- L'ESSENTIEL
- INTRODUCTION
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- ANNEXE
N° 885
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2023
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur les suites de la conférence sur l'avenir de l'Europe,
Par Mme Gisèle JOURDA et M. Jean-François RAPIN,
Sénatrice et Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, André Gattolin, Pierre Laurent, Mme Colette Mélot, M. Jacques Fernique, Mme Véronique Guillotin, vice-présidents ; M. François Calvet, Mme Marta de Cidrac, M. Jean-Yves Leconte, Mme Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Mme Florence Blatrix Contat, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Valérie Boyer, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Cuypers, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Ludovic Haye, Jean-Michel Houllegatte, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Pierre Louault, Victorin Lurel, Franck Menonville, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Pierre Ouzoulias, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger.
L'ESSENTIEL
Lancée à l'initiative du Président de la République, M. Emmanuel Macron, et destinée à offrir aux citoyens européens l'occasion de débattre des priorités de l'Europe et des défis auxquels elle est confrontée, la Conférence sur l'avenir de l'Europe, qui s'est déroulée de mai 2021 à mai 2022, a été un exercice démocratique inédit.
Il en est résulté 49 propositions citoyennes réparties en plus de 300 mesures concrètes pour faire évoluer l'Union européenne (UE). Pour certaines, une modification des traités serait nécessaire, initiative soutenue par le Parlement européen, mais aussi par la Présidente de la Commission européenne et également par le Président Macron.
Un an après, le présent rapport vise à présenter un état des lieux du suivi de la Conférence et aborde l'hypothèse d'une révision des traités, ou du recours éventuel aux « clauses passerelles » ou aux autres formes de souplesse institutionnelle. Signé des deux sénateurs ayant représenté le Sénat à la Conférence sur l'avenir de l'Europe, il a été présenté à la commission des affaires européennes du Sénat, qui l'a adopté le 12 juillet 2023.
Réviser les traités ? Une procédure longue à l'issue incertaine
Plusieurs voix se sont exprimées en faveur d'une révision des traités. Le Parlement européen a adopté, le 4 mai 2022, une résolution en ce sens et a saisi formellement le Conseil de l'UE d'une demande de convocation d'une convention chargée de réviser les traités. La Présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, s'est prononcée, dans son discours sur l'état de l'Union du 9 mai 2022, en faveur d'une réforme de l'UE, y compris « en changeant les traités si nécessaire ». Le Président de la République, M. Emmanuel Macron, après avoir indiqué que la « révision des traités n'était ni un totem ni un tabou », s'est également prononcé en faveur de cette révision, dans son discours en clôture de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, le 9 mai 2022.
Cependant, une révision des traités semble aujourd'hui peu réaliste. Elle nécessiterait, en effet, d'être approuvée à l'unanimité au Conseil et ratifiée par l'ensemble des États membres selon leurs règles constitutionnelles respectives (en France, par la voie du Congrès ou par referendum). Or, les États membres sont profondément divisés sur l'opportunité et sur le contenu d'une éventuelle révision des traités, certains pays, comme la Pologne ou la Hongrie, étant hostiles à plus d'intégration. Lancer un processus de révision des traités risquerait d'ouvrir la « boîte de Pandore » et de provoquer des divisions entre les États membres, notamment sur les questions sensibles de droit de vote ou de compétences. Pour ne citer qu'un seul exemple, le Président Macron a proposé de modifier les traités européens pour y inscrire le droit à l'avortement mais plusieurs pays, comme la Pologne ou Malte, s'y opposent fortement.
De plus, se lancer dans des discussions institutionnelles pourrait sembler actuellement inopportun alors que l'Union européenne doit prioritairement faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine. Enfin, l'issue de la procédure de ratification, notamment par referendum, est très incertaine, comme l'ont montré les précédents des traités de Maastricht (avec le non danois), du traité constitutionnel (avec les non français et néerlandais) ou du traité de Lisbonne (avec le non irlandais).
Recourir aux « clauses
passerelles » ?
Une option qui ne paraît pas
réaliste actuellement
Le traité de Lisbonne comprend des dispositions lui permettant de s'adapter aux circonstances sans avoir à être modifié. Il prévoit ainsi, en plus de la procédure normale de révision des traités, des procédures de révision simplifiée et des « clauses passerelles » ouvrant des flexibilités de procédure.
En réalité, on distingue plusieurs types de « clauses passerelles ».
Dans le cadre des politiques communes, lorsqu'il est prévu que le Conseil des ministres décide à l'unanimité, le Conseil européen statuant à l'unanimité peut ainsi autoriser le passage au vote à la majorité qualifiée. Cette possibilité est toutefois écartée pour les décisions ayant des implications militaires ou relevant du domaine de la défense.
De même, lorsqu'une procédure législative spéciale est prévue (donc dans les cas où le Parlement européen n'a pas le pouvoir de codécision), le Conseil européen statuant à l'unanimité peut décider que s'appliquera la procédure législative ordinaire (à savoir la codécision).
Le traité prévoit que le recours à une « clause passerelle » est notifié aux parlements nationaux. La décision ne peut entrer en vigueur que si aucun parlement national n'a fait connaître son opposition dans un délai de six mois. Ainsi, chaque parlement national dispose d'une sorte de droit de veto sur le recours aux « clauses passerelles ».
Toutefois, dans certains domaines particuliers, le Conseil européen ou le Conseil des ministres peut, à l'unanimité, décider d'appliquer le vote à la majorité qualifiée ou la procédure législative ordinaire, sans que les parlements nationaux aient un droit d'objection. Ces domaines sont : le cadre financier pluriannuel de l'Union ; certaines mesures concernant la politique sociale ou l'environnement ; certaines décisions de politique étrangère.
Le Parlement européen, le chancelier allemand, puis le Président de la République française, se sont prononcés pour le recours à ces « clauses passerelles » afin de passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil et supprimer ainsi le droit de veto, notamment en matière de politique étrangère.
De fait, dans une Europe à vingt-sept États membres, le maintien de l'unanimité au Conseil présente déjà un risque de paralysie, puisqu'il accorde un droit de veto à chaque État membre. Risque qui se trouverait accru en cas d'élargissement de l'Union.
À titre illustratif, il s'agirait de prévoir que les sanctions de l'Union européenne (par exemple contre la Russie) puissent être adoptées à la majorité qualifiée au Conseil et non à l'unanimité, comme c'est le cas aujourd'hui, ce qui permettrait de surmonter les réticences de la Hongrie par exemple.
Le recours aux « clauses passerelles » nécessite toutefois un accord unanime des États membres.
Or, il semblerait qu'il n'y ait pas de consensus sur ce point. De nombreux États membres de l'UE seraient opposés à ce passage de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée. Parmi ces pays figurent des pays attachés à leur souveraineté, comme la Pologne et la Hongrie, mais aussi des « petits pays », comme Chypre ou Malte, qui sont très attachés à leur droit de veto.
Ainsi, malgré la demande du Parlement européen et le souhait du Président de la République et du chancelier allemand, le recours aux « clauses passerelles » paraît aujourd'hui peu réaliste.
Des progrès sont possibles à traités constants
On peut relever qu'il existe dans les traités d'autres formes de souplesse institutionnelle, qui peuvent permettre de faire avancer la construction européenne, sans passer par la procédure de révision.
Ainsi, le traité de Lisbonne a prévu la possibilité de plafonner le nombre de commissaires européens, avec un système de rotation égalitaire. Les États membres y ont renoncé en raison du referendum négatif irlandais, pour revenir à la règle d'un commissaire par État, mais, en théorie, il est possible de plafonner ce nombre sans réviser les traités.
En outre, on peut mentionner deux articles des traités susceptibles de jouer un rôle non négligeable pour renforcer l'intégration européenne.
Le premier est l'article 352 du traité sur le fonctionnement de l'UE : aux termes de cet article, lorsque, dans le cadre d'une des politiques prévues par les traités, une mesure paraît nécessaire pour atteindre l'un des objectifs visés par les traités mais que ceux-ci ne prévoient pas les « pouvoirs d'action » requis à cet effet, le Conseil statuant à l'unanimité peut prendre cette mesure, en accord avec le Parlement européen.
Une clause de ce type a toujours figuré dans les traités européens et a d'ailleurs déjà été largement utilisée, mais son objet était limité aux « mesures nécessaires pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté ». Avec un objet élargi, cet article 352 représente aujourd'hui un levier puissant d'extension potentielle du champ d'action européen.
Second article à fort impact possible : l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Celui-ci permet à l'Union européenne de prendre des mesures temporaires en cas de crise. Il permet aux États membres de prendre une décision à la majorité qualifiée - et d'échapper à l'unanimité qui est parfois requise, notamment en matière de fiscalité - et, surtout, sans que le Parlement européen soit associé.
Cet article a permis à la Commission, depuis trois ans, de faire adopter, dans des délais record, des propositions législatives comme l'achat en commun de vaccins contre le Covid-19, la création d'un prélèvement sur les superprofits des producteurs d'énergie, le plafonnement du prix du gaz ou encore l'achat en commun de gaz.
On peut enfin mentionner la possibilité de recourir, dans le cadre des traités ou en dehors, à des formes de géométrie variable, permettant à ceux des États qui le souhaitent de progresser dans la voie de l'intégration sans en être empêchés par d'autres.
On peut distinguer plusieurs formes :
- les formes de géométrie variable en dehors des traités (par exemple le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance - TSCG de 2012) ;
- les formes à géométrie variable prévues par les traités eux-mêmes (espace Schengen, zone euro) ;
- les coopérations renforcées prévues dans le cadre des traités et avec certaines conditions (utilisées par exemple pour la création du Parquet européen, en matière de divorce ou pour le brevet communautaire).
Selon le traité de Lisbonne, les coopérations renforcées ne peuvent être lancées qu'en dernier ressort et doivent associer au moins neuf des États membres. L'autorisation de lancer la coopération renforcée est accordée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée ; la Commission et le Parlement ont un droit de veto et participent au fonctionnement de la coopération renforcée avec tous les membres qui s'y sont associés. Toutefois, dans le cas de la politique extérieure et de sécurité commune, le Parlement et la Commission sont simplement consultés, et l'autorisation est accordée par le Conseil statuant à l'unanimité.
Dans une Europe à vingt-sept pays aujourd'hui, peut-être trente ou plus encore demain, la géométrie variable peut « sembler inévitable pour concilier élargissement et approfondissement », pour reprendre les mots de M. Alain Lamassoure, ancien ministre et ancien député français et européen.
Pour conclure, si l'hypothèse d'une révision des traités ou le recours aux « clauses passerelles » ne paraît pas réaliste aujourd'hui, les traités prévoient d'autres possibilités pour faire avancer l'intégration européenne. Selon les analyses, entre 5 et 10 % seulement des propositions de la Conférence sur l'avenir de l'Europe nécessiteraient une révision des traités. Il est donc possible et souhaitable de réaliser des progrès à traités constants. Il s'agit surtout d'une question de volonté politique.
La question de la révision des traités, ou du moins des politiques de l'Union européenne, pourrait toutefois resurgir à l'avenir, avec la perspective d'un futur élargissement de l'Union européenne, notamment aux pays des Balkans, à l'Ukraine ou à la Moldavie, voire plus tard à la Géorgie.
Cette question devrait faire l'objet d'un vaste débat démocratique avec les citoyens européens qui ne peuvent être tenus à l'écart de l'évolution du projet européen, sur lequel ils seront consultés lors des prochaines élections européennes du printemps 2024.
INTRODUCTION
La Conférence sur l'avenir de l'Europe, qui s'est déroulée de mai 2021 à mai 2022, a été un exercice démocratique inédit, lancé à l'initiative du Président de la République, M. Emmanuel Macron, et destiné à offrir aux citoyens européens l'occasion de débattre des priorités de l'Europe et des défis auxquels elle est confrontée.
Ayant eu l'honneur d'avoir été désignés par le Président du Sénat pour y représenter la Haute Assemblée au sein du collège des parlementaires nationaux, les deux signataires du présent rapport se sont beaucoup investis au sein de la Conférence1(*). L'assemblée plénière de la conférence était, en effet, composée, de 108 représentants du Parlement européen, 54 du Conseil, 3 de la Commission européenne et 108 des parlements nationaux, ainsi que de 108 citoyens européens tirés au sort.
Il en est résulté 49 propositions citoyennes réparties en plus de 300 mesures concrètes pour faire évoluer l'Union européenne. Ces propositions sont de nature très diverse et reflètent la multiplicité des attentes des citoyens européens à l'égard de l'Union européenne, en particulier en matière d'environnement et de lutte contre le changement climatique, en matière sociale et de santé, ainsi que s'agissant du fonctionnement démocratique de l'Union européenne. Pour mettre en oeuvre certaines de ces propositions, une modification des traités serait nécessaire, initiative soutenue par le Parlement européen, mais aussi par la Présidente de la Commission européenne et également par le Président Macron.
S'agissant du volet institutionnel, on peut notamment relever les propositions suivantes :
- passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil de l'Union européenne dans les domaines qui demeurent encore soumis à la contrainte de l'unanimité, comme la politique étrangère et la défense ou la fiscalité ;
- accorder au Parlement européen un droit d'initiative législative ;
- reconnaître de nouvelles compétences à l'Union européenne, notamment en matière de santé, au regard de la pandémie de la Covid-19 ;
- mettre en place des referenda à l'échelle de l'Union européenne.
Le système institutionnel actuel de l'Union européenne, tel qu'issu du traité de Lisbonne, est souvent jugé insatisfaisant : non seulement il nourrit un sentiment d'éloignement des citoyens à l'égard des institutions européennes, mais en outre il semble inadapté dans l'optique d'un futur élargissement de l'Union européenne, notamment aux pays des Balkans, voire à l'Ukraine, à la Moldavie ou même possiblement à la Géorgie.
On peut notamment mentionner la composition pléthorique de la Commission européenne, constituée de 27 commissaires européens, ou la paralysie découlant de la persistance du droit de veto au Conseil dans certains domaines, notamment en matière de politique étrangère ou de fiscalité.
Dans le prolongement de la Conférence sur l'Avenir de l'Europe, plusieurs voix se sont exprimées ces derniers mois en faveur d'une révision des traités, ou du moins en faveur de l'activation des « clauses passerelles », ces flexibilités procédurales pouvant permettre de passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil, en particulier le Président Macron et le chancelier allemand Scholz. Le Parlement européen a adopté, en juin 2022, une résolution en ce sens2(*). Un nouveau rapport est en préparation au sein de la commission des Affaires constitutionnelles.
C'est pour explorer une telle perspective que les deux co-rapporteurs ont effectué un déplacement à Bruxelles, le 27 février dernier.
Il s'agissait de faire le point, près d'une année après la fin des travaux de la Conférence, sur le suivi qu'il est envisagé de donner à ses propositions en matière institutionnelle, notamment à l'hypothèse d'une révision des traités, mais aussi aux possibilités de recours éventuel aux « clauses passerelles » ou aux autres souplesses institutionnelles.
Au cours de ce déplacement, les deux co-rapporteurs ont eu des entretiens avec le Représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, Son Exc. M. Philippe Léglise-Costa, la Secrétaire générale du Conseil, Mme Thérèse Blanchet, le directeur général du Service juridique de la Commission européenne et jurisconsulte de la Commission européenne, M. Daniel Calleja, les membres des cabinets de la Présidente de la Commission européenne, de la Présidente du Parlement européen et du vice-Président de la Commission européenne Sefcovic, ainsi que le député européen M. Guy Verhofstadt, membre de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen.
Les rapporteurs tiennent à remercier les différentes personnalités rencontrées.
Le présent rapport vise à présenter un état des lieux du suivi de la Conférence et aborde la question d'une révision éventuelle des traités. Il s'interroge ensuite sur le recours éventuel aux « clauses passerelles » ou aux autres formes de souplesse institutionnelle prévues par les traités.
I. LA RÉVISION DES TRAITÉS : UNE PROCÉDURE LONGUE À L'ISSUE INCERTAINE
1. Une procédure lourde
La procédure de révision des traités est prévue à l'article 48 du traité sur l'Union européenne (TUE).
Cet article distingue la procédure de révision dite « ordinaire » des procédures de révision dites « simplifiées ».
La procédure de révision ordinaire concerne les modifications les plus importantes (comme par exemple les compétences de l'Union).
Le traité de Lisbonne a conservé, pour l'essentiel, la procédure de révision des traités prévue par les traités antérieurs, en introduisant toutefois deux nouveautés : l'extension du droit d'initiative au Parlement européen et la pérennisation de la méthode conventionnelle, utilisée pour la rédaction de la Charte des droits fondamentaux et du traité établissant une Constitution pour l'Europe.
Selon l'article 48 du TUE, l'initiative d'une révision peut provenir des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne. Leurs projets de révision sont ensuite transmis au Conseil européen et notifiés aux parlements nationaux.
C'est ensuite au Conseil européen, statuant à la majorité simple après consultation du Parlement européen et de la Commission européenne, qu'appartient la décision de donner suite ou non au projet de révision.
En cas de vote positif, le Conseil européen doit en principe convoquer une Convention, composée de représentants des parlements nationaux, des chefs d'État ou de gouvernement des États membres, du Parlement européen et de la Commission européenne, chargée de préparer un projet de révision.
Toutefois, le Conseil européen peut décider, à la majorité simple, et avec l'accord du Parlement européen, de ne pas convoquer une convention « lorsque l'ampleur des modifications ne le justifie pas ».
Le projet est ensuite soumis à une Conférence intergouvernementale (CIG), composée de représentants des gouvernements des États membres, qui peut y apporter des modifications et qui statue à l'unanimité.
Enfin, le projet de révision doit être soumis à une procédure de ratification dans l'ensemble des États membres selon leurs règles constitutionnelles respectives (par la voie parlementaire ou par referendum selon les pays).
La procédure « ordinaire » de révision des traités est donc une procédure relativement « lourde », puisqu'elle suppose une « double unanimité » des États membres.
Outre la procédure de révision ordinaire, le traité de Lisbonne a également prévu, à l'article 48 du traité sur l'UE, une procédure de révision simplifiée des traités.
Il existe plusieurs types de révision simplifiée.
Une première forme de révision simplifiée, prévue à l'article 48 paragraphe 6 du traité sur l'Union européenne, ne joue que pour la révision de tout ou partie de la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relative aux politiques et actions internes de l'Union.
Il est précisé que cette révision ne peut pas accroître les compétences attribuées à l'Union dans les traités.
La procédure de révision est très proche de celle prévue pour la révision ordinaire.
Comme dans le cas de la révision ordinaire, l'initiative appartient au gouvernement de tout État membre, au Parlement européen ou à la Commission européenne.
Le Conseil européen statue là aussi à l'unanimité, après consultation du Parlement européen et de la Commission ainsi que de la Banque centrale européenne dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire.
Surtout, comme pour la procédure de révision ordinaire, cette décision n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.
Ainsi, la seule différence notable avec la procédure de révision ordinaire tient au fait que la convocation d'une Conférence intergouvernementale et a fortiori d'une Convention n'est pas nécessaire.
ARTICLE 48 DU TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE 1. Les traités peuvent être modifiés conformément à une procédure de révision ordinaire. Ils peuvent également être modifiés conformément à des procédures de révision simplifiées. Procédure de révision ordinaire 2. Le gouvernement de tout État membre, le Parlement européen ou la Commission peut soumettre au Conseil des projets tendant à la révision des traités. Ces projets peuvent, entre autres, tendre à accroître ou à réduire les compétences attribuées à l'Union dans les traités. Ces projets sont transmis par le Conseil au Conseil européen et notifiés aux parlements nationaux. 3. Si le Conseil européen, après consultation du Parlement européen et de la Commission, adopte à la majorité simple une décision favorable à l'examen des modifications proposées, le président du Conseil européen convoque une Convention composée de représentants des parlements nationaux, des chefs d'État ou de gouvernement des États membres, du Parlement européen et de la Commission. La Banque centrale européenne est également consultée dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire. La Convention examine les projets de révision et adopte par consensus une recommandation à une Conférence des représentants des gouvernements des États membres telle que prévue au paragraphe 4. Le Conseil européen peut décider à la majorité simple, après approbation du Parlement européen, de ne pas convoquer de Convention lorsque l'ampleur des modifications ne le justifie pas. Dans ce dernier cas, le Conseil européen établit le mandat pour une Conférence des représentants des gouvernements des États membres. 4. Une Conférence des représentants des gouvernements des États membres est convoquée par le président du Conseil en vue d'arrêter d'un commun accord les modifications à apporter aux traités. Les modifications entrent en vigueur après avoir été ratifiées par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. 5. Si à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la signature d'un traité modifiant les traités, les quatre cinquièmes des États membres ont ratifié ledit traité et qu'un ou plusieurs États membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question. Procédures de révision simplifiées 6. Le gouvernement de tout État membre, le Parlement européen ou la Commission peut soumettre au Conseil européen des projets tendant à la révision de tout ou partie des dispositions de la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatives aux politiques et actions internes de l'Union. Le Conseil européen peut adopter une décision modifiant tout ou partie des dispositions de la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le Conseil européen statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen et de la Commission ainsi que de la Banque centrale européenne dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire. Cette décision n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. La décision visée au deuxième alinéa ne peut pas accroître les compétences attribuées à l'Union dans les traités. 7. Lorsque le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou le titre V du présent traité prévoit que le Conseil statue à l'unanimité dans un domaine ou dans un cas déterminé, le Conseil européen peut adopter une décision autorisant le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans ce domaine ou dans ce cas. Le présent alinéa ne s'applique pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. Lorsque le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que des actes législatifs sont adoptés par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, le Conseil européen peut adopter une décision autorisant l'adoption desdits actes conformément à la procédure législative ordinaire. Toute initiative prise par le Conseil européen sur la base du premier ou du deuxième alinéa est transmise aux parlements nationaux. En cas d'opposition d'un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision visée au premier ou au deuxième alinéa n'est pas adoptée. En l'absence d'opposition, le Conseil européen peut adopter ladite décision. Pour l'adoption des décisions visées au premier ou au deuxième alinéa, le Conseil européen statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent.en compte. |
2. Un pari risqué
Plusieurs voix se sont prononcées ces derniers mois en faveur d'une révision des traités.
Le Parlement européen a adopté, le 4 mai 2022, une résolution (non contraignante) en faveur d'une révision des traités. Il a également saisi formellement le Conseil d'une demande de convocation d'une convention chargée de réviser les traités. Le Conseil n'a toutefois pas à ce stade transmis cette demande au Conseil européen.
La Présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, s'est prononcée, dans son discours sur l'état de l'Union du 9 mai 2022, en faveur d'une réforme de l'UE, y compris « en changeant les traités si nécessaire ».
Le Président de la République M. Emmanuel Macron, après avoir indiqué que la révision des traités n'était « ni un totem ni un tabou », s'est également prononcé en faveur d'une révision des traités, dans son discours à Strasbourg, à l'occasion de la clôture des travaux de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, le 9 mai 2022.
Toutefois, ainsi qu'il ressort des nombreux entretiens menés à Bruxelles, une révision des traités semble actuellement peu réaliste.
Tout d'abord, une telle révision nécessiterait d'être approuvée à l'unanimité au Conseil et ratifiée par l'ensemble des États membres selon leurs règles constitutionnelles respectives.
Or, les États membres sont profondément divisés à la fois sur l'opportunité et sur le contenu d'une éventuelle révision des traités, plusieurs pays étant réticents à s'engager dans un tel processus3(*) et certains pays, comme la Pologne ou la Hongrie, étant hostiles à plus d'intégration. En outre, se pose la question de l'opportunité d'une telle procédure dans le contexte actuel marqué par la guerre en Ukraine.
Lancer un processus de révision des traités risquerait, en effet, d'ouvrir la « boîte de Pandore » et de provoquer des divisions entre les États membres, notamment sur les questions sensibles de droit de vote ou de compétences.
Pour ne citer qu'un seul exemple, le Président Macron a proposé de modifier les traités européens pour y inscrire le droit à l'avortement mais plusieurs pays, comme la Pologne ou Malte, s'y opposent fortement.
En outre, se lancer dans des discussions institutionnelles pourrait sembler en décalage alors que l'Union européenne doit prioritairement faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine.
Enfin, l'issue de la procédure de ratification, notamment par referendum, est très incertaine, comme l'ont montré les précédents des traités de Maastricht (avec le non danois), du traité constitutionnel (avec les non français et néerlandais) ou du traité de Lisbonne (avec le non irlandais).
En définitive, on peut appliquer à la révision des traités la même maxime que celle utilisée par Montesquieu à propos des lois, selon laquelle « on ne peut toucher aux lois que d'une main tremblante ».
II. LE RECOURS AUX « CLAUSES PASSERELLES » : UNE OPTION QUI NE PARAÎT PAS RÉALISTE ACTUELLEMENT
1. Une procédure complexe
Le traité de Lisbonne a prévu d'autres formes de révision simplifiée des traités, à l'article 48 paragraphe 7 du traité sur l'Union européenne, que l'on appelle, dans le jargon bruxellois, « clauses passerelles » ouvrant des flexibilités procédurales.
En réalité, on distingue plusieurs types de « clauses passerelles »4(*).
Une première « clause passerelle » prévoit que, dans le cadre des politiques communes, lorsqu'il est prévu que le Conseil des ministres décide à l'unanimité, le Conseil européen statuant à l'unanimité peut autoriser le passage au vote à la majorité qualifiée.
Une telle clause existait déjà dans les précédents traités mais son champ était limité à certains domaines. Le traité de Lisbonne généralise cette possibilité à l'ensemble des politiques de l'Union. Cette disposition ne peut toutefois pas s'appliquer dans le cas des décisions ayant des implications militaires ou relevant du domaine de la défense.
Une autre « clause passerelle » prévoit que, lorsqu'une procédure législative spéciale est prévue (donc dans les cas où le Parlement européen n'a pas le pouvoir de codécision), le Conseil européen statuant à l'unanimité peut décider que s'appliquera la procédure législative ordinaire (à savoir la codécision).
Dans les deux cas, l'approbation du Parlement européen est nécessaire, la majorité étant celle des députés qui composent le Parlement, et non pas, comme habituellement, la majorité simple.
Le traité prévoit que le recours à une « clause passerelle » est notifié aux parlements nationaux. La décision ne peut entrer en vigueur que si aucun parlement national n'a fait connaître son opposition dans un délai de six mois. Ainsi, chaque parlement national dispose d'une sorte de droit de veto sur le recours aux « clauses passerelles ».
EXTRAIT DE L'ARTICLE 48 DU TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE 7. Lorsque le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou le titre V du présent traité prévoit que le Conseil statue à l'unanimité dans un domaine ou dans un cas déterminé, le Conseil européen peut adopter une décision autorisant le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans ce domaine ou dans ce cas. Le présent alinéa ne s'applique pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. Lorsque le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que des actes législatifs sont adoptés par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, le Conseil européen peut adopter une décision autorisant l'adoption desdits actes conformément à la procédure législative ordinaire. Toute initiative prise par le Conseil européen sur la base du premier ou du deuxième alinéa est transmise aux parlements nationaux. En cas d'opposition d'un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision visée au premier ou au deuxième alinéa n'est pas adoptée. En l'absence d'opposition, le Conseil européen peut adopter ladite décision. Pour l'adoption des décisions visées au premier ou au deuxième alinéa, le Conseil européen statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent. |
À côté de ces deux « clauses passerelles » générales, il existe aussi plusieurs « clauses passerelles » spécifiques prévues par les traités. Ces « clauses passerelles » spécifiques ont le même objet mais leur champ d'application est limité à certains domaines.
Ainsi, un article spécifique du traité prévoit une « clause passerelle » en ce qui concerne la coopération judiciaire en matière de droit de la famille, permettant de passer d'une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire5(*). Là encore, le recours à cette « clause passerelle » nécessite une décision à l'unanimité et chaque parlement national dispose d'un droit d'opposition.
Enfin, dans certains domaines particuliers, le Conseil européen ou le Conseil des ministres peut, à l'unanimité, décider d'appliquer le vote à la majorité qualifiée ou la procédure législative ordinaire, sans que les parlements nationaux aient un droit d'objection. En outre, le rôle du Parlement européen est réduit (il est au mieux consulté), alors que celui de la Commission européenne en tant qu'initiateur est renforcé dans certains cas.
Ces domaines sont : le cadre financier pluriannuel de l'Union6(*) ; certaines mesures concernant la politique sociale7(*) ou l'environnement8(*); certaines décisions de politique étrangère9(*).
2. L'absence de consensus entre les États membres
Comme pour la révision des traités, de nombreuses voix se sont exprimées en faveur de l'activation des « clauses passerelles », qualifiées de « beauté oubliée » par l'ancien président Jean-Claude Juncker10(*).
La Commission européenne, le Parlement européen, le chancelier allemand, puis le Président Macron, se sont prononcés en faveur du recours aux « clauses passerelles » afin de passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil, notamment en matière de politique étrangère11(*) ou de fiscalité.
De fait, dans une Europe à vingt-sept États membres aujourd'hui, plus de trente demain, le maintien de l'unanimité au Conseil présente un risque de paralysie, puisqu'il accorde un droit de veto à chaque État membre.
À titre illustratif, il s'agirait de prévoir que les sanctions individuelles et les mesures restrictives de l'Union européenne (par exemple contre la Russie) puissent être adoptées à la majorité qualifiée au Conseil et non à l'unanimité, comme c'est le cas aujourd'hui, ce qui permettrait de surmonter les réticences de certains pays, comme la Hongrie par exemple.
Le recours aux « clauses passerelles » nécessite toutefois un accord unanime des États membres.
Or, comme cela a été confirmé aux rapporteurs, il semblerait qu'il n'y ait pas de consensus sur ce point.
Plusieurs États membres seraient opposés à ce passage de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée, notamment en matière de politique étrangère.
Parmi ces pays figurent des pays attachés à leur souveraineté, comme la Pologne et la Hongrie, mais aussi des « petits pays », comme Chypre ou Malte, qui sont très attachés à leur droit de veto.
Ainsi, le recours aux « clauses passerelles » paraît aujourd'hui peu réaliste.
Si une révision des traités ou une activation des « clauses passerelles » semblent actuellement difficilement envisageables, vos rapporteurs considèrent qu'il est souhaitable d'exploiter les nombreuses potentialités prévues par les traités pour continuer à réaliser des avancées dans la construction européenne.
III. DES PROGRÈS SONT POSSIBLES À TRAITÉS CONSTANTS
1. Les réformes institutionnelles envisageables à traités constants
Le traité de Lisbonne a prévu que certaines règles relatives aux institutions puissent être modifiées sans révision des traités.
Il en est ainsi :
- du nombre des membres de la Commission ; le Conseil européen statuant à l'unanimité peut retenir un autre nombre que celui retenu par les traités (à savoir deux tiers du nombre des États membres) ;
- de la répartition des sièges au Parlement européen entre les États membres : elle est désormais fixée par accord entre le Parlement européen et le Conseil européen statuant à l'unanimité ;
- des règles de composition du Comité des régions et du Comité économique et social, désormais fixées par une décision du Conseil statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission.
Ainsi, le traité de Lisbonne a prévu la possibilité de plafonner le nombre de commissaires européens, avec un système de rotation égalitaire. Les États membres y ont renoncé en raison du referendum négatif irlandais, pour revenir à la règle d'un commissaire par État, mais en théorie il est possible de plafonner ce nombre sans réviser les traités.
D'autres réformes institutionnelles seraient également envisageables à traités constants.
Par exemple, sans le prévoir explicitement, le traité de Lisbonne n'interdit pas d'instaurer une présidence unique, en désignant la même personnalité au poste de Président du Conseil européen et de Président de la Commission européenne. Une telle réforme d'ampleur permettrait sans doute de mieux incarner l'Union européenne aux yeux des citoyens mais ses conséquences sur les équilibres institutionnels doivent être bien mesurées.
Enfin, de nombreuses pistes de réflexion existent pour renforcer le rôle des parlements nationaux au sein de l'UE sans qu'il soit nécessaire de modifier les traités.
2. Le potentiel des articles 122 et 352 du traité sur le fonctionnement de l'UE
Deux articles des traités jouent un rôle non négligeable pour renforcer l'intégration européenne.
Le premier est l'article 352 du traité sur le fonctionnement de l'UE. Aux termes de cet article, lorsque, dans le cadre d'une des politiques prévues par les traités, une mesure paraît nécessaire pour atteindre l'un des objectifs visés par les traités mais que ceux-ci ne prévoient pas les « pouvoirs d'action » requis à cet effet, le Conseil statuant à l'unanimité peut prendre cette mesure en accord avec le Parlement européen.
Une clause de ce type a toujours figuré dans les traités européens, mais son objet était limité aux « mesures nécessaires pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté ».
Le recours à cette clause a été très fréquent par le passé. Il a permis par exemple la création de l'Agence européenne des droits fondamentaux.
Avec un objet élargi, cet article 352 représente aujourd'hui un levier puissant d'extension potentielle du champ d'action européen.
ARTICLE 352 DU TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L'UE 1. Si une action de l'Union paraît nécessaire, dans le cadre des politiques définies par les traités, pour atteindre l'un des objectifs visés par les traités, sans que ceux-ci n'aient prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, adopte les dispositions appropriées. Lorsque les dispositions en question sont adoptées par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, il statue également à l'unanimité, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen. 2. La Commission, dans le cadre de la procédure de contrôle du principe de subsidiarité visée à l'article 5, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne, attire l'attention des parlements nationaux sur les propositions fondées sur le présent article. 3. Les mesures fondées sur le présent article ne peuvent pas comporter d'harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres dans les cas où les traités excluent une telle harmonisation. 4. Le présent article ne peut servir de fondement pour atteindre un objectif relevant de la politique étrangère et de sécurité commune et tout acte adopté conformément au présent article respecte les limites fixées par l'article 40, second alinéa, du traité sur l'Union européenne. |
Second article à fort impact possible : l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (UE). Celui-ci permet à l'Union européenne de prendre des mesures temporaires en cas de crise.
Ses conditions d'utilisation sont décrites dans deux petits paragraphes. Le premier évoque « de graves difficultés (...) dans l'approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l'énergie », le second se réfère à la circonstance où un État membre subit « des catastrophes naturelles ou des événements exceptionnels échappant à son contrôle ».
Cet article permet aux États membres de prendre une décision à la majorité qualifiée - et d'échapper à l'unanimité qui est parfois requise, notamment en matière de fiscalité - et, surtout, sans que le Parlement européen soit associé, ce qui peut soulever une question démocratique (en ce sens, cela peut être comparé à une ordonnance ou à une mesure liée à l'État d'urgence dans l'ordre juridique français).
Cet article a permis à la Commission européenne, depuis trois ans, de faire adopter, dans des délais record, des propositions législatives comme l'achat en commun de vaccins contre le Covid-19, la mise en place d'un instrument communautaire pour aider les gouvernements à financer leur régime de chômage partiel durant la pandémie, la création d'un prélèvement sur les superprofits des producteurs d'énergie, le plafonnement du prix du gaz, l'accélération de la délivrance de permis pour les fermes solaires et éoliennes, la réduction de la consommation de gaz et d'électricité sur le Vieux Continent ou encore l'achat en commun de gaz.
Le recours à cet instrument est toutefois contesté par le Parlement européen qui y voit un déni de démocratie. En effet, dans cette procédure, le Parlement européen est simplement informé, alors que la procédure de codécision le place sur un pied d'égalité avec le Conseil.
ARTICLE 122 DU TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L'UE 1. Sans préjudice des autres procédures prévues par les traités, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider, dans un esprit de solidarité entre les États membres, des mesures appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l'approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l'énergie. 2. Lorsqu'un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d'événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l'Union à l'État membre concerné. Le président du Conseil informe le Parlement européen de la décision prise. |
3. Les possibilités de coopérations renforcées et autres formes de géométrie variable
Enfin, les rapporteurs soulignent la possibilité de recourir, dans le cadre des traités ou en dehors, à des formes de géométrie variable, permettant à ceux des États qui le souhaitent de progresser dans la voie de l'intégration dans un domaine déterminé sans en être empêchés par d'autres.
On peut distinguer plusieurs formes :
- les formes de géométrie variable en dehors des traités (par exemple le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance - TSCG de 2012) ;
- les formes à géométrie variable prévues par les traités eux-mêmes (espace Schengen, zone euro) ;
- les coopérations renforcées prévues dans le cadre des traités et avec certaines conditions (utilisées par exemple pour la création du Parquet européen ou du brevet communautaire).
ARTICLE 20 DU TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE 1. Les États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans le cadre des compétences non exclusives de l'Union peuvent recourir aux institutions de celle-ci et exercer ces compétences en appliquant les dispositions appropriées des traités, dans les limites et selon les modalités prévues au présent article, ainsi qu'aux articles 326 à 334 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les coopérations renforcées visent à favoriser la réalisation des objectifs de l'Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus d'intégration. Elles sont ouvertes à tout moment à tous les États membres, conformément à l'article 328 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 2. La décision autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu'il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l'Union dans son ensemble, et à condition qu'au moins neuf États membres y participent. Le Conseil statue conformément à la procédure prévue à l'article 329 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 3. Tous les membres du Conseil peuvent participer à ses délibérations, mais seuls les membres du Conseil représentant les États membres participant à une coopération renforcée prennent part au vote. Les modalités de vote sont prévues à l'article 330 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 4. Les actes adoptés dans le cadre d'une coopération renforcée ne lient que les États membres participants. Ils ne sont pas considérés comme un acquis devant être accepté par les États candidats à l'adhésion à l'Union. |
Les « coopérations renforcées » sont une forme particulière de géométrie variable, prévue par les traités, consistant en l'utilisation des institutions de l'Union par une partie des États membres qui prennent des décisions applicables à eux seuls.
Selon le traité de Lisbonne, les coopérations renforcées ne peuvent être lancées qu'en dernier ressort et doivent associer au moins neuf des États membres.
L'autorisation de lancer la coopération renforcée est accordée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée ; la Commission et le Parlement ont un droit de veto et participent au fonctionnement de la coopération renforcée avec tous les membres qui s'y sont associés.
Toutefois, dans le cas de la politique extérieure et de sécurité commune, le Parlement et la Commission sont simplement consultés et l'autorisation est accordée par le Conseil statuant à l'unanimité.
Par ailleurs, un mécanisme de « frein/accélérateur » facilite le recours aux coopérations renforcées en matière de justice et d'affaires intérieures.
Selon ce mécanisme, dans le domaine de la coopération pénale, si une proposition ou un projet reste bloqué pendant un certain délai, le traité facilite le déclenchement d'une coopération renforcée pour mettre en oeuvre cette proposition ou ce projet, dès lors que le seuil de neuf États membres est atteint. Dans cette hypothèse, l'autorisation de lancer une coopération renforcée est réputée accordée sans qu'une proposition de la Commission, ni l'accord du Parlement européen ou un vote du Conseil ne soient nécessaires12(*).
Une formule particulière et plus souple est prévue aussi pour la défense, sous le nom de « coopération structurée permanente », permettant aux pays qui le souhaitent de progresser en matière de défense. Peuvent participer tous les États membres acceptant les engagements précisés dans un protocole annexé aux traités.
Ainsi, la « coopération renforcée » est un mécanisme qui permet à certains pays volontaires d'aller plus vite et plus loin dans la voie de l'intégration, de constituer une sorte d' « avant-garde ».
D'ores et déjà, le recours à la « coopération renforcée » a permis de surmonter le droit de veto de certains pays et d'établir de nouveaux instruments, tels que le brevet communautaire ou le Parquet européen ou encore en matière de divorce.
À la différence des formes de géométrie variable « hors traités », la « coopération renforcée » préserve le cadre institutionnel de l'Union et permet de recourir aux institutions communautaires.
Il convient de souligner en outre que les États membres participant à une coopération renforcée peuvent, à l'unanimité, décider de recourir aux « clauses passerelles », pour passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au sein de leur coopération13(*).
Dans une Europe à vingt-sept pays aujourd'hui, peut être trente ou plus encore demain, la géométrie variable peut « sembler inévitable pour concilier élargissement et approfondissement », pour reprendre les mots de M. Alain Lamassoure, ancien ministre et ancien député français et européen.
CONCLUSION
Si l'hypothèse d'une révision des traités ou le recours aux « clauses passerelles » ne paraît pas aujourd'hui réaliste, les traités prévoient d'autres possibilités pour faire avancer l'intégration européenne, comme les « coopérations renforcées », dans le cadre des traités ou en dehors.
Selon une étude du service juridique du Conseil14(*), sur les 328 propositions qui figurent dans le rapport final de la Convention sur l'avenir de l'Europe, moins d'une trentaine nécessiteraient une révision des traités, soit moins de 10 %. Pour sa part, la Commission européenne a publié, le 17 juin 2022, une communication15(*) offrant un cadre global et une évaluation détaillée de ce qui est nécessaire pour donner suite aux propositions de la Conférence, donnant un aperçu des réalisations actuelles, des actions prévues et des prochaines étapes, indiquant la meilleure façon de tirer les leçons de la Conférence et d'intégrer la participation des citoyens dans l'élaboration des politiques de l'Union européenne. Selon la commission des affaires européennes du Sénat, il est donc possible et souhaitable de continuer à progresser à traités constants. C'est une question de volonté politique.
La question de la révision des traités, ou du moins des politiques de l'Union européenne, pourrait toutefois resurgir à l'avenir, avec la perspective d'un futur élargissement de l'Union européenne, notamment aux pays des Balkans, voire de l'Ukraine et de la Moldavie, ou plus tard de la Géorgie. Les rapporteurs estiment, au vu de la capacité d'absorption de l'Union, qu'il pourrait alors être nécessaire de remettre l'ouvrage sur le métier et de modifier les traités pour concilier l'élargissement et l'approfondissement.
Cette question devrait faire l'objet d'un vaste débat démocratique avec les citoyens européens qui ne peuvent être tenus à l'écart de l'évolution du projet européen, sur lequel ils seront consultés lors des prochaines élections européennes du printemps 2024.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie le 12 juillet 2023pour l'examen du présent rapport. Le débat suivant s'est engagé :
M. Jean-François Rapin, président et rapporteur. - Avec Mme Gisèle Jourda, nous avons participé à la Conférence sur l'avenir de l'Europe - la CoFE - qui s'est déroulée de mai 2021 à mai 2022, cet exercice démocratique inédit lancé à l'initiative du Président Macron destiné à offrir aux citoyens européens une occasion unique de débattre des priorités de l'Europe et des défis auxquels elle est confrontée. Le Président du Sénat nous avait en effet mandatés pour y représenter notre assemblée, au sein du collège des parlementaires nationaux. L'assemblée plénière de la conférence était composée, théoriquement sur un pied d'égalité, de 108 représentants du Parlement européen, 54 du Conseil, 3 de la Commission européenne et 108 des parlements nationaux, ainsi que de 108 citoyens tirés au sort. Il en est résulté 49 propositions citoyennes réparties en plus de 300 mesures concrètes pour faire évoluer l'UE. Pour certaines, une modification des traités serait nécessaire, initiative soutenue par le Parlement européen, mais aussi par la présidente de la Commission européenne et également par le président Macron.
C'est dans cette perspective que nous avons effectué un déplacement à Bruxelles, le 27 février dernier. Il s'agissait de faire le point, près d'une année après la fin des travaux de la conférence, sur le suivi qu'il est envisagé de donner à ses propositions en matière institutionnelle, notamment à cette idée de révision des traités, mais aussi aux possibilités de recours éventuel aux « clauses passerelles » ou aux autres souplesses institutionnelles.
Au cours de ce déplacement, nous avons eu des entretiens avec le représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, Son Exc. M. Philippe Leglise-Costa, la Secrétaire générale du Conseil, Mme Thérèse Blanchet, le directeur général du Service juridique de la Commission européenne, M. Daniel Calleja, les membres des cabinets de la Présidente de la Commission européenne, de la Présidente du Parlement européen et du Commissaire européen Sefcovic, ainsi que le rapporteur de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, le député européen M. Guy Verhofstadt.
Je laisserai la parole à Mme Gisèle Jourda pour qu'elle vous présente un état des lieux du suivi de la conférence et aborde la question d'une révision éventuelle des traités.
J'interviendrai ensuite sur le recours éventuel aux « clauses passerelles » ou aux autres formes de souplesse institutionnelle prévues par les traités.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Avec le Président Jean-François Rapin, j'ai eu l'honneur de représenter le Sénat au sein de Conférence sur l'avenir de l'Europe et je me suis notamment beaucoup impliquée dans le groupe de travail chargé de la politique étrangère de l'Union européenne.
Les propositions issues de la conférence sont de nature très diverse et reflètent les attentes des citoyens européens à l'égard de l'Union européenne, en particulier en matière d'environnement, en matière sociale et de santé, ainsi que s'agissant du fonctionnement démocratique de l'Union européenne.
S'agissant des aspects institutionnels, on peut notamment relever les propositions suivantes :
- passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil dans les domaines qui demeurent encore soumis à la contrainte de l'unanimité, comme la politique étrangère et la défense ou en matière de fiscalité ;
- accorder au Parlement européen un droit d'initiative législative ;
- reconnaître de nouvelles compétences à l'Union européenne, notamment en matière de santé, au regard de la pandémie de la Covid 19 ;
- mettre en place des référendums à l'échelle de l'Union européenne.
Le système institutionnel actuel de l'Union européenne, tel qu'issu du traité de Lisbonne, apparaît effectivement insatisfaisant : non seulement il nourrit un sentiment d'éloignement des citoyens européens à l'égard des institutions européennes, mais en outre il semble inadapté dans l'optique d'un futur élargissement de l'Union européenne aux pays des Balkans, voire à l'Ukraine, à la Moldavie et à la Géorgie.
On peut notamment mentionner la composition pléthorique de la Commission européenne (27 Commissaires), ou la paralysie découlant de la persistance du droit de veto au Conseil dans certains domaines, notamment en matière de politique étrangère et de défense ou de fiscalité.
Près d'un an après la fin des travaux, quelles ont donc été les suites données au rapport final de la Conférence ?
Le Parlement européen a adopté, le 4 mai 2022, une résolution (non contraignante) en faveur d'une révision des traités. Il a également saisi formellement le Conseil d'une demande de convocation d'une convention chargée de réviser les traités.
La commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen devrait adopter prochainement une nouvelle résolution en ce sens.
La Présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, s'est prononcée, dans son discours sur l'état de l'Union du 9 mai 2022, en faveur d'une réforme de l'UE, y compris « en changeant les traités si nécessaire ».
Le Président de la République M. Emmanuel Macron, après avoir indiqué que la « révision des traités n'était ni un totem ni un tabou », s'est également prononcé en faveur de cette révision, dans son discours devant la Conférence sur l'avenir de l'Europe, le 9 mai 2022.
Je rappelle que les traités (article 48 du TUE) distinguent deux formes de révision des traités : la révision ordinaire et la révision simplifiée.
La procédure de révision ordinaire concerne les modifications les plus importantes (ex : compétences de l'Union). Elle prévoit que le gouvernement d'un État membre, le Parlement européen ou la Commission européenne peut soumettre des projets de révision au Conseil de l'UE, lequel les transmet au Conseil européen et les notifie aux parlements nationaux.
Le Conseil européen peut alors décider à la majorité simple, après consultation du Parlement et de la Commission, de convoquer une convention composée de représentants des parlements nationaux, des chefs d'États ou de gouvernement, du Parlement et de la Commission. Cette convention examine les projets de révision et adopte par consensus une recommandation adressée à une conférence intergouvernementale (CIG), composée de représentants des gouvernements des États membres. Les amendements aux traités qu'adopte la CIG n'entrent en vigueur qu'après ratification de tous les États membres selon leurs règles constitutionnelles respectives.
Toujours dans le cadre de la procédure de révision ordinaire, le Conseil européen, s'il estime que l'ampleur des modifications à apporter aux traités ne justifie pas la convocation d'une convention, peut décider à la majorité simple et après approbation du Parlement, de ne convoquer que la CIG directement.
En définitive, à la lumière de nos entretiens à Bruxelles, nous jugeons qu'une révision des traités semble aujourd'hui peu réaliste.
Elle nécessiterait, en effet, d'obtenir l'unanimité au Conseil et une ratification par l'ensemble des États membres selon leurs règles constitutionnelles respectives (par la voie du Congrès ou par referendum). Or, les États membres sont profondément divisés sur le contenu d'une éventuelle révision des traités, certains pays, comme la Pologne ou la Hongrie, étant hostiles à plus d'intégration. Lancer un processus de révision des traités risquerait d'ouvrir la « boîte de pandore » et de provoquer des divisions entre les États membres, notamment sur les questions sensibles de droit de vote ou des compétences. Pour ne citer qu'un seul exemple, le Président de la République Emmanuel Macron a proposé de modifier les traités européens pour y inscrire le droit à l'avortement mais plusieurs pays, comme la Pologne ou Malte, s'y opposent fortement.
De plus, se lancer dans des discussions institutionnelles pourrait sembler actuellement inopportun alors que l'Union européenne doit faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine.
Enfin, l'issue de la procédure de ratification, notamment par referendum, est très incertaine, comme l'ont montré les précédents des traités de Maastricht (avec le non danois), du traité constitutionnel (avec les non français et néerlandais) ou le traité de Lisbonne (avec le non irlandais).
En définitive, on peut appliquer à la révision des traités la même maxime que celle utilisée par Montesquieu à propos des lois, selon laquelle « on ne peut toucher aux lois que d'une main tremblante ».
M. Jean-François Rapin, président et rapporteur. - Comme l'a souligné devant nous Mme Thérèse Blanchet, la secrétaire générale du Conseil que nous avons auditionnée récemment, le traité de Lisbonne comprend des dispositions lui permettant de s'adapter aux circonstances sans avoir à être modifié. Il prévoit ainsi, en plus de la procédure normale de révision des traités, une procédure de révision simplifiée, qui figure à l'article 48 du traité sur l'UE et que l'on appelle, dans le jargon bruxellois, « clauses passerelles ».
En réalité, on distingue plusieurs types de « clauses passerelles ».
Dans le cadre des politiques communes, lorsqu'il est prévu que le Conseil des ministres décide à l'unanimité, le Conseil européen statuant à l'unanimité peut ainsi autoriser le passage au vote à la majorité qualifiée. Cette possibilité est toutefois écartée pour les décisions ayant des implications militaires ou relevant du domaine de la défense.
De même, lorsqu'une procédure législative spéciale est prévue (donc dans les cas où le Parlement européen n'a pas le pouvoir de codécision), le Conseil européen statuant à l'unanimité peut décider que s'appliquera la procédure législative ordinaire (à savoir la codécision).
Le traité prévoit que le recours à une « clause passerelle » est notifié aux parlements nationaux. La décision ne peut entrer en vigueur que si aucun parlement national n'a fait connaître son opposition dans un délai de six mois. Ainsi, chaque Parlement national dispose d'une sorte de droit de véto sur le recours aux « clauses passerelles ».
Toutefois, dans certains domaines particuliers, le Conseil européen ou le Conseil des ministres peut, à l'unanimité, décider d'appliquer le vote à la majorité qualifiée ou la procédure législative ordinaire, sans que les parlements nationaux aient un droit d'objection.
Ces domaines sont : le cadre financier pluriannuel de l'Union ; certaines mesures concernant la politique sociale, l'environnement ; certains décisions de politique étrangère.
Le Parlement européen, le chancelier allemand, puis le Président de la République française, se sont prononcés pour le recours aux « clauses passerelles » afin de passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil et supprimer ainsi le droit de veto, notamment en matière de politique étrangère.
De fait, dans une Europe à vingt-sept États membres, le maintien de l'unanimité au Conseil présente déjà un risque de paralysie, puisqu'il accorde un droit de veto à chaque État membre. Risque qui se trouverait accru en cas d'élargissement de l'Union. Il s'agirait notamment de prévoir que les sanctions de l'Union européenne (par exemple contre la Russie) puissent être adoptées à la majorité qualifiée au Conseil et non à l'unanimité, comme c'est le cas aujourd'hui, ce qui permettrait de surmonter les réticences de la Hongrie par exemple.
Le recours aux « clauses passerelles » nécessite toutefois un accord unanime des États membres. Or, selon nos entretiens à Bruxelles, il semblerait qu'il n'y ait pas de consensus sur ce point. Plusieurs États membres seraient opposés à ce passage de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée. Parmi ces pays figurent ceux attachés à leur souveraineté, comme la Pologne et la Hongrie, mais aussi des « petits pays », comme Chypre ou Malte, qui sont très attachés à leur droit de veto.
Ainsi, selon nos interlocuteurs, malgré la demande du Parlement européen et le souhait du Président de la République et du chancelier allemand, le recours aux « clauses passerelles » paraît aujourd'hui peu réaliste.
Toutefois, on peut relever qu'il existe dans les traités d'autres formes de souplesse institutionnelle, qui peuvent permettre de faire avancer la construction européenne, sans passer par la procédure de révision.
Ainsi, le traité de Lisbonne a prévu la possibilité de plafonner le nombre de Commissaires européens, avec un système de rotation égalitaire. Les États membres y ont renoncé en raison du referendum négatif irlandais, pour revenir à la règle d'un Commissaire par État, mais en théorie il est possible de plafonner ce nombre sans réviser les traités.
En outre, on peut mentionner deux articles des traités qui jouent un rôle non négligeable pour renforcer l'intégration européenne.
Le premier est l'article 352 du traité sur le fonctionnement de l'UE : aux termes de cet article, lorsque, dans le cadre d'une des politiques prévues par les traités, une mesure paraît nécessaire pour atteindre l'un des objectifs visés par les traités mais que ceux-ci ne prévoient pas les « pouvoirs d'action » requis à cet effet, le Conseil statuant à l'unanimité peut prendre cette mesure, en accord avec le Parlement européen.
Une clause de ce type a toujours figuré dans les traités européens, mais son objet était limité aux « mesures nécessaires pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté ». Avec un objet élargi, cet article 352 représente aujourd'hui un levier puissant d'extension potentielle du champ d'action européen.
Le recours à cette clause a été très fréquent par le passé. Il a permis par exemple la création de l'Agence européenne des droits fondamentaux.
Second article à fort impact possible : l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (UE). Celui-ci permet à l'Union européenne de prendre des mesures temporaires en cas de crise.
Ses conditions d'utilisation sont décrites dans deux petits paragraphes. Le premier évoque « de graves difficultés (...) dans l'approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l'énergie », le second est activable lorsqu'un État membre subit « des catastrophes naturelles ou des événements exceptionnels échappant à son contrôle ».
Il permet aux États membres de prendre une décision à la majorité qualifiée - et d'échapper à l'unanimité qui est parfois requise, notamment en matière de fiscalité - et, surtout, sans que le Parlement européen soit associé, ce qui peut soulever une question démocratique (en ce sens, cela peut être comparé à une ordonnance ou à une mesure liée à l'État d'urgence).
Cet article a permis à la Commission, depuis trois ans, de faire adopter, dans des délais record, des propositions législatives comme l'achat en commun de vaccins contre le Covid-19, la mise en place d'un instrument communautaire pour aider les gouvernements à financer leur régime de chômage partiel durant la pandémie, la création d'un prélèvement sur les superprofits des producteurs d'énergie, le plafonnement du prix du gaz, l'accélération de la délivrance de permis pour les fermes solaires et éoliennes, la réduction de la consommation de gaz et d'électricité sur le Vieux Continent ou encore l'achat en commun de gaz.
On peut enfin mentionner la possibilité de recourir, dans le cadre des traités ou en dehors, à des formes de géométrie variable, permettant à ceux des États qui le souhaitent de progresser dans la voie de l'intégration sans en être empêchés par d'autres.
On peut distinguer plusieurs formes :
- les formes de géométrie variable en dehors des traités (par exemple le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance - TSCG).
- les formes à géométrie variable prévues par les traités eux-mêmes (Schengen, euro) ;
- les coopérations renforcées prévues dans le cadre des traités et avec certaines conditions (utilisées par exemple pour la création du Parquet européen ou du brevet communautaire).
Les « coopérations renforcées » sont une forme particulière consistant en l'utilisation des institutions de l'Union par une partie des États membres qui prennent des décisions applicables à eux seuls. Selon le traité de Lisbonne, les coopérations renforcées ne peuvent être lancées qu'en dernier ressort et doivent associer au moins neuf des États membres. Les États membres participant à une coopération renforcée peuvent, à l'unanimité, décider de recourir aux « clauses passerelles ».
L'autorisation de lancer la coopération renforcée est accordée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée ; la Commission et le Parlement ont un droit de veto et participent au fonctionnement de la coopération renforcée avec tous les membres qui s'y sont associés.
Toutefois, dans le cas de la politique extérieure et de sécurité commune, le Parlement et la Commission sont simplement consultés, et l'autorisation est accordée par le Conseil statuant à l'unanimité. Par ailleurs, un mécanisme de « frein/accélérateur » facilite le recours aux coopérations renforcées en matière de justice et d'affaires intérieures.
Une formule particulière et plus souple est prévue pour la défense, sous le nom de « coopération structurée permanente », permettant aux pays qui le souhaitent de progresser en matière de défense. Peuvent participer tous les États membres acceptant les engagements précisés dans un protocole annexé aux traités. .
Dans une Europe à vingt-sept pays aujourd'hui, peut-être trente ou plus encore demain, la géométrie variable peut « sembler inévitable pour concilier élargissement et approfondissement », pour reprendre les mots d'Alain Lamassoure.
Pour conclure, si l'idée d'une révision des traités ou le recours aux « clauses passerelles » ne paraît pas réaliste aujourd'hui, les traités prévoient d'autres possibilités pour faire avancer l'intégration européenne. Selon une étude du service juridique du Conseil, sur les 328 propositions qui figurent dans le rapport final de la Convention sur l'avenir de l'Europe, moins d'une trentaine nécessiteraient une révision des traités. Il est donc possible et souhaitable de progresser à traités constants. C'est plus une question de volonté politique.
La question de la révision des traités, ou du moins des politiques de l'Union européenne, devrait toutefois resurgir à l'avenir, avec la perspective d'un futur élargissement de l'Union européenne aux pays des Balkans, voire de l'Ukraine et de la Moldavie, ou plus tard de la Géorgie.
Voilà les principaux éléments qu'avec Gisèle Jourda, nous souhaitions porter à votre connaissance.
M. Pierre Laurent. - Comme vous le soulignez dans votre rapport, et contrairement à ce que certains affirment, les traités européens contiennent de nombreuses dispositions permettant de réaliser des avancées à traités constants. Au cours de la dernière décennie, de nombreuses avancées ont d'ailleurs été réalisées au niveau européen sous la pression des évènements, comme la crise financière, la pandémie de la Covid-19 ou la guerre en Ukraine. Il est donc utile d'explorer toutes les potentialités offertes par les traités et votre rapport est éclairant de ce point de vue.
Dans le même temps, je considère qu'il faut continuer à discuter de la révision des traités européens et je trouve curieux de fermer d'emblée cette possibilité à l'approche des élections européennes. S'il y a bien un moment où il faut parler de l'Union européenne et de la question de la révision des traités avec les citoyens européens, c'est bien lors de la campagne en vue des élections européennes.
Pour ma part, je n'ai jamais proclamé qu'il était indispensable de réviser les traités pour réaliser des avancées, mais je considère qu'il ne faut pas aujourd'hui fermer la porte à cette révision. Il est vrai qu'une révision des traités dans le contexte actuel paraît difficilement envisageable car cela risque de susciter de profondes divisions entre les États membres. Ainsi, le passage de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil soulève de nombreuses réticences chez certains États membres. Mais on pourrait envisager d'autres évolutions, comme par exemple recourir à la géométrie variable pour permettre aux pays qui le souhaitent d'avancer plus vite et plus loin dans la voie de l'intégration sans en être empêchés par les autres.
En tout état de cause, si je partage votre constat, je considère que la question de la révision des traités devrait faire l'objet d'un débat démocratique avec les citoyens européens, à l'occasion de la campagne en vue des prochaines élections européennes. Car, dans le cas contraire, on risquerait d'envoyer un message d'impuissance aux citoyens européens et d'encourager l'abstention ou les forces politiques anti-européennes.
M. Pascal Allizard. - Je vous remercie pour votre rapport qui dresse un état des lieux très éclairant et qui permet de clarifier la question de la révision des traités et du recours aux autres formes de souplesse institutionnelle. Si ce constat est très utile, je partage - une fois n'est pas coutume ! - l'analyse de notre collègue Pierre Laurent. Ces dernières années, l'Union européenne s'est éloignée des citoyens européens. Or, l'absence de débat est un poison mortel pour l'Europe. C'est l'une des leçons que l'on peut tirer du Brexit. Il est donc indispensable à mes yeux de rapprocher l'Europe et les citoyens, de débattre de l'Europe avec eux, de répondre à leurs attentes et à leurs préoccupations. Car sinon on risque d'éloigner encore davantage l'Union européenne des peuples et d'encourager les mouvements anti-européens.
La conférence sur l'avenir de l'Europe avait précisément pour objectif de lancer un tel débat démocratique, mais force est de constater que cet exercice est resté largement inconnu du public et que les conclusions n'ont pas été à la hauteur des espoirs suscités. Il manque un projet pour l'Europe.
Avec la perspective de l'élargissement de l'Union européenne aux pays des Balkans occidentaux et le passage de vingt-sept à trente ou quarante États membres, il sera indispensable de revoir le mode de fonctionnement des institutions européennes, notamment la règle de l'unanimité au Conseil. Ce serait une erreur stratégique de laisser ces pays en dehors de l'Union européenne pendant des dizaines d'années mais, dans le même temps, il sera nécessaire d'adapter le fonctionnement de l'Union européenne pour lui permettre de continuer à progresser, et sans doute sous la forme d'une Europe des cercles concentriques, en recourant à la géométrie variable.
M. Dominique de Legge. - Comme vous le soulignez dans votre rapport, il est possible et souhaitable de continuer à progresser à traités constants. Dans le même temps, il faut s'interroger sur les raisons pour lesquelles certains pays refusent de passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil. On évoque souvent la question de la souveraineté, par exemple en matière de politique étrangère et de défense. Mais, il s'agit aussi d'un manque de confiance dans les institutions européennes et dans les autres partenaires européens, car la règle de l'unanimité permet à chaque État d'avoir un droit de veto. Avant d'envisager une révision des traités ou le recours aux « clauses passerelles », il me semble indispensable de remédier à l'opacité de la prise de décision au niveau européen pour instaurer davantage de transparence et de réformer le fonctionnement de l'administration européenne.
Enfin, il faut s'interroger sur la répartition des compétentes entre l'Union européenne et les États membres. Malgré l'absence de compétences dans les traités, l'Union européenne s'est vue reconnaître un rôle en matière de livraison d'armes et de munitions à l'Ukraine. En réalité, cette question de la répartition des compétences au niveau européen me fait penser au débat sur l'intercommunalité en France. D'un côté, les communes souhaitent conserver une large autonomie mais, de l'autre, elles demandent toujours plus à l'intercommunalité. Il faudrait donc revoir la répartition des compétences entre l'Union européenne et les États membres afin de garantir le respect du principe de subsidiarité. Pourquoi ne pas poser clairement la question du modèle fédéral au regard du principe de subsidiarité ?
M. François Calvet. - Le débat européen se focalise souvent sur les questions de procédure et non sur le projet lui-même. Il n'y a plus de vision de l'Europe, plus de projet mobilisateur, qui serait de nature à rapprocher l'Europe des citoyens, en particulier des jeunes. Alors que l'Union européenne finance de nombreux projets, elle sert souvent de « bouc émissaire » dans les opinions publiques.
La levée des contrôles aux frontières intérieures au sein de l'espace Schengen a été un vrai projet et a représenté un réel progrès concret pour les citoyens. En tant que Sénateur des Pyrénées-Orientales, je peux témoigner de l'impact positif de cette levée des contrôles à la frontière franco-espagnole.
Il me semble donc nécessaire de partir des attentes des citoyens -notamment de la jeunesse- et de trouver un nouveau projet mobilisateur pour l'Europe afin de la rapprocher des citoyens.
M. Jean-François Rapin, président et rapporteur. - Nous avons souhaité dresser, dans notre rapport, un état des lieux, un constat, un an après la fin des travaux de la Conférence sur l'Avenir de l'Europe, afin de faire le point sur la question de la révision des traités, le recours éventuel aux « clauses passerelles » ou autres formes de souplesse institutionnelle.
Lancée à l'initiative du Président Emmanuel Macron, la conférence sur l'avenir de l'Europe avait pour vocation de rapprocher l'Europe des citoyens et de répondre à leurs attentes. En réalité, l'exercice a été assez décevant et il a débouché sur un catalogue de plus de 300 mesures d'importance inégale. Le recours à la démocratie participative, au sein de « panels citoyens », n'est pas, à mes yeux, la panacée pour remédier au « déficit démocratique » de l'Union européenne. Les Parlements nationaux ont aussi un rôle essentiel à jouer pour rapprocher l'Europe des citoyens.
Les prochaines élections européennes du printemps 2024 doivent effectivement être l'occasion d'un vrai débat démocratique sur l'Union européenne avec les citoyens européens. À cet égard, la question de l'élargissement aux pays des Balkans occidentaux, à l'Ukraine et à la Moldavie, et de son impact sur le fonctionnement des institutions européennes et sur les politiques européennes, sera certainement au centre des préoccupations. Une éventuelle entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne aurait ainsi des conséquences très importantes sur la politique agricole commune ou sur la politique de cohésion. Une adaptation de ces politiques sera certainement indispensable. De même, il sera sans doute nécessaire de revoir le fonctionnement de l'administration européenne et des institutions pour concilier l'élargissement et l'approfondissement.
Faut-il réviser les traités pour aller vers une Europe fédérale ? Cette question mérite d'être posée. Pour ma part, je considère que l'idée d'une Europe fédérale risquerait d'encourager les nationalismes et le sentiment anti-européen. L'Union européenne n'est pas un État souverain, mais un modèle sui generis, une « fédération d'États-Nations » pour reprendre l'oxymore de Jacques Delors.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Je partage le constat que la conférence sur l'avenir de l'Europe a été un exercice démocratique assez décevant, avec des « panels citoyens » peu représentatifs, et une absence de visibilité dans l'opinion publique. Au sein du groupe de travail sur la place de l'Union européenne dans le monde dont j'étais membre, les débats manquaient de cadrage, et, en définitive, la conférence a débouché sur un catalogue de propositions assez décevant.
L'objectif de ce rapport est de démontrer que des avancées sont possibles et souhaitables à traités constants pour continuer à progresser dans la voie de l'intégration européenne. Mais, cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir aux moyens d'aller vers une Europe politique.
M. Pierre Laurent. - Votre rapport permet une clarification utile. Je pense notamment aux articles 352 et 122 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Ces articles ont permis de réaliser des avancées au niveau européen, en l'absence de compétences dans les traités, pour faire face à certains défis, comme la pandémie de la Covid-19 ou la guerre en Ukraine.
D'une manière générale, je souhaite saluer le travail réalisé par la commission des affaires européennes du Sénat pour l'examen des nombreuses propositions de textes européens. Cet examen le plus en amont possible des propositions législatives européennes est très utile pour éviter de découvrir trop tardivement leurs conséquences potentielles.
M. Pascal Allizard. - Il en va de même concernant la négociation des accords commerciaux de l'Union européenne, à l'image du CETA avec le Canada ou, plus récemment, de l'accord entre l'UE et le Mercosur ou de l'accord commercial avec la Nouvelle-Zélande. Les difficultés soulevées par la ratification de ces accords, à l'image de la ratification du CETA en France, auraient pu être évitées si ces négociations avaient fait l'objet de davantage de transparence et de débats en amont.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Son Exc. M. Philippe Léglise-Costa, Ambassadeur, Représentant Permanent de la France auprès de l'Union européenne, accompagné de Mme Maelys Lange, conseillère juridique, et M. Olric Izarn, conseiller parlementaire à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne
Mme Thérèse Blanchet, secrétaire générale du Conseil de l'Union européenne
M. Daniel Calleja, directeur général du service juridique de la Commission européenne, Jurisconsulte de la Commission européenne, et M. Clemens Ladenburger, directeur du service juridique de la Commission européenne
M. Guy Verhofsdadt, député européen, membre de la commission des Affaires constitutionnelles du Parlement européen
Mmes Luisa Cabral et Tena Misetic, conseillères au cabinet de la Présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen
Mme Camille Hubac, conseillère au cabinet de M. Maros Sefcovic, vice-Président de la Commission européenne
M. François Gabriel, chef de cabinet adjoint de la Présidente du Parlement européen, Mme Roberta Metsola
ANNEXE
Matières relevant de la règle de l'unanimité au Conseil et/ou d'une procédure législative spéciale
Domaine |
Procédure législative |
Conseil européen ou Conseil |
Parlement européen |
Base juridique |
Traité sur l'Union européenne |
||||
Processus décisionnel général dans le domaine de la PESC16(*) |
Aucune (règle générale) |
Unanimité du Conseil européen et du Conseil |
- |
Article 24, |
Processus décisionnel général dans le domaine de la PESC(1) |
Aucune |
Unanimité du Conseil européen et du Conseil sauf exceptions (vote à la majorité qualifiée du Conseil) |
- |
Article 31, |
Clause passerelle spéciale dans le domaine de la PESC permettant de passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée (1) |
Aucune |
Unanimité du Conseil européen |
- |
Article 31, paragraphes 1 et 3 |
Règles relatives à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation des données à caractère personnel dans le domaine de la PESC(1) |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 39 |
Dépenses opérationnelles afférentes à la PESC(1) |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 41, paragraphe 2 |
Accès rapide aux crédits du budget de l'Union destinés à des initiatives dans le cadre de la PESC(1) |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 41, paragraphe 3 |
Décisions relatives à la politique de sécurité et de défense commune(1) |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 42, paragraphe 4 |
Attribution de la réalisation de missions en matière de PSDC(1) à un groupe d'États membres qui le souhaitent |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 44 |
Décisions et recommandations dans le cadre de la Coopération structurée permanente (CSP) |
Aucune |
Unanimité des États participants à la CSP |
- |
Article 46, paragraphe 6 |
Traité sur le fonctionnement de l'UE |
||||
Mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Approbation |
Article 19, |
Décisions sur la sécurité sociale et la protection sociale dans le cadre de la libre circulation et du séjour des citoyens européens sur le territoire des États membres |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 21, |
Dispositions sur le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et au Parlement européen de tout citoyen européen dans l'État membre où il réside et dont il n'est pas ressortissant |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 22, |
Mesures de coordination et de coopération concernant la protection de la part des autorités diplomatiques et consulaires d'un citoyen de tout État membre sur le territoire d'un pays tiers où l'État membre dont il est ressortissant n'est pas représenté |
Spéciale |
Vote à la majorité qualifiée au Conseil |
Consultation |
Article 23, |
Dispositions tendant à renforcer ou compléter les droits résultant de la citoyenneté de l'Union (article 20 du traité sur le fonctionnement de l'UE) |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Approbation |
Article 25, |
Mesures concernant des restrictions de mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 64, paragraphe 3 |
Décision sur la compatibilité avec les traités des mesures restrictives prises par un État membre à l'égard des mouvements de capitaux |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 65, paragraphe 4 |
Dispositions concernant les passeports, les cartes d'identité, les titres de séjour ou tout autre document assimilé des ressortissants de pays tiers |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 77, paragraphe 3 |
Mesures relatives au droit de la famille ayant une incidence transfrontalière |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 81, paragraphe 3 |
Clause passerelle spéciale en matière de droit de la famille permettant de passer d'une procédure législative spéciale à une procédure législative ordinaire |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 81, |
Éléments spécifiques de la procédure pénale qui peuvent faire l'objet de règles minimales dans le cadre de la coopération judiciaire en matière pénale. |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Approbation |
Article 82, |
Autres domaines de criminalité pouvant faire l'objet de règles minimales relatives à la définition des infractions et des sanctions pénales. |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Approbation |
Article 83, paragraphes 1 et 3 |
Mise en place du Parquet européen |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Approbation |
Article 86, |
Mesures établissant une coopération opérationnelle dans le domaine de la coopération policière |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 87, paragraphe 3 |
Conditions et limites dans lesquelles les autorités
nationales peuvent intervenir dans le domaine de la coopération
judiciaire en matière pénale (article 82 du TFUE) et de la
coopération policière |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 89 |
Dérogation à l'obligation de statu quo sur les mesures discriminatoires applicables aux transporteurs en matière de transports |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 92 |
Décision sur la compatibilité avec le marché intérieur des aides d'Etat accordées par les États membres |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 108, |
Adoption de dispositions touchant à l'harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, aux droits d'accises et autres impôts indirects (fiscalité) |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 113 |
Adoption de directives pour le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont une incidence sur le marché intérieur |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 115 |
Régimes linguistiques des droits de propriété intellectuelle dans l'Union |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 118, |
Mesures remplaçant les dispositions du protocole sur la procédure applicable en cas de déficit excessif |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 126, |
Attribution à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres établissements financiers |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 127, |
Établissement du taux de change auquel l'euro remplace la monnaie d'un État membre |
Aucune |
Unanimité des États membres de la zone euro et de l'État membre concerné |
- |
Article 140, |
Certains aspects de la politique sociale |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 153, |
Clause passerelle spécifique en matière de politique sociale, permettant le passage de la procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 153, |
Décision de mise en oeuvre des accords conclus entre les partenaires sociaux au niveau de l'Union |
Aucune |
Unanimité du Conseil (en cas d'unanimité requise par l'article 153, paragraphe 2) |
Information |
Article 155, |
Adoption de programmes spécifiques de mise en oeuvre du programme-cadre de recherche |
Spéciale |
Vote à la majorité qualifiée au Conseil |
Consultation |
Article 182, |
Certains aspects de la politique de l'Union dans le domaine de l'environnement |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 192, |
Clause passerelle spéciale en matière d'environnement permettant de passer de la procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 192, |
Mesures de nature fiscale concernant la politique énergétique de l'Union |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 194, |
Adoption de dispositions relatives aux modalités et à la procédure de l'association entre l'Union et les pays et territoires d'outre-mer |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 203 |
Adoption de dispositions dans le cadre de l'association de l'Union avec les pays et territoires d'outre-mer |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 203 |
Négociation et conclusion d'accords internationaux dans les domaines du commerce de services et des aspects commerciaux de la propriété intellectuelle, ainsi que des investissements étrangers directs lorsque cet accord comprend des dispositions pour lesquelles l'unanimité est requise pour l'adoption de règles internes |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Approbation ou consultation (voir l'article 218) |
Article 207, |
Négociation et conclusions d'accords internationaux dans les domaines du commerce des services culturels et audiovisuels, lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique, ainsi que dans les domaines du commerce des services sociaux, d'éducation et de santé, lorsque ces accords risquent de perturber gravement l'organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la responsabilité des Etats membres pour la fourniture de ces services |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Approbation ou consultation |
Article 207, paragraphe 4 troisième alinéa |
Conclusion d'accords internationaux lorsque l'accord porte sur un domaine relevant de l'unanimité au niveau interne, d'accords d'association et d'accords avec les pays candidats à l'adhésion, ainsi que pour l'accord portant adhésion de l'Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Approbation ou consultation |
Article 218, paragraphe 8, |
Établissement d'un système de taux de change pour l'euro vis-à-vis des monnaies d'États tiers |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 219, paragraphe 1 |
Définition des modalités de mise en oeuvre de la clause de solidarité lorsqu'un Etat membre est l'objet d'une attaque terroriste ou victime d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine, lorsque ces modalités ont des implications dans le domaine de la défense |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Information |
Article 222, paragraphe 3 |
Établissement des règles sur l'élection des députés au Parlement européen |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Approbation |
Article 223, paragraphe 1, deuxième alinéa |
Décision de ne pas remplacer l'un des membres de la Commission européenne pour la durée du mandat restante |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 246, paragraphe 3 |
Décision d'augmenter le nombre des avocats généraux auprès de la Cour de justice de l'Union européenne |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 252, paragraphe 1 |
Nomination des membres des tribunaux spécialisés adjoints au Tribunal de l'Union européenne |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 257, paragraphe 4 |
Attribution à la Cour de justice de la compétence pour statuer dans le domaine des titres de propriété intellectuelle |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 262 |
Conditions dans lesquelles le Conseil peut amender une proposition législative de la Commission européenne |
Ordinaire |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 293 |
Procédure législative ordinaire : mode de décision du Conseil sur les amendements ayant fait l'objet d'un avis négatif de la Commission |
Ordinaire |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 294, |
Détermination de la composition du Comité économique et social européen |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 301, paragraphe 2 |
Détermination de la composition du Comité des régions de l'Union européene |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 305, paragraphe 2 |
Modification des statuts de la Banque européenne d'investissement |
Spéciale |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 308, paragraphe 3 |
Établissement d'une coopération renforcée dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Information |
Article 329, paragraphe 2 |
Participation à une coopération renforcée en cours dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune |
Aucune |
Unanimité des États membres participant à la coopération renforcée |
- |
Article 331, paragraphe 2 |
Possibilité de prise en charge par le budget européen des dépenses résultant de la mise en oeuvre d'une coopération renforcée |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 332 |
Clause passerelle spéciale permettant de passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil dans le cadre d'une coopération renforcée |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 333, paragraphe 1 |
Clause passerelle spéciale permettant de passer d'une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire dans le cadre d'une coopération renforcée |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 333, paragraphe 2 |
Régime linguistique des institutions de l'Union européenne |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 342 |
Liste des produits pour lesquels les États membres peuvent prendre des mesures spéciales pour la protection de leurs intérêts essentiels |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 346, paragraphe 2 |
Application des traités aux régions ultrapériphériques |
Spéciale |
Vote à la majorité qualifiée au Conseil |
Consultation |
Article 349 |
Protocoles |
||||
Règles relatives au régime linguistique applicable à la Cour de justice et au Tribunal de l'Union européenne |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 64, |
Modification ou abrogation des dispositions relatives au régime linguistique prévues dans le règlement de procédure de la Cour de justice et du tribunal de l'Union européenne |
Aucune |
Approbation unanime du Conseil |
- |
Article 64, |
Critères de convergence dans le cadre de la monnaie unique |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 6 |
Participation de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord à l'acquis de Schengen |
Aucune |
Unanimité |
- |
Article 4 |
Association de la République d'Islande et du Royaume de Norvège à l'acquis de Schengen |
Aucune |
Unanimité |
- |
Article 6, |
Accord avec l'Islande et la Norvège pour l'établissement des droits et obligations entre l'Irlande et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, d'une part, et l'Islande et la Norvège, d'autre part, dans le domaine de l'acquis de Schengen |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
- |
Article 6, |
Aspects financiers de la (non-) participation du Royaume-Uni et de l'Irlande à l'espace de liberté, de sécurité et de justice |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 5 |
Aspects financiers de la (non-)participation du Danemark à l'espace de liberté, de sécurité et de justice |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 9 |
Régime relatif aux importations de produits pétroliers raffinés aux Antilles néerlandaises |
Aucune |
Unanimité du Conseil |
Consultation |
Article 6 |
Dispositions financières du fonds de recherche du charbon et de l'acier résultant de l'expiration du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) |
Spéciale |
Vote à la majorité qualifiée au Conseil |
Approbation |
Article 2, |
Source : Étude du service de recherche du Parlement européen sur les « clauses passerelles », rédigée par Mme Silvia Kotanidis, en décembre 2000 (PE 659.420)
* 1 M. Jean-François Rapin a participé au groupe de travail sur la santé et Mme Gisèle Jourda faisait partie du groupe de travail sur la place de l'Union européenne dans le monde.
* 2 Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur la convocation d'une convention pour la révision des traités (2022/2705(RSP)).
* 3 Treize pays (la Pologne, la Roumanie, la Croatie, Malte, le Danemark, la Finlande, la Suède, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie, la République tchèque, la Bulgarie et la Slovénie) ont publié une lettre commune pour s'opposer à une révision des traités, estimant qu'elle serait prématurée.
* 4 Voir l'étude du service de recherche du Parlement européen sur les « clauses passerelles », rédigée par Mme Silvia Kotanidis, en décembre 2000 (PE 659.420).
* 5 Article 81 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE).
* 6 Article 312 paragraphe 2 du TFUE.
* 7 Article 153 paragraphe 2 du TFUE.
* 8 Article 192 paragraphe 2 du TFUE.
* 9 Article 31 paragraphes 3 et 4 du TUE.
* 10 Discours sur l'état de l'Union de 2018.
* 11 Il s'agirait notamment du régime des sanctions, des décisions concernant les droits de l'homme ou encore des missions civiles de l'Union européenne.
* 12 C'est ce mécanisme qui a été utilisé pour la mise en place du Parquet européen.
* 13 Article 333 du TFUE.
* 14 Note 10033/22 du 10 juin 2022 du secrétariat général du Conseil, actualisée le 30 novembre 2022.
* 15 Com 2022 (404) final.
* 16 PESC : politique étrangère et de sécurité commune.