B. DES DOMMAGES DE PLUS EN PLUS COUTEUX ET DONT LA FACTURE DEVRAIT ENCORE AUGMENTER D'ICI À 2050
1. Les estimations à venir des risques environnementaux
a) Les indemnisations versées ces dernières décennies
Selon le rapport précité sur les chiffres clés des risques naturels, entre 1982 et 2023, 50 milliards d'euros d'indemnisation ont été versés par les assurances au titre du régime des catastrophes naturelles sans que les données ne précisent les montants versés aux collectivités territoriales et ceux versés à des particuliers et entreprises.
Pour l'ensemble des évènements climatiques, les indemnisations pour la période 1989 à 2019, soit une période de 30 ans, se sont élevées à 74 milliards d'euros.
Évolution du cout des sinistres climatiques
(en milliards d'euros constants)
Source : France assureurs
Ces indemnisations concernent essentiellement les dégâts causés par des tempêtes, puis par des inondations et en dernier lieu par des sècheresses.
Détail des indemnisations entre 1989 et 2019
Source : France assureurs - Rapport « Impact du changement climatique sur l'assurance à l'horizon 2050 - 2021
Sur la seule année 2022, le coût des sinistres climatiques est estimé à 10 milliards d'euros en France, contre 3,6 milliards d'euros en moyenne annuelle sur la décennie 2011-2021 (France Assureurs).
Les données collectées ne permettent cependant pas d'isoler la part des indemnisations versées aux collectivités et encore moins d'estimer le reste à charge pour ces dernières.
b) Les scénarios d'impact financier à horizon 2050
France assureurs a mené une étude56(*) sur la base d'une projection socio-démographique, en la couplant à une projection climatique, afin d'estimer les indemnisations que verseront les assureurs d'ici 2050.
Il ressort de cette analyse que les indemnisations pour la période 2020-2050 seraient de 143 milliards d'euros soit 69 milliards de plus que sur la période 1989-2019 (74 milliards).
Cette hausse s'explique principalement par deux facteurs :
- l'enrichissement global du pays - effet richesse - (densité et valeur moyenne des logements, des entreprises et des biens des collectivités territoriales), qui pèserait pour près de 37 milliards d'euros dans cette hausse ;
- l'impact du changement climatique, qui représenterait près de 24 milliards d'euros.
L'évolution des coûts serait en premier lieu due aux sècheresses (+ 215 %), puis aux inondations (+ 87 %) et enfin aux tempêtes (+ 46 %).
2. Le coût assurantiel des récentes dégradations lors des mouvements sociaux de juin 2023
Les violences urbaines de l'été 2023 ont causé de nombreux dommages sur des biens publics et privés. D'après le bilan dressé par France assureurs, 15 600 sinistres ont été recensés sur le territoire pour un coût total de 730 millions d'euros.
Pour les seules collectivités, les dommages aux biens représentent 4 % des déclarations mais 27 % du coût total soit 624 déclarations et 200 millions d'euros d'indemnisation, dont 65 millions d'euros pour Smacl Assurances SA et 30 millions d'euros pour Groupama.
En revanche, comme l'ont indiqué à la mission les réassureurs auditionnés dans le cadre de ses travaux, l'estimation du coût à venir de nouvelles émeutes est bien plus délicat à anticiper que le coût du risque climatique, en raison d'une absence de modélisation et d'un aléa moral important, qui permet difficilement d'anticiper la survenance et l'ampleur de ces phénomènes dans les prochaines années. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les réassureurs se sont montrés particulièrement frileux s'agissant du risque de violences urbaines, bien plus qu'ils ne le sont face à une hausse probable de la sinistralité climatique.
Au-delà des indemnisations versées par les assurances, le reste à charge pour certaines collectivités a été considérable.
Exemple de la commune de Valenton
Durant les émeutes de 2023, 15 véhicules de la commune ont été incendiés dont 5 de plus de 10 ans et non assurés contre l'incendie. Le remplacement de la flotte automobile dégradée a généré une dépense de 659 584 euros et une indemnisation de 115 870 euros, soit un reste à charge de 543 714 euros.
Les enrobés, bordures, caniveaux de voirie ainsi que la signalisation horizontale ont été détériorés. Le montant des réparations s'élève à 6 363,60 euros pour la signalisation horizontale et 72 871,15 euros pour la reprise des enrobés bordures et caniveaux. Ces montants sont entièrement pris en charge par la commune, les biens endommagés n'étant pas assurables.
Enfin, les dommages causés sur des bâtiments ont nécessité la réaffectation de personnels dans de nouveaux locaux non prévus à cet effet et qui ont donc dû être réaménagés pour un montant total de 149 678 euros, à la charge intégrale de la commune.
Source : mission d'information à partir des éléments transmis par la commune de Valenton
Au regard des tendances passées et des données climatiques pour les 30 prochaines années, d'une part, et des tensions sociales croissantes dans un contexte de crise économique d'autre part, la sinistralité des collectivités devrait continuer à augmenter, tant en termes de nombre de sinistres qu'en termes de coût global, comme l'ont indiqué à la mission de nombreuses personnes auditionnées
Dans ce contexte, si le chiffrage de cette sinistralité future reste difficile à établir, le marché assurantiel qui connait déjà des tensions financières devrait encore se dégrader si des adaptations et modifications ne sont pas rapidement mises en oeuvre. À défaut, il pourrait en résulter des difficultés grandissantes pour les collectivités.
* 56 Étude de France Assureurs sur « l'impact du changement climatiques sur l'assurance à l'horizon 2050 » - https://www.franceassureurs.fr/wp-content/uploads/2022/09/vf_france-assureurs_impact-du-changement-climatique-2050.pdf