B. AUJOURD'HUI, LA FRANCE EST ESSENTIELLEMENT DOTÉE D'UNE POLITIQUE DE SÉCURITÉ ÉCONOMIQUE

1. Depuis 2018, la structuration d'une gouvernance de la politique publique de sécurité économique

La mission d'information souligne les efforts de structuration de l'État et de l'administration en matière de sécurité économique, avec la mise en oeuvre d'une nouvelle gouvernance et de plusieurs instances de concertation, de dialogue et d'échanges qui recueillent la satisfaction des acteurs auditionnés.

Premièrement, au niveau des administrations centrales, un comité de liaison pour la sécurité économique (COLISE) a été mis en place41(*). Présidée par le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), le CISSE assurant le secrétariat du COLISE, ce comité a pour mission de préparer l'instruction des décisions du Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN), instauré par le président de la République, en matière de sécurité économique. Ce comité effectue également un travail important de coordination interministérielle entre les neufs ministères concernés42(*) sur les sujets liés à la politique publique de sécurité économique.

En 2021, l'organisation du COLISE a été modifiée, avec un « format plénier » réunissant une fois par semestre les directeurs de cabinet concernés, et un « format restreint », réunissant plus régulièrement les conseillers ministériels dont les attributions concernent des cas particuliers de sécurité économique.

L'action et les décisions du CORIE s'appuient sur le référentiel unifié de sécurité économique, élaboré par le SISSE, et qui comprend trois listes classifiées :

une liste de 791 entités à protéger en priorité ;

une liste de 364 technologies critiques ;

et une liste de 328 unités de recherche à protéger.

Deuxièmement, au niveau des services de renseignement, un comité d'orientation du renseignement d'intérêt économique (CORIE) a été mis en place. Ce comité est co-présidé par le CISSE et le conseiller aux affaires économiques et financières auprès du coordinateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT). Se réunissant trimestriellement, ce comité vise à faciliter les relations entre les administrations à compétence économique et la communauté du renseignement de l'État, puisque les six services spécialisés de renseignement y sont représentés43(*).

L'action du CORIE s'inscrit ainsi dans la continuité de la stratégie nationale du renseignement (SNR) et du plan national d'orientation du renseignement (PNOR), qui comportent un volet dédié au renseignement économique. Le renseignement économique constituait l'une des priorités du président de la République en matière de renseignement, ce qui s'est par exemple traduit par la création d'une direction du renseignement économique au sein de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

Par ailleurs, la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a autorisé les services spécialisés de renseignement à recueillir des renseignements relatifs aux intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France.

Source : Direction générale des entreprises

2. La priorité accordée à la sécurité et au renseignement économiques explique en partie l'absence de culture et de pratiques offensives de l'intelligence économique

Les rapporteurs saluent les efforts de structuration de l'État en matière de sécurité et de renseignement économiques ainsi que la mise en place de nouvelles structures de concertation et de décision qui satisfont les principaux acteurs auditionnés. Cette nouvelle gouvernance est nécessaire afin de nous permettre de sortir d'une forme de « naïveté française » en matière de renseignement économique et de permettre aux services spécialisés, aux administrations et aux dirigeants politiques de monter en compétences sur ce sujet.

Toutefois, les rapporteurs rappellent que la sécurité économique, dont le renseignement économique est une composante, n'est pas similaire à l'intelligence économique. En effet, les activités de sécurité économique excluent notamment les activités de veille et d'influence qui sont pourtant des composantes essentielles des activités d'intelligence économique.

Autrement dit, la mise en place d'une politique publique de sécurité économique traduit une vision essentiellement défensive de l'intelligence économique, alors que les rapporteurs, ainsi que la très grande majorité des personnes auditionnées, estiment que la France devrait se doter d'une politique plus offensive en la matière.

S'il y a bien des services administratifs qui ont indiqué aux membres de la mission d'information mener des actions offensives en matière d'intelligence économique, les rapporteurs estiment que ces actions demeurent insuffisantes et mériteraient d'être élargies à davantage de territoires et d'opérateurs économiques, et non seulement aux grandes entreprises pour l'obtention de « grands contrats » sur des marchés étrangers.


* 41  Décret n° 2019-206 du 20 mars 2019 relatif à la gouvernance de la politique de sécurité économique.

* 42 Ministères chargés de la transition écologique et solidaire, des armées, des solidarités et de la santé, de l'économie et des finances, de l'action et des comptes publics, de l'intérieur, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, de l'agriculture et de l'alimentation.

* 43 DGSI, DGSE, DRM, DRSD, TRACFIN, DNRED, ainsi que la SDAO de la DGGN et le SCRT.