II. EXTRAITS DU COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE L'OPECST DU MARDI 14 DÉCEMBRE 2023 PRÉSENTANT LES CONCLUSIONS DE L'AUDITION PUBLIQUE
Examen des conclusions de l'audition publique du 23 novembre 2023 sur le développement des réacteurs nucléaires innovants en France
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office, rapporteur. - Chers collègues, l'ordre du jour comporte deux points : la présentation des conclusions de l'audition publique consacrée au développement des réacteurs nucléaires innovants en France, qui s'est tenue le 23 novembre dernier au Sénat, et la présentation des actes du quarantième anniversaire de l'Office.
Olga Givernet et moi-même allons vous présenter le premier point. Vous connaissez le contexte de l'audition publique du 23 novembre : la relance de la filière nucléaire, initiée à Belfort en février 2022 par le discours du Président de la République, après plus de vingt ans d'attentisme, parfois aussi de renoncements. L'un des derniers était la décision d'arrêt du programme Astrid, officialisée au cours de l'été 2019, qui a donné lieu à la publication d'un rapport de l'Office en juillet 2021.
Astrid était un projet de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium de 600 ou 800 mégawatts électriques préfigurant un réacteur de production qui dépasserait, à terme, 1 000 mégawatts. Il prenait la suite des réacteurs expérimentaux Rapsodie et Phénix, ainsi que du réacteur de puissance Superphénix, de 1 200 mégawatts électriques, arrêté en 1997, bien qu'il ait atteint, comme cela a été rappelé lors de l'audition, un taux de disponibilité de 96 % en 1996. Plusieurs réacteurs du même type sont exploités en Chine, en Inde et en Fédération de Russie. Le plus puissant, le BN-800 russe, atteint 800 mégawatts électriques.
L'annonce, fin 2021, du plan d'investissement « France 2030 » laissait déjà entrevoir un revirement sur l'énergie nucléaire, puisqu'il comportait un volet spécifiquement destiné à « faire émerger en France des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets ».
Cette ambition a commencé à se concrétiser par la proclamation, le 23 juin 2023 et le 27 novembre 2023, des lauréats de l'appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants » de France 2030. Les deux premiers lauréats participaient d'ailleurs à la première table ronde de notre audition. À l'échelle européenne, après la création, en février 2023, à l'initiative de la France, de l'Alliance européenne pour le nucléaire, la Commission européenne a officiellement annoncé, le 27 novembre dernier, la prochaine mise en place d'une « alliance industrielle pour soutenir le déploiement des petits réacteurs nucléaires en Europe ».
L'audition du 23 novembre s'inscrivait pleinement dans la continuité des travaux de l'Office sur l'innovation dans le domaine de l'énergie. Elle a notamment permis de mesurer le chemin parcouru depuis la publication, en juillet 2021, du rapport sur « L'énergie nucléaire du futur et les conséquences de l'abandon du projet de réacteur nucléaire de quatrième génération Astrid » dont j'étais le co-rapporteur avec le député Thomas Gassilloud. Certaines des préconisations que nous allons vous présenter à la suite de cette synthèse étaient déjà, pour partie, mentionnées dans ce document.
Même si cela va de soi, il nous semble utile de souligner que l'audition du 23 novembre n'avait pas vocation à l'exhaustivité. Dans le temps limité d'une matinée, nous avons choisi de nous concentrer sur l'innovation dans le domaine des réacteurs, qu'ils soient basés sur des technologies de rupture - essentiellement les réacteurs à neutrons rapides - ou au contraire éprouvées - les actuels réacteurs à eau pressurisée - en mettant l'accent sur le rôle des start-up.
Certaines des questions soulevées par nos collègues ou par les participants seront approfondies dans de prochains travaux de l'Office. Par exemple, celles touchant au stockage des déchets radioactifs seront traitées le 25 janvier prochain, dans le cadre d'une audition publique dédiée à l'évaluation du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), dont les rapporteurs sont Hendrik Davi et Bruno Sido.
L'audition du 23 novembre dernier était structurée en deux tables rondes consacrées à l'innovation, la première dans le domaine des réacteurs avancés - innovation dans laquelle les start-up jouent un rôle de premier plan -, la seconde dans celui de la filière des réacteurs à eau pressurisée, à laquelle appartiennent les réacteurs du parc nucléaire actuel. Ces tables rondes étaient suivies d'une intervention coordonnée de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur l'accompagnement de la certification de ces solutions technologiques innovantes. Ce sujet est essentiel.
Mme Olga Givernet, députée, rapporteure. - Pour la première table ronde, compte tenu du très grand nombre de projets de petits réacteurs modulaires, dits SMR (small modular reactor) - de l'ordre de 80 dans le monde -, nous avons restreint notre champ d'investigation aux réacteurs à neutrons rapides, capables de mettre en oeuvre une fermeture complète du cycle du combustible. En effet, dès l'origine du programme nucléaire civil, la France a fait le choix d'un cycle du combustible fermé, dont l'objectif ultime est d'assurer la complète indépendance du pays pour sa production d'électricité. C'est la raison pour laquelle la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs prévoit, dans son article 3, la construction d'un réacteur de ce type. Par ailleurs, l'article 6 de cette même loi dispose que « la réduction de la quantité et de la nocivité des déchets radioactifs est recherchée notamment par le retraitement des combustibles usés », ce qui confirme sur le plan législatif l'orientation prise en faveur de la fermeture du cycle.
De plus, nous n'avons retenu que des start-up françaises, l'une d'entre elles étant européenne mais disposant d'un établissement en France.
Cette table ronde regroupait donc les deux premières start-up lauréates du premier appel à projets de France 2030 sur les « Réacteurs nucléaires innovants » : NAAREA et NEWCLEO, ainsi que deux start-up essaimées du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) : HEXANA et STELLARIA.
Les débats ont mis en évidence la diversité des approches technologiques retenues pour concevoir des réacteurs nucléaires de nouvelle génération. NAAREA et STELLARIA misent sur des réacteurs à sels fondus, HEXANA se concentre sur les réacteurs refroidis au sodium, héritiers directs d'Astrid, tandis que NEWCLEO se tourne vers les réacteurs refroidis au plomb. Ces réacteurs se distinguent aussi par leur puissance, allant de 80 mégawatts thermiques à plusieurs centaines de mégawatts. Cette diversité reflète la recherche de solutions adaptées à différents besoins industriels : la production, à plus ou moins grande échelle, d'électricité, mais aussi de chaleur, d'hydrogène ou la désalinisation, etc. Il est clairement apparu que la fermeture du cycle du combustible constituait une préoccupation commune à ces start-up.
La question de l'insertion des différents concepts de réacteurs dans le cycle actuel a bien été prise en compte, même si elle reste à mettre en oeuvre. En effet, tous nécessitent la production de nouveaux types de combustibles. Ces nouveaux réacteurs permettraient un recyclage beaucoup plus abouti des matières valorisables issues de l'enrichissement de l'uranium et des combustibles nucléaires ; qu'il s'agisse d'uranium appauvri, d'uranium de retraitement, de plutonium, voire de thorium. Certains intervenants ont même évoqué le potentiel de transmutation des actinides mineurs, un aspect également mentionné par la loi de 2006.
Afin d'atteindre ces objectifs ambitieux, notamment en termes de délais, les entreprises que nous avons entendues mobilisent des investissements privés conséquents, prévoient des partenariats avec des acteurs de l'industrie ou des institutions de recherche et sollicitent le soutien des autorités pour accélérer le développement de leurs projets. Nous y reviendrons dans le cadre de nos préconisations.
Un point mérite tout particulièrement d'être souligné : ces entreprises s'appuient toutes sur l'acquis scientifique et technologique des travaux de recherche et développement (R&D) menés depuis plusieurs dizaines d'années en France, notamment sur les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, ou en Europe, en particulier en Italie, pour les réacteurs rapides refroidis au plomb.
À cet égard, elles mobilisent les compétences et l'expérience de chercheurs, d'ingénieurs et de techniciens, français et européens, qui ont travaillé sur des installations telles que Phénix et Superphénix ou sur le projet Astrid. Ces start-up assurent ainsi un rôle très important de préservation des connaissances, y compris en faisant appel à des personnels retraités, et de valorisation des investissements réalisés dans le passé, en France et en Europe, sur les réacteurs à neutrons rapides.
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office, rapporteur. - La seconde table ronde était consacrée à l'innovation sur les réacteurs à eau pressurisée, technologie sur laquelle est basé notre parc actuel.
Cette table ronde a mis en évidence le dynamisme de la filière nucléaire française. Les intervenants ont, en particulier, mis l'accent sur l'innovation, sur la collaboration entre les différents acteurs du secteur, sur la contribution de la filière nucléaire à la transition énergétique ainsi qu'à la décarbonation de notre économie. En premier lieu, Jean-François Debost, directeur général de Nuclear Valley, a souligné le rôle de ce pôle de compétitivité fort de plus de 430 adhérents, soutenu par plusieurs ministères et collectivités locales, dans la promotion de l'innovation nucléaire, en particulier auprès des PME et des start-up.
En deuxième lieu, Olivier Bard, délégué général du Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN), a présenté le rôle de cette organisation. Créée en 2018, elle fédère 500 entreprises de la filière nucléaire et oeuvre pour la mobilisation et la performance collective de cette filière. À ce titre, elle intervient dans divers domaines, notamment les compétences, la formation, la sûreté, la qualité, et la transformation numérique.
En troisième lieu, Bernard Salha, directeur technique groupe et directeur de la R&D d'EDF, a mis en avant l'importance de l'innovation pour les réacteurs à eau pressurisée, y compris les réacteurs existants. Il a évoqué les nouvelles briques technologiques, comme l'intelligence artificielle et la fabrication additive, qui peuvent contribuer à améliorer la performance et la sûreté des réacteurs.
Enfin, Frédéric Hofmann, directeur du programme SMR France d'EDF, a présenté le projet de SMR à eau pressurisée NUWARD, qui intègre des innovations telles que la construction modulaire, une chaudière intégrée, et la cogénération, offrant des avantages potentiels en termes de rapidité de construction, de sûreté, et de décarbonation de la chaleur industrielle.
Mme Olga Givernet, députée, rapporteure. - La dernière partie de l'audition sur le développement des réacteurs nucléaires innovants en France était consacrée à l'accompagnement de la certification des solutions technologiques innovantes, avec des interventions conjointes d'Olivier Gupta, directeur général de l'ASN, et de Philippe Dupuy, responsable de la mission réacteurs innovants, ainsi que de Jean-Christophe Niel, directeur général de l'IRSN, et de Karine Herviou, directrice générale adjointe chargée de la sûreté nucléaire.
L'ASN a d'abord rappelé les trois principes fondamentaux qui s'appliquent à tous les réacteurs nucléaires dans le domaine de la sûreté : la responsabilité première de l'exploitant dans la sûreté de son installation ; l'exigence d'un haut niveau de protection des personnes et de l'environnement ; la transparence, avec des règles plus exigeantes que dans d'autres secteurs industriels.
Pour les porteurs de projets, qui souhaitent que leurs petits réacteurs soient autorisés dans plusieurs pays, se pose la question de la standardisation et de l'harmonisation des règles de sûreté à l'échelle internationale. L'ASN et d'autres autorités de sûreté nucléaire travaillent sur des objectifs de sûreté harmonisés pour les petits réacteurs modulaires. Elles cherchent des moyens de coopération internationale pour examiner les dossiers de sûreté simultanément dans plusieurs pays.
Les petits réacteurs nucléaires, qui seraient préférentiellement implantés près de zones industrielles ou densément peuplées, nécessitent des démonstrations de sûreté rigoureuses. En effet, même si les petits réacteurs sont de moindre puissance, ils peuvent contenir des quantités importantes de produits radioactifs. Les exigences de sûreté doivent donc permettre de limiter considérablement les conséquences des accidents potentiels. Il convient notamment de prouver que les rejets radioactifs restent négligeables en cas d'accident. Cela constitue un défi, en particulier en l'absence de retour d'expérience significatif sur certaines des technologies présentées.
L'IRSN a en effet indiqué que les projets de SMR présentent des maturités variables, avec un retour d'expérience limité pour certains concepts. La recherche et le développement sont donc essentiels pour soutenir à la fois la conception et la démonstration de sûreté de ces réacteurs. L'ASN et l'IRSN travaillent d'ores et déjà avec les concepteurs de réacteurs innovants sur ces questions.
Ces enjeux de sûreté concernent également le cycle du combustible associé aux réacteurs. De ce fait, la sûreté des installations de traitement du combustible doit être examinée conjointement avec celle du réacteur.
L'IRSN a souligné qu'il se tenait prêt à contribuer à la formation des start-up sur les questions de sûreté nucléaire et à partager ses outils, par exemple de modélisation des accidents graves.
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office, rapporteur. - Après ce compte rendu des propos tenus dans le cadre de ces tables rondes, nous souhaitons vous présenter cinq recommandations, qui prennent en compte un certain nombre des questions soulevées lors des débats particulièrement riches de cette audition.
Notre première recommandation porte sur les moyens alloués à l'ASN et à l'IRSN, indépendamment du projet de réforme de leur organisation. Les instances chargées de la sûreté et de la radioprotection doivent en effet disposer d'un effectif suffisant, en nombre et en qualité, pour accompagner les innovations technologiques, en France, mais aussi en lien avec les autres pays européens.
Leur capacité à répondre dans des délais raisonnablement courts, et surtout prévisibles, tout en ne dérogeant jamais à la rigueur de leur démarche en matière de sûreté et de radioprotection, constitue une condition indispensable à l'innovation dans le domaine des réacteurs, en particulier lorsqu'elle est portée par des start-up, qui doivent être en capacité d'afficher des calendriers clairs et resserrés pour parvenir à obtenir de nouveaux financements.
Aussi bien le directeur général de l'ASN, Olivier Gupta, que celui de l'IRSN, Jean-Christophe Niel, nous ont confirmé sans aucune ambiguïté la nécessité d'un tel renfort. Pour l'ASN, il devrait intervenir à partir de 2025 et se poursuivre dans la durée. Pour l'IRSN, qui travaille légèrement en amont de l'ASN, cet accroissement des moyens apparaît indispensable dès aujourd'hui. Dans le cas contraire, l'IRSN devrait recourir à une solution dégradée, par redéploiement, ce qui se ferait au détriment d'autres dossiers.
Ce renforcement des moyens est une recommandation que l'Office avait déjà formulée dans son rapport du mois de juillet dernier sur l'organisation du contrôle de la sûreté et de la radioprotection, dont je suis, avec Jean-Luc Fugit, le rapporteur, tout comme dans celui de juillet 2021 sur l'avenir de l'énergie nucléaire.
Notre deuxième recommandation rejoint les propos tenus par plusieurs intervenants de l'audition, aussi bien du côté des start-up, des autorités chargées de la sûreté, que d'EDF, sur la nécessité d'un renforcement du soutien à la recherche et à l'innovation. Certes, des progrès importants ont été accomplis ces dernières années, mais l'audition a bien mis en lumière que cet effort doit être poursuivi et sans doute amplifié. Il conviendrait par conséquent de revoir les moyens alloués dans ce domaine au CEA et à l'IRSN, mais aussi de remobiliser le CNRS ainsi que la recherche universitaire.
En lien avec ce besoin de montée en puissance de la recherche, notre troisième recommandation concerne l'approfondissement de la coopération européenne, et au-delà internationale, sur la recherche et l'innovation dans le domaine nucléaire. Ainsi que l'a souligné Bernard Salha, « les enjeux d'innovation sont tellement importants qu'il serait opportun de les partager entre plusieurs pays européens et de fédérer des actions ».
De plus, avec la diversification des pistes technologiques et l'augmentation du coût des plateformes de recherche, la coopération à l'échelle européenne et internationale devient indispensable pour couvrir un champ suffisamment large, tout en modérant ou du moins en optimisant les dépenses. Il ne s'agit pas de contourner Euratom, mais il faut bien constater, après plus de 60 ans, que ce traité n'a pas contribué de façon suffisante à faire progresser sur le continent européen les technologies nucléaires innovantes dans le domaine des réacteurs de fission.
Grâce à sa place dans les sciences et technologies de l'atome, la France a sans aucun doute un rôle de premier plan à jouer, au moins aussi important que dans le développement de l'aéronautique et du spatial en Europe. Une initiative dans le domaine de la recherche et du développement serait d'ailleurs un prolongement naturel de la nouvelle Alliance européenne pour le nucléaire, qu'elle renforcerait, en ouvrant de nouvelles perspectives à nos partenaires. C'est précisément ce que l'OPECST avait proposé dans son rapport de juillet 2021, tout comme l'ouverture d'une telle coopération à des pays proches, comme le Royaume-Uni et l'Ukraine, ou plus éloignés, comme le Japon. À l'époque l'Australie avait aussi été évoquée, mais l'accord de coopération tripartite AUKUS est venu mettre à mal cette option.
Notre quatrième recommandation concerne l'adaptation de la législation et de la réglementation aux besoins particuliers des technologies innovantes. En effet, la loi relative l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes ne prend pas spécifiquement en compte les besoins exprimés lors de l'audition. Il conviendrait, en particulier, que le Gouvernement étudie de quelle façon la mise en place de dispositifs expérimentaux sur les sites de recherche nucléaire actuels pourrait être simplifiée ou leur construction anticipée, tout en respectant strictement les règles de protection de la population et de l'environnement.
La cinquième recommandation porte sur la prise en compte de l'impact des nouveaux réacteurs sur le cycle du combustible nucléaire, en anticipant sur les besoins de combustible de ces nouveaux projets, mais aussi en examinant comment ils peuvent permettre d'atteindre l'objectif de fermeture du cycle prévu par la loi de 2006, qui a été laissé de côté depuis la suspension du projet Astrid.
Enfin, nous nous sommes interrogés sur le besoin, évoqué par plusieurs de nos collègues, de sensibiliser la population à la possibilité que des installations nucléaires soient un jour implantées à proximité de zones industrielles ou densément peuplées. Il nous a semblé qu'une telle démarche serait prématurée, car il reste à ce jour trop d'inconnues sur les conditions dans lesquelles, en termes de sûreté nucléaire, de radioprotection, mais aussi de sécurité, cela pourrait être envisagé.
Il conviendra que l'OPESCT suive avec beaucoup d'attention le développement de ces technologies pour juger du moment le plus opportun pour initier une telle démarche. À cet égard, il serait sans doute utile que l'Office prolonge la mission confiée à la Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE2) sur le suivi du développement des réacteurs avancés et étudie comment celle-ci pourrait être, à terme, inscrite dans les textes.
M. Arnaud Bazin, sénateur. - Ces recommandations me semblent empreintes de bon sens et n'appellent pas de ma part d'observation particulière. Néanmoins, je veux exprimer deux frustrations.
L'audition était passionnante, mais le caractère contraint de son horaire a frustré beaucoup de collègues présents, car la matière était particulièrement dense. Néanmoins, ces contraintes sont inhérentes à l'exercice et nous nous y plions.
Par ailleurs, j'aurais davantage tiré profit de ces passionnants échanges si, en amont, j'avais disposé, soit du propos préalable d'un expert, soit d'un document vulgarisant les techniques qui allaient nous être présentées, en nous donnant des indications sur la maturité des concepts ainsi que sur les capacités industrielles à les réaliser. Contextualiser le débat aurait permis de rendre davantage pertinentes nos questions à destination des intervenants.
Lorsque les auditions sont aussi techniques, il est important que nous ayons les ressources nécessaires, afin de poser les questions les plus pertinentes possibles. J'ignore si cela a déjà été réalisé, car je suis un nouveau membre de l'Office.
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office, rapporteur. - Je maintiens qu'il faut contenir la durée de ces auditions, afin qu'elles restent dynamiques, notamment pour ne perdre personne en cours de route. Au demeurant, l'audition a duré deux heures et demie.
Concernant la vulgarisation, j'entends la demande de disposer de documents permettant d'appréhender plus facilement le sujet. Si, lors ma première participation à une réunion de l'Office, il y a six ans, on m'avait parlé de réacteurs à neutrons rapides ou refroidis au plomb, j'aurais été un peu perdu. Cependant, je ne doute pas de la capacité de nos collègues à assimiler très rapidement ces concepts. En France, la technologie des réacteurs à neutrons rapides existe depuis plusieurs décennies. Mais il est indéniable qu'un temps d'acculturation est nécessaire pour se familiariser avec ce large éventail de nouvelles technologies plus ou moins complexes et plus ou moins réalisables.
Mme Olga Givernet, députée, rapporteure. - Certains intervenants ont également pu ressentir une certaine frustration de ne pouvoir approfondir leur propos, mais ils étaient informés en amont de ces contraintes de temps. J'ignore si leurs supports de présentation ont été communiqués aux membres de l'OPECST, mais nous pourrons nous en assurer. Il est vrai que notre compréhension du domaine nucléaire s'enrichit au fil des questions posées, ce qui contribue à éclairer progressivement nos collègues sur ce sujet complexe.
De surcroît, nous sommes dans une phase de rupture et de relance du nucléaire. Par conséquent, je souhaite que nous puissions poursuivre des échanges réguliers sur ces questions. Par ailleurs, outre la dynamique des débats, j'ai apprécié que nous puissions retenir l'essentiel du propos des start-up, tout en évitant de nous égarer dans des considérations secondaires.
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office, rapporteur. - Je rappelle que nous avons limité les débats au sujet de la fission nucléaire, alors que nous aurions pu également aborder celui de la fusion. Ceci illustre la difficulté à déterminer le champ de nos travaux.
M. Maxime Laisney, député. - La réunion du 23 novembre était ma première participation aux travaux de l'Office. Malgré son contenu dense et technique, je vous remercie pour la conduite des travaux. J'ai pu intervenir à plusieurs reprises et j'espère ne pas avoir abusé de mon temps de parole. Les conclusions sur lesquelles il nous est demandé de nous prononcer me semblent assez fidèles à nos travaux, même si j'ai noté quelques manques dans le compte rendu.
Vous avez été assez exhaustif sur les propos tenus lors de l'audition, y compris ceux tenus par l'ASN et l'IRSN. Ceci dit, l'ASN a souligné que certains projets ne prévoient aucun personnel sur site en phase d'exploitation et l'IRSN a ajouté que cette absence pouvait causer des problèmes de maintenance en service. Ce point ne me semble pas mineur.
Par ailleurs, l'IRSN a pointé cinq enjeux importants. Le premier consiste à expertiser au même rythme les aspects de sûreté et de sécurité, afin d'éviter toute déconvenue. Si les projets sont relativement sûrs mais pas sécurisés, ils ne pourront aboutir, y compris pour des raisons économiques. Le deuxième enjeu - que vous avez-vous-même souligné - est qu'une R&D importante reste à mener, en particulier sur les technologies à sels fondus et au plomb qui ne sont pas complètement maîtrisées comme peut l'être la filière des réacteurs à eau pressurisée (REP). Le troisième enjeu concerne la réaction entre l'eau et le sodium, utilisé dans au moins l'un des projets, qui représente un défi technique de taille. Le quatrième enjeu porte sur la résistance des matériaux. Le cinquième enjeu souligné par l'IRSN concerne l'importance de tenir un débat public sur les SMR. Cela fait écho à votre sixième recommandation, qui n'en est pas encore une à ce stade.
J'avais posé deux questions aux participants sans obtenir de réponse. La première concernait le calendrier de déploiement industriel de ces SMR. En effet, on nous fait un peu rêver avec tous ces prototypes, mais si l'on veut vraiment qu'ils décarbonent l'économie française, ils doivent être mis en service assez rapidement. En attendant, les émissions de gaz à effet de serre s'accumulent dans l'atmosphère. Ce n'est donc pas un mince enjeu.
Ma deuxième question portait sur le prix du kilowattheure. Je n'ai obtenu aucune réponse concrète, si ce n'est que certains intervenants ont dit vouloir développer puis exploiter leurs réacteurs, et espérer, durant la phase d'exploitation, avoir à la fois un retour sur investissement et des prix raisonnables.
Sur la première recommandation, je partage évidemment la volonté d'obtenir des moyens supplémentaires pour l'ASN et l'IRSN. Malheureusement, un projet de fusion est prévu. À cet égard, lorsque j'ai interrogé le directeur général de l'IRSN lors d'une réunion de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, il m'a affirmé que les démissions avaient déjà augmenté cette année de plus de 50 % par rapport aux années précédentes. Même si des moyens supplémentaires sont dégagés, si le projet de fusion rebute les personnels, nous n'aurons pas avancé.
Sur la deuxième recommandation, il faudra réaliser davantage de R&D si l'on souhaite développer des SMR. Personnellement, je suis opposé à un tel développement et je considère que ces investissements devraient plutôt être consacrés aux énergies renouvelables, ainsi qu'aux enjeux de stockage et de flexibilité.
Je n'ai rien à ajouter concernant la troisième recommandation.
La quatrième recommandation préconise d'adapter la loi. Cela ne me semble pas sérieux six mois à peine après sa promulgation. Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, j'ai interrogé plusieurs fois la ministre sur la prise en compte des SMR. Deux fois, elle m'a répondu par l'affirmative. En vérité, tous savaient que ce n'était pas le cas. Il y a quinze jours, quand je lui ai reposé cette question en audition, la ministre m'a répondu que les SMR n'étaient pas prévus dans l'immédiat et n'intéresseront le législateur qu'en 2030 ou 2040.
J'ai également une question sur la cinquième recommandation, qui propose d'anticiper les besoins en combustibles. Cela peut-il être fait dans le cadre du travail sur le PNGMDR qui va commencer en janvier 2024 ou faut-il prévoir un rapport spécifique sur le sujet ?
J'ajoute que l'un des usages promis par les SMR est la production d'hydrogène. Or, j'ai constaté que, si l'Office a déjà travaillé sur ce sujet, les questions liées à la sécurité-incendie et aux fuites n'ont pas été abordées. Pourtant, la molécule d'hydrogène est la plus légère de l'univers. Par conséquent, elle est beaucoup plus volatile que les gaz existants. Il s'agit donc d'un véritable problème. J'ai d'ailleurs été invité par le Service départemental d'incendie et de secours de mon département (SDIS). Les sapeurs-pompiers m'ont indiqué qu'ils ne participent pas à l'élaboration des normes régulant les installations sur lesquelles ils sont appelés à intervenir. Ils ont souligné les risques spécifiques liés à l'hydrogène ; par exemple une personne plaçant sa main à vingt centimètres d'une flamme d'hydrogène ne sentira rien, alors que sa main brûlera si elle est au-dessus de celle-ci. Ce sujet mériterait donc d'être expertisé, afin que nous ne nous lancions pas inutilement dans une nouvelle technologie sans savoir véritablement gérer ce vecteur énergétique.
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office, rapporteur. - Tout d'abord, je suis content de vous entendre dire que le déploiement des SMR - je reprends vos propos - fait « rêver ».
Concernant les manques, nous vous avons fait un compte rendu synthétique de l'audition. Nous ne pouvons reprendre point par point toutes les problématiques des nouvelles technologies - par exemple la réaction du sodium à l'eau et à l'air - car le compte rendu deviendrait un rapport. Nous sommes obligés de nous concentrer sur un certain nombre de points saillants.
S'agissant de l'adaptation de la loi au déploiement des SMR, il me semble qu'il y a une marge de manoeuvre entre six mois après l'adoption de la loi et l'horizon 2030. Nous sommes en 2023 et il n'est pas rare que des lois soient revisitées un ou deux ans après leur adoption. À un moment donné, il est apparu nécessaire de voter un texte d'accélération de la production d'électricité d'origine nucléaire. Qu'il faille légèrement adapter le dispositif pour prendre en compte de nouveaux besoins spécifiques ne me choque pas.
Sur la nécessité de moyens supplémentaires, nous sommes d'accord. Puisque nous sommes dans la phase finale de l'examen du projet de loi de finances, vous avez remarqué que des moyens sont déjà inscrits pour la revalorisation des postes et des statuts, notamment à l'IRSN. Un signal positif est donc envoyé. Nous aurons probablement l'occasion de revenir sur ce projet de rapprochement des deux structures. Pour le moment, il est sans doute moins nécessaire de piller les compétences que de les mutualiser, y compris au niveau mondial.
En ce qui concerne la sécurité de l'hydrogène, les risques sont connus, tout comme ceux résultant des caractéristiques physiques du sodium. Aujourd'hui, l'hydrogène représente un axe de recherche et de production énergétique, mais aussi de prospection de gisements natifs d'hydrogène situés dans certaines formations géologiques. En France, il existe notamment des projets visant à identifier de tels gisements, évitant ainsi le recours au vaporeformage du méthane ou à l'électrolyse. Il s'agit d'une piste très prometteuse, mais nous n'en sommes qu'aux balbutiements. En définitive, il n'existe pas d'industrie neutre en matière de sécurité.
Mme Olga Givernet, députée, rapporteure. - Je salue le fait que l'Office ait pu se saisir de ce sujet alors même que des financements étatiques sont déjà engagés. Nous allons observer l'évolution de ces technologies qui ne sont pas complètement matures. Nous avons donc encore un peu de temps devant nous, même si certains acteurs sont très optimistes. Je souhaite qu'ils puissent tenir leurs engagements, car nous aurons des besoins dans les années à venir et nous devrons franchir un palier pour développer de nouvelles infrastructures, qu'il s'agisse d'EPR2 ou de SMR. Il faudra peut-être auditionner régulièrement les acteurs de ce secteur, afin d'anticiper les avancées réalisées et de nous assurer de la cohérence dans les choix technologiques dont certains seront peut-être même abandonnés.
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office, rapporteur. - Je n'ai pas répondu sur le combustible, mais je vais donner tout à l'heure la parole à Bruno Sido qui est expert sur le PNGMDR. Nous n'avons pas de réelle inquiétude sur l'approvisionnement. Il est vrai que certains pays producteurs d'uranium, comme le Kazakhstan ou le Niger, peuvent présenter des risques en termes de stabilité. Cependant, nous avons aussi des partenaires fiables, tels que l'Australie et le Canada, qui sont des démocraties stables alliées de la France. Il n'y a donc pas de difficulté en la matière. Par ailleurs, la France dispose sur son territoire de 320 000 tonnes d'uranium appauvri, utilisables dans les REP après un nouvel enrichissement ou directement dans des réacteurs à neutrons rapides. Ceux-ci représentent une voie prometteuse vers une énergie nucléaire durable. Bien que certains gouvernements aient rejeté cette option par le passé, il faudra nécessairement y revenir.
M. Daniel Salmon, sénateur. - Effectivement, je trouve ce compte rendu assez fidèle à ce qui a été dit, bien qu'il ne puisse être exhaustif.
J'avais posé quelques questions concernant en particulier la sécurité, que je considère comme une grande absente des débats, bien que nous ayons un peu évoqué une sûreté passive. Cette sécurité me semble assez difficile à assurer pour ces SMR, puisque nous comptons les mettre hors du périmètre habituel des sites nucléaires, très protégés. Qu'en est-il de la dissémination des SMR dans des zones industrielles ? Se pose également la question de l'exportation des SMR, qui induit un problème de prolifération nucléaire. Ces questions sont sérieuses.
J'avais également posé une question sur le coût du mégawatt installé et sur celui du mégawattheure produit, sans obtenir de réponse. Historiquement, la tendance a été d'augmenter graduellement la puissance des réacteurs, pour bénéficier d'économies d'échelle. Avec les SMR, nous opérons soudainement une volte-face. Aujourd'hui, il est entendu que des économies substantielles ne seront possibles avec les SMR que si quelques milliers d'unités sont produites, un scénario qui ne semble pas acquis.
Nous parlons de « collaboration » entre start-up, alors que j'ai surtout pu observer de la compétition. Bien que ces acteurs soient issus du même sérail, chacun essaie de tirer son épingle du jeu. Ainsi, la compétition va s'accroître. Or, si elle peut être source d'émulation, elle présente aussi quelques risques. La question est aussi celle de la place du secteur privé dans le domaine nucléaire.
En outre, ces start-up bénéficient de financements publics. Comment l'État y trouvera-t-il son compte ? Un euro ne peut être investi simultanément en deux endroits, alors que nous sommes confrontés à des défis dans l'efficacité énergétique, par exemple pour la rénovation des bâtiments. Même si nous consacrons un budget important à cette recherche, les SMR ne verront pas le jour avant 2040. Ce sera trop tard, car c'est dans la prochaine décennie qu'il faut agir.
J'ajoute que nous parlons beaucoup de « nouvelles » technologies. Pourtant il y a peu de « neuf », exception faite de la miniaturisation ; encore celle-ci existait-elle déjà dans certains sous-marins ou certaines plateformes russes. D'ailleurs, nous pouvons voir que certaines technologies, comme les neutrons rapides, sont mises en oeuvre en Chine ou en Russie. Ces pays peu transparents ne sont pourtant pas de grands modèles de démocratie.
Concernant les préconisations, je ne suis pas un fervent partisan du nucléaire. En effet, je pense qu'il faut utiliser ailleurs l'argent public. Il est d'ailleurs difficile de se positionner sur ce rapport, voter en sa faveur me gêne, même s'il est fidèle à ce qui a été dit.
M. Gérard Leseul, député, vice-président de l'Office. - Je vous remercie pour cette restitution d'une audition à laquelle je n'ai malheureusement pas pu participer. Je ne peux donc pas me prononcer sur les quelques manques qui ont été évoqués. Néanmoins, je formulerai quelques remarques et questions.
La première recommandation indique qu'un renfort des moyens de l'ASN « devrait intervenir à partir de 2025 et se poursuivre dans la durée ». Je m'interroge sur l'emploi du conditionnel : sommes-nous absolument certains que ce renfort va intervenir, ou s'agit-il d'un souhait ? On ne sait pas si l'on exprime une appréciation prudente ou une très forte recommandation de ce que souhaite l'Office. Ceci mériterait d'être précisé.
La deuxième recommandation est relative à la R&D. Je partage l'idée que nous devons la renforcer, mais il serait utile de préciser qu'elle concerne aussi le traitement des déchets.
Sur la troisième recommandation, il est écrit dans le deuxième paragraphe qu'une coopération européenne et internationale devient indispensable pour « couvrir un champ suffisamment large tout en modérant les dépenses ». Je préférerais une formulation plus positive, comme « pour permettre une mutualisation » ou une « optimisation ».
La quatrième recommandation évoque l'adaptation des dispositions législatives et réglementaires. Nous avons été nombreux à nous exprimer avec beaucoup de prudence sur le sujet. Donc, je proposerais de préciser qu'une telle adaptation doit être « prudente », l'existence de start-up intégralement privées dans le domaine des technologies innovantes n'étant pas pour rassurer. Le paragraphe suivant dispose qu'il faut respecter strictement la règle de protection de la population et de l'environnement. J'ai envie d'ajouter l'idée de « consultation citoyenne ». De mon point de vue, cela est fondamental si nous voulons permettre une relative confiance de nos concitoyens en matière nucléaire.
Enfin, dans l'avant-dernier paragraphe de la sixième recommandation, les rapporteurs disent s'être « interrogés sur le besoin, évoqué par plusieurs membres de l'OPECST, de sensibiliser la population à la possibilité que les installations nucléaires soient un jour implantées à proximité de zones industrielles ou densément peuplées. - ceci a été rappelé dernièrement par la ministre à plusieurs reprises, contrairement à ce que nous avions pu comprendre dans les premiers échanges - Après réflexion, il leur a semblé qu'une telle démarche serait prématurée ». Si vous le voulez bien, j'aimerais préciser que nous parlons d'une démarche « d'installation » dans les zones concernées, et non de la démarche de consultation, de concertation ou d'information des citoyens.
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office, rapporteur. - Je pense que Daniel Salmon a raison et que nous aurions pu évoquer la sécurité qui est un sujet important. Nous savons que les centrales nucléaires sont très surveillées et sécurisées. Néanmoins, des risques nouveaux apparaissent, notamment avec la prolifération des SMR à l'exportation.
Il n'y a pas vraiment de volte-face en matière de puissance des réacteurs, même si nous pouvons observer un changement de paradigme, puisque nous sommes passés de 900 à 1 300, voire 1 600 mégawatts pour les EPR.
Pour les SMR, il s'agit aussi de remplacer des moyens de production d'électricité très carbonés, par exemple une centrale à charbon située dans une région qui nous est commune avec Philippe Bolo. La production d'électricité à partir de charbon étant la plus émettrice de carbone, la présidente de la région Pays de la Loire s'est prononcée sur une étude d'implantation d'un SMR en lieu et place de la centrale existante, ce qui pose évidemment la question de la création d'un nouveau site nucléaire. Pour remplacer la centrale de Cordemais, il ne faut pas un réacteur de 1 000 mégawatts, mais de quelques centaines de mégawatts tout au plus. Un projet de SMR serait de ce fait adapté. Pour autant, je n'écarte pas la question de la sécurité.
Concernant la compétition entre start-up, un plan et des appels à projets ont été lancés. Certains lauréats étaient d'ailleurs présents à l'audition. La compétition fera émerger les meilleurs projets, les plus solides technologiquement sur tous les aspects, notamment pour la sûreté et la sécurité. Pour les choisir, il faut bien avancer dans les projets afin de ne pas rester au stade des études préalables. Cela demande de l'argent. Je regrette que ces moyens n'aient pas été consacrés à la filière nucléaire depuis la fin des années 1990.
Nous ajouterons aux conclusions que ce n'est pas la démarche de consultation citoyenne que nous voulons reporter mais bien celle liée à l'installation. Nous pouvons aussi ajouter, en accord avec ma co-rapporteure, « adaptation prudente », même si les textes de loi sont toujours prudents.
M. Gérard Leseul, député, vice-président de l'Office. - Serait-il possible d'avoir un document synthétisant les technologies innovantes qui font l'objet de projets ?
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office, rapporteur. - Nous essaierons de mettre cela à disposition. Nous pouvons faire un point en partant de la filière actuelle. Je ne sais pas si nous parviendrons à inclure toutes les technologies existantes, mais nous traiterons au moins de celles présentées lors de l'audition.
L'Office adopte les conclusions de l'audition publique du 23 novembre 2023 et autorise la publication, sous forme de rapport, du compte rendu de l'audition et de ces conclusions.