C. L'ÉLABORATION D'UNE POLITIQUE PUBLIQUE ÉLARGIE D'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE NÉCESSITE LA CRÉATION D'UNE STRUCTURE INTERMINISTÉRIELLE PÉRENNE
1. Les différentes tentatives de structuration de la politique d'intelligence économique ont souffert d'un manque de soutien politique et de stabilité
À la suite des auditions menées par la mission d'information, notamment auprès d'anciens responsables politiques et administratifs chargés de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'actions d'intelligence économique en France, les rapporteurs établissent plusieurs constats.
Premièrement, s'il n'y a pas consensus sur le modèle d'organisation administrative qui serait le plus adéquat, il y a une reconnaissance collective que les enjeux d'intelligence économique ont été insuffisamment pris en compte en raison de l'absence d'une structure pérenne.
Ainsi, plusieurs modalités d'organisation ont été mises en place, tentées et essayées, sans que la politique publique d'intelligence économique ne parvienne à se stabiliser ou à trouver une organisation pérenne au sein de l'État. Entre 2003 et 2016, Alain Juillet, Olivier Buquen, Claude Revel et Jean-Baptiste Carpentier n'ont ni piloté la même structure, ni reçu la même feuille de route, ni bénéficié de la même organisation administrative, ni été placés sous la même autorité !
Depuis la création du CCSE en 1995, les multiples changements successifs de dénomination et de forme administrative des entités portant l'intelligence économique au niveau central illustrent la difficulté du concept à trouver un positionnement adéquat et pérenne au sein de l'appareil d'État.
La multiplication des structures, la coexistence d'entités dédiées à l'intelligence économique - et le manque de cohérence et de communication qui peut en découler - n'ont pas permis de stabiliser une politique publique d'intelligence économique efficace.
Deuxièmement, les rapporteurs considèrent également qu'il n'y pas eu un portage politique suffisamment continu pour permettre à l'intelligence économique de devenir une véritable politique publique. Ainsi, les difficultés à échanger avec les plus hautes autorités politiques du pays sur des sujets et des cas particuliers d'intelligence économique, ainsi que le manque de partage d'informations stratégiques, ont pu fortement compliquer le rôle des responsables et délégués successifs à l'intelligence économique.
2. L'instauration d'un secrétariat général à l'intelligence économique
Afin de pallier les difficultés exposées lors des auditions et de permettre à l'intelligence économique d'être considérée comme une véritable politique publique, les rapporteurs estiment indispensable de créer une structure pérenne, dont l'existence serait garantie au niveau législatif et les modalités d'organisation précisées par voie réglementaire. Il s'agit d'éviter les « effets d'annonce médiatique » et d'assurer la continuité de la prise en compte des enjeux d'intelligence économique même si l'importance qui peut y être accordée varie selon les Gouvernements successifs.
Sans vouloir remettre en cause la gouvernance existante en matière de sécurité et de renseignement économiques, l'existence d'une structure pérenne, interministérielle, pluridisciplinaire et dédiée à l'intelligence économique est aujourd'hui nécessaire.
Les rapporteurs recommandent la création d'un Secrétariat général à l'intelligence économique (SGIE) dont le Secrétaire général aurait une « double casquette politique et administrative », sur le modèle du Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE). Ainsi, le Secrétaire général devrait également être Conseiller du Premier ministre sur les questions d'intelligence économique et bénéficier d'une voie de communication directe auprès du cabinet du président de la République afin d'être en mesure d'informer, d'alerter et de réagir rapidement aux cas qui se présenteraient à lui.
Les rapporteurs estiment indispensable que ce SGIE bénéficie de sa propre équipe, pluridisciplinaire, afin d'embrasser toutes les dimensions de l'intelligence économique.
Afin de faciliter son travail de coordination interministériel, le SGIE pourrait s'appuyer sur un réseau de correspondants ministériels à l'intelligence économique, qui devraient être les mêmes que les correspondants ministériels à la normalisation.
Enfin, tirant les leçons des expériences passées, les rapporteurs considèrent qu'un lien direct devrait exister entre le SGIE et les MEF. C'est pourquoi ils recommandent également que le chef du SISSE à la DGE soit également adjoint au SGIE.
Recommandation n° 10 : Donner une mission de pilotage de la stratégie nationale d'intelligence économique à un Secrétariat général à l'intelligence économique (SGIE) dont la pérennité serait garantie par son inscription au sein de la loi. Ce SGIE devrait présenter les caractéristiques suivantes :
- être doté d'une équipe pluridisciplinaire dédiée ;
- être dirigé par un Secrétaire général qui soit également Conseiller du Premier ministre sur les questions d'intelligence économique, sur le modèle du Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE)44(*) ;
- disposer d'un adjoint au SGIE qui soit le chef du service de l'information stratégique et de la sécurité économique (SISSE) afin d'assurer une bonne coordination avec la politique de sécurité économique pilotée par les ministères économiques et financiers (MEF) ;
- disposer de relais au sein de chaque ministère avec des correspondants ministériels à l'intelligence économique et à la normalisation.
* 44 Les rapporteurs estiment également qu'il serait souhaitable de conserver un lien avec la Présidence de la République, à l'instar de ce qui existe actuellement pour le pôle économique des cabinets du Président de la république et du Premier ministre.