PREMIÈRE PARTIE
L'IMPÉRATIF DE
L'ATTRACTIVITÉ :
RÉ-ENCHANTER LE TRAVAIL,
ADAPTER LES
EMPLOIS
I. SI LA « GRANDE DÉMISSION » RELÈVE DU MYTHE, LE RAPPORT DES FRANÇAIS AU TRAVAIL ET À L'ENTREPRISE CONNAÎT D'IMPORTANTES ÉVOLUTIONS
Au cours des années 2021 et 2022, nombre de médias et de personnalités publiques sont se sont fait l'écho d'une « Grande démission ». C'est sous ce terme qu'a été désigné le nombre important de démissions et de ruptures conventionnelles à l'initiative des salariés constatées aux États-Unis (concernant plus de 38 millions de salariés en 2021) mais aussi en Europe.
En France, 520 000 démissions étaient observées chaque trimestre, dont 470 000 démissions de contrat à durée indéterminée (CDI), à la fin de l'année 2021 et au début de l'année 202222(*).
TAUX DE DÉMISSION EN FRANCE ENTRE 1993 ET 2022
Source : DARES, « La France vit-elle une Grande démission ? », octobre 2022
Cette observation a donné naissance à nombreuses analyses prédisant la fin du travail ou une révolution des relations de travail entre employeurs et employés.
A. UNE TENDANCE CONJONCTURELLE QUI NE MARQUE PAS UN REJET DU TRAVAIL...
Il faut toutefois relativiser la portée et la signification de cette « Grande démission ». Un taux de démissions ou de ruptures plus élevé n'est pas inhabituel dans une situation économique de faible chômage et de reprise économique.
Ce phénomène a en effet une dimension conjoncturelle, liée à l'amélioration des opportunités d'emploi. Ayant atteint 2,7 % en France au premier trimestre de l'année 2022, le taux de démissions est certes plus élevé qu'au coeur de la pandémie de Covid-19 (1,4 %) ou qu'antérieurement à celle-ci (2,3 %), mais il est comparable au niveau atteint avant la crise financière de 2008 (2,9 %) ou au niveau enregistré au début des années 200023(*).
TAUX D'EMPLOI ET TAUX D'ACTIVITÉ EN FRANCE
Source : DARES, données communiquées à la délégation aux Entreprises
La DARES relève ainsi, dans une récente étude, que la hausse des taux de démission n'est pas associée à un nombre inhabituel de retraits du marché du travail, l'emploi salarié total ainsi que le taux d'emploi de la population étant stables, voire en légère augmentation24(*). Toujours selon la DARES, 8 démissionnaires sur 10 sont à nouveau en emploi six mois après leur démission.25(*) La « Grande démission » traduit donc plutôt une mobilité professionnelle accrue des Français que leur rejet du travail salarié : ils n'hésitent pas à quitter leur emploi pour bénéficier des nombreuses opportunités alternatives, dans un contexte de tension sur les recrutements et de reprise économique.
La hausse des démissions constatée n'est pas non plus sans lien avec les nombreux bouleversements engendrés par l'épidémie mondiale de Covid-19, ayant conduit beaucoup de salariés à questionner leurs aspirations et leurs conditions de travail, et, dans certains cas, à quitter leur emploi. Les possibilités élargies de recours au télétravail et la perspective d'un rééquilibrage entre vie personnelle et professionnelle, après les périodes de confinement, ont pu pousser certains à s'orienter vers de nouveaux métiers offrant davantage de flexibilité en matière d'organisation du travail, ou davantage de sens.
* 22 DARES, « La France vit-elle une Grande démission ? », octobre 2022.
* 23 DARES, « La France vit-elle une Grande démission ? », octobre 2022.
* 24 Ibid.
* 25 Réponses de la DARES au questionnaire de la délégation.