B. RECHERCHER LA COOPÉRATION

Les élus soulignent avec force la capacité à s'inscrire en coopération avec les autres comme étant une condition de réussite d'une politique de transition environnementale. Les territoires pertinents et les enjeux dépassent les périmètres géographiques. Les moyens sont limités et opérer ensemble permet d'être plus efficace. La coopération est aussi une modalité indispensable pour gérer les conflits et les divergences d'intérêts générés par les transformations. Coopérer se fait horizontalement - entre collectivités d'une même strate, verticalement, entre différentes strates, ou encore transversalement, avec d'autres acteurs.

Coopérer n'est pas simple : il faut de la confiance, du temps, des ressources, une animation pour faire vivre cette coopération. Au-delà d'une simple modalité d'action, la coopération comprise comme l'instauration d'un travail de confiance et de solidarité entre acteurs locaux, citoyens et territoires voisins, est perçue comme une condition de réussite.

Parole d'élus

« Il faut un bloc communal solidaire et une meilleure intégration entre ces acteurs. C'est un ingrédient indispensable pour réussir la transition. C'est dur, ça parait impossible dans certaines intercommunalités, mais il faut coopérer, nous n'avons plus le choix ».

« Il n'y a pas une réponse de transformation environnementale qui fonctionne sans coopération. Une collectivité ne peut pas grand-chose si elle n'organise pas autour d'elle le système d'acteurs qui doivent concourir à la transition ».

« La coopération génère de la coopération ».

La transition environnementale tend de plus en plus à se déployer par une approche territoriale plutôt que par une approche organisationnelle. Cette dernière institue comme seul périmètre le patrimoine et les compétences de la collectivité. L'approche territoriale inclut l'ensemble du territoire et englobe l'ensemble de ses acteurs. Ce glissement conduit à renforcer l'importance de la coopération et conduit à confier aux collectivités un rôle d'ensemblier et d'animateurs98(*).

1. La coopération, facteur de réussite de la transition

L'efficacité de la coopération dans les dynamiques de transition environnementale a fait l'objet de travaux documentés de la Fabrique des transitions (soutenue par l'Ademe), qui en fait un des 4 fondamentaux de la conduite du changement99(*). Dans une publication centrée sur ces enjeux de coopération100(*), la Fabrique s'intéresse aux 4 Fantastiques de la transition, à savoir les élus, les agents, les acteurs socio-économiques et les agents de l'État territorial qui oeuvrent ensemble aux transitions. « La réunion de ces 4 acteurs est indispensable pour dépasser la simple addition d'initiatives isolées, pour parvenir à déployer une véritable dynamique de transition, systémique et collective. Cet effort collectif est l'une des conditions du changement d'échelle »

Deux rapports de la Fabrique des Transitions

Source : La Fabrique des Transitions

Ces éléments ressortent aussi d'une étude101(*) menée par l'Observatoire des partenariats de la Caisse des Dépôts et Consignations créé en 2008 et baptisé le Rameau. Cet observatoire a pour objectif d'observer, dans la durée, l'émergence de nouveaux modèles d'alliances, de qualifier les pratiques, d'en illustrer la diversité et d'en mesurer les impacts par des réalisations statistiques. Cette étude met en évidence les impacts de « faire alliance ». Les alliances sont à la fois une source d'innovation sociale et territoriale, un levier de performance pour tous les acteurs et un vecteur de confiance collective et individuelle. « Fondé sur la confiance, le « faire alliance » ne se décrète pas ! La méthode pour réussir une démarche apprenante de coconstruction est un facteur clé de succès ».

En résumé, la coopération permet d'exprimer les désaccords et de les arbitrer, de faciliter les convergences et l'identification de bénéfices communs et d'assurer une répartition plus collaborative et donc plus équitable des efforts.

Susciter la coopération

Le programme Territoires d'innovation est une action du Grand plan d'investissement, adossée à la troisième vague du Programme d'investissements d'avenir (PIA). Cette action a pour objectif de faire émerger en France les territoires du futur et de nouveaux modèles de développement territorial. Elle vise à financer des projets innovants, réplicables et exemplaires sur plusieurs thématiques, dont celles de la transition environnementale. L'action « Territoires d'innovation » est dotée d'une enveloppe de 450 M€ sur 15 ans avec 150 M€ de subventions et 300 M€ d'investissements en fonds propres. L'une de ses particularités était d'incarner une nouvelle approche des relations entre l'État et les territoires, suscitant des logiques partenariales. En effet, l'une des conditions obligatoires pour solliciter le financement était la formation d'une alliance entre acteurs publics de différents niveaux avec des acteurs privés et la société civile locale. L'appel à manifestation d'intérêt (AMI) a duré deux ans, pour permettre aux acteurs de monter ces collaborations et éviter ainsi de ne financer que des initiatives déjà en cours.

2. Les formes diverses de la coopération

Les auditions ont mis en évidence de nombreux exemples de cette recherche de coopération.

a) La coopération entre collectivités

L'Eurométropole de Strasbourg a mis en place un « groupe intercommunal sur le climat » pour intégrer une approche territoriale. Il réunit maires, élus référents, DGS et DST des 33 communes de l'Eurométropole. Ces réunions permettent de mieux cerner les besoins des communes et d'envisager avec elles des solutions, des accompagnements, en vue d'une progression qualitative.

La communauté de communes du Thouarsais a mis en place une méthode pour entrainer les communes de son territoire dans la démarche de transition en leur proposant un accompagnement par l'ingénierie de l'intercommunalité sur les sujets des économies d'énergie ou en s'inscrivant dans des opérations mutualisées leur permettant de bénéficier d'investissement à moindre coût. À titre d'exemple, l'intercommunalité a mobilisé les communes pour répondre à un appel à projet régional permettant d'améliorer la connaissance de la biodiversité de leur territoire et mettre en oeuvre des actions favorisant les continuités écologiques à travers des plantations, des actions de création et restauration de mares.

Le Syndicat départemental d'énergie d'Allier pilote une démarche originale et inédite : le Plan Climat Allier. La démarche regroupe les 11 EPCI du département (5 volontaires et 6 obligés102(*)) et pose les cadres d'une coordination, d'une coopération et d'une mutualisation pour relever de manière cohérente les défis de la transition écologique et énergétique. Le Syndicat disposait déjà d'un service de conseil aux EPCI en matière d'économie d'énergie et de production d'énergie renouvelable (bois, photovoltaïque). Fort de cette compétence, il lance fin 2018, une coopération autour de l'élaboration des PCAET : partage du calendrier, de l'animation et de la méthode de travail. Les frais d'études et des animations étaient pris en charge par le Syndicat103(*). La démarche instaure une cohérence départementale autour des enjeux de la transition écologique et énergétique.

Cette dynamique vertueuse a permis d'entrainer d'autres acteurs : « Pour les territoires, cette réalisation concomitante des 11 PCAET a permis de faire le lien avec certains acteurs locaux. Les PCAET intègrent ainsi des actions portées par les EPCI, propres aux compétences qu'ils possèdent, mais également des actions portées par d'autres acteurs partenaires, issus du monde institutionnel ou associatif (Département, CCI, CMA, Chambre d'agriculture, Conservatoire d'espace naturel...). Les plans d'actions des PCAET se veulent les plus représentatifs possibles de l'ensemble du travail réalisé sur le territoire. Et la valorisation des acteurs, autres que les EPCI, permet la mise en lumière des rôles de chacun »104(*).

La Région Occitanie, en partenariat avec l'Ademe, a lancé un AMI pour favoriser l'émergence et le développement de nouvelles démarches d'écologie industrielle et territoriale à l'échelle des territoires et des filières. Les lauréats de l'AMI bénéficieront d'un accompagnement individuel en ingénierie. Le but est d'impulser des dynamiques collaboratives et structurantes pour le développement du territoire et des acteurs, dont l'objectif est d'aboutir à des actions concrètes, partagées et multi-acteurs. Concrètement sont visées les synergies de substitution, de mutualisation et la création de nouvelles activités.

La Métropole Nice Côte d'Azur a lancé un schéma directeur des énergies renouvelables (SDEm) en co-construction avec les acteurs du territoire et en premier lieu avec les communes membres de la métropole. Sa première étape a été l'établissement d'un diagnostic dynamique et partagé. Il s'agit ensuite d'initier ou de soutenir et de développer des actions et projets portés directement par la métropole, les communes et d'autres acteurs autour d'un programme pluriannuel partagé de réalisations facilitant le développement des énergies renouvelables locales. Cette démarche s'accompagne d'une importante transversalité entre les acteurs énergétiques du territoire, tels que les industriels et gestionnaires de réseaux, propriétaires et bailleurs, entreprises, associations de consommateurs, associations de quartier, associations environnementales. Le SDEm alimentera aussi la révision du Plan Local d'Urbanisme métropolitain (PLUm). Des règlements favorables ainsi que des prescriptions fortes en faveur de la production d'énergie renouvelable locale et des approches bioclimatiques résilientes y seront ainsi intégrées.

b) La coopération avec les acteurs privés et la société civile

La Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD) a été à l'initiative d'un Groupement d'intérêt public (GIP) qui regroupe plus de 30 acteurs publics (sous-préfecture, rectorat, grand port maritime, collectivités...), parapublics (CCI...) et privés (port maritime, industriels...) du territoire. Ce GIP des « grands décideurs territoriaux », orchestre la cohérence d'action de l'ensemble des acteurs du territoire sur les sujets de transition. Il illustre cette volonté de mettre en place une culture collective de la coordination qui n'oppose plus public et privé et qui mette en mouvement le territoire. Outil de dialogue, d'élaboration de stratégie collective, il permet aussi de « chasser en meute les financements » avec des succès importants (PIA 3, ZIBAC etc.). La valeur créée est celle de la coopération : les acteurs discutent d'un pôle d'excellence pour créer un modèle duplicable, de rapprochement avec les universités pour construire les formations de demain.

Grand Bourg Agglomération a créé une rencontre annuelle avec les entreprises afin de tisser dialogue et liens. La collectivité présente son bilan et engage un débat autour d'une table ronde sur un thème d'actualité, comme, par exemple, la sobriété foncière en ZAE en 2021, la responsabilité sociétale des entreprises en 2022 ou les sujets de réindustrialisation et de compensation carbone des entreprises, qui sont à l'étude pour la suite.

Le département de la Vendée, dont nous avons exposé la stratégie en matière énergétique, met en avant que cet écosystème territorial performant s'est construit autour de la réunion des acteurs du territoire autour d'une vision politique partagée « favorisant la confiance partagée entre les acteurs du territoire et les collectivités autour de valeurs communes d'intérêt général, faisant confiance aux élus locaux, impliquant la diversité des acteurs de la production à la consommation, en passant par la distribution et par l'animation de ce maillage ».

La communauté urbaine d'Arras a élaboré 3 plans climat successifs. La spécificité du 3ème Plan climat, vient du rôle de la communauté urbaine, qui a animé et mobilisé les parties prenantes et la capacité des forces vives du territoire à travailler en « mode collaboratif ».

Aller plus loin

L'Institut des Territoires Coopératifs est une élaboration de recherche-action sur les processus coopératifs et un centre de ressources pour faire de la coopération un levier de développement. Il recense des ressources pour ceux qui souhaitent développer leur maturité coopérative, celle de leur organisation ou de leur territoire105(*).

La communauté urbaine du Beauvaisis a imaginé une boussole de la coopération. Cet outil en cours de déploiement doit permettre d'estimer l'impact des projets de la collectivité au regard du développement durable (économie - social - environnement), en prenant en compte les besoins des parties prenantes du territoire (usagers, entreprises, agents, biodiversité...).


* 98 Voir article FPTE : http://fpte.fr/wp-content/uploads/2023/01/FPTE-Fiche-Obligations-CT.pdf

* 99 https://www.fabriquedestransitions.net/bdf_initiative-20_fr.html

* 100 https://www.fabriquedestransitions.net/bdf_initiative-21_fr.html

* 101 Étude sur l'objectif développement durable n° 17 -celui lié à la coopération- intitulée « Les leviers d'un changement systémique », les cahiers de la recherche du groupe Caisse des Dépôts.

* 102 Désigne les EPCI de plus de 20 000 habitants qui sont soumis à l'obligation d'élaborer un PCAET.

* 103 Environ 1 million d'euros ont été mobilisés par le Syndicat pour financer l'élaboration des 11 plans climat de l'Allier : 600 000 euros consacrés à l'accompagnement technique via le recrutement de 2 bureaux d'étude ; 350 000 euros pour le recrutement d'une chargée de mission et de trois animatrices sur 2 ans (ces trois postes ont été en grande partie subventionnés par des fonds Leader) ; 50 000 euros investis dans la communication.

* 104  https://www.auvergnerhonealpes-ee.fr/actualites-regionales-et-nationales/actualite/la-demarche-plan-climat-allier-une-initiative-unique-en-france

* 105 https://instercoop.fr/portfolio-item/panorama-ressources-maturite-cooperative/

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