- SYNTHÈSE
- LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS
- AVANT-PROPOS
- CONCLUSION
- EXAMEN EN DÉLÉGATION
- LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
N° 216
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 décembre 2023
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif à la sortie de mandat des élus locaux,
Par Mme Agnès CANAYER, MM. Thierry COZIC
et
Gérard LAHELLEC,
Sénateurs
(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; M. Rémy Pointereau, premier vice-président ; Mme Agnès Canayer, MM. Cédric Vial, Fabien Genet, Mme Corinne Féret, MM. Éric Kerrouche, Gérard Lahellec, Mme Guylène Pantel, MM. Didier Rambaud, Pierre Jean Rochette, Grégory Blanc, vice-présidents ; MM. Jean Pierre Vogel, Laurent Burgoa, Bernard Delcros, Hervé Gillé, secrétaires ; M. Jean-Claude Anglars, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Max Brisson, Mme Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Cédric Chevalier, Thierry Cozic, Mme Catherine Di Folco, MM. Jérôme Durain, Daniel Gueret, Mme Pascale Gruny, MM. Joshua Hochart, Patrice Joly, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Jacques Lozach, Pascal Martin, Jean-Marie Mizzon, Franck Montaugé, Mme Sylviane Noël, MM. Olivier Paccaud, Hervé Reynaud, Jean-Yves Roux, Mmes Patricia Schillinger, Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Lucien Stanzione, Jean-Marie Vanlerenberghe.
SYNTHÈSE
S'il est bien un impensé de la vie politique locale, c'est la fin de mandat. Pourtant cette étape n'est jamais anodine dans la vie d'un élu, elle fait même partie intégrante du cycle électoral et de la règle du jeu démocratique. Les raisons du départ peuvent être multiples : du souhait de « passer à autre chose » jusqu'à la défaite interdisant le renouvellement, en passant par la démission pour raisons personnelles. Les conséquences pratiques n'en demeurent pas moins toujours identiques, avec le sentiment diffus d'un saut dans l'inconnu et l'impératif d'une nouvelle page à écrire.
Quelles que soient la nature du mandat (municipal, intercommunal, départemental ou régional) et les situations personnelles, l'horizon se dessine alors toujours autour de ces grandes lignes de perspective : la perte de ressources en fin de mandat, le régime de retraite, le devenir des compétences et des connaissances acquises, et la réinsertion professionnelle.
Pour accompagner au mieux les élus locaux dans cette période cruciale de leur parcours personnel et professionnel, la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation formule huit recommandations.
I. LA SORTIE DE MANDAT : UNE ÉTAPE IMPORTANTE DANS LA VIE DE L'ÉLU LOCAL, MAIS TROP NEGLIGÉE
A. Le manque de données statistiques
En dehors des chiffres rendant compte du nombre de démissions de maire depuis 2020, les statistiques manquent pour objectiver le phénomène. Aucun suivi (tableaux de bord, appareil statistique...) n'est assuré du côté du Ministère de l'Intérieur et de la direction générale des collectivités locales (DGCL).
RECOMMANDATION 1 : production de données chiffrées (statistiques) afin de suivre les sorties de mandat des élus locaux.
B. L'angle mort de la fin de mandat
La difficulté à vivre la sortie de mandat représente une réalité incontournable sur le plan personnel. Car on ne quitte jamais le service de la collectivité sans, au moins, un pincement au coeur. L'élu était « quelqu'un » et devient « personne ». Certains élus éprouvent le besoin d'être accompagnés, et même conseillés, dans le démarrage de leur nouvelle vie.
La fin de mandat de l'élu n'a jamais été l'objet central d'aucun texte législatif, ni d'aucune étude parlementaire spécifique. En l'absence d'un véritable « statut de l'élu », les outils juridiques pour répondre aux attentes des élus sont peu nombreux.
Les évolutions de la sociologie politiques dans notre pays et les fluctuations électorales plus fréquentes renforcent les enjeux liés à la fin de mandat.
RECOMMANDATION 2 : aménagement des conditions de sortie de mandat afin de faciliter cette transition parfois délicate dans la vie des élus locaux :
- diffusion par le préfet d'un guide d'information recensant les droits des élus en fin de mandat. La distribution du guide se fait en début, en milieu et en fin de mandat ;
- maintien sur un semestre des coordonnées institutionnelles de l'ancien élu (réception du courrier, adresse mail...).
C. Les prémisses d'un statut autour de mesures disparates
Le caractère chronophage d'un mandat électif local et la volonté de s'y investir pleinement se conjuguent pour amener des élus à abandonner leur activité professionnelle, et se consacrer à temps plein à leur collectivité territoriale. La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a institué une allocation réservée à ces élus. Mais l'existence de l'allocation différentielle de fin de mandat est encore trop méconnue et son champ d'application trop restreint.
RECOMMANDATION 3 : adaptation de l'allocation différentielle de fin de mandat à la diversité des situations par :
- l'information systématique en fin de mandat, par le préfet par exemple, de l'existence et des modalités d'accès à l'allocation différentielle de fin de mandat ;
- l'extension du champ de l'allocation différentielle de fin de mandat aux maires des communes de moins de 1 000 habitants ;
- l'ouverture du droit à l'allocation différentielle de fin de mandat pour les élus démissionnaires en cours de mandat.
Il convient de traduire, dans les droits à la retraite, la reconnaissance à l'égard de ceux qui ont consacré une partie de leur temps, sur une période de vie conséquente, à l'intérêt général dans leur collectivité.
RECOMMANDATION 4 : perfectionnement du régime de retraite des élus par :
- l'octroi d'une bonification de trimestres (un trimestre par mandat, par exemple) ;
- rendre le régime « Ircantec élu » indépendant des autres régimes, afin de lever les barrières au versement de la retraite professionnelle.
II. COMMENT SÉCURISER LE RETOUR À LA VIE PROFESSIONNELLE DE L'ÉLU LOCAL
A. Diffuser une culture de valorisation des compétences et des connaissances acquises durant le mandat
Tout au long de l'exercice de son mandat, l'élu local acquiert des compétences, il enrichit son bagage de connaissances des rouages de l'administration et de divers champs juridiques, et il développe des savoir-être comme des savoir-faire. Le moment de la réinsertion professionnelle venue, ces acquis représentent autant d'atouts à valoriser dans la recherche d'emploi. Un des leviers pour valoriser l'expérience des élus locaux consiste en la validation des acquis de l'expérience (VAE). Mais cette formation peine aujourd'hui à trouver son public. Plutôt qu'un frein financier, c'est le manque d'information sur la nature du diplôme et la procédure à suivre qui semble faire défaut à la VAE.
RECOMMANDATION 5 : renforcement de l'accompagnement dans le processus de validation des acquis de l'expérience (VAE) :
- développer des synergies entre le monde des élus locaux (associations, notamment) et l'Université ;
- conduire une action informative sur la VAE auprès des élus locaux ;
- à terme, élaborer un référentiel national de formation.
Sans entrer dans une démarche aussi lourde et exigeante que la VAE, l'élu local peut avoir envie et / ou besoin de valoriser les compétences, les aptitudes et les connaissances acquises durant le mandat. Il s'agit alors avant tout d'identifier les compétences, de les répertorier dans un document, et, éventuellement, d'établir des correspondances avec des emplois pour lesquels ces compétences sont requises.
RECOMMANDATION 6 : création d'un certificat de compétences professionnelles pour les élus locaux.
B. Apporter un accompagnement déontologique en sortie de mandat
La judiciarisation croissante de l'exercice d'un mandat électoral local, avec un risque pénal à la clef, fait peser une lourde responsabilité sur les élus locaux. Elle pourrait conduire, à plus ou moins brève échéance, soit à décourager encore un peu plus les vocations de se présenter à un mandat électoral, soit à dissuader les élus de prendre certaines initiatives dans le cadre de leur mandat, avec pour corolaire le blocage inéluctable de l'action publique locale.
L'article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit le recours à un référent déontologue, mais uniquement pour les élus soucieux de recueillir un avis en cours de mandat. Or, par exemple, la période durant laquelle les exécutifs locaux, lorsqu'ils ont quitté leur fonction, ne peuvent pas travailler pour un organisme avec lequel ils ont eu des relations durant l'exercice de leur mandat, court sur trois ans.
RECOMMANDATION 7 : donner la faculté à l'ancien élu de saisir le référent déontologue de son ancienne collectivité d'élection pour être conseillé et mieux se protéger du risque pénal.
C. Faciliter la réinsertion professionnelle dans le privé
Les allers-retours entre l'exercice d'un mandat local et le travail en entreprise peuvent encore gagner en fluidité. Ces deux mondes sont encore parfois trop cloisonnés : des cultures et des temporalités différentes, comme le souci de ne pas mélanger les genres, expliquent une bonne part de cet éloignement relatif. Pourtant le rôle citoyen des entreprises n'est plus à démontrer, tout comme le souci de la majorité de leurs employés d'être pleinement associés à la vie de la Cité. Encourager l'embauche d'anciens élus au sein de l'entreprise permet d'ailleurs, en retour, de lever certains freins parmi les salariés désireux de s'engager dans un mandat local, mais soucieux de leurs conditions de retour dans le privé au terme du mandat.
RECOMMANDATION 8 : insertion dans le statut des « sociétés à mission », aux côtés des objectifs sociaux et environnementaux, d'un volet « citoyen » visant à favoriser le recrutement et la reconversion professionnelle d'anciens élus.
N° de la recommandation |
Recommandations |
Acteurs concernés |
Calendrier prévisionnel |
Support/action |
1 |
Production de données chiffrées (statistiques) afin de suivre les sorties de mandat des élus locaux. |
Ministère de l'Intérieur, direction générale des collectivités locales (DGCL) |
Avant les prochaines élections municipales en 2026 |
Organisation des services |
2 |
Aménagement des conditions de sortie de mandat afin de faciliter cette transition parfois délicate dans la vie des élus locaux : - diffusion par le préfet d'un guide d'information recensant les droits des élus en fin de mandat. La distribution du guide se fait en début, en milieu et en fin de mandat ; - maintien sur un semestre des coordonnées institutionnelles de l'ancien élu (réception du courrier, adresse mail...). |
Associations représentantes des élus locaux, Ministère de l'Intérieur, direction générale des collectivités locales (DGCL) |
Avant les prochaines élections municipales en 2026 |
Loi |
LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS
3 |
Adaptation de l'allocation différentielle de fin de mandat à la diversité des situations par : - l'information systématique en fin de mandat, par le préfet par exemple, de l'existence et des modalités d'accès à l'allocation différentielle de fin de mandat ; - l'extension du champ de l'allocation différentielle de fin de mandat aux maires des communes de moins de 1 000 habitants ; - l'ouverture du droit à l'allocation différentielle de fin de mandat pour les élus démissionnaires en cours de mandat. |
Parlement, Ministère de l'Intérieur, direction du management de l'administration territoriale (DMAT) |
Avant les prochaines élections municipales en 2026 |
Loi / Circulaire |
4 |
Perfectionnement du régime de retraite des élus par : - l'octroi d'une bonification de trimestres (un trimestre par mandat, par exemple) ; - rendre le régime « Ircantec élu » indépendant des autres régimes, afin de lever les barrières au versement de la retraite professionnelle. |
Parlement |
Avant les prochaines élections municipales en 2026 |
Loi |
5 |
Renforcement de l'accompagnement dans le processus de validation des acquis de l'expérience (VAE) : - développer des synergies entre le monde des élus locaux (associations, notamment) et l'Université ; - conduire une action informative sur la VAE auprès des élus locaux ; - à terme, élaborer un référentiel national de formation. |
Associations représentantes des élus locaux, Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESPP), Ministère de l'Intérieur, Direction générale des collectivités locales (DGCL) |
Avant les prochaines élections municipales en 2026 |
Mise en réseau des acteurs |
6 |
Création d'un certificat de compétences professionnelles pour les élus locaux. |
Ministère de l'Intérieur, Direction générale des collectivités locales (DGCL) |
Avant les prochaines élections municipales en 2026 |
Loi |
7 |
Donner la faculté à l'ancien élu de saisir le référent déontologue de son ancienne collectivité d'élection pour être conseillé et mieux se protéger du risque pénal. |
Parlement |
Avant les prochaines élections municipales en 2026 |
Loi |
8 |
Insertion dans le statut des « sociétés à mission », aux côtés des objectifs sociaux et environnementaux, d'un volet « citoyen » visant à favoriser le recrutement et la reconversion professionnelle d'anciens élus. |
Parlement, Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, direction générale des entreprises (DGE) |
Avant les prochaines élections municipales en 2026 |
Loi |
AVANT-PROPOS
S'il est bien un impensé de la vie politique locale, c'est la fin de mandat pour un élu. Le contraste est ainsi frappant entre l'attention portée au déroulement d'une campagne électorale, au mode de scrutin, bien sûr au résultat puis aux conditions d'exercice du mandat, d'une part, et, d'autre part, l'indifférence relative à l'égard de l'élu tournant la page de son engagement citoyen. Au point qu'il est permis de s'interroger s'il n'existerait pas un voile pudique autour de la sortie de mandat, comme par gêne ou quelque devoir de discrétion.
C'est précisément ce voile que vos rapporteurs ont voulu lever. Car non seulement cette étape n'est jamais anodine dans la vie d'un élu, mais elle fait partie intégrante du cycle électoral et de la règle du jeu démocratique. Les raisons du départ peuvent être multiples, du souhait de « passer à autre chose » jusqu'à la défaite interdisant le renouvellement, en passant par la démission pour raisons personnelles. La conséquence pratique n'en demeure pas moins toujours identique, avec un sentiment diffus du saut dans l'inconnu et l'impératif d'une nouvelle page à écrire.
L'avenir ne se présente toutefois pas dans les mêmes termes selon que l'on est issu de la fonction publique, avec la possibilité d'y retourner, ou du secteur privé, en étant alors confronté aux aléas de la recherche d'emploi ou de la création d'entreprise. De même, les enjeux diffèrent pour un ancien élu encore en âge actif et pour un autre, retraité.
Quelles que soient la nature du mandat (municipal, intercommunal, départemental ou régional) et les situations personnelles, l'horizon se dessine toujours autour de quelques grandes lignes de perspective communes : la perte de ressources en fin de mandat, le régime de retraite, le devenir des compétences et des connaissances acquises en cours de mandat, la réinsertion (ou reconversion) professionnelle dans le secteur privé, et les opportunités d'emploi offertes par la fonction publique. Vos rapporteurs ont souhaité explorer ces champs d'étude dans la continuité des travaux conduit par votre délégation en 2018, sous l'autorité de nos collègues alors Jean-Marie Bockel, Mathieu Darnaud et Marie-Françoise Pérol-Dumont dans leur rapport d'information « Faciliter l'exercice des mandats locaux : enjeux et perspectives »1(*). Mais ils ont aussi eu la volonté d'ouvrir de nouvelles réflexions, comme par exemple celle relative à la déontologie.
Le présent rapport flash d'information s'inscrit également dans le cadre de la trilogie initiée par votre délégation sur ce qui pourrait être, demain, un véritable statut de l'élu, les deux autres volets correspondant à la dimension indemnitaire liée au mandat2(*) et à l'exercice au quotidien de ce mandat. Apporter des réponses concrètes et opérationnelles sur ces trois champs représente en effet une condition nécessaire, si ce n'est suffisante, à cultiver les vocations auprès de futures générations d'élus locaux, qui prendront à leur tour soin et feront vivre nos territoires.
I. LA SORTIE DE MANDAT : UNE ÉTAPE IMPORTANTE DANS LA VIE DE L'ÉLU LOCAL, MAIS TROP NÉGLIGÉE
A. L'ANGLE MORT DE LA FIN DE MANDAT
1. Le manque de données statistiques
Réfléchir à la fin de mandat des élus locaux, c'est tout d'abord s'apercevoir du vide relatif concernant les travaux en la matière. En dehors des chiffres rendant compte du nombre de démissions de maire depuis 2020 (cf. Partie I. A. 3), les statistiques manquent pour objectiver le phénomène. Aucun suivi (tableaux de bord, appareil statistique...) n'est assuré du côté du Ministère de l'Intérieur et de la direction générale des collectivités locales (DGCL).
De même, à l'exception notable de la thèse de Mme Louise Dalibert, « Les retraits de la vie politique : un regard décalé sur la professionnalisation de la vie politique »3(*), rares sont les travaux universitaires s'étant penchés sur ce versant de la vie publique locale.
Pourtant les interrogations sont nombreuses concernant la situation des élus locaux en sortie de mandat et elles appellent un effort de compilation permettant une analyse exhaustive. Combien d'élus cessent définitivement d'exercer un mandat à l'issue de telle ou telle élection locale ? Que deviennent-ils ? Quelle est la proportion d'entre eux à retrouver un emploi dans le monde de l'entreprise, dans la fonction publique, ou à partir en retraite ? Certains font-ils le choix d'une reconversion professionnelle, après avoir éventuellement suivi une formation ?
Ce n'est que par recoupement et par extrapolation que l'on peut actuellement cerner la mesure du sujet. La sociologie type des élus des élus locaux éclaire de façon très parcellaire le phénomène. On dénombre en effet 40 % des élus locaux ayant plus de 60 ans (60 % des maires) et un quart des élus sont retraités (40 % des maires)4(*). On en déduit que les questions de recherche d'emploi post mandat concerneraient potentiellement un peu moins d'un élu sur deux, mais il n'est évidemment guère possible de pousser beaucoup plus loin l'analyse. La consultation lancée auprès des élus locaux par votre délégation, le 20 novembre 2023 à l'occasion du Congrès des maires, permettra utilement de compléter et d'affiner cette approche, mais elle reste ponctuelle5(*).
Face à ce déficit de suivi et d'information, vos rapporteurs considèrent comme une condition préalable la production de données chiffrées afin de suivre les sorties de mandat des élus locaux.
Recommandation n° 1 : production de données chiffrées (statistiques) afin de suivre les sorties de mandat des élus locaux. Délai : avant les prochaines élections municipales en 2026 Acteur(s) : Ministère de l'Intérieur, direction générale des collectivités locales (DGCL) |
2. La difficulté à vivre « l'après-mandat »
La vie d'élu local est riche d'expériences, de projets et de rencontres, et c'est précisément là, au-delà du goût de l'engagement pour le Bien commun et l'intérêt général, l'un des principaux ressorts de l'engagement dans la vie politique locale. Les temps forts qui la rythment sont parfois heureux, parfois difficiles. Au rang de ces derniers, la sortie de mandat doit retenir l'attention. Car on ne quitte jamais le service de la collectivité sans, au moins, un pincement au coeur, quand ce n'est pas dans la douleur d'une défaite électorale.
Compréhensible en ce qu'il traduit un attachement à sa commune, son département ou sa région, ce sentiment n'est que rarement appréhendé par ceux qui n'ont jamais exercé de mandat électoral. Bien souvent, il n'est même pas soupçonné par l'électeur effectuant son choix en conscience et dans le secret de l'isoloir.
Sans qu'il soit question de s'apitoyer ni se lamenter sur le sort de l'élu partant, il n'en demeure pas moins que la difficulté à vivre la sortie de mandat représente une réalité incontournable et le point de départ de toute réflexion sur ce thème. Cette difficulté a régulièrement été soulignée lors des auditions conduites par vos rapporteurs. Sans que ce verbatim soit exhaustif, la reprise de quelques propos permet de prendre la mesure des choses :
« Du jour au lendemain, le maire change de statut, de sauveur il devient le demandeur »
« Il était quelqu'un et devient personne »
« Dès lors qu'il n'est plus élu, il disparait dans la nature »
« Quand le mandat s'arrête, commence une phase de déni ou de deuil »
« Le premier travail sur la sortie de mandat s'effectue surtout le plan personnel. Car derrière un élu, il y a toujours une personne... »
Ce constat est notamment partagé par Mmes Christelle Fouchet, fondatrice du cabinet « Expertiss », et Gwenaële Hamon-Carre, co-fondatrice du cabinet « Reliance », toutes deux anciennes élues locales, reconverties dans le conseil et le coaching. En tant qu'expertes dans l'accompagnement, ces deux professionnelles n'hésitent pas à aller jusqu'à parler de « période de deuil » pour évoquer les semaines ou les mois suivant l'abandon du mandat.
La transition peut se révéler d'autant plus délicate à gérer qu'elle est non pas souhaitée, mais subie. S'il n'est pas aisé de se préparer à une défaite électorale, il est parfois encore plus difficile d'admettre d'avoir été écarté dans la composition d'une liste ou à l'occasion d'une fusion de listes d'entre deux tours.
Dans ces conditions, on comprend que certains élus éprouvent, au lendemain de leur sortie définitive de mandat, le besoin d'être accompagnés, et même conseillés, dans le démarrage de leur nouvelle vie.
3. Les conséquences de l'absence d'un véritable statut de l'élu
Dans le cadre des lois de décentralisation, l'article 1er de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions prévoit que « des lois détermineront (...) le mode d'élection et le statut des élus ». Depuis lors, le législateur a essayé de satisfaire cette demande au travers d'une série de texte approfondissant ou précisant le mouvement de décentralisation engagé : on peut notamment rappeler la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat, ainsi que la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.
S'il en a résulté un ensemble de droits, de règles, de garanties et de devoirs concernant les élus locaux, ce n'est que de façon très impropre que l'on a pu parler, ou que l'on parle encore, d'un statut de l'élu pour rendre compte de cet ensemble de dispositions. Ainsi, aucune codification n'est jamais intervenue pour agréger les mesures visant tous les élus locaux, mais dans des champs extrêmement variés. C'est d'ailleurs bien là une différence majeure avec les agents de la fonction publique, qu'elle soit d'État, territoriale ou hospitalière. En effet, à compter de 1946 et avec la loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires, ceux-là ont bénéficié d'un statut clairement identifié, structuré à partir d'une hiérarchie de normes et de grands principes fondateurs. Par contraste, l'absence de codification des règles applicables aux élus locaux traduit, dans une large mesure, le défaut de réflexion globale autour de ce qui pourrait être demain un statut juridique de l'élu.
Cette carence pèse bien évidemment à chaque étape de l'exercice du mandat. La fin de mandat de l'élu local ne fait, sans surprise, pas exception : elle n'a jamais été l'objet central d'aucun texte législatif, ni d'aucune étude parlementaire spécifique. Assez logiquement, ce n'est donc que de façon incidente, ou secondaire par rapport à un objet principal, que la sortie de mandat a jusqu'à présent été traitée.
Le paradoxe est saisissant dès lors que l'on rapproche cet état de fait avec les milliers d'élus pourtant concernés à chaque fin de mandat municipal, départemental ou régional. Il l'est tout autant si l'on songe aux difficultés morales et psychologiques traversées par les anciens élus au lendemain de leur départ et qui mériteraient de trouver, si ce n'est des réponses, au moins des outils juridiques correspondant aux attentes et aux besoins lors de ce moment souvent pénible à vivre.
4. La mise en lumière sous l'effet de l'émergence d'une nouvelle sociologie politique
Si le souci porté à la sortie de mandat présente bien un caractère de nouveauté, son exacerbation aujourd'hui puise ses explications dans les évolutions de l'environnement de la sociologie politique en France sur la période récente.
Pendant longtemps, notre pays s'est appuyé au niveau local sur des majorités remarquablement stables et solides. La prime au sortant, une relative immobilité géographique et des phénomènes de reproduction familiale et sociale expliquaient pour une bonne part ce conservatisme électoral. Cependant, les fluctuations électorales tendent à devenir aujourd'hui plus fréquentes quelles que soient les zones géographiques (rurales, urbaines, péri-urbaines). La crise profonde de la démocratie représentative6(*), la moindre identification à une figure locale (souvent le maire), le déclin des fidélités partisanes et politiques sont autant de facteurs cumulatifs et explicatifs d'une certaine forme de versatilité de l'électorat7(*). Or, qui dit fluctuations électorales plus nombreuses, dit également un accroissement du nombre d'élus contraints de tourner la page de leur mandat.
Dans ces cas-là, il faut d'ailleurs souligner que les difficultés psychologiques et morales à surmonter sont parmi les plus aiguës. En effet, l'alternance électorale est rarement préparée et encore moins souhaitée par la majorité en place. Dès lors, la défaite électorale n'en est que plus imprévisible, soudaine et brutale. Chaque élu de la majorité défaite doit pourtant, tant bien que mal, s'en accommoder et trouver les ressources, en lui et dans son entourage (familial, professionnel, politique...), pour franchir le cap.
Dans un autre registre, les modifications des règles électorales ont également joué depuis une dizaine d'années pour contribuer à amplifier les problèmes posés par la fin de mandat. Introduite par la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et la loi n° 2014-126 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen, la fin du cumul des mandats, entre un exécutif local et un mandat parlementaire, a ainsi représenté un point de bascule important dans le paysage de la démocratie locale. Jusqu'alors, une défaite à une élection ne signifiait pas nécessairement l'abandon de tout mandat, le cumul jouant en quelque sorte comme une courroie de rappel. L'instauration de règles beaucoup plus restrictives en matière de cumul accroit un double risque : du point de vue politique, la perte définitive de tout mandat, et, du point de vue financier, la perte des ressources liées à l'indemnisation attachée au mandat.
À ce cadre juridique transformé par la fin du cumul entre certains mandats, s'ajoute une conjoncture difficile pour les élus locaux de plus en plus tentés par la démission de leur mandat. À l'occasion du Congrès des maires (novembre 2023), David Lisnard, président de l'Association des maires de France (AMF), a ainsi déploré une tendance de quarante démissions de maires en moyenne par mois. Les freins à leur capacité d'action, l'inflation normative, la lourdeur administrative, les violences et agressions à leur encontre, la faiblesse de l'indemnisation du mandat, la difficulté à concilier celui-ci avec la vie familiale et professionnelle, conduisent les élus locaux à des choix difficiles. Ainsi, de facto, le nombre de sorties de mandat, y compris en cours de mandature, tend à s'accroître.
Depuis quelques années, la sociologie des nouveaux entrants dans les conseils locaux, notamment municipaux, a également joué un rôle dans la montée en puissance du sujet de la sortie de mandat. Les nouvelles générations d'élus vivent leur engagement au service de la collectivité différemment de leurs prédécesseurs. Souvent moins politisés, ces élus conçoivent de plus en plus fréquemment leur mandat comme un passage transitoire, et non plus comme un aboutissement appelé à durer. Cette évolution dans le rapport au temps rend d'autant plus prégnante la question de sortie de mandat et de la vie professionnelle à poursuivre ensuite.
La relation plus distanciée au cursus politique vient se cumuler à une tendance préexistante et de fond chez les élus locaux : la méconnaissance de leurs droits. Aussi surprenant que cela puisse sembler, une majorité d'élus demeurent largement ignorants des droits attachés au mandat. Auteur d'une thèse sur « La formation des élus locaux en France (1880-2020). Les conditions d'une institutionnalisation instable. », Pierre Camus confirme cette tendance observée dans le cadre de ses travaux universitaires. Le manque de temps, la complexité des règles et l'absence de code de l'élu les rassemblant dans un même document, expliquent grandement cet état de fait, rendant indispensable un effort d'information auprès des élus dès le début du mandat.
Ainsi caractérisé, le changement de paradigme pour la vie publique locale redistribue notablement les priorités chez nombre d'élus locaux. Inhérents à la vie d'élu, les sacrifices financiers, professionnels et familiaux sont alors plus difficiles à supporter et interrogent sur le sens de l'exercice du mandat au fil du temps. D'où parfois le découragement des bonnes intentions initiales et une certaine forme de désillusion, pouvant conduire à la démission du mandat ou, moins brutalement, au souhait de ne pas se représenter à l'élection suivante.
La prochaine échéance électorale, lors des élections municipales en 2026, traduira assurément dans les faits ces modifications profondes de comportement et d'approche. Apporter des réponses concrètes aux incertitudes entourant la sortie de mandat n'en devient que d'autant plus nécessaire et urgent, selon vos rapporteurs.
L'ensemble de ces considérations amènent à prévoir des mesures pour aider les élus locaux à mieux vivre et gérer cette période délicate de la vie que représente la sortie de mandat.
Ces dispositions s'imposent avant le scrutin local le plus proche, à savoir les élections municipales en 2026. Elles trouveront ensuite à s'appliquer en 2027 lors du scrutin départemental et en 2028 au lendemain de l'élection régionale.
Recommandation n° 2 : aménagement des conditions de sortie de mandat afin de faciliter cette transition parfois délicate dans la vie des élus locaux : - diffusion par le préfet d'un guide d'information recensant les droits des élus en fin de mandat. La distribution du guide se fait en début, en milieu et en fin de mandat ; - maintien sur un semestre des coordonnées institutionnelles de l'ancien élu (réception du courrier, adresse mail...). Délai : avant les prochaines élections municipales en 2026 Acteur(s) : associations représentantes des élus locaux / Ministère de l'Intérieur, direction générale des collectivités locales (DGCL) |
B. LES PRÉMISSES D'UN STATUT AUTOUR DE MESURES DISPARATES
Si le statut de l'élu reste pour le moment un horizon encore inachevé, il serait faux de considérer qu'aucune disposition n'a été prise pour encadrer et sécuriser la sortie de mandat. Toutefois, le droit existant relève essentiellement d'un mouvement de « sédimentation » sans vision d'ensemble, pour reprendre l'image retenue par notre collègue Éric Kerrouche dans l'exposé des motifs d'une proposition de loi récemment déposée8(*) : « (...) il existe de nombreux dispositifs, droits et garanties qui visent à permettre aux élus locaux d'exercer leur mandat. Mais ils ont été mis en place par sédimentation, de façon éparse, sectorielle, sans nécessairement répondre à une logique d'ensemble, et avec pour conséquence de ne pas pleinement remplir les objectifs qui leur ont été assignés ».
Pour illustrer ces mesures disparates, vos rapporteurs ont souhaité en mettre deux, parmi les principales concernant la fin de mandat, en lumière : l'allocation différentielle de fin de mandat et les droits à retraite.
1. Le filet de sécurité financière : l'allocation différentielle de fin de mandat
Le caractère chronophage d'un mandat électif local et la volonté de s'y investir pleinement se conjuguent pour amener des élus (souvent les présidents des exécutifs locaux) à abandonner leur activité professionnelle et se consacrer à temps plein à leur collectivité territoriale. Ce choix a certes des répercussions sur le niveau de ressources de l'intéressé en cours de mandat, mais il le place aussi en situation délicate en sortie de mandat. En effet, ne percevant plus l'indemnité jusque-là attachée à son mandat, l'ancien élu ne peut pas davantage s'appuyer sur des ressources provenant d'une activité professionnelle alors interrompue depuis plusieurs années.
En réponse à cette problématique, la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a institué une allocation réservée aux élus locaux ayant renoncé à leur activité professionnelle pour se consacrer exclusivement à leurs fonctions électives. Cette mesure vise à faciliter le retour à l'activité professionnelle de ces élus.
L'allocation différentielle de fin de mandat Les modalités de cette allocation sont précisées aux articles L. 1621-2, L. 2123-11-2, L. 3123-9-2 et L. 4135-9-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT). · Les élus concernés Tous les élus locaux ne sont pas concernés, l'allocation bénéficiant aux seuls exécutifs dans les conditions suivantes : - les maires des communes d'au moins 1 000 habitants ; - les adjoints au maire des communes d'au moins 10 000 habitants ayant reçu délégation du maire ; - les présidents des métropoles, des communautés urbaines et des communautés de communes d'au moins 1 000 habitants ; - les vice-présidents ayant reçu délégation, des métropoles, des communautés urbaines et communautés d'agglomération ; - les vice-présidents ayant reçu délégation, des communautés de communes de 10 000 habitants au moins ; - les présidents des conseils départementaux et vice-présidents ayant reçu délégation ; - les présidents des conseils régionaux et vice-présidents ayant reçu délégation. · Les conditions d'obtention Deux critères cumulatifs conditionnent le droit à cette allocation. D'une part, ce n'est qu'à l'occasion du renouvellement général des membres du conseil, ou pour les conseils départementaux, du renouvellement d'une série sortante, que la demande est instruite et l'allocation accordée. D'autre part, l'élu doit avoir, durant son mandat, cessé d'exercer son activité professionnelle. Cette condition s'apprécie au terme du mandat. Il ne peut percevoir l'allocation que : - s'il est inscrit à Pôle emploi ; - ou, s'il a repris une activité professionnelle lui procurant des revenus inférieurs aux indemnités de fonction qu'il percevait au titre de sa dernière fonction élective. Par contre, il faut préciser que l'allocation n'est pas cumulable avec celle qu'un ancien élu peut percevoir au même titre pour un autre mandat local. · Le calcul du montant Le montant est au plus égal à 80 % de la différence entre le montant de l'indemnité brute mensuelle que l'intéressé percevait pour l'exercice de ses fonctions et l'ensemble des ressources qu'il perçoit à l'issue du mandat. En outre, à compter du septième mois suivant le début du versement de l'allocation, le taux est au plus égal à 40 %. Les ressources prises en compte peuvent être celles : - d'une nouvelle activité professionnelle ; - des revenus de substitution, comme les allocations-chômage ; - des indemnités de fonction éventuellement perçues au titre d'autres mandats locaux. · La durée de l'allocation L'allocation est versée pendant une période d'un an au plus. |
L'existence de l'allocation différentielle de fin de mandat représente un apport substantiel pour la sécurisation matérielle des élus en sortie de mandat. Pour autant, ainsi que le relève la direction générale des collectivités locales (DGCL) dans sa contribution écrite adressée à vos rapporteurs, « en dépit des efforts de publicité pour faire connaître cette aide, déployés notamment par l'Association des maires de France (AMF) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) lors des dernières élections locales de 2020 et 2021, ce dispositif peine à trouver son public. La priorité consiste ainsi à mieux faire connaître le dispositif ».
Les projections réalisées par la CDC sur la période 2022-2027 illustrent ce constat avec des taux de recours faibles.
Les prévisions de la CDC concernant le recours à l'allocation différentielle de fin de mandat par les élus locaux sur la période 2022-2027
Catégorie d'élus |
Demandes théoriques d'allocation |
Allocation mensuelle moyenne (en euros) |
Allocation annuelle totale (en milliers d'euros) |
Élus communaux |
145 |
1 500 |
1 984 |
Conseillers communautaires |
27 |
1 500 |
364 |
Conseillers départementaux |
28 |
2 500 |
517 |
Conseillers régionaux |
8 |
2 400 |
173 |
Source : rapport annuel 2021 du Fonds d'allocations des élus en fin de mandat (FAEFM)
Non seulement une action d'information systématique est indispensable pour faire mieux connaître l'opportunité offerte par l'allocation différentielle de fin de mandat, mais le champ de celle-ci doit également être complété. Dans les petites communes, l'engagement au service de son territoire au travers d'un mandat électoral est particulièrement chronophage et exigeant, l'extrême faiblesse des moyens humains et matériels faisant peser une charge particulièrement lourde sur le maire. Le récent rapport d'information de nos collègues Catherine Di Folco, Cédric Vial et Jérôme Durain, au nom de votre délégation, « Attractivité du métier de secrétaire de mairie - Faire de la fonction de secrétaire de mairie un véritable métier ! », le met très justement en lumière. Aussi, il semble utile à vos rapporteurs d'étendre le bénéfice de l'allocation aux maires des communes de moins de 1 000 habitants qui sont actuellement injustement écartés du dispositif.
Par ailleurs, un principe de réalité pousse à prévoir le cas de l'élu contraint de démissionner en cours de mandat (pour des raisons personnelles ou de santé, parce qu'il est aidant...). Il est en effet trop réducteur de laisser à penser que la sortie de mandat n'intervient qu'à chaque nouvelle élection.
Recommandation n° 3 : adaptation de l'allocation différentielle de fin de mandat à la diversité des situations par : - l'information systématique en fin de mandat, par le préfet par exemple, de l'existence et des modalités d'accès à l'allocation différentielle de fin de mandat ; - l'extension du champ de l'allocation différentielle de fin de mandat aux maires des communes de moins de 1 000 habitants ; - l'ouverture du droit à l'allocation différentielle de fin de mandat aux élus démissionnaires en cours de mandat. Délai : avant les prochaines élections municipales en 2026 Acteur(s) : Parlement / Ministère de l'Intérieur, direction du management de l'administration territoriale (DMAT) |
2. Les droits à retraite
En fonction de l'âge et de la trajectoire professionnelle de l'élu achevant son mandat et n'étant pas renouvelé, les enjeux relatifs à la retraite et aux droits acquis en la matière peuvent revêtir une importance cruciale.
Si le mandat électoral ne constitue pas une activité professionnelle, les élus locaux peuvent cependant se constituer, en cette qualité, des droits à pension. Un régime de retraite supplémentaire facultatif est en outre accessible aux élus, deux organismes9(*) se partageant leur préférence.
Plus précisément, dès lors qu'ils perçoivent une indemnité de fonction, tous les élus locaux sont affiliés au régime complémentaire de retraite institué au profit des agents non titulaires des collectivités publiques (Ircantec)10(*). Si l'affiliation au régime général de la Sécurité sociale a également été étendue à tous les élus, seuls ceux dont le total des indemnités de fonctions dépasse la moitié du plafond de la Sécurité sociale sont assujettis au paiement des cotisations. Ces derniers peuvent ainsi acquérir des droits à retraite auprès de l'assurance vieillesse du régime général de la Sécurité sociale. Enfin, certains élus limitativement énumérés ayant cessé volontairement leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat et qui n'acquièrent aucun droit à pension au titre d'un régime obligatoire d'assurance vieillesse, sont affiliés à l'assurance vieillesse du régime général de la Sécurité sociale, quel que soit le montant de leurs indemnités de fonction11(*).
Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2013, tous les élus, qu'ils aient ou non cessé leur activité professionnelle, ont la possibilité d'adhérer à un régime de retraite supplémentaire par rente dès lors qu'ils perçoivent une indemnité de fonction. La décision d'adhésion au régime supplémentaire de retraite appartient à l'élu. Son taux de cotisations ne peut excéder 8 % du montant total des indemnités perçues. Lorsque l'élu choisi d'adhérer, la collectivité territoriale est tenue de verser une cotisation du même montant à l'organisme choisi par l'élu.
La constitution des droits à retraite des élus locaux
Situation de l'élu local |
Ircantec |
Cotisations vieillesse régime général |
Retraite supplémentaire |
Élu local (actif ou retraité) percevant des indemnités de fonctions inférieures ou égales à la moitié du plafond de la Sécurité sociale |
Obligatoire |
Non |
Si adhésion |
Élu local (actif ou retraité) percevant des indemnités de fonctions supérieures à la moitié du plafond de la Sécurité sociale |
Obligatoire |
Obligatoire |
Si adhésion |
Élu local ayant fait le choix de suspendre son activité professionnelle pour se consacrer à son mandat |
Obligatoire |
Obligatoire |
Si adhésion |
Source : délégation aux collectivités territoriales
Des avancées récentes ont été enregistrées quant au régime de retraite des élus locaux, elles ont permis de remédier à quelques iniquités choquantes.
Ainsi, par exemple, dans le cas d'un maire continuant d'exercer sa profession mais ayant choisi de passer à temps partiel pour se consacrer davantage à son mandat, il était impossible pour cet élu de cotiser pour sa vieillesse sur ses indemnités de fonction, dès lors que celles-ci étaient inférieures à la moitié du plafond de la Sécurité sociale (soit 1 833 euros par mois). Il s'en trouvait pénalisé au moment de prendre sa retraite, alors même que son choix d'un temps partiel relevait d'un souhait parfaitement compréhensible : ne pas se couper totalement d'une activité professionnelle. L'article 23 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 permet désormais à cet élu de demander à être assujetti aux cotisations, le décret d'application de cette disposition n'ayant pas tardé12(*).
Proposant des garanties pour l'avenir, le même article 23 de la loi précitée du 14 avril 2023 (entré en application, sur ce nouvel aspect, au travers du décret précité du 30 août 2023) offre une solution de rattrapage pour les années passées durant lesquelles cet élu n'a pas pu cotiser. Il lui est en effet désormais possible de racheter des trimestres au titre de ces années de mandat, alors qu'auparavant seules les années d'étude étaient concernées.
En dépit de ces avancées très appréciables, le toilettage du régime de retraite des élus locaux n'est pas achevé. Deux mesures en particulier ont retenu l'attention de vos rapporteurs.
D'une part, il semble légitime que la reconnaissance à l'égard de ceux qui ont consacré une partie de leur temps, sur une période de vie conséquente, à l'intérêt général dans leur collectivité trouve une traduction dans les droits à retraite. C'est d'ailleurs ce même raisonnement qui a conduit à octroyer aux sapeurs-pompiers volontaires des trimestres supplémentaires pris en compte pour la détermination du taux de calcul de la pension, en application de l'article 24 de la loi précitée du 14 avril 2023 : trois trimestres pour dix ans d'ancienneté, puis un trimestre supplémentaire tous les cinq ans.
Dans cet esprit et pour la retraite des élus locaux cette fois, vos rapporteurs proposent l'octroi d'une bonification de trimestres (un trimestre par mandat, par exemple). Cette mesure est d'ailleurs également portée par l'AMF.
D'autre part, une autre situation inéquitable en matière de retraite mérite d'être traitée. Dans le cas de certains régimes spéciaux, comme celui des avocats par exemple, le fait de cotiser en tant qu'élu au régime des élus (l'« Ircantec élus ») interdit de liquider (ie de percevoir) sa retraite professionnelle. De même, la Caisse d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) refuse à certains élus, n'ayant cotisé que sur de faibles montants de salaire, le bénéfice du minimum contributif (ie le minimum plancher de la retraite de base) au motif qu'ils cotisent à l'«Ircantec élus ». Le noeud du problème réside ici dans les interférences entre l'« Ircantec élus » d'un côté, et les autres régimes, de l'autre.
Rejoignant là aussi l'AMF, vos rapporteurs proposent de poser le principe de l'indépendance du régime « Ircantec élu » par rapport aux autres pensions afin, notamment, de faciliter la liquidation de la retraite professionnelle des élus.
Recommandation n° 4 : perfectionnement du régime de retraite des élus par : - l'octroi d'une bonification de trimestres (un trimestre par mandat, par exemple) ; - l'indépendance du régime « Ircantec élu » des autres régimes, afin de lever les barrières au versement de la retraite professionnelle. Délai : avant les prochaines élections municipales en 2026 Acteur(s) : Parlement |
II. COMMENT SÉCURISER LE RETOUR À LA VIE PROFESSIONNELLE DE L'ÉLU LOCAL ?
A. DIFFUSER UNE CULTURE DE VALORISATION DES COMPÉTENCES ET DES CONNAISSANCES ACQUISES DURANT LE MANDAT
Tout au long de l'exercice de son mandat, l'élu local acquiert des compétences, il enrichit son bagage de connaissances des rouages de l'administration et de divers champs juridiques (aménagement du territoire, finances locales, urbanisme, gestion des ressources humaines...), et développe des savoir-être comme des savoir-faire. Le moment de la réinsertion professionnelle venue, ces acquis représentent autant d'atouts à valoriser dans la recherche d'emploi.
Un des leviers pour valoriser l'expérience des élus locaux consiste en la validation des acquis de l'expérience (VAE) professionnelle. En application de l'article L. 6411-1 du code de l'éducation, les personnes ayant occupé un mandat électoral local ou une fonction élective locale peuvent engager une démarche de VAE pour l'obtention d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle, ou pour l'obtention d'un titre ou d'un diplôme délivré au nom de l'État par un établissement d'enseignement supérieur.
En d'autres termes, si la démarche de VAE réussit, elle permet l'acquisition d'un diplôme de même valeur que s'il avait été obtenu par la voie de l'enseignement supérieur ou professionnel. Le candidat doit démontrer que ses acquis correspondent aux aptitudes, aux connaissances et aux compétences du diplôme qu'il souhaite obtenir.
Du point de vue des organismes formateurs et certificateurs que sont les Universités, la VAE s'inscrit dans la logique de formation des élus locaux, mais avec une spécificité. En effet, à la différence des autres formations dispensées aux élus, elle peine à trouver son public. À titre d'exemple, l'Université de Bretagne occidentale (UBO) dispose d'une formation labélisée depuis 2008 à l'attention des élus et elle a déjà offert 9 500 formations, dont 1 700 depuis les dernières élections municipales en 2020. Par contre, depuis 2020, seuls deux élus ont eu recours à la VAE, l'un au niveau Licence, l'autre au niveau Master, les deux étant en cours de mandat et ayant opté pour la filière « Administration publique ». Alors que les élus locaux montrent de l'intérêt à se former en début, ou en cours, de mandat, l'attrait paraît donc s'étioler au fil du temps, pour finir par être quasi inexistant à la fin du mandat.
Les raisons de ce manque d'attrait ne paraissent pas devoir être recherchées dans le coût financier de la VAE. Selon Mme Virginie Roudault-Cadiou, responsable de la formation des élus locaux à l'UBO, le coût d'une VAE s'échelonne dans une fourchette de 1 200 euros à 2 000 euros. Mais il peut être couvert en partie par le recours au droit individuel à la formation (DIF) des élus locaux. Pour permettre l'application du DIF des élus locaux, le ministre chargé des collectivités territoriales fixe par arrêté la valeur des droits individuels à la formation acquis chaque année, le montant maximal des droits de chaque élu et le nombre maximal de participants par session de formation liée à l'exercice du mandat financée. L'arrêté NOR : IOMB2305688A du 27 mars 202313(*) modifiant l'arrêté du 12 juillet 2021 modifié portant diverses mesures applicables au droit individuel à la formation des élus locaux prévoit ainsi que la valeur des droits individuels à la formation acquis chaque année par les élus locaux est fixée à 400 euros et que le montant maximal des droits susceptibles d'être détenus (par report du reliquat de l'année précédente) par chaque élu s'élève à 800 euros.
La formation en vue de la réinsertion professionnelle : le droit individuel à la formation (DIF) des élus locaux La loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice par les élus locaux de leur mandat, a instauré un nouveau droit individuel à la formation (DIF) pour les élus locaux à compter du 1er janvier 2016. Ce DIF vise à améliorer la formation des élus locaux, tant dans le cadre de l'exercice de leur mandat qu'en vue de leur réinsertion professionnelle à l'issue de leur mandat. Il est financé par une cotisation obligatoire des élus locaux, due sur leurs indemnités de fonction, dont le taux est fixé à 1 %. Les élus locaux des communes, des départements, des régions, des EPCI et des collectivités territoriales à statut particulier acquièrent, quel que soit le nombre de mandats exercés, 20 heures de formation par année de mandat. Ce droit est mobilisé à la demande de l'élu local dans un délai de six mois à compter de l'échéance du mandat. Les droits acquis par l'élu local dans le cadre du DIF ne sont pas portables au-delà de ce délai. Les formations éligibles au titre du DIF des élus locaux sont délivrées par un organisme agréé par le ministre de l'Intérieur, après avis du Conseil national de la formation des élus locaux. Elles s'inscrivent dans le champ de la réinsertion professionnelle des élus locaux : il s'agit des formations éligibles au titre du compte personnel de formation, mentionnées à l'article L. 6323-6 du code du travail. Les frais pris en charge dans le cadre du DIF des élus locaux sont les frais pédagogiques ainsi que les frais de déplacement et de séjour. En 2022, 14 000 élus locaux ont eu recours au DIF, dont 4 000 en vue d'une reconversion professionnelle. Les thématiques de reconversion se répartissent de la façon suivante1 : · 21 % ont suivi une formation sur la bureautique ; · 15 % ont suivi une formation en langue (principalement anglais) ; · 15 % ont suivi une formation liée à la création d'entreprise ; · 10 % ont réalisé un bilan de compétences ou une VAE ; · 5 % ont passé un permis ; · 34 % autres. 1 Caisse des dépôts et Consignation. https://opendata.caissedesdepots.fr |
Auprès des élus locaux, la VAE souffre plutôt d'un manque d'information sur la nature du diplôme obtenu et la procédure à suivre. En tant que responsable de formation des élus locaux au sein de l'Association Régionale d'information des collectivités territoriales (ARIC Bretagne) et co-président de l'Observatoire National de la Formation des Élus Locaux (ONFEL), Pierre Camus souligne ainsi que « depuis que la VAE existe, les constats sont plutôt décevants : 25 000 personnes en moyenne chaque année. Il y a en la matière un manque de transparence pour accéder aux données précises et repérer précisément les parcours des élus locaux. Surtout que depuis 2019, les élus locaux sont reconnus comme un public pouvant faire légitimement appel à la VAE via notamment leur dispositif DIF élu ».
Tirant les conséquences de ce constat, une Université comme l'UBO, par exemple, a décidé de proposer, à partir de 2025, des présentations de la VAE en s'appuyant sur des informations collectives dédiées aux élus locaux comme aux autres publics. Mme Virginie Dupont, Présidente de l'Université Bretagne Sud (UBS) et Vice-présidente de France Université, relève en outre qu'un travail en amont auprès des réseaux des élus locaux permettrait de mieux cerner les attentes et les besoins des élus locaux, et donc de les satisfaire par une offre de formation adéquate. Dans cette perspective, l'UBO a d'ailleurs signé un partenariat avec l'association des maires du Finistère, qui compte 277 communes et près de 5 300 élus.
S'il faut se féliciter des initiatives prises par une université telle que l'UBO, l'accompagnement des élus pour les aider à réussir leur sortie de mandat recèle un risque d'inégalité. En effet, cet accompagnement peut être le fait d'organismes satisfaisants à la certification Qualiopi, ou pas14(*). Pierre Camus relève ainsi des inégalités géographiques fortes, certains départements (notamment en Île-de-France) étant mieux dotés que d'autres en organismes certifiés Qualiopi. Nonobstant ces écarts objectifs de situation entre les territoires, les élus locaux ont bien évidemment tout intérêt à se tourner vers les organismes présentant le plus haut niveau de garantie quant à la qualité de l'accompagnement et de la formation proposés.
En s'appuyant sur ces constats, vos rapporteurs estiment indispensable d'avoir une action incitative et informative, en direction des élus en fin de mandat, sur le processus de VAE. Le développement de synergies entre le monde des élus locaux (avec au premier rang leurs associations) et l'Université (en tant qu'organisme formateur et certificateur) recèle un fort potentiel pour susciter chez les élus une prise de conscience porteuse d'avenir. À terme, il pourrait en découler un référentiel national et, éventuellement, des passerelles vers d'autres formations (Master des collectivités territoriales, par exemple).
Recommandation n° 5 : renforcement de l'accompagnement dans le processus de validation des acquis de l'expérience (VAE) : - développer des synergies entre le monde des élus locaux (associations, notamment) et l'Université ; - conduire une action informative sur la VAE auprès des élus locaux ; - à terme, élaborer un référentiel national de formation. Délai : avant les prochaines
élections municipales en 2026 Acteur(s) : associations représentantes des élus locaux / Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) / Ministère de l'Intérieur, DGCL |
Sans entrer dans une démarche aussi lourde et exigeante que la VAE, l'élu local peuvent néanmoins avoir envie et / ou besoin de valoriser les compétences, les aptitudes et les connaissances acquises durant le mandat. Dans cette perspective, il s'agit avant tout d'identifier les compétences, de les répertorier dans un document, et, éventuellement, d'établir des correspondances avec des emplois pour lesquels ces compétences sont requises. Ces pistes ont été présentées dans le rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), « La formation des élus locaux »15(*).
Des pistes d'alternatives plus simples, plus légères et moins chronophages à la VAE Le certificat de compétences professionnelles « Un dispositif similaire à celui mis en place pour les élus syndicaux pourrait être imaginé pour les élus locaux (...) ». « Avec la fusion des institutions représentatives du personnel issue de la réforme du 22 septembre 2017, de nombreux élus syndicaux ont dû envisager un repositionnement professionnel. Pour les accompagner, le ministère chargé de l'emploi a mis en place un dispositif de certification des compétences (...) qui a pour objectif de leur permettre de valoriser les compétences obtenues dans les fonctions électives durant leurs cinq dernières années de mandat ». « Plusieurs certificats de compétences professionnelles ont ainsi été créés et mis en relation avec un titre professionnel du ministère (...). Ils peuvent donc entrer dans un parcours modulaire de reconversion. Pour obtenir un certificat, chaque candidat a été accompagné par l'agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), choisie en raison de son implantation très déconcentrée permettant un accompagnement de proximité (...) ». Le passeport de compétences « Il [s'agit] d'aider des élus locaux à mieux identifier les missions qu'ils ont rempli à l'occasion de leur mandat et à les traduire en compétences : communiquer avec les autres, négocier et gérer la diversité, motiver une équipe, créer un réseau, gérer les conflits, développer un projet, répondre aux préoccupations de populations hétérogènes... (...) le produit final visé [est] la mise en place d'un port-folio numérique dans lequel les acquis de formation et de l'expérience de l'élu [sont] définis, démontrés et stockés en vue de la reconnaissance par un établissement (...) ». |
Source : rapport sur « La formation des élus locaux » (IGA - IGAS - Janvier 2020)
Recommandation n° 6 : création d'un certificat de compétences professionnelles pour les élus locaux. Délai : avant les prochaines élections municipales en 2026 Acteur(s) : Ministère de l'Intérieur, direction générale des collectivités locales (DGCL) |
B. APPORTER UN ACCOMPAGNEMENT DÉONTOLOGIQUE EN SORTIE DE MANDAT
Dans le meilleur des cas, la sortie de mandat se prépare suffisamment en amont des élections, dans le pire, elle s'improvise dans l'urgence des lendemains d'élection. Pour autant, quel que soit le cas de figure, la déontologie et son respect doivent s'imposer parmi les priorités à l'esprit de l'élu. Cette exigence occupe une place essentielle en vue d'une reprise d'activité, d'une reconversion professionnelle ou d'une création d'entreprise réussies. Elle vise notamment à écarter tout risque juridique pénal, une fois la page du mandat tournée. Car contrairement à une idée reçue, même lorsque le mandat est achevé et qu'il n'est pas renouvelé, ses implications juridiques peuvent encore se faire sentir, pendant plusieurs années, sur la situation professionnelle de l'ancien élu.
Depuis la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les anciens titulaires de fonctions exécutives locales peuvent être poursuivis pour prise illégale d'intérêts suivant l'exercice des fonctions, sur le fondement de l'article 432-13 du code pénal16(*). En outre, en application la loi précitée du 11 octobre 2013, le projet de départ vers le secteur privé des titulaires de certaines fonctions exécutives locales est soumis au contrôle déontologique préalable de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Ainsi que le rappelle Mme Elise Untermaier-Kerléo, Maitresse de conférences de droit public à l'Université Jean-Moulin Lyon 3, référente déontologue rattachée au Centre de gestion du Rhône (CDG 69) et Présidente du Comité de déontologie et d'éthique de la Métropole européenne de Lille, dans un article intitulé « La reconversion professionnelle des élus locaux : quel cadre déontologique ? »17(*), ces dispositions interdisent à un ancien exécutif local d'exercer une activité rémunérée dans une société dès lors qu'il en a assuré le contrôle ou la surveillance en tant qu'élu ou avec laquelle il a conclu des contrats ou formulé un avis sur de tels contrats ou à l'égard de laquelle il a proposé à l'autorité compétente de prendre des décisions ou formulé un avis sur de telles décisions.
Des exemples de situation de reprise d'activité professionnelle pour lesquelles l'ancien élu court un risque pénal Dans sa nouvelle activité professionnelle, un ancien élu se voit dans l'interdiction de prendre pour client une entreprise ayant entretenu de nombreuses relations avec les services placés sous son autorité dans le cadre de son ancien mandat et dont il a rencontré à plusieurs reprises les dirigeants lorsqu'il occupait ses fonctions exécutives locales. En effet, si elle ne constitue pas nécessairement une prise illégale d'intérêts, cette situation caractérise un conflit d'intérêts. Dans un cas comme celui-ci, la HATVP a demandé à l'ancien élu de mettre immédiatement fin à ses relations avec cette entreprise et ses filiales jusqu'à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la fin de ses fonctions publiques1. Un risque pénal pèse également sur l'ancien élu qui envisage de créer son entreprise, un cabinet de conseil par exemple. Dans la mesure où par définition cette entreprise n'existait pas encore au moment où l'élu exerçait ses fonctions publiques, celui-ci n'a certes pas pu accomplir d'actes mentionnés par l'article 432-13 du code pénal à son égard. Cependant le risque pénal n'est pas écarté, et l'ancien élu doit faire preuve d'une grande prudence dans le choix de ses futurs clients. Ainsi, l'ancien élu qui crée une société de conseil ne peut réaliser aucune prestation pour une entreprise titulaire de contrats publics dans l'élaboration, la conclusion ou le suivi desquels il a joué un rôle lorsqu'il était exécutif local ou ayant bénéficié d'autorisations, d'agréments ou d'aides, décidés par lui ou sur lesquels il a été amené à rendre un avis pendant cette période. Il doit également s'abstenir de démarcher toute entreprise détenant 30 % de capital en commun ou ayant un contrat d'exclusivité de droit ou de fait avec une telle entreprise. 1 HATVP, délibération n° 2019-106, 6 novembre 2019. |
Source : d'après la contribution écrite d'Élise Untermaier Kerléo à vos rapporteurs
La judiciarisation croissante de l'exercice d'un mandat électoral local, avec un risque pénal à la clef, fait peser une lourde responsabilité sur les élus locaux. Elle pourrait conduire, à plus ou moins brève échéance, soit à décourager encore un peu plus les vocations de se présenter à un mandat électoral, soit à dissuader les élus de prendre certaines initiatives dans le cadre de leur mandat, avec pour corolaire le blocage inéluctable de l'action publique locale. Face à ce constat et pour sécuriser les élus locaux, l'article 218 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dite loi « 3DS ») prévoit que « tout élu local peut [désormais] consulter un référent déontologue chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés dans la charte [de l'élu local] »18(*).
Le référent déontologue a pour mission d'accompagner et de prémunir les élus contre les risques juridiques, et en particulier les risques de poursuites pénales, liés par exemple aux situations de conflit d'intérêts dans lesquelles ils peuvent se trouver. À cet égard, il faut bien souligner que ce référent n'est pas une juridiction, il ne dit pas le droit, mais a pour vocation d'aider et de conseiller les élus qui décident de le saisir pour anticiper une situation à risque.
Dans sa rédaction, l'article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ne concerne que les élus en cours de mandat. Or, la période durant laquelle les exécutifs locaux, lorsqu'ils ont quitté leur fonction, ne peuvent travailler pour un organisme avec lequel ils ont eu des relations durant l'exercice de leur mandat court sur trois ans. Dès lors, on comprend que l'ancien élu local pourrait avoir intérêt à saisir le référent déontologue sur un délai identique, ce qui n'est pas prévu par le droit existant.
Vos rapporteurs considèrent donc opportun d'ouvrir à l'ancien élu local la faculté de saisir le référent déontologue de son ancienne collectivité d'élection pour être conseillé et mieux se protéger du risque pénal éventuellement encouru.
Recommandation n° 7 : donner la faculté à l'ancien élu de saisir le référent déontologue de son ancienne collectivité d'élection pour être conseillé et mieux se protéger du risque pénal. Délai : avant les prochaines élections municipales en 2026 Acteur(s) : Parlement |
C. FACILITER LA RÉINSERTION PROFESSIONNELLE DANS LE PRIVÉ
Lorsque l'activité professionnelle a été interrompue à l'occasion du mandat, le choix à l'issue de celui-ci consiste très souvent en une reprise d'activité. La question ne se pose pas dans les mêmes termes selon que celle-ci se passe dans la fonction publique ou dans le secteur privé.
Dans le premier cas, les élus locaux bénéficient d'un accès au troisième concours pour certains corps ou cadres d'emploi. L'article L. 325-7 du CGCT ouvre en effet cette voie aux candidats justifiant de l'exercice d'un ou plusieurs mandats de membre de l'assemblée d'une collectivité territoriale. D'une manière générale, le troisième concours permet d'accéder à des postes variés de toute catégorie (A, B, C), mais aussi aux écoles de la fonction publique. Il existe dans toutes les fonctions publiques (d'Etat, hospitalière et territoriale) et ouvre sur de nombreuses filières (administratives, culturelles, techniques...).
Dans le second cas, le droit existant encourage le redémarrage de la vie professionnelle en faisant de l'interruption d'activité une simple suspension, laissant ouvertes des perspectives de retour. L'article L. 2123-9 du CGCT prévoit ce droit à suspension pour les exécutifs locaux suivants :
- les maires, présidents de communauté urbaine, d'agglomération et de communes, présidents des conseils départementaux et régionaux, présidents de l'Assemblée et du conseil exécutif de l'Assemblée de Corse ;
- les adjoints au maire dans les communes d'au moins 10 000 habitants, vice-présidents de communauté urbaine, d'agglomération et de communes, vice-présidents des conseils départementaux et régionaux ayant reçu délégation de fonction de leur président.
Une condition d'ancienneté dans l'emploi doit être satisfaite : l'élu doit au préalable justifier d'une ancienneté minimale d'une année chez son employeur, à la date de son entrée en fonction.
Sous ces conditions, le retour à l'emploi se caractérise par une garantie d'équité et vise à une réintégration dans les meilleurs délais19(*). En effet, jusqu'à l'expiration de deux mandats consécutifs, le salarié retrouve alors son précédent emploi (ou un emploi analogue) assorti d'une rémunération équivalente, dans les deux mois suivant la date à laquelle il a avisé son employeur de son intention de reprendre son emploi. S'il y a eu succession de mandats, le salarié peut solliciter sa réembauche dans des conditions déterminées par le code du travail. Notamment, pendant un an, le salarié bénéficie d'une priorité de réembauche dans les emplois auxquels sa qualification lui permet de prétendre.
Afin de ménager un retour à l'emploi dans les meilleures conditions, l'ancien élu bénéficie également du droit à un stage de remise à niveau lors du retour dans l'entreprise. Ce stage permet prendre la mesure de l'évolution du poste de travail et / ou des techniques / savoir-faire utilisés.
Le retour à l'emploi n'a toutefois pas nécessairement lieu dans la même entreprise, car l'ancien élu peut avoir le désir de donner une nouvelle orientation à sa trajectoire professionnelle. Dans ce cas, il dispose du droit à une formation professionnelle et à un bilan de compétences.
Le droit à une formation professionnelle et à un bilan de compétences : passer de la théorie à la pratique En application de l'article L. 2123-11-1 du CGCT, les élus concernés par ce dispositif sont ceux qui ont suspendu leur activité professionnelle pour l'exercice de leur mandat. À l'issue de leur mandat, ces élus ont droit, sur leur demande, au bénéfice d'une formation professionnelle et à un bilan de compétences dans les conditions fixées par le code du travail. Par ailleurs, lorsque les intéressés demandent à bénéficier du congé de formation ou d'un congé de bilan de compétences, le temps passé au titre du mandat local est assimilé aux durées d'activité exigées pour l'accès à ces congés. On peut toutefois s'interroger sur la mise en oeuvre en pratique de cette faculté offerte aux anciens élus ayant participé à un exécutif local de se former et de s'évaluer. En effet, Pierre Camus indique que « dans le cadre de [ses] recherches et de [son] activité à l'Aric, [il] n'a jamais rencontré d'élus qui avaient connaissance de ces dispositifs. Une partie encore modeste des élus locaux connait (encore moins sait y recourir) le dispositif DIF [pour les élus] et sa fonction de reconversion professionnelle. La question d'un droit à la formation professionnelle, au bilan de compétence ou à un stage de remise à niveau renvoie au caractère tout à fait inégal des situations professionnelles que peuvent vivre les élus ». C'est précisément pour surmonter ce défaut, ou ces inégalités, d'information que vos rapporteurs recommandent, dans leur première proposition, que soit diffusé, par le préfet, un guide d'information recensant les droits des élus en fin de mandat. Dans un souci de sensibilisation et d'anticipation, ce guide sera distribué à trois moments clefs du mandat : le début, le milieu et la fin. |
Les allers-retours entre l'exercice d'un mandat local et le travail en entreprise peuvent encore gagner en fluidité. Ces deux mondes sont encore parfois trop cloisonnés : des cultures et des temporalités différentes, comme le souci de ne pas mélanger les genres, expliquent une bonne part de cet éloignement relatif.
Pourtant le rôle citoyen des entreprises n'est plus à démontrer, tout comme le souci de la majorité de leurs employés d'être pleinement partie prenante à la vie de la Cité. Encourager l'embauche d'anciens élus au sein de l'entreprise permet d'ailleurs, en retour, de lever certains freins parmi les salariés désireux de s'engager dans un mandat local, mais soucieux de leurs conditions de retour dans le privé au terme du mandat.
La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », a créé un nouveau statut de « société à mission », désignant les entreprises qui se donnent statutairement une finalité d'ordre social ou environnemental, en complément du but lucratif.
Qu'est-ce qu'une « société à mission » ? Selon l'Observatoire des « sociétés à mission »1, quatre grandes raisons motivent les entreprises à adopter la qualité de « société à mission » : favoriser l'engagement des collaborateurs et attirer de nouveaux talents ; engager l'entreprise sur des enjeux environnementaux (climat, biodiversité...) ; faire monter l'entreprise sur des enjeux sociaux externes (santé, alimentation, éducation, égalité des chances...) ; positionner l'entreprise sur des enjeux sociaux internes à l'entreprise (diversité, bien-être, partage de la valeur...). Pour les dirigeants, devenir société à mission permet de redonner du sens aux activités de l'entreprise et du corps au projet collectif. Toujours selon l'Observatoire, on comptait à la fin de l'année 2021, 505 « sociétés à mission » (contre 207 en 2020). Cette forte progression reflète le dynamisme du modèle en France, même si ce nombre reste encore très limité au regard du nombre total d'entreprises en France. De grandes entreprises multinationales ont opté pour ce statut, dont Danone par exemple. D'autres grandes entreprises au niveau national l'ont également choisi, dont Enedis ou bien une mutuelle telle que la MAIF. Proportion des sociétés à
mission parmi toutes les entreprises, par type 1 Cf. Cinquième baromètre de l'Observatoire des sociétés à mission (mars 2022). |
Pour renforcer ce statut tout en l'enrichissant, un volet « citoyen », en complément des objectifs sociaux et environnementaux, pourrait être inséré parmi les spécificités d'une « société à mission ». Ce volet « citoyen » comprendrait notamment la manifestation de la volonté de recruter d'anciens élus, d'accompagner leur réinsertion, et / ou reconversion professionnelle.
Cette proposition viendrait parachever celle formulée par l'AMF relativement à un label « Entreprise partenaire de la démocratie locale » pour les entreprises employant des élus (à l'instar de ce qui existe pour les sapeurs-pompiers). Alors que l'enrichissement du statut de « société à mission » concernerait proportionnellement davantage les grandes entreprises nationales ou multinationales, le label imaginé par l'AMF se tournerait davantage vers les PME / PMI.
Recommandation n° 8 : insertion dans le statut des « sociétés à mission », aux côtés des objectifs sociaux et environnementaux, d'un volet « citoyen » visant à favoriser le recrutement et la reconversion professionnelle d'anciens élus. Délai : avant les prochaines élections municipales en 2026 Acteur(s) : Parlement / Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, direction générale des entreprises (DGE) |
CONCLUSION
Il faut aujourd'hui éviter un double écueil pour la question de la fin de mandat des élus locaux. Le premier, qui ferait de cette question un sujet tabou, entouré d'une gêne mal contenue à l'égard de celui ayant perdu la faveur des électeurs. Le second, qui ferait très injustement de ces anciens élus les oubliés de notre République et de ses lois, alors qu'ils ont consacré une partie de leur vie au service de leur territoire et de leurs concitoyens.
La sortie de mandat constitue une étape aussi inéluctable que, dans la plupart des cas, délicate à vivre. La charge émotionnelle est en effet proportionnelle à l'intensité de l'engagement sur un mandat local, toujours exigeant. Aussi doit-elle trouver pour contrepartie une juste reconnaissance de cet engagement, au moment où le dernier mandat atteint son point d'achèvement.
Les propositions de vos rapporteurs s'inscrivent dans cet impératif, en comblant les nombreux angles morts de la situation des élus sortants non renouvelés. L'information, l'accompagnement et la sécurisation en sont les maîtres-mots. Une majorité de ces propositions demandent, pour être mises en oeuvre, une traduction législative.
Celle-ci pourrait s'insérer dans un chantier institutionnel plus vaste : l'édification d'un véritable statut de l'élu. Loin d'être un simple toilettage législatif, cette initiative répondrait non seulement à des manques évidents, mais aussi à une attente forte de la part d'élus locaux en souffrance. Les prochaines échéances électorales intervenant en 2026, pour nos communes, en 2027, pour nos départements, et en 2028 pour nos régions, le calendrier de ce chantier s'impose d'évidence afin de pouvoir apporter des réponses aux prochaines « promotions » d'élus quittant définitivement leur mandat.
EXAMEN EN DÉLÉGATION
Lors de sa réunion plénière du 14 décembre 2023, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Chers collègues, nous achevons aujourd'hui cette « mission flash » conduite à vive allure, qui comportait trois volets. Le premier concernant la revalorisation des indemnités a déjà été présenté. Ce matin, nous examinons deux autres rapports, dont l'un porte sur l'exercice du mandat et l'autre sur la sortie du mandat. Pour ce faire, nous avions la chance de disposer d'un certain nombre de réflexions « sur étagère » au Sénat, mais également de contributions d'associations d'élus. Une fois ces rapports adoptés, il s'agira de déposer une proposition de loi en début d'année prochaine à partir de ces travaux, ainsi que le président du Sénat l'a annoncé lors du Congrès des maires.
Pour des contraintes d'agenda, je vous propose que nous débutions nos travaux par les conclusions de la mission relative à l'après-mandat. Je laisse donc la parole à nos collègues rapporteurs, Agnès Canayer, Thierry, Cozic et Gérard Lahellec.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - En compagnie de mes deux collègues rapporteurs, il nous revient de vous présenter les conclusions de notre « mission flash » d'information sur la sortie de mandat des élus locaux. Comme vous le savez, il s'agit là du troisième et dernier volet du travail de réflexion entrepris, depuis plusieurs semaines, au sein de notre délégation sur la situation des élus locaux. Après nous être penchés sur la reconnaissance des élus au travers de leur indemnisation, puis sur les conditions d'exercice de ce mandat, il semblait fort logique de s'interroger sur la fin de mandat.
Le choix de mettre l'accent sur la sortie de mandat apparaît rétrospectivement comme particulièrement judicieux. Les travaux sur ce moment de la vie de l'élu sont en effet extrêmement rares, pour ne pas dire quasiment inexistants. Dans nos recherches, nous n'avons trouvé qu'une thèse universitaire sur ce sujet, qui est encore très loin d'épuiser la problématique, puisqu'elle embrasse la situation des membres du gouvernement et celle des députés, mais ne traite que des maires de grande ville. Toute modestie mise à part, il n'est donc pas exagéré de dire que le rapport, dont nous vous présentons les conclusions, fera date dans la mesure où il défriche un sujet trop longtemps, et injustement, laissé dans l'ombre.
Quelles que soient les situations personnelles et la nature du mandat (municipal, intercommunal, départemental ou régional), les enjeux de la fin de mandat sont communs : la perte de ressources, le régime de retraite, le devenir des compétences et des connaissances acquises, la réinsertion dans le privé ou la fonction publique. Dans notre rapport d'information, nous avons également souhaité éclairer les questions de déontologie, car elles se posent, y compris lorsque le mandat est achevé.
M. Thierry Cozic, rapporteur. - Le constat de départ est celui d'un angle mort. Les questions à propos du devenir des élus en fin de mandat sont nombreuses, mais le suivi statistique fait défaut. Ce n'est que par extrapolation que l'on peut actuellement prendre la mesure du sujet : 40 % des élus locaux ont plus de 60 ans (60 % pour les maires) et un quart des élus sont retraités (40 % s'agissant des maires). On en déduit que les questions de recherche d'emploi post mandat concerneraient potentiellement un peu moins d'un élu sur deux, mais il n'est évidemment guère possible de pousser beaucoup plus loin l'analyse. La consultation lancée auprès des élus locaux par le Sénat, à l'occasion du Congrès des maires, permettra utilement de compléter et d'affiner cette approche. Mais pour disposer d'un suivi plus durable, la direction générale des collectivités locales (DGCL) doit désormais se doter d'un appareil statistique spécialement orienté sur ces sujets.
L'après-mandat est souvent difficile à vivre. Pour rendre compte de cette réalité, je veux partager avec vous quelques commentaires que nous avons entendus tout au long de nos auditions :
« Du jour au lendemain, le maire change de statut, de sauveur il devient le demandeur » ; « Il était quelqu'un et devient personne » ; « Dès lors qu'il n'est plus élu, il disparaît dans la nature » ; « Quand le mandat s'arrête, commence une phase de déni ou de deuil ».
Quand le non-renouvellement n'est pas souhaité, mais subi, la transition est d'autant plus délicate à vivre. Des cabinets de coaching se sont d'ailleurs mis à accompagner d'anciens élus dans leur reconversion professionnelle, car certains éprouvent le besoin d'être accompagnés dans le démarrage de leur nouvelle vie.
La question de la fin de mandat se pose avec une acuité d'autant plus vive que le paysage de la vie publique locale est en évolution. La règle du non-cumul rend la sortie de mandat plus fréquente, tout comme la volatilité relative des électorats. Dans le même temps, de nouvelles générations émergent et prennent place dans nos assemblées locales. Or ces générations ont des priorités différentes et une relation au mandat peut être moins forte que par le passé. L'exercice du mandat est alors davantage perçu comme une étape que comme un aboutissement, avec pour conséquence des envies et des besoins de réinsertion professionnelle par la suite.
Dans ce contexte, des aménagements nous paraissent devoir être apportés aux conditions de sortie de mandat. Leur but consiste à faciliter la transition. Nous préconisons la diffusion, par le préfet, d'un guide d'information recensant les droits des élus en fin de mandat. Dans un souci pédagogique, cette distribution du guide se ferait en début, en milieu et en fin de mandat. Il convient également de maintenir, sur un semestre, les coordonnées institutionnelles de l'ancien élu (réception du courrier, adresse mail), et ce pour éviter toute rupture sèche.
Depuis 2002, une allocation, dite différentielle de fin de mandat, existe pour aider les élus locaux, ayant exercé des fonctions exécutives, à amortir la perte de revenu provoquée par la disparition de l'indemnité de mandat. Toutefois, malgré les efforts de la Caisse des dépôts et consignations et de l'AMF pour la faire connaître, cette aide financière reste confidentielle : selon les prévisions de la Caisse, elle devrait concerner, de 2022 à 2027, uniquement 145 élus communaux, pour un montant moyen de 1 500 euros mensuels.
Afin de la rendre plus efficiente, nous proposons que cette allocation fasse l'objet d'une information systématique en fin de mandat, par le préfet, et qu'elle soit étendue aux maires des communes de moins de 1 000 habitants, ainsi qu'aux élus démissionnaires (pour maladie ou raisons familiales, par exemple).
Dans le but de reconnaître au mieux l'engagement des anciens élus, nous recommandons aussi l'octroi d'une bonification de trimestres pour la retraite : un trimestre par mandat, par exemple. Cette mesure est d'ailleurs également défendue par l'AMF.
M. Gérard Lahellec, rapporteur. - Une fois ce constat dressé, une question se pose : comment sécuriser le retour à la vie professionnelle de l'élu local ? L'exercice d'un mandat n'est pas toujours vécu spontanément par l'employeur comme un atout pour le développement de son entreprise. En réponse, trois axes sont à retenir : la valorisation des compétences et des connaissances acquises durant le mandat, l'accompagnement déontologique en sortie de mandat et la facilitation de la réinsertion professionnelle dans le privé.
Tout au long de l'exercice de son mandat, l'élu local acquiert des compétences, il enrichit son bagage de connaissances des rouages de l'administration et il développe des savoirs en matière de procédures (aménagement du territoire, finances locales, urbanisme, gestion des ressources humaines...). L'un des leviers pour valoriser l'expérience des élus locaux concerne la validation des acquis de l'expérience (la VAE). Si la démarche de VAE réussit, elle permet l'acquisition d'un diplôme de même niveau que s'il avait été obtenu par la voie de l'enseignement supérieur ou professionnel.
Cependant, la situation n'est pas si simple. À la différence des autres formations dispensées aux élus, la VAE peine à trouver son public. Par exemple, l'Université de Bretagne occidentale dispose d'une formation labélisée depuis 2008 à l'attention des élus et elle a déjà offert 9 500 formations, dont 1 700 depuis les dernières élections municipales en 2020. En revanche, depuis 2020, seuls deux élus ont eu recours à la VAE. Les raisons de ce manque d'attrait ne résident pas dans le coût financier de la VAE, mais bien davantage dans le manque d'information des élus. Il paraît donc indispensable d'avoir une action incitative et informative, en direction des élus en fin de mandat, sur le processus de VAE. Le développement de synergies entre le monde des élus locaux et l'Université, en tant qu'organisme formateur et certificateur, recèle un fort potentiel pour susciter chez les élus une prise de conscience. À terme, il pourrait en découler la mise en oeuvre d'un référentiel national et, éventuellement, des passerelles vers d'autres formations.
Le deuxième point d'attention porte sur la déontologie, qui occupe une place essentielle en vue d'une reprise d'activité, d'une reconversion professionnelle ou d'une création d'entreprise réussie. Il s'agit là d'écarter tout risque juridique pénal, une fois la page du mandat tournée.
Même lorsque le mandat est achevé et qu'il n'est pas renouvelé, ses implications juridiques peuvent encore se faire sentir. En effet, le code pénal interdit, pendant trois ans, à un ancien exécutif local d'exercer une activité rémunérée dans une société, dès lors qu'il en a assuré le contrôle ou la surveillance en tant qu'élu, ou avec laquelle il a conclu des contrats ou formulé un avis sur de tels contrats, ou à l'égard de laquelle il a proposé à l'autorité compétente de prendre des décisions ou formulé un avis sur de telles décisions.
Il nous semble donc opportun d'ouvrir la faculté à l'ancien élu local d'en appeler à une expertise juridique, afin de le protéger et d'être accompagné à l'issue de son mandat. Il faudra naturellement définir l'instance qui sera de nature à coordonner ces aspects.
Enfin, la réinsertion professionnelle dans le privé doit être facilitée. La loi « Pacte » a créé, en 2019, un nouveau statut de « société à mission », désignant les entreprises qui se donnent statutairement une finalité d'ordre social ou environnemental, en complément du but lucratif. Ce statut pourrait utilement être renforcé d'un volet « citoyen », qui comprendrait notamment la manifestation de la volonté de recruter d'anciens élus, d'accompagner leur réinsertion ou d'encourager leur reconversion professionnelle.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - En conclusion, la question de la fin de mandat des élus locaux ne doit pas être un sujet tabou. En outre, les anciens élus ne doivent pas être oubliés de notre République, alors qu'ils ont consacré une partie de leur vie au service de leur territoire. La sortie de mandat constitue une étape aussi inéluctable que délicate à vivre. La charge émotionnelle y est proportionnelle à l'intensité de l'engagement sur un mandat local, toujours exigeant. Il faut donc trouver, en contrepartie, une juste reconnaissance à cet engagement.
Les maîtres mots sont assurément « information », « accompagnement » et « sécurisation ». L'enjeu ne se limite pas aux élus cessant leur mandat, il va bien au-delà et concerne aussi ceux qui ont le goût de la chose publique, qui pourraient être tentés par un mandat local, mais qui hésitent aujourd'hui. Nous savons tous qu'ils sont nombreux. Il est de notre devoir de les rassurer et de leur permettre de s'engager sereinement au service de leur territoire, en leur démontrant que l'on peut « être », après avoir été élu local.
M. Pascal Martin. - Je remercie nos collègues pour la qualité de leurs travaux et des propositions formulées.
À cet égard, vos auditions ont-elles permis d'établir une distinction entre les situations des élus dont le mandat s'achève de leur propre chef et celles qui sont plus brutales car résultant d'une défaite électorale ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les situations peuvent différer individuellement, mais tous les élus font état d'une forme de deuil, qu'ils s'y soient préparés ou non.
M. Gérard Lahellec, rapporteur. - Parmi les élus qui décident de cesser leurs fonctions, il faut également mentionner ceux qui n'en peuvent plus, pour différentes raisons. En toute modestie, nos prescriptions cherchent à rassurer et à conforter l'exercice du mandat.
M. Thierry Cozic, rapporteur. - Il convient aussi d'évoquer le cas des élus qui sont sortis des listes contre leur gré. Au-delà, les élus sont dans l'action au quotidien et n'envisagent pas l'après-mandat. Il est nécessaire que la littérature s'étoffe sur ce sujet.
M. Cédric Chevalier. - Je m'associe aux remerciements pour le travail effectué par nos collègues. Préparer la sortie permet également de faciliter l'entrée d'acteurs aux profils diversifiés et qui sont intéressés à prendre part à la vie collective. À ce titre, j'ai relevé dans la synthèse du rapport d'information le terme d'« étape » pour caractériser l'engagement citoyen qui peut porter jusqu'à une fonction élective.
La complexité de la VAE a-t-elle été évoquée lors de vos auditions, notamment concernant les équivalences universitaires éventuelles ? Ensuite, vous avez mentionné la réinsertion et je souhaite pour ma part parler de la réintégration professionnelle des élus. Les dispositifs légaux existent certes, mais un salarié à 80 ou 50 % en raison de son activité d'élu ne connaît nécessairement pas la même évolution professionnelle que celle de ses collègues. Enfin, l'accompagnement, notamment psychologique, apparaît incontournable tant il est vrai que beaucoup d'élus se retrouvent seuls face à la fin de mandat. Comment envisagez-vous cet accompagnement ?
M. Patrice Joly. - Lors de vos auditions, avez-vous pu aborder un autre phénomène, réel, mais moins mis en lumière, c'est-à-dire celui des élus qui s'accrochent à leur mandat, par crainte d'une perte de statut social, mais aussi de revenus ? La question de la fluidité d'un monde à l'autre me semble essentielle pour disposer d'une vie démocratique saine. À ce titre avez-vous évoqué et envisagé l'intégration d'anciens élus dans la fonction publique, en particulier la fonction publique d'État, compte tenu des savoir-faire acquis en matière d'administration, de gestion financière, de management, de conduite de projets ?
M. Bernard Buis. - Je pense qu'il faut distinguer les situations selon que l'élu était en activité ou déjà retraité avant sa prise de fonction. Quoi qu'il en soit, même pour les retraités, le changement brutal de statut vis-à-vis de la population, mais aussi d'emploi du temps, du jour au lendemain, est difficilement vécu, y compris par les familles.
M. Jean-Marie Mizzon. - Je souhaite prolonger la question sur la réinsertion et la réintégration professionnelle au cas spécifique des départements frontaliers. Ainsi, près d'un quart des salariés mosellans travaillent en réalité au Luxembourg et ceux qui sont élus ne bénéficient pas de crédits d'heures ou d'autorisations d'absence. Les élus du Luxembourg profitent par exemple de nombreux avantages qui ne sont malheureusement pas octroyés aux ressortissants français. Comment faire en sorte que les élus français travaillant dans un pays frontalier puissent bénéficier de droits à peu près comparables à ceux qui travaillent en France ?
Mme Françoise Gatel, présidente. - La réponse à cette dernière question pourra sans doute vous être apportée lors de l'examen du second rapport.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Plusieurs dimensions se conjuguent effectivement dans la « vie d'après » et concernent la vie professionnelle, la vie familiale, la perte de statut et de reconnaissance. C'est la raison pour laquelle notre rapport met en exergue le nécessaire accompagnement et surtout la mise en place d'amortisseurs pour éviter de tourner la page définitivement, du jour au lendemain. Il importe d'assurer la transition, notamment à travers une période temporaire où les adresses mail seraient par exemple conservées ; mais également par l'accompagnement, qu'ouvre le droit individuel à la formation pour les élus (DIFE), notamment par de bons coachs agréés par le ministère de l'Intérieur. De même, la collectivité doit être en mesure d'accompagner les élus lors de cette fin de mandat.
M. Thierry Cozic, rapporteur. - La question de la réintégration professionnelle s'est effectivement posée lors de nombreuses auditions. Je pense particulièrement à la fonction publique d'État ou territoriale, dont l'accès préférentiel s'effectue malgré tout par le concours. Dès lors, offrir des droits spécifiques d'accès aux élus soulèverait nécessairement des difficultés. De son côté si le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) organise des formations pour les élus, sa vocation première est d'être au service des agents.
Ensuite, nous sommes tous conscients que l'expérience d'élu permet d'acquérir des savoir-faire qu'il est intéressant de valoriser. Mais le statut diffère selon que l'on est un maire ou adjoint, ce dernier pouvant devenir un véritable expert de la matière dont il a la charge. En réalité, à chaque élu correspond une VAE différente. Mais au-delà, une des principales difficultés porte sur le manque d'information concernant la fin de mandat. Il est nécessaire de pratiquer des piqûres de rappel au cours du mandat. À ce titre, le préfet peut jouer un rôle d'information auprès des élus.
M. Gérard Lahellec, rapporteur. - Lors de nos auditions, nous avons pu constater que toutes les demandes ne sont pas du même ordre. Ensuite, j'ai indiqué précédemment que depuis 2020, seuls deux élus avaient eu recours à la VAE. Mais dès lors qu'il n'y a pas de demandes, on ne suscite pas non plus d'évolution dans l'offre de formation. Parmi nos recommandations, la valorisation de la VAE doit ainsi constituer un objectif soutenu.
Ensuite, le sujet de la réinsertion-réintégration est extrêmement complexe. J'y ai été confronté à 59 ans et j'ai eu la chance d'avoir un employeur disposant d'une surface nationale suffisante, qui lui a permis d'être bienveillant à mon égard. Mais tous les élus ne bénéficient pas de cette chance. Il ne suffit pas de se réinsérer, il faut également tenir compte des contingences des entreprises.
En outre, comme Thierry Cozic le rappelait, il est plus facile de valoriser les acquis d'un maire-adjoint que de prendre en considération le caractère généraliste de la fonction de maire. Il est donc fondamental de diffuser l'information tout au long du mandat.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Le parcours du combattant de la VAE mentionné par Cédric Chevalier ne vaut pas que pour les élus. Puisqu'il ne s'agissait pas d'un sujet spécifique, nous ne l'avons pas intégré dans le rapport, mais nous sommes conscients de la difficulté supplémentaire qu'elle implique pour les élus locaux.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Je souscris aux propos concernant le parcours du combattant en matière de VAE. Vous avez également souligné à juste titre la distinction entre la validation des acquis d'un adjoint spécialisé et ceux d'un maire, qui est en quelque sorte d'abord un patron de TPE ou de PME. Il faut sans doute avancer sur des compétences en savoir-faire, mais aussi en savoir-être. Quand un maire quitte un mandat, il subit une forme de deuil et il est difficile de lui permettre de s'inscrire spontanément dans une autre dynamique, alors qu'il est effacé du paysage. À ce titre, j'ai été très sensible à vos propos sur cet aspect psychologique, qui est rarement évoqué.
Je me souviens d'une conversation avec une collègue qui avait dû choisir entre son mandat de maire et celui de sénatrice. Celle-ci m'indiquait que pendant plusieurs mois, elle avait subi ce flottement et avait dû se reconstruire, alors même qu'un élu se doit de montrer une image de solidité auprès de ses administrés. Le même raisonnement vaut pour l'ancien maire qui réintègre une vie professionnelle, passant du statut de décisionnaire à celui d'exécutant. La société doit aider cet accompagnement, ce passage, cette conversion mentale. Personne ne regrette d'avoir été élu local, mais il convient de parler de ces réalités, insuffisamment mentionnées.
Chers collègues, je vous soumets à présent l'adoption des recommandations ce rapport.
Le rapport est adopté à l'unanimité des sénateurs présents.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
TABLE RONDE SUR LA VALIDATION DES ACQUIS DE L'EXPÉRIENCE (mardi 28 novembre 2023)
· Université Bretagne Occidentale
- M. Abdeslam MAMOUNE, vice-président formation ;
- Mme Catherine LARREUR, responsable du dispositif de validation d'acquis ;
- Mme Mikaëlle ROUDAUT-CADIOU, responsable de la formation des élus locaux.
· Université Bretagne Sud - France Universités
- Mme Virginie DUPONT, présidente du l'Université Bretagne Sud et vice-présidente de France Université.
TABLE RONDE SUR L'ACCOMPAGNEMENT PAR DES CABINETS DE CONSEIL ET DE FORMATION (mardi 28 novembre 2023)
· Expertiss, organisme de conseil et de formation des élus agréé par le ministère de l'Intérieur
- Mme Christelle FOUCHET, fondatrice d'Expertiss et ancienne élue locale.
· Reliance, cabinet de coaching et de conduite des changements
- Mme Gwenaële HAMON-CARRE, co-fondatrice de Reliance et ancienne élue locale.
TABLE RONDE SUR LE CADRE DÉONTOLOGIQUE DE LA SORTIE DE MANDAT (mardi 28 novembre 2023)
- Mme Élise UNTERMAIER-KERLEO, Maitresse de conférences de droit public à l'Université Jean-Moulin Lyon 3, auteure de l'article universitaire « La reconversion professionnelle des élus locaux : quel cadre déontologique ? ».
TABLE RONDE SUR LES PASSERELLES ENTRE MANDAT LOCAL ET FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (mardi 28 novembre 2023)
- Mme France BURGY, directrice générale du Centre National de la Fonction Publique territoriale (CNFPT).
TABLE RONDE SUR LA FORMATION DES ÉLUS EN VUE DE LEUR RECONVERSION (mardi 5 décembre 2023)
- M. Pierre CAMUS, responsable de formation des élus locaux au sein de l'Association Régionale d'information des collectivités territoriales (ARIC Bretagne), co-président de l'Observatoire National de la Formation des Élus Locaux (ONFEL) et auteur de la thèse « La formation des élus locaux en France (1880-2020). Les conditions d'une institutionnalisation instable. ».
* 1 Sénat, rapport d'information n° 642 (2017-2018).
* 2 Sénat, rapport d'information n° 121 (2023-2024), « Indemnités des élus locaux : reconnaître l'engagement à sa juste valeur », rapporteurs Mme Françoise Gatel, Présidente de votre délégation, MM. François Bonhomme et Éric Kerrouche.
* 3 Thèse de doctorat en Science Politique, soutenue le 9 décembre 2022, à Nantes Université, dans le cadre de École doctorale Droit et Science Politique (Rennes ; 2016-2021), en partenariat avec le laboratoire Droit et Changement Social (Nantes). Encore cette thèse ne se consacre-t-elle pas uniquement à l'étude des élus locaux, son panel étant à la fois restreint aux maires de grandes villes et élargi aux députés et aux ministres sur la période 1977-2020.
* 4 Cf. « Les collectivités locales en chiffres » (DGCL, 2023).
* 5 À consulter sur la plateforme du Sénat à l'adresse : https://participation.senat.fr/
* 6 Cf. Sénat, rapport d'information n° 520 (2021-2022), « Pour une nouvelle dynamique démocratique à partir des territoires : la démocratie implicative », de Mme Françoise Gatel et M. Jean-Michel Houllegatte, au nom de votre délégation.
* 7 Pour une analyse plus détaillée de la « fin des fiefs » politiques, on peut consulter « La France d'après - Tableau politique » de Jérôme Fourquet (octobre 2023).
* 8 Texte n° 767 (2022-2023) de MM. Éric Kerrouche, Didier Marie et plusieurs de leurs collègues, déposé au Sénat le 23 juin 2023.
* 9 Le fonds de pension des élus locaux (FONPEL) et la caisse autonome de retraite des élus locaux (CAREL).
* 10 Le régime de retraite de l'Ircantec concerne donc tous les élus qui perçoivent une indemnité de fonction de la part de communes, de départements, de régions, de communautés de communes, de communautés d'agglomération, de syndicats d'agglomération nouvelle, de communautés urbaines, de métropoles, de pôles métropolitains, de syndicats de communes, de syndicats mixtes associant exclusivement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
* 11 Le fonctionnaire placé en position de détachement pour exercer un mandat local conserve, quant à lui, son affiliation au régime spécial de retraite (la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales - CNRACL -, par exemple) et continue à acquérir des droits à retraite. Il est redevable d'une cotisation salariale prélevée sur l'indemnité de fonction par la collectivité où il est élu (au taux et sur l'assiette applicable à son emploi de fonctionnaire).
* 12 Décret n° 2023-838 du 30 août 2023 relatif à la mise en oeuvre pour les élus locaux de la faculté de cotisation et de la prise en compte des périodes de mandats pour les versements pour la retraite prévues à l'article 23 de la loi précitée du 14 avril 2023.
* 13 Arrêté du 27 mars 2023 modifiant l'arrêté du 12 juillet 2021 modifié portant diverses mesures applicables au droit individuel à la formation des élus locaux
* 14 La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé une obligation de certification pour les dispensateurs de formation souhaitant bénéficier des fonds de la formation professionnelle. Les organismes générant plus de 150 000 euros de chiffres d'affaires annuels sont tenus de se déclarer auprès de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) pour y être reconnus comme des organismes de formation professionnelle et satisfaire à la certification Qualiopi. Par contre, les organismes générant moins de 150 000 euros échappent à cette condition de certification et peuvent ainsi continuer de proposer des offres de formation ne répondant pas aux mêmes critères.
* 15 Janvier 2020.
* 16 Pour rappel, l'article 432-13 du code pénal est ainsi rédigé :
« Est puni de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que membre du Gouvernement, membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante, titulaire d'une fonction exécutive locale, fonctionnaire, militaire ou agent d'une administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions.
« Est punie des mêmes peines toute participation par travail, conseil ou capitaux dans une entreprise privée qui possède au moins 30 % de capital commun ou a conclu un contrat comportant une exclusivité de droit ou de fait avec l'une des entreprises mentionnées au premier alinéa.
« Pour l'application des deux premiers alinéas, est assimilée à une entreprise privée toute entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et conformément aux règles du droit privé.
« Ces dispositions sont applicables aux agents des établissements publics, des entreprises publiques, des sociétés d'économie mixte dans lesquelles l'État ou les collectivités publiques détiennent directement ou indirectement plus de 50 % du capital et des exploitants publics prévus par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom.
« L'infraction n'est pas constituée par la seule participation au capital de sociétés cotées en bourse ou lorsque les capitaux sont reçus par dévolution successorale. ».
* 17 Revue de La Semaine juridique - Administrations et collectivités territoriales (JCP A) n° 19-20, 10 mai 2021, n° 2160.
* 18 Article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT).
* 19 Ces dispositions sont également applicables aux agents non titulaires de l'État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs, sauf si ceux-ci bénéficient de régimes plus favorables.
Les élus fonctionnaires peuvent, pour leur part, bénéficier pour l'exercice de leur mandat et à leur demande, d'une mise en disponibilité de plein droit pour l'ensemble des mandats électifs et d'un détachement de plein droit pour les mandats exécutifs ouvrant le droit à la suspension du contrat de travail pour les élus salariés soit : tous les maires, les adjoints au maire des communes d'au moins 10 000 habitants, les présidents d'EPCI et les vice-présidents d'EPCI de même taille.
Pour les titulaires de mandats électifs locaux, le décompte de la période d'inscription sur la liste d'aptitude est suspendu pendant la durée de leur mandat s'ils sont lauréats de concours de la fonction publique territoriale.