tant qu'agence de soutien aux missions de surveillance des frontières extérieures de l'espace Schengen confiées aux États membres ;
- demandé la mise en place urgente d'un véritable pilotage politique de l'agence (vigilance renforcée du comité d'administration de l'agence ; intervention accrue des ministres de l'intérieur des États membres, pour définir des lignes directrices) ;
- préconisé l'institution d'un contrôle parlementaire conjoint de l'agence associant parlements nationaux des États membres et Parlement européen ;
- soutenu l'instauration de mécanismes internes de respect des droits fondamentaux tout en définissant des règles de fonctionnement interne visant à éviter toute paralysie de l'agence ;
- incité les États membres et les institutions européennes à respecter leurs engagements budgétaires afin de permettre à Frontex de se doter des compétences manquantes ou fragiles (analyse des vulnérabilités ; marchés publics...) et à mettre en oeuvre un contingent permanent de 10 000 officiers à échéance 2027 ;
- constaté la pertinence des accords signés par Frontex avec des pays tiers pour mieux connaître les routes suivies par les migrants irréguliers et contrôler plus efficacement les frontières extérieures de l'Union européenne, et recommandé la signature de nouveaux accords, en particulier dans les Balkans occidentaux. En complément, la résolution prônait de conforter le soutien opérationnel de Frontex dans les opérations de retour des migrants irréguliers dans leur pays d'origine.
Ces réformes étant possibles « à droit constant », afin que Frontex puisse se remettre rapidement au travail, la résolution exprimait enfin son refus d'une éventuelle révision du règlement Frontex courant 2023 - révision alors envisagé par la Commission européenne.
Lors du débat en séance publique sur la proposition, le Gouvernement avait déclaré soutenir « l'esprit et les grandes orientations de ce texte », en particulier sur le renforcement du pilotage politique et de la veille opérationnelle de Frontex, sur son rôle dans les opérations de retour et sur l'absence de révision du règlement (UE) 2019/1896.
Depuis, Frontex a changé de directeur exécutif (avec la nomination, en décembre 2022, de M. Hans Leijtens). En 2023, elle a mené 24 opérations, déployé en moyenne 2 500 agents sur le terrain, intercepté 2 043 passeurs et signé de nouveaux accords de travail avec des pays tiers (dont le Maroc, le 12 décembre 2023, et le Royaume-Uni). Mais les franchissements irréguliers aux frontières extérieures de l'Union européenne semblent poursuivre inexorablement leur hausse (+17 % entre 2022 et 2023, soit 380 000 franchissements).
Et si la Commission européenne, après avis d'un cabinet de consultants extérieurs, a renoncé -pour le moment- à modifier le règlement 2019/1896 Frontex actuel, l'agence demeure fragilisée. Pour preuve, la réforme présentée par cette même Commission européenne, le 28 novembre 2023, pour mieux lutter contre « le trafic de migrants », propose de transférer à Europol sa mission de suivi des routes migratoires et d'analyse des « vulnérabilités » aux frontières extérieures, ainsi que les ressources afférentes61(*).
· La résolution européenne du Sénat n° 168 sur la proposition de règlement établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques (COM(2023) 160 final
La proposition de règlement établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques a été présentée le 16 mars 2023 par la Commission européenne. Elle doit conforter la proposition de règlement pour une industrie « zéro net », présentée le même jour en réduisant la dépendance très forte de l'Union européenne à l'égard de certains pays tiers - au premier rang desquels la Chine - dans son approvisionnement dans ces matières premières62(*). Les risques géopolitiques croissants pesant sur l'offre de ces pays tiers imposaient cette « révision » stratégique.
Car ces matières premières « stratégiques », voire « critiques »63(*), sont en effet indispensables à la fabrication d'ordinateurs, de véhicules électriques, de panneaux solaires, d'éoliennes...et leur demande devrait donc augmenter sensiblement au cours des prochaines années64(*).
En pratique, la version initiale de la proposition était fondée sur plusieurs objectifs chiffrés : à l'horizon 2030, la capacité d'extraction des minerais dans l'Union européenne devait permettre de produire au moins 10 % de la consommation annuelle européenne de matières premières critiques ; la capacité de transformation de ces minerais devait assurer 40 % au moins de la consommation annuelle précitée, et la capacité de recyclage, 15 %.
De là, la réforme repose sur plusieurs piliers indissociables :
- une meilleure connaissance des ressources (par des programmes nationaux d'exploration des ressources géologiques) et des besoins (par une coordination permanente de la Commission européenne et des États membres dans la surveillance des stocks et des chaînes d'approvisionnement, dans l'information mutuelle et dans la réponse à apporter) ;
- le développement d'un écosystème industriel dédié à l'extraction et à la production de matières premières critiques sur le territoire des États membres de l'Union européenne. Pour y parvenir, la proposition prévoit une sélection des projets stratégiques par la Commission européenne, assistée d'un nouveau comité européen des matières premières critiques, ainsi que des procédures nationales d'octroi de permis accélérées, la facilitation de la conclusion d'accords d'achat de la production ;
- l'encouragement à la diversification de l'offre, gage de sécurisation des approvisionnements (l'Union européenne ne devant plus être dépendante à plus de 65 % à l'égard d'un pays tiers pour son approvisionnement dans chacune des matières premières critiques identifiées) et par l'établissement de partenariats stratégiques avec certains pays tiers « de confiance ». Le comité précité serait chargé d'examiner périodiquement leurs effets et leur cohérence, et de définir les futurs partenariats à conclure en priorité ;
- l'approvisionnement durable et la circularité : à cet égard, la réforme fait obligation aux États membres d'adopter des programmes nationaux pour la circularité des matières premières critiques, visant à accroître leur collecte, leur réemploi etc..., valorise les matières premières critiques issues de déchets d'extraction, organise le recyclage des aimants permanents et prévoit une certification de la durabilité des matières premières critiques.
La résolution européenne du Sénat, adoptée en commission des affaires européennes, le 13 juillet 2023, sur le rapport des sénateurs Mme Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet et M. Didier Marie, est devenue définitive le 18 août 2023.
Les négociations européennes sur la proposition de règlement ont permis d'aboutir à un compromis, le 13 novembre dernier. Ce compromis satisfait l'essentiel de la résolution du Sénat en particulier pour :
- compléter la liste des matières premières critiques (aluminium) ;
- faciliter la mobilisation des fonds européens existants pour financer les projets (par un guichet unique) ;
- garantir un suivi permanent des chaînes d'approvisionnement et des risques pesant sur elles ;
- rehausser l'objectif alloué à la capacité de recyclage des minerais à l'horizon 2030 (de 15 % à 25 %) et définir des objectifs complémentaires de long terme pour l'extraction, la transformation et le recyclage (2040 et 2050) ;
- assurer l'information de la Commission européenne sur les stocks nationaux de matières premières critiques, tout en préservant la possibilité pour un État membre, de refuser de communiquer des informations lorsque sa sécurité nationale est en jeu ;
- favoriser le recyclage des matières premières critiques.
Le projet n'a, en revanche, pas retenu les recommandations du Sénat tendant à renforcer l'objectif de capacité de transformation à horizon 2030 (de 40 à 50 %), à clarifier l'articulation entre la réforme présentée et les différentes réglementations européennes applicables, à créer un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) « matières premières stratégiques » ou à inscrire les activités minières durables dans la taxonomie verte.
Soulignons enfin que, pour les autorités françaises, « en dépit du renforcement de plusieurs dispositions au cours des négociations, le texte final (...) reste peu ambitieux : les objectifs ne sont pas contraignants, les financements ne bénéficient pas de financements dédiés (...) etc... »65(*)
· La résolution européenne n° 127 sur la proposition de règlement relatif aux redevances et aux droits dus à l'Agence européenne des médicaments (AEM ou EMA pour European Medicines Agency) (COM(2022) 721 final)
Instituée par le règlement n° 726/2004, l'Agence européenne des médicaments fournit un avis scientifique à la Commission européenne en vue d'autoriser la mise sur le marché d'un médicament à usage humain ou vétérinaire et assure suivi et contrôle de la sécurité de ces médicaments66(*). Elle donne enfin des conseils scientifiques aux entreprises qui envisagent de déposer un dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché.
L'activité de l'agence est financée par des redevances liées aux procédures de mise sur le marché des médicaments, aux activités générales de surveillance des médicaments et à la pharmacovigilance67(*).
Pour accomplir ses missions, l'agence européenne s'appuie sur l'expertise des autorités nationales compétentes (ou ANC)68(*).
Dans ce contexte, la proposition COM(2022) 721 final avait pour principaux objectifs de simplifier l'architecture complexe des redevances et de la modifier afin de mieux prendre en considération les coûts réels, d'instaurer un nouveau dispositif de redevances pour les médicaments à usage vétérinaire tenant compte des spécificités de leur marché, de prévoir des réductions de redevances dans certains cas, d'imposer des exigences de transparence sur les montants fixés, de préciser les conditions de rémunération des ANC, et d'autoriser l'EMA à percevoir également des droits. En outre, la proposition tend à confier à la seule Commission européenne, par la voie des actes délégués, le soin d'arrêter la liste des redevances, droits et rémunérations ainsi que les informations que l'agence européenne doit transmettre sur ses résultats.
La résolution européenne du Sénat a soutenu le principe de la simplification du système de redevances de l'Agence européenne des médicaments tout en :
- estimant que cette actualisation devait refléter, non une approche comptable, mais une « vision politique et stratégique ». En conséquence, la transmission à la Commission européenne du rapport spécial du directeur exécutif de l'agence recommandant une évolution du montant des redevances devait être précédée par une consultation obligatoire des parties prenantes et par l'examen préalable de ce rapport par le conseil d'administration de l'agence (au sein duquel siègent les représentants des États membres). Elle supposait aussi la limitation du pouvoir d'appréciation accordé à la Commission européenne dans cette procédure (par une diminution des éléments pouvant être modifiés par des actes délégués) ;
- soulignant la pertinence des réductions ciblées de redevances (pour les médicaments pédiatriques ; pour les PME ; pour le développement des médicaments orphelins...) ;
- préconisant d'augmenter la réduction de redevance en faveur des médicaments génériques à 50 % ;
- proposant de supprimer la taxe annuelle de pharmacovigilance pour les médicaments vétérinaires et de revoir à la baisse les montants proposés pour une première mise sur le marché ou une modification de l'autorisation de ces médicaments ;
- critiquant le maintien d'un modèle de financement exclusif de l'EMA par des redevances69(*) et en appelant à un accroissement de la participation de l'Union européenne à ce financement, afin de tenir compte de ses nouvelles missions de santé publique (surveillance continue de tout évènement susceptible d'entraîner une urgence de santé publique ; instauration, au sein de l'agence, d'un groupe de pilotage sur les pénuries de médicaments et d'un autre groupe sur les pénuries de dispositifs médicaux) ;
- favorisant la promotion d'un réseau européen d'expertise par une plus grande attractivité du dépôt des demandes d'autorisation de mise sur le marché, par une répartition plus équitable du montant des redevances avec les ANC70(*), et par un maintien du montant actuel des redevances liées aux conseils scientifiques.
La réforme a finalement été adoptée par le Parlement européen et le Conseil en trilogue, le 25 septembre 2023.
Les préconisations du Sénat sur la simplification des dispositifs actuels, sur un ajustement du montant de certaines redevances et sur la nécessité de limiter la hausse du montant des redevances pour les médicaments à usage vétérinaire ou sur l'augmentation de la rémunération allouée aux ANC pour couvrir leurs coûts réels ont été retenues, tout comme la préservation du montant des redevances pour conseils scientifiques.
En outre, des exigences complémentaires de transparence sur les décisions de l'agence européenne ont été posées (sur les réductions accordées aux redevances...), sans reprendre toutefois la procédure claire proposée par le Sénat (consultation obligatoire des parties prenantes ; examen systématique du rapport spécial du directeur exécutif par le conseil d'administration...). De même, il n'y a eu aucun engagement sur la modification des modalités de financement de l'agence européenne.
· La résolution européenne du Sénat n° 167 (2022-2023) sur la gestion des déchets dans les outre-mer
À l'origine de cette résolution, les travaux menés par les sénatrices Mmes Gisèle Jourda et Viviane Malet, au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, sur la gestion des déchets dans les outre-mer ont dressé un état des lieux particulièrement alarmant en matière de collecte, de traitement et de valorisation des déchets dans les départements et régions d'outre-mer (DROM), en particulier à Mayotte et en Guyane, ainsi que dans les collectivités d'outre-mer (COM).
Rappelant que ces territoires représentent 80 % de la biodiversité française, ces travaux, formalisés dans un rapport d'information71(*), ont souligné les risques majeurs des flux croissants de déchets pour la santé et l'environnement sur place72(*) et plaidé « pour un rattrapage massif par rapport à l'Hexagone et des politiques volontaristes et durables axées sur l'économie circulaire et la valorisation énergétique ».
Si la gestion et le transfert des déchets des territoires ultramarins vers la France métropolitaine est un sujet national, il ne l'est pas exclusivement : en effet, ayant en droit européen le statut de régions ultrapériphériques (RUP)73(*) ou de pays et territoires d'outre-mer (PTOM)74(*), les DROM et les COM français peuvent solliciter - sous certaines conditions - plusieurs fonds de l'Union européenne pour financer leurs actions de stockage, de transport et de destruction des déchets. À titre d'exemple, la France bénéficie d'une enveloppe de 9,1 milliards d'euros sur la période 2021-2027 au titre du fonds européen de développement régional (FEDER)75(*).
Quant aux transferts de déchets transfrontières, ils sont régis par un règlement européen de 200676(*) qui a introduit, en droit européen, les dispositions de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination, adoptée le 22 mars 1989 et entrée en vigueur en France le 5 mai 1992.
En pratique, les exportations de déchets pour élimination ne sont autorisées qu'à l'intérieur de l'Union européenne et vers les pays de l'Association européenne de libre échange (AELE).
Sur la base de ces constats, une proposition de résolution a été déposée par Mmes Gisèle Jourda et Viviane Malet, le 22 mai 2023, puis examinée en commission des affaires européennes (sur le rapport de Mmes Marta de Cidrac et Gisèle Jourda) le 21 juin 2023 et est devenue définitive, le 25 juillet 2023.
Cette résolution a demandé, à titre principal :
- la prorogation des critères spécifiques d'accès aux fonds européens en faveur des RUP ;
- une priorité d'adaptation des règles et des aides européennes aux spécificités des RUP pour le secteur des déchets et de l'économie circulaire, sur le fondement de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)77(*) ;
- la mise en oeuvre de l'article 349 précité afin d'obtenir l'adaptation du règlement européen sur les transferts de déchets (alors en cours de révision) aux contraintes particulières des outre-mer ;
- l'ouverture de discussions dans le cadre de la Convention de Bâle afin de conclure des accords régionaux pour le traitement des déchets des outre-mer français.
Soulignons d'emblée que ce dernier point peut être concrétisé en premier lieu par des échanges bilatéraux et multilatéraux entre la France et ses partenaires signataires à la Convention.
Le Sénat a simultanément obtenu des garanties du Gouvernement pour préserver l'aide financière européenne à l'adaptation des systèmes de traitement des déchets outre-mer et les critères d'accès aux fonds européens applicables aux RUP et, plus généralement, pour prendre en considération les spécificités de ces régions.
Cependant, la France a une situation unique sur ce dossier au sein de l'Union européenne78(*).
C'est pourquoi dans le cadre de la révision du règlement européen sur les transferts de déchets, les négociateurs français n'ont obtenu qu'une prise en considération ciblée des spécificités ultramarines avec l'insertion, dans le texte révisé, d'un nouvel article 30bis prévoyant que les transferts de déchets entre une RUP et l'État membre à laquelle elle appartient, faisant escale dans un autre État membre, pourront faire l'objet d'un accord tacite des autorités compétentes de ce dernier.
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d) Deux résolutions européennes adoptée par le Sénat n'ont reçu aucune suite favorable
· La résolution européenne n° 67 sur le volet relatif à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) des négociations d'adhésion à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH)
Déposée solennellement le 30 janvier 2023 par les présidents des trois commissions du Sénat concernées (M. François-Noël Buffet, pour la commission des lois, M. Christian Cambon, pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et M. Jean-François Rapin pour la commission des affaires européennes), la proposition de résolution a ensuite été examinée en commission des affaires européennes, le 2 février 2023 (sur le rapport de M. Jean-François Rapin) et a été adoptée définitivement par le Sénat, le 7 mars 2023.
Cette résolution a vu le jour à l'occasion du suivi des négociations d'adhésion de l'Union européenne à la CESDH, adhésion prévue par l'article 6 du traité sur l'Union européenne (TUE)79(*). Ces dernières ont connu une première phase active en 2010-2011 qui avait conduit à un projet d'accord au Conseil, mais avaient finalement échoué du fait de l'opposition de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui, dans son avis 2/13 du 18 décembre 2014, avait considéré que le projet était contraire au droit de l'Union européenne en ce qu'il permettait à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de se prononcer sur des actes de la PESC alors même qu'elle-même n'y était pas autorisée.
Pour rappel, en effet, en vertu des dispositions de l'article 24 du traité sur l'Union européenne (TUE)80(*) et de l'article 275 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)81(*), la CJUE n'est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la PESC ni en ce qui concerne les actes adoptés sur leur fondement, à deux exceptions près, très encadrées.
L'avis précité de la CJUE avait provisoirement clos le processus de négociation. Mais ce dernier a repris à compter du 7 octobre 2019. Concernant la PESC, les négociations ont d'abord eu pour objet l'instauration d'un mécanisme de réattribution permettant de confier le contrôle des actes PESC aux juridictions des États membres mais ce dernier s'est heurté à des difficultés techniques.
Alors, en dépit de la lettre et de l'esprit des traités européens, la Commission européenne, soutenue par le service juridique du Conseil, a avancé l'idée qu'une déclaration intergouvernementale interprétative serait suffisante pour autoriser la CJUE à étendre sa compétence aux actes relevant de la PESC afin de statuer sur une éventuelle violation des droits fondamentaux avant que la CEDH ne se prononce.
La résolution européenne du Sénat a simplement rappelé que la déclaration interprétative envisagée était contraire aux traités « qui ont été ratifiés par les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives » et qu'elle s'apparentait « de fait à une révision des traités, soustraite au contrôle des parlements nationaux. » Elle appelait en conséquence « solennellement » les États membres à rejeter avec fermeté une telle déclaration et à poursuivre les négociations en vue d'une solution juridique appropriée.
Cette position forte du Sénat est conforme aux priorités de négociation françaises dans ce dossier. Mais la France est isolée. De surcroît, dans ses conclusions rendues sur trois affaires en instance devant la CJUE (affaires C-351/22, Neves 77 solutions ; C-23/22 P, KS et KD Conseil e.a. ; C-44/22 P, Commission/KS e.a.), l'avocate générale Mme Tamara Capeta a contredit l'argumentation de la France en faveur d'une lecture stricte des traités. Elle a aussi écarté toute alternative82(*). Elle a au contraire estimé que la Cour pouvait interpréter principes et droits fondamentaux de l'Union européenne pour apprécier la légalité de mesures nationales de mise en oeuvre de la PESC et que les particuliers pouvaient introduire des recours en indemnité devant les juridictions de l'Union européenne en invoquant des violations des droits fondamentaux du fait de mesures adoptées par l'Union européenne en matière de PESC.
Le risque est désormais réel de voir la position de principe de la France « balayée » par une telle interprétation « très constructive » des traités par la CJUE, qui serait contraire à leur rédaction mais obtiendrait le soutien des institutions européennes et des autres États membres.
Si une telle évolution se confirmait, une première question serait de savoir si le Parlement français pourrait ratifier l'accord d'adhésion de l'Union européenne à la Convention. L'autre question, alors posée avec gravité, serait celle de la poursuite de la participation de la France aux « opérations PESC », désormais mises en oeuvre avec un risque contentieux permanent, en violation des traités.
· La résolution européenne n° 77 sur la proposition de règlement établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants
Présentée le 11 mai 2022 par la Commission européenne, cette proposition de règlement se fonde sur le constat sans appel d'une prolifération de contenus en ligne relatifs à des abus sexuels sur des enfants, liée au développement d'Internet et accentuée par la période de confinement due à la pandémie de covid-1983(*). L'Union européenne occupe ainsi la place peu enviable de premier « hébergeur » de contenus à caractère pédopornographique dans le monde84(*).
Ses principales dispositions prennent acte de l'échec des dispositifs en place autorisant les fournisseurs de services en ligne à mettre en place des démarches volontaires de détection et de blocage des contenus pédopornographiques85(*). Elles imposent en conséquence une évaluation des risques et des mesures d'atténuation des risques aux fournisseurs de services d'hébergement et de services de communications interpersonnelles, ainsi que des obligations de détection des contenus pédopornographiques sur injonction d'autorités nationales compétentes.
Les fournisseurs seraient également soumis à une obligation de signalement des contenus détectés liés à des abus sexuels sur des enfants, et sur injonction de l'autorité compétente, à une obligation de retrait de ces contenus ou de blocage de leur accès.
La proposition prévoit aussi la création d'un centre de l'Union européenne dédié à la prévention et à la lutte contre les abus sexuels sur mineurs, qui recevrait les signalements, servirait d'intermédiaire entre les fournisseurs et les autorités compétentes des États membres.
La résolution européenne n° 77 du Sénat, adoptée en commission des affaires européennes, le 15 février 2023 sur le rapport des sénateurs M. Ludovic Haye, Mme Catherine Morin-Desailly et M. André Reichardt, et devenue définitive le 20 mars 2023, a rappelé que la lutte contre les abus sexuels sur les enfants devait être une priorité de tous les instants pour l'Union européenne et a approuvé le principe d'obligations de résultats imposées aux fournisseurs.
Elle a toutefois demandé la mise en place d'un dispositif d'injonctions de détection efficace sans impliquer ni une surveillance généralisée et permanente des communications (messages électroniques ; conversations téléphoniques...), ni une remise en cause systématique du chiffrement, qui est nécessaire à la confidentialité des communications dans certains cas spécifiques. En conséquence, elle a soutenu les injonctions de détection et de retrait sur des contenus identifiés mais a rejeté la recherche indifférenciée de contenus pédopornographiques et de « pédopiégeage ». Elle a aussi constaté que les technologies mises en avant par la Commission européenne pour cette détection n'étaient - en l'état - pas fiables, entraînant un nombre trop élevé de « faux positifs »86(*).
Elle a refusé la création d'un nouveau centre de l'Union européenne (faible valeur ajoutée ; missions en majorité déjà assurées par Europol et dépendance humaine et logistique à son égard ; coût de fonctionnement87(*)), demandant plutôt la confirmation d'Europol comme pôle principal de la lutte contre les abus sexuels sur les enfants.
Elle a enfin incité les négociateurs européens à prévoir une obligation de déréférencement des contenus pédopornographiques (solution déjà en vigueur en France), à valoriser l'expérience française réussie de la plateforme PHAROS88(*) et à instaurer des mesures interdisant l'accès des mineurs aux contenus pornographiques ( activation par défaut des dispositifs de contrôle parental sur les téléphones des mineurs ; instauration de dispositifs de vérification de l'âge des utilisateurs pour l'accès à certains sites ; campagnes de « name and shame » à l'encontre des fournisseurs récalcitrants...).
Par la suite, le dossier s'est enlisé. Les discussions sur la réforme ont avancé très lentement, opposant les partisans du texte (Commission européenne ; Irlande) à ceux d'un strict respect de la vie privée (députés européens allemands et Allemagne), au sujet de l'ampleur des détections autorisées. Une minorité de blocage estime que les obligations envisagées par le texte, tant au regard du chiffrement que du risque de surveillance généralisée des communications, sont disproportionnées89(*). Cette position a, il est vrai, été confortée par plusieurs avis (avis conjoint du Bureau européen de la protection des données et du Contrôleur européen de la protection des données90(*) ; avis du Service juridique du Conseil).
Dans ce contexte tendu, le Parlement européen a adopté une position prudente, le 14 novembre 202391(*). Mais au Conseil, en dépit de plusieurs propositions d'amendements et de réflexions sur un assouplissement des critères de détection, les négociations sont de fait bloquées depuis octobre dernier. La présidence belge a récemment émis de nouvelles propositions (déclenchement d'une alerte détection (« hit »), non pas au premier signalement mais au second ; catégorisation des entreprises au regard des risques de détournement de leurs services à des fins de pédopornographie) mais la possibilité d'un compromis sur ce dossier permettant d'adopter une orientation générale du Conseil avant les élections européennes semble fragile.
De ce fait, la Commission européenne a été contrainte de présenter une proposition de prolongation provisoire du dispositif « temporaire » posé par le règlement (UE) 2021/123292(*). Cette dernière serait valable jusqu'en avril 2026.
* 5 Plusieurs catégories de textes spécifiques comme les nominations, les virements ou les textes PESC font l'objet d'une procédure d'accord tacite négociée entre les deux assemblées et le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), rattaché au Premier ministre. Une fois passé un délai de 72 h après leur dépôt, la réserve d'examen des textes relevant de ces catégories est considérée comme levée.
* 6 Ce nombre de textes rassemble 5 textes présentés en 2021-2022 et traités en 2022-2023 et 1072 textes présentés et traités en 2022-2023.
* 7 Le détail de la procédure d'adoption de ces résolutions européennes est rappelé en annexe du présent rapport.
* 8 Proposition de résolution européenne n° 657 (2022-2023) invitant le Gouvernement à agir au niveau européen et international pour appuyer la relance du processus de paix et de réconciliation entamée par l'accord de paix pour l'Irlande du nord, déposée le 31 mai 2023.
* 9 Les initiatives législatives constituant ce paquet et les auteurs de la résolution sont recensés dans l'annexe du présent rapport.
* 10 « L'influence du Sénat sur l'élaboration des textes européens », rapport d'information n° 487 (2022-2023) de M. Jean-François Rapin, président, au nom de la commission des affaires européennes.
* 11 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil COM(2022) 71 final.
* 12 Selon le texte initial, la réforme était applicable aux entreprises européennes en fonction de deux seuils (500 salariés et 150 millions de chiffre d'affaires mondial ou 250 salariés et 40 millions de chiffre d'affaires net mondial en cas d'activité à fort impact).
* 13 Sont visées : toute dégradation mesurable de l'environnement, telle qu'une modification nocive des sols, une pollution de l'eau ou de l'air, des émissions nocives, une consommation excessive d'eau ou d'autres incidences sur les ressources naturelles.
* 14 Trois après l'adoption du texte, ce dernier entrera en vigueur pour les entreprises de plus de 5 000 employés et réalisant un chiffre d'affaires de plus d'1,5 milliard d'euros. Puis, l'année suivante, le dispositif sera applicable aux entreprises de 3 000 employés et réalisant un chiffre d'affaires de 900 millions d'euros et, enfin, cinq ans après l'adoption de la réforme, aux entreprises de 1 000 employés (effectif qui était visé dans la résolution du Sénat) et réalisant un chiffre d'affaires de 450 millions d'euros.
* 15 Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances.
* 16 Rapport n° 2222 (seizième législature) relative à la révision du règlement européen « REACH » sur les substances chimiques de M. Nicolas Thierry, député, au nom de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, 15 février 2024.
* 17 Proposition de directive COM(2023) 71 final présentée par la Commission européenne le 13 février 2023. La VLB a été abaissée de 70ìg (microgrammes)/100ml à 15 ìg/ml et la VLEP, de 0,15mg/m3 à 0,03mg/m3.
* 18 Amnesty international ; Centre pour les libertés civiles ukrainien ; « Pour l'Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ».
* 19 Rapport de la faculté de santé publique de cette université en date du 14 février 2023.
* 20 La CPI y participe activement aux cotés de la Lettonie, de la Lituanie, de l'Estonie, de la Slovaquie et de l'agence européenne de coopération policière Europol.
* 21 Cinq demandes d'entraide (DEPI) ont été transmises par la France à la CPI. Quatre d'entre elles concernent des allégations de déportation et de transfert forcé de civils et particulièrement d'enfants. La France a mis à disposition de la CPI une équipe composée d'un magistrat et de quatre enquêteurs. En outre, le juge français Nicolas Guillou a été élu, le 9 décembre 2023, au sein de la CPI pour neuf ans. Enfin, la France verse une contribution de 16 millions d'euros (en 2024) soit 8,3 % du budget de la Cour.
* 22 Au 3 janvier 2024, les conseils départementaux français accueillaient 172 mineurs de nationalité ukrainienne ayant bénéficié d'une prise en charge compte tenu de leur minorité et de leur isolement.
* 23 COM(2021) 762 final.
* 24 Obligation pour les plateformes de déclarer le travail effectué ; accès des travailleurs concernés aux informations pertinentes sur leur travail via la plateforme en cause ; instauration de voies de recours pour les travailleurs concernés en cas de violation des droits posés par la proposition de directive...
* 25 Les plateformes de livraison de repas ou proposant des services de mobilité, ainsi que les entreprises intermédiaires mettant des travailleurs à leur disposition, sont visées par le texte à la différence des plateformes de mises en relation, des centrales taxis, des plateformes associatives et non lucratives, ainsi que les agents commerciaux.
* 26 La proposition de directive initiale posait cinq critères européens pour définir le contrôle du travail d'une personne par une plateforme numérique et identifiait une relation de travail entre eux dès lors que deux de ces cinq critères étaient réunis : la plateforme détermine effectivement le niveau de rémunération du travailleur (ou en fixe les plafonds) ; elle exige de la personne le respect de règles impératives d'apparence, de conduite à l'égard du destinataire du service ou d'exécution du travail ; elle supervise l'exécution du travail ou vérifie la qualité de ses résultats ; elle limite, en particulier par la voie de sanctions, la liberté du travailleur (horaires de travail ; absences...) ; elle restreint la possibilité pour la personne de se constituer une clientèle ou de travailler pour un tiers.
* 27 Une communication sur la transition énergétique des secteurs de la pêche et de l'aquaculture de l'Union européenne ; une communication sur la politique commune de la pêche aujourd'hui et demain ; un rapport sur le fonctionnement de l'organisation commune des marchés (OCM) dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture ; un plan d'action pour la protection et la restauration des écosystèmes marins en faveur d'une pêche « durable et résiliente ».
* 28 Le réseau Natura 2000, constitué d'un ensemble de sites naturels, terrestres et marins, vise à assurer la survie à long terme des espèces et des habitats particulièrement menacés, à forts enjeux de conservation en Europe. L'objectif de la démarche européenne est double : la préservation de la diversité biologique et du patrimoine naturel et la prise en compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des spécificités régionales.
* 29 Dès le 8 mars 2023, le secrétaire d'État à la Mer, M. Hervé Berville, déclarait au Sénat que « la France et le Gouvernement (étaient) totalement opposés à la mise en oeuvre de l'interdiction des engins de fonds dans les aires marines protégées. »
* 30 Ainsi, entre début 2021 et fin 2022, selon le Conseil de l'Union européenne, les prix moyens de l'énergie dans l'Union européenne étaient passés de 100 à 185 euros pour la consommation et de 100 à 280 euros pour la production, soit une multiplication respective des prix concernés par 2 et 3.
* 31 Communication « REPowerEU : Action européenne conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable » du 8 mars 2022, COM(2022) 108 final.
* 32 Communication « Interventions sur le marché de l'énergie à court terme et améliorations à long terme de l'organisation du marché de l'électricité - ligne de conduite. »
* 33 Règlement (UE) 2022/1854 du 6 octobre 2022.
* 34 Règlement (UE) 2022/2577 du 22 décembre 2022.
* 35 Règlement (UE) 2022/2578 du 22 décembre 2022.
* 36 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que les directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944, COM(2023) 148 final.
* 37 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) n° 1227/2011 et (UE) 2019/942, COM(2023) 147 final. Le marché de gros désigne le marché où l'électricité est négociée (achetée et vendue) avant d'être livrée aux clients finaux (particuliers ou entreprises) via le réseau.
* 38 Règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et 6) et aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules.
* 39 Règlement (CE) n° 595/2009 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 relatif à la réception des véhicules à moteur et des moteurs au regard des émissions des véhicules utilitaires lourds (Euro VI) et à l'accès aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules, et modifiant le règlement (CE) n° 715/2007 et la directive 2007/46/CE, et abrogeant les directives 80/1269/CEE, 2005/55/CE et 2005/78/CE.
* 40 Règlement (UE) 2023/851 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 modifiant le règlement (UE) 2019/631 en ce qui concerne le renforcement des normes de performance en matière d'émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs conformément à l'ambition accrue de l'Union [européenne] en matière de climat.
* 41 Les « biens et services d'importance stratégiques » sont ainsi des biens impossibles à remplacer (« non substituables et non diversifiables ») ou indispensables au maintien d'activités vitales pour le bon fonctionnement du marché intérieur et ses chaînes d'approvisionnement dans des domaines d'importance cruciale et les « biens et services pertinents » sont ceux qui sont essentiels pour faire face à une crise.
* 42 Au terme des négociations de cette réforme, ces technologies recouvrent les technologies nucléaires, solaires, éoliennes, la géothermie, les technologies de l'hydrogène, les technologies de captation et de stockage de carbone, l'hydroélectricité, le biogaz et le biométhane ou encore les technologies d'efficacité énergétique.
* 43 Cadres réglementaires sécurisés prévus pour expérimenter des technologies innovantes.
* 44 Introduction d'une contribution à la durabilité environnementale, qui sera une exigence minimale obligatoire, et d'une contribution à la résilience, appliquée, après évaluation de la Commission européenne, si le niveau de dépendance par rapport à un pays tiers pour une technologie stratégique « zéro net » (ou ses composants) représente plus de 50 %.
* 45 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2021 établissant des règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle (législation sur l'intelligence artificielle) et modifiant certains actes législatifs de l'Union [européenne], COM(2021) 206 final.
* 46 Le texte initial visait à ce titre les systèmes d'IA destinés à être utilisés en tant que composants de sécurité de produits et les systèmes d'IA autonomes soulevant principalement des questions quant au respect des droits fondamentaux.
* 47 Selon l'OCDE, « Un système d'IA est un système basé sur une machine qui peut, pour un ensemble donné d'objectifs explicites ou implicites définis par l'homme, déduire, à partir des données qu'il reçoit, comment générer des résultats tels que des prédictions, du contenu, des recommandations ou des décisions qui peuvent influencer des environnements physiques réels ou virtuels. Les différents systèmes d'IA sont conçus pour fonctionner avec des niveaux d'autonomie et d'adaptabilité variables après leur déploiement. »
* 48 Respect de la confidentialité des données opérationnelles sensibles utilisées ; institution d'une procédure permettant le déploiement d'un outil d'IA à haut risque n'ayant pas passé avec succès la procédure d'évaluation de sa conformité en cas d'urgence ; possible utilisation de systèmes d'identification biométrique à distance « en temps réel » dans des espaces accessibles au public pour la prévention de certaines menaces (attentats terroristes) ou pour rechercher des personnes soupçonnés de crimes graves.
* 49 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).
* 50 Une contribution du budget de l'Union européenne, d'un montant de 810 millions euros, est prévue à cet égard.
* 51 Utilisation destinée à la fourniture de services de santé visant à évaluer, maintenir ou rétablir l'état de santé de la personne physique à laquelle les données appartiennent.
* 52 Utilisation à des fins de recherche médicale, d'innovation, de sécurité des patients ou d'activités réglementaires.
* 53 Établissement d'un diagnostic ; préparation d'un traitement ; sauvegarde d'intérêts vitaux.
* 54 Demande satisfaite seulement sur autorisation expresse de l'organisme responsable de l'accès aux données ; suppression du principe de consentement tacite des patients ; information du patient.
* 55 Catégories prioritaires de données de santé à caractère personnel pour un traitement à des fins d'utilisation primaire ou d'utilisation secondaire ; obligations des détenteurs de données ; informations à fournir dans le cadre d'une demande d'accès aux données à des fins d'utilisation secondaire.
* 56 Ces mesures restrictives comprennent le gel des avoirs des personnes concernées, une interdiction de pénétrer sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne, une interdiction de mettre des fonds ou des ressources économiques à disposition de ces personnes et une interdiction d'exportation vers l'Iran d'équipements susceptibles d'être utilisés à des fins de surveillance ou de répression de la population.
* 5758 Ajout de 18 personnes et 19 entités ayant des responsabilités dans ces violations sur la liste européenne des personnes et entités faisant l'objet de mesures restrictives dans le cadre du régime existant de sanctions en matière de droits de l'homme à l'encontre de l'Iran.
* 59 Ajout de 8 personnes et d'1 entité sur la liste précitée, en particulier, des magistrats ayant prononcé des condamnations à mort de manifestants.
* 60 Ajout de 4 personnes et de 6 entités sur la liste précitée. Les mesures restrictives de l'Union européenne étaient alors applicables à 227 personnes et à 43 entités iraniennes.
* 61 COM(2023) 754 final.
* 62 75 à 100 % des métaux exploités dans les États membres de l'Union européenne proviennent de pays tiers et la Chine fournit 98 % des éléments de terres rares à l'Union européenne. 63 % du cobalt présent dans les batteries est extrait en République démocratique du Congo et la Chine en raffine 60 %. Elle fournit aussi 97 % de l'approvisionnement mondial en magnésium.
* 63 La proposition identifie 34 matières premières stratégiques (cobalt ; lithium ; nickel ; phosphate ; tungstène...), dont 16 critiques.
* 64 Selon la Commission européenne, la demande en matières premières critiques devrait être multipliée par dix d'ici à 2030.
* 65 Extrait de la fiche du Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) sur le suivi de la résolution européenne du Sénat n° 168 (2022-2023).
* 66 Règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures de l'Union [européenne] pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et instituant une Agence européenne des médicaments.
* 67 Surveillance des éventuels effets indésirables des médicaments.
* 68 Pour la France, il s'agit de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV).
* 69 L'enjeu est grand pour l'EMA dont 90 % du budget sont financés par ces redevances (soit 342 millions d'euros sur 380 en 2021).
* 70 Selon l'EMA, en 2022, le montant global versé aux ANC était de 143,1 millions d'euros. Avec l'adoption de la présente proposition, selon la Commission européenne, ce montant augmenterait de 17 % (à 167 millions d'euros en 2024). En France, cette perspective était jugée insuffisante par l'ANSM et l'ANMV pour compenser les coûts d'évaluation des produits les plus innovants.
* 71 Rapport d'information n° 195 (2022-2023) en date du 8 décembre 2022.
* 72 Depuis la fin des années 2000, le volume des transferts de déchets des outre-mer vers l'Hexagone a doublé.
* 73 Guadeloupe ; Guyane française ; La Réunion ; Martinique ; Mayotte ; Saint-Martin.
* 74 Nouvelle-Calédonie ; Polynésie française ; Saint-Barthélemy ; Saint-Pierre-et-Miquelon ; Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).
* 75 Sur la période 2014-2020, le FEDER a ainsi été mis en oeuvre à hauteur de 155 millions d'euros, pour soutenir une meilleure gestion des déchets dans 5 RUP (Guadeloupe ; Guyane ; La Réunion ; Martinique ; Mayotte).
* 76 Règlement (CE) 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets.
* 77 Cet article affirme en particulier que « compte tenu de la situation économique et sociale structurelle de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application des traités à ces régions (...). »
* 78 Seuls l'Espagne (Canaries) et le Portugal (Açores ; Madère) disposent aussi de RUP. Et la France est le seul État membre qui compte des RUP aussi éloignées géographiquement du continent européen.
* 79 Le paragraphe 2 de cet article déclare ainsi que « L'Union (européenne) adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans les traités. »
* 80 L'article 24 du TUE affirme que la compétence de l'Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune (...). La Cour de justice de l'Union européenne n'est pas compétente en ce qui concerne ces dispositions, à l'exception de sa compétence pour contrôler le respect de l'article 40 du présent traité (selon lequel la mise en oeuvre de la PESC ne doit affecter ni les droits fondamentaux de l'Union européenne, ni ses grands principes : principes d'attribution, de subsidiarité, de proportionnalité...) et pour contrôler la légalité de certaines décisions visées à l'article 275, second alinéa, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »
* 81 « La Cour de justice de l'Union européenne n'est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, ni en ce qui concerne les actes adoptés sur leur base. »
* 82 Dans les négociations au Conseil comme devant la Cour, la France a préconisé de confier la compétence d'examen des actes PESC au regard des droits fondamentaux protégés par la CEDH, soit aux juridictions nationales des États membres, soit à une juridiction intergouvernementale ad hoc.
* 83 Les abus sexuels sur les enfants ont alors bondi de 64 % selon la fondation Internet watch.
* 84 Selon la Commission européenne, le nombre de ces abus sexuels en ligne commis dans l'Union européenne est ainsi passé de 23 000 en 2010 à 725 000 en 2019.
* 85 Ces démarches ont été autorisées par le règlement (UE) 2021/1232 du Parlement européen et du Conseil du 14 juillet 2021 relatif à une dérogation temporaire à certaines dispositions 2002/58/CE en ce qui concerne l'utilisation des technologies par les fournisseurs de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation pour le traitement de données à caractère personnel et d'autres données aux fins de la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne.
* 86 Selon la Commission européenne, les techniques de détection utilisant l'intelligence artificielle sont fiables à 80 % (ce qui induit un pourcentage d'erreurs élevé à 20 %). Pour les experts français, ce taux de fiabilité varie plutôt entre 50 et 70 %.
* 87 La position intermédiaire du centre entre fournisseurs et autorités compétentes aurait pour conséquence de ralentir les suites des signalements transmis. Le centre serait dans les faits installé aux côtés des locaux d'Europol (à La Haye) et devrait bénéficier de ses ressources humaines et matérielles. Son organigramme complexe n'augurerait pas d'une grande efficacité opérationnelle. Et il devrait bénéficier d'un budget annuel de plus de 28 millions d'euros à échéance 2030.
* 88 Créée en 2009, la plateforme PHAROS (pour Plateforme d'Harmonisation, d'Analyse, de Recoupement et d'Orientation des Signalements) reçoit des signalements concernant les contenus illégaux sur Internet, qui peuvent émaner de tout citoyen. Elle sert de relais pour demander, après évaluation du bien-fondé de cette demande, le retrait de ces contenus aux hébergeurs de services en ligne concernés. Par défaut, PHAROS dispose d'un droit de retrait à l'égard des contenus pédopornographiques et terroristes. Le retrait intervient alors dans les 24 heures (article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique). L'équipe de PHAROS est constituée d'une cinquantaine de gendarmes et de policiers.
* 89 Allemagne ; Autriche ; France ; Pologne ; Slovénie.
* 90 Avis conjoint 4/2022 du 28 juillet 2022, qui souligne que la proposition soulève de « graves préoccupations quant à la proportionnalité de l'ingérence envisagée et des limitations à la protection des droits fondamentaux, au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel. »
* 91 Les injonctions de détection devraient être plus limitées, ciblant des individus et des groupes liés à des abus sexuels commis, le centre européen devrait être plus visiblement dédié à la protection de l'enfance et la proposition reprendrait les mécanismes d'interdiction d'accès des mineurs aux sites pornographiques défendus par le Sénat (contrôle parental par défaut ; vérification de l'âge des utilisateurs...).
* 92 Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2021/1232 dérogeant temporairement à certaines dispositions de la directive 2002/58/CE afin de lutter contre les abus sexuels sur les enfants (COM (2023) 777 final).