N° 871

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juillet 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'information (1) sur la « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires
et notre environnement »,

Président
M. Rémy POINTEREAU,

Rapporteur
M. Hervé GILLÉ,

Sénateurs

(1) Cette mission est composée de : M. Rémy Pointereau, président ; M. Hervé Gillé, rapporteur ; M. Daniel Breuiller, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Alain Cadec, Ludovic Haye, Éric Gold, Pierre Médevielle, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Claude Varaillas, vice-présidents ; M. Jean-François Longeot, Mme Kristina Pluchet, secrétaires ; MM. Jean Bacci, Michel Bonnus, Thierry Cozic, Mathieu Darnaud, Louis-Jean de Nicolaÿ, Mmes Anne-Catherine Loisier, Sylviane Noël, M. Cyril Pellevat, Mme Sylvie Robert.

L'ESSENTIEL

Le rapport d'information de la mission d'information sur la gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement

Créée à l'initiative du groupe Socialiste Écologiste et Républicain (SER), cette mission d'information s'est donné pour but d'identifier les failles et incohérences de la politique publique de l'eau menée en France et proposer des solutions pour faire face au défi de la gestion partagée et durable d'une ressource plus rare et précieuse.

Sur proposition de son rapporteur Hervé Gillé (SER - Gironde), la mission d'information, présidée par Rémy Pointereau (LR - Cher), a adopté 53 recommandations visant à renforcer la capacité de notre modèle de gestion de l'eau à répondre aux défis hydriques, à anticiper avec les acteurs de terrain les bouleversements induits par le changement climatique et à réguler les conflits d'usage.

1. UN MODÈLE ANCIEN QUI A PERMIS DE RÉPONDRE AUX ATTENTES SOCIALES ET AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX

A. UNE ARCHITECTURE ROBUSTE

La distribution de l'eau et son assainissement (le « petit cycle de l'eau ») sont le fruit d'une histoire plus que séculaire centrée autour de la commune, dont l'implication a permis de déployer et d'entretenir, en régie ou par délégation de service public, plus d'un million de kilomètre de canalisations fournissant une eau potable de très bonne qualité sanitaire à tous les Français. La loi « NOTRe » en 2015 a cependant acté le tournant intercommunal de la gestion de ces compétences, même si on observe un attentisme prudent dans le transfert des compétences aux EPCI d'ici au 1er janvier 2026.

Le succès des communes repose notamment sur un prix de l'eau très abordable pour les 99 % de la population qui y ont accès. En moyenne, il s'établit à 4,3 €/m3, soit une facture annuelle de 516 euros par foyer.

Ce prix moyen varie selon la taille de la collectivité gestionnaire, les modalités de gestion mais également la localisation.

B. L'AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE L'EAU, OBJECTIF PRIORITAIRE

1. Un accès garanti à une eau d'une bonne qualité et un assainissement performant

L'eau que nous consommons satisfait des normes de qualité élevée et l'approvisionnement est garanti, y compris dans les zones rurales à habitat dispersé. L'eau distribuée satisfait dans l'immense majorité des cas aux normes de potabilité.

Sans perdre de vue l'excellente qualité sanitaire moyenne de l'eau destinée à la consommation humaine, les principales causes de non-conformité proviennent soit de la dégradation chronique ou accidentelle de la qualité de la ressource en eau (pollution agricole, rejets urbains ou industriels, infiltration d'eau de ruissellement), soit de la mauvaise protection ou d'un manque d'entretien des ouvrages de captage d'eau, mais également parfois de la défaillance du système de production d'eau potable ou encore de la contamination de l'eau au cours de son transport ou de de son stockage.

En ce qui concerne la performance des ouvrages d'épuration aux prescriptions nationales issues de la directive eaux résiduaires urbaines, elle s'élève à 92 %. En revanche, la performance de l'assainissement non collectif ne s'élève qu'à 61,3 %.

Cette situation est plus contrastée dans les outre-mer, où le rendement des réseaux est moins satisfaisant notamment en raison de leur vétusté et de la topographie qui complique leur entretien. Des « tours d'eau » (ou coupures programmées) y sont parfois instaurés pour faire face à la difficulté de couvrir en permanence les besoins de tous, dans un contexte qui peut être marqué par une surexploitation de la ressource.

2. Un combat en cours : les nouveaux polluants

Les réseaux d'assainissement, dont les performances progressent à mesure du perfectionnement des techniques dépolluantes, font cependant face depuis plusieurs années à une nouvelle frontière, celle des « nouveaux polluants ». Pour mesurer l'ampleur de la contamination potentielle des milieux aquatiques, il suffit de considérer que la production de produits chimiques a été multipliée par cinquante depuis 1950 et les projections optimistes indiquent qu'elle pourrait encore tripler d'ici à 2050.

Si les contaminants réglementés sont suivis de manière assez fine, ils ne représentent néanmoins qu'une part infime des micropolluants connus. De plus, les effets sur la santé humaine des expositions à long terme aux micropolluants présents dans les eaux, de même que leurs effets globaux sur l'environnement, restent encore à découvrir.

La mission d'information estime que l'effort premier doit porter sur la prévention, avec une analyse plus approfondie des substances avant mise sur le marché et une meilleure protection des aires de captage des eaux destinées à la consommation humaine. Le coût du traitement est au demeurant au moins trois fois supérieur à celui de la prévention.

2. LA MONTÉE EN PUISSANCE DES ENJEUX QUANTITATIFS

A. LA GESTION DE L'EAU PERCUTÉE PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

On constate une accélération du phénomène de réchauffement depuis les années 1980. Depuis les années 1990, on observe une diminution de 14 % de la ressource en eau renouvelable.

L'épisode de sécheresse exceptionnel de l'été 2022 a mis en lumière les tensions hydriques que le changement climatique était susceptible de générer. La question de la gestion quantitative de la ressource se pose plus que jamais.

L'idée que les ressources en eau seraient toujours disponibles pour répondre à l'ensemble de nos besoins a vécu.

Sur la base des études existantes, il apparaît qu'à l'horizon 2050 :

- la variabilité saisonnière des précipitations pourrait augmenter avec une hausse de l'ordre de 15 % en hiver et une baisse de l'ordre de 10 % en été ;

- les débits moyens annuels pourraient diminuer de l'ordre de 10 % à 40 % ;

- la vitesse de recharge des nappes devrait diminuer de 10 à 25 % ;

- la hausse constante de l'évapotranspiration devrait se poursuivre et réduire le volume d'eau pouvant être utilisé par les plantes ;

- l'humidité du sol devrait aussi baisser.

B. LA VARIÉTÉ DES BESOINS À SATISFAIRE

Les volumes des prélèvements et la part d'eau consommée varient selon les usages. Ainsi, le refroidissement des centrales électriques représente plus de la moitié des prélèvements d'eau douce chaque année en France (51 %), mais la grande majorité de cette eau est rejetée dans le milieu. Si les volumes d'eau prélevés par l'agriculture ne dépassent généralement pas 10 % des volumes totaux (hors production électrique), ce secteur est la première activité consommatrice (57 %) avec une part importante non restituée aux milieux aquatiques.

Après une hausse entre 1998 et 2004, puis une baisse entre 2005 et 2011, la consommation domestique moyenne d'eau potable est constante. Depuis 2012, elle est de l'ordre de 146 litres d'eau par jour et par habitant.

Ces multiples besoins doivent être satisfaits dans le cadre d'une gestion quantitative équilibrée, assurant aussi ceux des milieux aquatiques. Dans une perspective d'épisodes de sécheresse récurrents, la pression s'accroît pour protéger les zones humides, favoriser la recharge des nappes phréatiques ou encore restaurer les habitats.

Cette gestion quantitative équilibrée conduit également à anticiper les risques d'inondation. Les plans de prévention des risques naturels et les programmes d'actions de prévention contre les inondations y contribuent significativement. La mise en oeuvre de ces outils s'appuie sur un changement de paradigme : la fin du « tout tuyau » pour privilégier la gestion à la source des eaux pluviales et la mise en oeuvre de solutions fondées sur la nature telles que la désimperméabilisation.

3. DES DÉFIS MULTIPLES ET PROTÉIFORMES

A. UN PETIT CYCLE EN VOIE DE DÉGRADATION

Au rythme actuel, il faudrait plus de 150 ans pour renouveler l'intégralité des réseaux d'eau des villes de taille moyenne et de leurs communautés, et 140 ans pour les réseaux d'assainissement collectif. Ce vieillissement se traduit par des fuites équivalentes à un taux de perte moyen de 20 %.

À ce problème récurrent, est venu s'ajouter, durant l'été 2022, celui de la rupture d'approvisionnement. 600 arrêtés de restriction des usages de l'eau ont été pris par les préfets. La solidarité intercommunale et les interconnexions ont permis de faire face au manque d'eau en organisant des ravitaillements et des transferts d'eau.

B. UNE ÉQUATION FINANCIERE EN ATTENTE DE RÉSOLUTION

L'équation financière devient critique face à l'augmentation des besoins et l'insuffisance des ressources financières. La mission a constaté à quel point la trajectoire des besoins de renouvellement du patrimoine de l'eau s'est détériorée entre 2017 et 2022. Selon l'UIE, le déficit total annuel d'investissement pour le petit cycle est estimé à 4,2 Mds € par an.

Or les ressources financières ne permettent pas de couvrir l'ensemble des besoins liés au petit comme au grand cycle. Les recettes annuelles issues de la facturation, de l'ordre de 14 Mds €, permettent de couvrir les dépenses d'exploitation mais non l'ensemble des dépenses d'investissement du petit cycle. Les redevances perçues pour les agences de l'eau (2,2 Mds €) sont par ailleurs insuffisantes. Le Plan eau prévoit donc une augmentation de 475 millions € pour investir tant dans le petit cycle que dans le grand cycle. Le bilan de la taxe GEMAPI est contrasté. Quant aux aquaprêts, seule la moitié de leur enveloppe a été consommée.

C. UNE AGRICULTURE EN PREMIÈRE LIGNE

En France, l'agriculture représente 10 % des prélèvements d'eau dans les milieux mais 57 % du total des consommations. Ce chiffre peut s'élever à 80 % en été.

L'eau est en effet un élément fondamental au développement d'une plante. Si le climat rend parfois nécessaire la pratique de l'irrigation, l'agriculture française demeure très majoritaire une « agriculture pluvieuse » : seuls 6,8 % de la surface agricole utile (SAU) sont irriguée.

L'irrigation permet le maintien d'une production agricole dans certaines zones, une stabilisation des rendements et donc du revenu agricole. Elle est de plus en plus nécessaire au maintien des prairies. Elle a fait l'objet d'améliorations techniques constantes, avec une amélioration de 30 % de son efficacité depuis 1990 et des marges de progrès de l'ordre de 30 à 40 %.

La pratique de l'irrigation est encadrée, économiquement par l'application de redevances sur les prélèvements d'eau et par le coût des installations, et règlementairement par le régime des installations, ouvrages, travaux et aménagements (IOTA). Une réglementation plus exigeante est mise en oeuvre dans les zones de répartition des eaux (ZRE) connaissant un déficit structurel de ressource. Des analyses de volumes prélevables doivent être conduites avant toute répartition de quotas entre irrigants. La tendance est à la baisse de ces volumes.

La question sensible des retenues

Une retenue désigne une installation permettant de stocker de l'eau en surface. Ces installations sont très variées par leur mode d'alimentation et leurs finalités. Il existe entre 125 000 et 600 000 plans d'eau en France, tous n'étant pas à vocation agricole.

Les retenues collinaires, qui stockent l'eau de pluie par l'effet du ruissellement le long d'un bassin, sont l'une des modalités de stockage les plus communes en agriculture.

Les retenues de substitution, sont des ouvrages destinés à prélever l'eau en hiver, pour ensuite l'utiliser en été. Elles permettent de sécuriser les productions agricoles en diminuant les impacts des prélèvements.

Les projets de réserves, péjorativement dénommées « bassines », génèrent de fortes critiques : eutrophisation, évaporation, risque de dégrader les milieux, captation de la ressource au profit des seuls irrigants et d'un modèle d'agriculture intensive exportatrice, mobilisation importante de fonds publics.

L'analyse des projets de réserves et les échanges lors du déplacement dans les Deux-Sèvres conduisent la mission à souligner :

- la question indispensable de la concertation locale autour de la gestion de l'eau et des usages, dans le cadre d'un outil désormais bien connu, le PTGE ;

- la judiciarisation croissante des projets, avec des délais de jugements finaux peu compatibles avec la sécurisation des porteurs de projet ;

- le rôle primordial des élus locaux dans l'animation de la concertation et dans le soutien, ou non, aux projets de réserves ;

- l'importance des études d'impact des projets d'ouvrages et plus précisément de l'analyse de l'état des ouvrages de stockage d'eau préexistants sur un territoire ;

- Le rôle central des pouvoirs publics dans l'accompagnement du dialogue local, dans la régulation des tensions, et dans le nécessaire maintien de l'ordre républicain sur les territoires.

D. UNE MULTIPLICATION DES CONFLITS D'USAGE

1. Une gestion de l'eau territorialisée qui s'avère complexe

Jusqu'aux lois MAPTAM et NOTRe, toutes les collectivités pouvaient intervenir dans la gestion de l'eau. La suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions ainsi que le transfert aux EPCI de la nouvelle compétence GEMAPI, atténué et complexifié par des dispositions législatives postérieures, viennent brouiller la répartition des compétences.

Ainsi, la mission note la situation d'insécurité juridique dans laquelle se trouvent désormais les départements souhaitant poursuivre leur engagement financier et d'ingénierie sur la question du grand cycle. La technicité de la gestion de l'eau conduit à ce que la promesse d'une démocratie de l'eau ne soit finalement que peu tenue :

Les élus locaux sont trop souvent dépossédés des termes du débat et n'interviennent bien souvent qu'en bout de chaîne, pour valider formellement des orientations dessinées par les techniciens ;

Le citoyen demeure faiblement informé de l'étendu de la construction technico-administrative entourant la gestion du petit cycle : le « miracle de l'eau du robinet » reste difficile à percer et la facture d'eau difficile à déchiffrer ;

- Les associations d'usagers demeurent, quant à elles, sous-représentées au sein des CLE.

2. Des conflits d'usage insolubles ?

La sécheresse historique de l'été 2022 a été l'occasion de tester le dispositif sécheresse rénové des pouvoirs publics. Ce dispositif, qui repose sur 3 outils (arrêté d'orientation de bassin, arrêté-cadre départemental ou interdépartemental, arrêtés de restriction temporaire des usages), prévoit quatre niveaux de gravité allant de la vigilance à la crise, ce dernier niveau signifiant l'interdiction de la plupart des usages de l'eau pour les acteurs économiques.

En creux du retour d'expérience, il convient d'anticiper de forts conflits d'usage. C'est d'ailleurs ce risque que le guide sécheresse du ministère de la transition écologique entend prendre en compte en instaurant une gestion différenciée des différents secteurs consommateurs d'eau, selon les niveaux d'alerte.

Cependant, le risque est grand de voir de multiples conflits d'usage poindre :

- Conflit entre le secteur agricole et les autres secteurs de la vie économique ;

- Conflits entre les agriculteurs irrigants et non irrigants, les premiers pouvant sécuriser davantage leurs productions, quand les seconds pourraient à terme accumuler de lourdes pertes et se voir potentiellement exclus de l'attribution de volumes prélevables en diminution structurelle ;

- Conflits relatifs aux usages prioritaires des grands ouvrages : soutien à l'étiage, irrigation, tourisme etc.

Finalement, un risque de « bataille des dérogations » semble bien réel, chaque secteur estimant nécessaire de sécuriser un accès minimal à la ressource, faisant valoir tantôt le coté stratégique de leurs productions, tantôt les conséquences économiques d'une interruption de l'accès à l'eau en été. De fait, toutes ces filières ont de bonnes raisons de défendre leur accès à l'eau et ont d'ores et déjà fait des efforts de sobriété.

Toutefois, en cas de crise aigüe, tous ne pourront faire l'objet de dérogations, et la mission considère que l'État devrait expliciter sans tarder les usages prioritaires en cas de crise généralisée. Ces usages sont de deux ordres pour la mission :

 

La couverture en eau potable pour les besoins essentiels de la population et des services publics

 

Le refroidissement des centrales nucléaires

Enfin, pour assurer sa pérennité sur l'ensemble des territoires, l'agriculture devra mobiliser l'ensemble des leviers à sa disposition, ce qui ne saurait se résumer à une simple politique de stockage de l'eau en hiver. À ce titre, les principes de l'agroécologie constituent un puissant vecteur d'adaptation transformante de l'agriculture.

4. DES RECOMMANDATIONS POUR RÉARMER LA POLITIQUE PUBLIQUE DE L'EAU

A. UNE GOUVERNANCE PARTICIPATIVE PAR BASSIN

Une politique de l'eau efficace passe par un renforcement de la gouvernance. La mission préconise d'organiser celle-ci autour de deux grands principes :

- la sobriété hydrique ;

- la recherche de contrats d'engagements réciproques entre acteurs par bassin et sous-bassin.

Elle propose de conforter la place du Comité national de l'eau (CNE) en lui donnant des missions d'expertise propre et de médiation, de développer la fonction de médiation des comités de bassin, de créer des commissions locales de l'eau (CLE) dans chaque sous-bassin et de leur permettre l'adoption de SAGE de préfiguration dotés d'indicateurs qualitatifs et quantitatifs contraignants.

Des propositions concernant les collectivités territoriales

- Prise en compte de l'eau dans les documents d'urbanisme (SRADDET et SCOT), soumis à avis des comités de bassin et des CLE

- Affirmation d'un rôle d'ingénierie des départements et création d'une mission d'appui à l'ingénierie dans les outre-mer

- Mise à jour des schémas départementaux d'interconnexion d'eau potable

- Réalisation sous 5 ans par les maîtres d'ouvrage d'un diagnostic stratégique de connaissance de leur patrimoine et d'analyse financière adossée à un PPI

- Imposer un taux de rendement-cible des réseaux et pénaliser les fuites

- Regrouper les petites unités d'assainissement

- Favoriser les stratégies d'infiltration d'eau de pluie et de désimperméabilisation

- Mutualiser l'exercice de la GEMAPI

B. DES CONNAISSANCES SUR L'EAU PLUS FINES ET DAVANTAGE PARTAGÉES

Dans le contexte du changement climatique, il est indispensable de disposer de suffisamment de données et de modèles fiables pour parvenir à une gestion durable de l'eau, en y associant les citoyens. Dans cette optique, la mission a formulé 8 propositions :

- Préserver et renforcer les dispositifs existants de surveillance quantitative dans les aquifères et les cours d'eau, en veillant à la comparabilité des mesures dans le temps.

- Renforcer la connaissance par le BRGM du fonctionnement des nappes, en priorisant la vingtaine de nappes exploitées dans des secteurs en tension.

- Effectuer un comptage en temps réel des prélèvements d'eau destinés à l'eau potable et à l'irrigation, ce qui implique l'installation de compteurs communicants.

- Étoffer les contrôles sanitaires de la qualité de l'eau pour disposer d'un suivi fin des contaminants et identifier les polluants émergents.

Mobiliser les moyens de l'État et de ses établissements publics pour élaborer des méthodologies fiables de prévision des disponibilités futures de l'eau.

Assurer une actualisation régulière des projections d'évolution de la ressource en eau par bassin au sein des SDAGE puis par sous-bassin.

Mettre en place une météo locale de l'eau par bassin versant, consultable par chacun.

Élaborer des outils simples de calcul de la consommation d'eau par foyer, sur le modèle d'Ecowatt dans le cadre d'une fiche globale d'empreinte environnementale.

Les retenues agricoles : stop ou encore ?

Sur les retenues agricoles, la mission écarte l'idée d'un moratoire, qui n'est en réalité qu'une interdiction générale déguisée et formule 6 recommandations :

- Garantir des procédures claires s'inscrivant dans des délais raisonnables d'autorisation et de déclaration des ouvrages de retenue.

- Fonder les autorisations non seulement sur des données rétrospectives mais aussi sur des projections hydro-climatiques et renforcer la connaissance des effets des retenues, notamment en matière d'évaporation.

Conditionner les retenues à des contrats d'engagements réciproques, portant notamment sur des changements de pratiques et mettre en place un suivi fin du fonctionnement des retenues et de leurs effets une fois bâties.

Privilégier un portage public des projets de retenue, par des collectivités ou des syndicats mixtes et dans une optique de multi-usages.

Généraliser la gestion collective des autorisations de prélèvement d'eau agricole à travers des organismes uniques de gestion collective devant veiller à une distribution équitable des droits d'eau aux exploitations du territoire.

- Permettre l'installation de micro-retenues de sécurisation dans les exploitations agricoles destinée à une irrigation de résilience, selon des modalités définies par chaque comité de bassin.

C. LA MOBILISATION DES MOYENS TECHNIQUES D'AMÉLIORER LA GESTION DE L'EAU

- Encourager la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) par l'allongement de la durée de validité des autorisations, l'encadrement de l'avis des ARS dans un délai défini ainsi qu'une obligation de motiver les avis défavorables et enfin un recours accru aux subventions des agences de l'eau.

- Exploiter au mieux les interactions entre eau et énergie en développant les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) et le solaire flottant et en confortant la filière hydroélectrique par la renonciation à la remise en concurrence fragmentée des concessions.

D. LE RENFORCEMENT DU LEVIER FINANCIER

Il n'y aura pas de politique de l'eau ambitieuse sans moyens financiers ambitieux. La mission propose donc :

Pour la mise aux normes de l'assainissement individuel, la mise en place d'une provision forcée au moment des cessions immobilières.

Pour récompenser les services d'eau et d'assainissement performants, une forte modulation des redevances selon les taux de fuite ou les taux de non-conformités des rejets des stations.

Pour encourager les usagers à faire des économies, une tarification progressive, couplée à une tarification sociale pour les plus modestes.

Pour renforcer les capacités financières des agences, la suppression du plafond mordant, mais aussi le fléchage d'une nouvelle ressource destiné à financer la biodiversité.

Pour davantage de justice territoriale, un soutien financier spécifique aux offices de l'eau ultramarin et la relance de la réflexion sur la solidarité interbassins.

Pour plus d'efficacité, une mutualisation de la GEMAPI à l'échelle du bassin versant.

Pour les particuliers, un crédit d'impôt pour les récupérateurs d'eau de pluie.

Pour protéger les captages d'eau potable, une meilleure application du principe pollueur-payeur et la mise en oeuvre de paiements pour services environnementaux sur l'ensemble des périmètres de protection.