D. RENDRE PLUS LISIBLE ET PLUS SIMPLE LE DROIT APPLICABLE
1. Toiletter le CGCT
Le SPCPF a mené, pendant près de trois ans, un travail avec les communes polynésiennes pour identifier les difficultés d'application de certains points du CGCT et a réalisé 42 propositions de modification.
Ces propositions figurent en annexe 2.
Ces propositions ont été retravaillées et elles feront l'objet d'une proposition de Loi (PPL) déposée par Mme la sénatrice Lana Tetuanui.
2. Consolider le droit applicable en Polynésie
Nos interlocuteurs ont tous souligné la difficulté de connaitre le droit applicable en Polynésie française au point que la formule « nul n'est censé connaitre la loi en Polynésie française » est devenue courante.
Le rapport de Catherine Troendlé et M. Mathieu Darnaud, avait déjà mis en évidence cette difficulté (voir encadré).
L'application du code général des collectivités territoriales (CGCT) en Polynésie française 13(*).
Lors de la création des communes polynésiennes, en 1971, leur régime juridique a été codifié au sein de parties spécifiques du code des communes, alors en vigueur sur l'ensemble du territoire national.
Quand le CGCT est entré en vigueur, en 1997, seules les dispositions du code des communes applicables aux communes polynésiennes ont été maintenues. Elles ont été introduites dans le CGCT par voie d'ordonnance, en 2007.
Le régime des communes polynésiennes se caractérise par un renvoi aux dispositions de droit commun, sous réserve des adaptations nécessaires. Le choix de cette technique, dite de « l'écriture miroir », rend la lecture des dispositions applicables en Polynésie française particulièrement illisible, car elle oblige à « reconstruire » le droit applicable en appliquant aux dispositions de droit commun celles qui les modifient et qui sont situées des dizaines de pages plus loin au sein du CGCT.
L'État s'est toutefois toujours montré réticent à la création d'un code des communes en Polynésie française, proposée dès 2013, au double motif que la définition du régime des communes polynésiennes relève de sa compétence exclusive et que ces collectivités restent des collectivités territoriales de la République soumises, pour l'essentiel, au droit commun.
Pour faciliter l'appréhension du droit applicable localement, les services du Haut-commissariat éditent, outre des fiches pratiques, une version consolidée du CGCT dans sa version applicable.
Le ministère de l'intérieur (Haut-commissariat) réalise un travail de consolidation. Cependant, selon le SPCPF, « le travail reste laborieux et la récurrence des modifications du code ne permet pas d'avoir une version rapidement à jour. De plus, cette consolidation ne comprend pas un suivi des différentes versions des articles. Elle ne permet pas de reconstruire la lisibilité juridique d'une période passée, qui est pourtant celle qui fait référence dans le contentieux ». D'autres interlocuteurs confirment l'aspect partiel de ce travail.
Cette difficulté est une source constante d'insécurité et un réel irritant pour les acteurs locaux.
L'intelligibilité du droit applicable localement pourrait être assurée, sans intervention législative, par la publication d'une version consolidée, régulièrement mise à jour, des textes applicables sous la forme d'un « code éditeur ». Vos rapporteurs recommandent la mise en place d'un système disponible en temps réel, accessible au grand public, intégrant un système de visualisation des différentes étapes (versionning) type Légifrance.
Recommandation n° 14 : mettre en ligne une version consolidée, à jour des textes applicables, ainsi que les versions antérieures, sous la forme d'un « code éditeur » pour rendre intelligible l'application du Code général des collectivités territoriales en Polynésie française.
Les échanges avec le Haut-Commissariat ont permis de mettre à jour un projet déjà bien avancé. Il s'agit d'un logiciel élaboré localement par un agent du haut-commissariat. Ce logiciel, à partir d'une interface avec Légifrance, propose une consolidation de la plupart des codes applicables en Polynésie. Cette application est disponible à l'adresse suivante : https://consolidation.gunther.fr
Le haut-commissariat a sollicité la Direction Générale des Outremers afin qu'il soit labellisé. Il estime que sa reconnaissance officielle répondrait largement à la problématique de l'intelligibilité des textes applicables sur le territoire polynésien. Cette avancée reste partielle, car le site n'est valable que pour les codes, or nombre de lois et de règlements sont spécifiques aux collectivités d'outre-mer ou à la Nouvelle-Calédonie et donc n'entrent pas dans les codes.
3. Mettre en débat la question des voies publiques et chemins privés
Parmi les nombreux sujets soulevant des situations juridiques inextricables, la question des voies publiques et des chemins privés mérite un développement particulier, tant elle a été une constante des échanges.
En résumé, les chemins privés sont souvent des dessertes de terrains et d'habitations privées qui partent de la route principale vers l'intérieur des terres. Ces dessertes privées sont souvent mal ou pas entretenues. Les services publics interviennent sur ces voiries : camions de collecte des déchets, interventions des pompiers, passage de la poste, organisation des réseaux ... et rencontrent souvent des difficultés liées à ce manque d'entretien.
Plusieurs communes souhaiteraient récupérer ces voiries pour pouvoir les réhabiliter, les entretenir correctement et, ainsi, améliorer le fonctionnement des services publics. Pour autant, les propriétaires ne souhaitent pas céder leur droit de propriété.
Il arrive, parfois, que des conventions sur des durées longues permettent aux propriétaires privés de céder temporairement la gestion de la voirie, permettant ainsi à la puissance publique d'effectuer les travaux nécessaires. Mais ces solutions ne sont pas pérennes.
Le problème est délicat et repose sur un fort attachement des polynésiens à leur terre. Vos rapporteurs recommandent d'en faire un sujet de débat local.
Recommandation n° 15 : instaurer une commission au niveau du Pays composée de représentants du Pays, de l'État, d'élus locaux et d'un panel d'habitants avec l'apport de juristes, pour faire des propositions relatives aux chemins privés à mettre en débat au niveau local.
Il appartient aux acteurs locaux d'identifier l'éventail des solutions qui seraient acceptables. Des pistes avaient été évoquées lors de la mission :
- définition du principe des servitudes d'intérêt général de ces voiries privées lorsque les services communaux (environnementaux et de sécurité publique notamment....) les utilisent régulièrement. L'entretien de ces voiries étant pris en charge par la commune, du fait d'une indivision foncière multigénérationnelle ;
- loi de transfert de la propriété dans le domaine public au terme d'un délai à définir si le propriétaire ne manifeste pas son souhait de conserver la propriété ;
- obligations d'entretien reposant sur le propriétaire avec système de mise en demeure, astreinte et amende.
* 13 Rapport de Mme Catherine Troendlé et M. Mathieu Darnaud, op. cit.