- L'ESSENTIEL
- LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
- AVANT-PROPOS
- I. UN ENSEMBLE COMPOSITE DE DISPOSITIFS DE
PARTICIPATION CITOYENNE DOMINÉ PAR LES CONVENTIONS CITOYENNES
- A. UNE INSTITUTIONNALISATION DE LA PARTICIPATION
CITOYENNE AU SEIN D'UNE ASSEMBLÉE CONSULTATIVE
- B. UN NOMBRE IMPORTANT DE DISPOSITIFS ET UNE
ORGANISATION QUI SE DISTINGUE DES AUTRES EXPÉRIENCES
EUROPÉENNES
- A. UNE INSTITUTIONNALISATION DE LA PARTICIPATION
CITOYENNE AU SEIN D'UNE ASSEMBLÉE CONSULTATIVE
- II. UN BUDGET INFLATIONNISTE CONSACRÉ
À LA PARTICIPATION CITOYENNE, AYANT NÉCESSITÉ UNE
RÉORGANISATION INTERNE DU CESE POUR FAIRE FACE À SES NOUVELLES
COMPÉTENCES
- A. UNE NOUVELLE DIRECTION DE LA PARTICIPATION
CITOYENNE INSUFFISAMMENT DOTÉE POUR PILOTER CES NOUVELLES
COMPÉTENCES
- B. UN COÛT ALÉATOIRE DES DISPOSITIFS
AGRÉGÉS CONDUISANT À UN MANQUE DE
PRÉVISIBILITÉ BUDGÉTAIRE DE LA PARTICIPATION
CITOYENNE
- A. UNE NOUVELLE DIRECTION DE LA PARTICIPATION
CITOYENNE INSUFFISAMMENT DOTÉE POUR PILOTER CES NOUVELLES
COMPÉTENCES
- III. UN ENCADREMENT NORMATIF ET BUDGÉTAIRE
NÉCESSAIRE DES DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE DANS LE CONTEXTE
DE LEUR SYSTÉMATISATION AU CESE
- A. UNE PROCÉDURALISATION REQUISE DES
DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE, CENTRALISÉS AU CESE
- B. UNE MAÎTRISE INDISPENSABLE DES
DÉPENSES DE PARTICIPATION CITOYENNE ASSORTIE D'UNE TRAJECTOIRE
- A. UNE PROCÉDURALISATION REQUISE DES
DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE, CENTRALISÉS AU CESE
- I. UN ENSEMBLE COMPOSITE DE DISPOSITIFS DE
PARTICIPATION CITOYENNE DOMINÉ PAR LES CONVENTIONS CITOYENNES
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES DÉPLACEMENTS
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 791
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur l'activité du Conseil économique social et environnemental (CESE) consacrée à la participation citoyenne,
Par M. Christian BILHAC,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.
L'ESSENTIEL
La commission des finances a examiné, le mercredi 28 juin 2023, la communication de M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État » sur l'activité du Conseil économique, social et environnemental (CESE) consacrée à la participation citoyenne
Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial avait souligné le budget potentiellement inflationniste des dispositifs de participation citoyenne au CESE, qui se sont développés, notamment depuis la loi organique du 15 janvier 2021 consacrant le CESE comme organisateur des consultations citoyennes. La présente communication vise à détailler ces dispositifs et à en tirer un premier bilan.
I. UN ENSEMBLE COMPOSITE DE DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE DOMINÉ PAR LES CONVENTIONS CITOYENNES
A. UNE INSTITUTIONNALISATION DE LA PARTICIPATION CITOYENNE AU SEIN D'UNE ASSEMBLÉE CONSULTATIVE
Le CESE, en tant qu'assemblée consultative composée de représentants de la société civile organisée, assure un rôle de conseiller des pouvoirs publics avant tout. Avant l'adoption de la loi organique du 15 janvier 2021 consacrant sa mission d'organiser des consultations citoyennes, il avait développé des dispositifs participatifs de façon ponctuelle, dans le silence des textes, notamment avec l'organisation de la convention citoyenne pour le climat d'octobre 2019 à juin 2020. Seule la saisine du CESE par voie de pétition était prévue par la Constitution depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008.
B. UN NOMBRE IMPORTANT DE DISPOSITIFS ET UNE ORGANISATION QUI SE DISTINGUE DES AUTRES EXPÉRIENCES EUROPÉENNES
Le CESE dispose dès lors d'une large palette d'outils de consultation et d'association des citoyens : les conventions citoyennes, des questionnaires et consultations en ligne complétés de dispositifs présentiels au CESE, des groupes de citoyens tirés au sort, intégrés à une formation de travail ou bien travaillant en parallèle, ainsi que des pétitions déposées sur une plateforme propre. Ces dispositifs participatifs se développent ainsi avec des objectifs variés, pas toujours bien identifiés, si bien qu'il est difficile de s'y retrouver dans ce foisonnement d'initiatives.
La France se distingue dans l'Union européenne par le choix d'avoir adossé la démocratie participative à la démocratie sociale là où dans d'autres pays européens les Parlements sont impliqués, mais aussi par le coût de ses conventions.
II. UN BUDGET INFLATIONNISTE CONSACRÉ À LA PARTICIPATION CITOYENNE, AYANT NÉCESSITÉ UNE RÉORGANISATION INTERNE DU CESE POUR FAIRE FACE À SES NOUVELLES COMPÉTENCES
A. UNE NOUVELLE DIRECTION DE LA PARTICIPATION CITOYENNE INSUFFISAMMENT DOTÉE POUR PILOTER CES NOUVELLES COMPÉTENCES
La direction de la participation citoyenne (DPC), créée en juin 2022, pilote tous les dispositifs de participation citoyenne au sein du CESE, depuis le cadrage et la conception jusqu'à la mise en oeuvre, la synthèse, l'analyse et les actions de redevabilité. Ses effectifs, pour l'heure réduits à 2 ETP, ne permettent pas d'absorber toutes ses missions.
Au regard de l'organisation particulièrement lourde des conventions citoyennes, qui a mobilisé deux tiers des agents du CESE durant toute la durée de la convention sur la fin de vie, une structure ad-hoc s'est mise en place au CESE, dirigée par un comité de gouvernance. Par ailleurs, le manque de compétences internes en matière d'animation a nécessité un recours toujours accru aux prestataires extérieurs. Si cette externalisation se justifie dans certains domaines, comme le tirage au sort, pour lequel le développement d'une compétence propre présenterait peu d'intérêt pour le CESE, il en va différemment pour l'animation, qui est au coeur de ses nouvelles missions.
La convention citoyenne sur la fin de vie se caractérise toutefois par un début d'internalisation des compétences en matière d'animation dans la mesure où cinq agents du CESE ont été intégrés au collectif d'animation composé de 27 animateurs, facilitateurs et coachs.
B. UN COÛT ALÉATOIRE DES DISPOSITIFS AGRÉGÉS CONDUISANT À UN MANQUE DE PRÉVISIBILITÉ BUDGÉTAIRE DE LA PARTICIPATION CITOYENNE
S'il résulte de cette internalisation une maîtrise des dépenses d'animation lors de la convention citoyenne sur la fin de vie, l'intégration de cinq agents du CESE dans le collectif d'animation ayant permis d'économiser 0,3 million d'euros, force est de constater que ce poste de dépenses représente encore un tiers du budget total de la convention. Par ailleurs, les gains ont été quasiment tous annulés par la hausse des frais de prise en charge des citoyens qui se sont élevés à 1,5 million d'euros, soit 32 % du budget total. La hausse de 0,68 million par rapport à la convention pour le climat s'explique notamment par l'absence de négociation possible des prix du transport et de l'hébergement des citoyens pour cette convention citoyenne.
Budget des deux conventions citoyennes
organisées par le CESE
par poste de dépenses
(en euros)
Source : Commission des finances du Sénat, d'après les informations transmises par le CESE
Par suite, le coût de la convention citoyenne sur la fin de vie est estimé, au 1er avril 2023, à 4,7 millions d'euros, ce qui dépasse à elle seule les crédits votés en loi de finances initiale. Hors convention citoyenne, les dépenses pour les autres dispositifs dépassent déjà pour 2023 le coût de tous les dispositifs organisés en 2022. Le rapporteur spécial relève ainsi manque de pilotage de la dépense, qui peut mettre en cause la sincérité de la budgétisation initiale.
III. UN ENCADREMENT NORMATIF ET BUDGÉTAIRE NÉCESSAIRE DES DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE DANS LE CONTEXTE DE LEUR SYSTÉMATISATION AU CESE
A. UNE PROCÉDURALISATION REQUISE DES DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE, CENTRALISÉS AU CESE
1. Clarifier les règles applicables aux conventions citoyennes ainsi que leur gouvernance
En premier lieu, la distinction des fonctions entre les diverses parties prenantes aux conventions citoyennes, ainsi que des garanties d'indépendance, sont essentielles pour assurer leur légitimité procédurale. Le rôle des animateurs est peu questionné, alors même qu'ils peuvent exercer une influence sur le sens de la décision finale et qu'ils participent à l'élaboration du rapport final.
Le rapporteur spécial estime que de telles garanties pourraient être fixées par un règlement de procédure interne élaboré par le CESE pour toutes les parties prenantes, au même titre que des exigences d'impartialité ou de contradictoire pour les débats.
Dans ce cadre, les citoyens d'une convention citoyenne finissante pourraient léguer à la suivante un mémento. Au regard de la pertinence des remarques constatées par les citoyens, le CESE pourrait enrichir à la marge le règlement de procédure applicable aux conventions citoyennes.
En second lieu, le rapporteur spécial considère qu'il conviendrait d'insuffler davantage de pluralisme dans la gouvernance des conventions citoyennes. Le nombre de membres du CESE au sein du comité de gouvernance pourrait respecter la règle du tiers et intégrer systématiquement des citoyens.
2. Distendre le lien entre pouvoir exécutif et consultations citoyennes
Afin de distendre le lien naissant entre les conventions citoyennes et le président de la République, des liens informels peuvent se créer via l'audition des citoyens ayant participé à une convention citoyenne au sein des assemblées parlementaires. Le Parlement pourrait aussi être plus impliqué dans le déclenchement de ces conventions.
Le rapporteur spécial estime également que toutes les consultations citoyennes doivent être centralisées au CESE. Il s'agit là de ne pas démultiplier les dispositifs de consultation des citoyens sur les thèmes qui relèvent du champ de compétences du CESE.
B. UNE MAÎTRISE INDISPENSABLE DES DÉPENSES DE PARTICIPATION CITOYENNE ASSORTIE D'UNE TRAJECTOIRE
1. Limiter le coût agrégé de tous les dispositifs de participation citoyenne
Le rapporteur spécial encourage le CESE à poursuivre l'internalisation des compétences d'animation en engageant un plan de formation continue. Le rapporteur spécial formule le souhait que l'animation soit complètement internalisée.
En ce qui concerne spécifiquement les conventions citoyennes, le rapporteur spécial a identifié trois pistes pour réduire leur coût. En premier lieu, il propose de restreindre la durée des conventions citoyennes à 5 ou 6 sessions. En deuxième lieu, au regard du coût du logement des citoyens à Paris, des dispositifs de participation mixte, alliant des formats présentiels et numériques, pourraient être développés. En dernier lieu, la négociation des prix par l'accroissement des partenariats peut être génératrice d'économies s'agissant des frais de transport et d'hébergement des citoyens. En lien avec la DPC, le service des marchés de la direction administrative et financière du CESE pourrait avoir la charge de ces partenariats.
2. Accroître la prévisibilité budgétaire et la lisibilité de l'exécution des crédits alloués à la participation citoyenne
Le rapporteur spécial constate que le CESE ne dispose pas d'un plafond fixé l'année N-1 pour les dispositifs de consultation des citoyens organisés au cours de l'année à venir. Il apparaît que les dispositifs sont déployés de façon assez aléatoire, au coup par coup, sans en avoir déterminé le coût avant leur mise en oeuvre. Il recommande au CESE de définir à l'avance le nombre de dispositifs qu'il compte mettre en oeuvre au cours de l'année en évaluant leur coût, de telle sorte à respecter l'enveloppe fermée. Cette limitation doit particulièrement être appliquée pour les dispositifs présentiels, qui sont les plus coûteux.
Les documents budgétaires ne permettent pas de suivre l'exécution des crédits dédiés à tous les dispositifs puisque les crédits sont imputés sur l'action 1 -- Représentation des activités économiques et sociales. Le rapporteur spécial considère qu'il est nécessaire de créer une action spécifique pour la participation citoyenne.
LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : Accroître les garanties d'indépendance exigées pour les animateurs, dont le rôle doit être clairement distingué de celui des citoyens.
Recommandation n° 2 : Codifier les règles applicables aux conventions citoyennes, et notamment les exigences d'indépendance, d'impartialité et de contradictoire, au sein d'un règlement de procédure interne au CESE, enrichi le cas échéant par les propositions des citoyens de chaque convention citoyenne finissante.
Recommandation n° 3 : Renforcer le pluralisme de la gouvernance et du suivi des conventions citoyennes en instaurant une règle d'un tiers de membres du CESE au sein du comité de gouvernance, incluant nécessairement des citoyens participants.
Recommandation n° 4 : Renforcer les liens informels entre Parlement et conventions citoyennes et développer une implication plus directe des assemblées parlementaires dans le déclenchement des conventions citoyennes.
Recommandation n° 5 : Centraliser au CESE les dispositifs nationaux de consultation des citoyens, s'agissant des domaines économiques, sociaux et environnementaux relevant de sa compétence, ces consultations n'ayant pas vocation à se substituer à la représentation nationale.
Recommandation n° 6 : Internaliser intégralement la compétence d'animation au CESE, via le développement d'un plan de formation continue, à court terme pour les journées délibératives et à moyen terme pour les conventions citoyennes.
Recommandation n° 7 : Mieux maîtriser les coûts des conventions citoyennes par la réduction de leur durée, l'utilisation de formats numériques ponctuels et l'accroissement des partenariats pour négocier les prix du transport et de l'hébergement des citoyens participants.
Recommandation n° 8 : Prévoir annuellement un nombre fixe de dispositifs de participation citoyenne, avec une évaluation ex ante de leur coût, dont l'exécution serait retracée au sein d'une action budgétaire dédiée à la participation citoyenne.
AVANT-PROPOS
Le 3 avril dernier, à l'occasion de la remise du rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie, organisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le président de la République a salué cette « oeuvre de réinvention démocratique ». Il souhaite par ailleurs adresser de nouveau à des citoyens tirés au sort des questions relatives à la vie de la Nation, dans le cadre de conventions citoyennes organisées par le CESE.
De prime abord, la consultation de citoyens tirés au sort peut surprendre dans nos démocraties représentatives modernes, caractérisées par la place centrale de l'élection, principe clé du gouvernement représentatif. Ce dernier est fondé non pas sur le principe de la participation de tous, mais sur la distinction de quelques-uns1(*).
Toutefois, à partir des années 1970, se développent des outils participatifs à l'échelon local, et notamment dans le cadre de projets d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Des comités de quartier sont alors créés, mais aussi des ateliers populaires d'urbanisme ou encore des commissions extramunicipales. À partir des années 1990, la participation des citoyens s'institutionnalise, tant à l'échelon local que national. Par exemple, la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite loi « Barnier », instaure la Commission nationale du débat public (CNDP). Les budgets participatifs sont expérimentés pour la première fois cette même année. À l'étranger, des conventions citoyennes voient le jour dès les années 1970 aux États-Unis et en Allemagne, avant de se diffuser plus largement dans toutes les démocraties représentatives à partir des années 2000. Les dispositifs de participation citoyenne se développent particulièrement depuis une dizaine d'années, si bien que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évoque une « vague délibérative »2(*) avec la multiplication des « mini-publics » réunissant des citoyens tirés au sort.
Ce foisonnement d'instruments de participation citoyenne recouvre à la fois des mécanismes de démocratie délibérative et de démocratie participative. Les deux se distinguent par le mode de sélection des participants : alors que la démocratie participative repose sur une association de citoyens volontaires, la démocratie délibérative implique quant à elle une sélection aléatoire de citoyens, afin de rassembler un groupe représentatif de la population. Il en résulte en ce sens une légère différence de nature des différents procédés : la méthode délibérative « permet aux citoyens de former leur propre volonté sur les affaires collectives, par l'information, la réflexion et l'argumentation. En cela elle se distingue des innovations strictement participatives qui se fixent comme objectif que les citoyens puissent faire entendre leur voix sur les affaires collectives, de quelque manière qu'ils aient formé leurs volontés, dans le cadre de pétitions, de référendums ou de consultations, ouverts à tous ceux qui veulent s'exprimer »3(*).
Toutefois, dans les deux cas, ces outils permettent de donner plus de place aux citoyens, sans leur conférer in fine un pouvoir décisionnel4(*). Les démocraties délibérative et participative sont dès lors des compléments de la démocratie représentative, qui permettent de renforcer sa résilience en impliquant davantage les citoyens dans l'élaboration des politiques publiques ou les choix de société, tant à l'échelon national que local5(*). La centaine de citoyens tirés au sort pour participer à une convention citoyenne n'a en effet pas de mandat pour décider au nom de tous les citoyens puisqu'elle ne bénéficie pas de la légitimité de l'élection.
En France, les deux conventions citoyennes, celle sur le climat et celle sur la fin de vie, ont été organisées au CESE. Dès la Convention citoyenne pour le climat, le président de la République entendait ériger le CESE en « chambre des conventions citoyennes »6(*). Après deux réformes constitutionnelles avortées, la loi organique n ° 2021-27 du 15 janvier 2021 relative au Conseil économique, social et environnemental fait de ce dernier « le carrefour des consultations publiques »7(*), en élargissant sa saisine par voie de pétition et en institutionnalisant la possibilité pour le CESE de recourir à des procédures de consultation du public, le cas échéant après tirage au sort des participants.
Sur cette base, le CESE a développé de nombreux dispositifs annexes aux conventions citoyennes, qui existaient déjà parfois dans les faits : des questionnaires et consultations en ligne complétés de dispositifs présentiels au CESE, des groupes de citoyens tirés au sort, intégrés à une formation de travail ou bien travaillant en parallèle, ainsi que des pétitions déposées sur une plateforme propre. La participation citoyenne au CESE emprunte dès lors à la fois les traits de la démocratie délibérative et de la démocratie participative.
D'un point de vue budgétaire, le CESE gère en propre une enveloppe de 4,2 millions d'euros entièrement fléchée vers la participation citoyenne. Le coût de la dernière convention citoyenne sur la fin de vie a toutefois été évalué, à lui seul, à 4,7 millions d'euros, ce qui représente plus de 10 % du budget du CESE en 2023.
Si le rapporteur spécial tient à souligner l'intérêt des conventions citoyennes, notamment pour pacifier les débats sur les grandes thématiques sociétales, il prône une utilisation modérée et encadrée de ces conventions, qui ne sauraient constituer la panacée démocratique. Un tel succès contemporain des démocraties délibérative et participative s'adosse aussi à « la mise en scène d'une demande sociale de participation »8(*).
Le rapporteur spécial souhaite aussi souligner le coût de tous ces dispositifs de participation citoyenne, et notamment de ceux annexes aux conventions citoyennes, qui se développent dans le cadre strict de ses missions constitutionnelles consultatives. Les dépenses d'ores et déjà plus élevées en juin 2023 que celles prévues en loi de finances initiale témoignent d'un manque de pilotage de la dépense, qui peut mettre en cause la sincérité de la budgétisation initiale.
Des efforts sont toutefois opérés pour contenir les dépenses d'animation des conventions citoyennes et autres outils participatifs par un début d'internalisation des compétences, permettant ainsi le développement d'une expertise interne propre au CESE. Le rapporteur spécial ne peut qu'encourager cette professionnalisation du CESE en matière de participation citoyenne, dans un contexte de pérennisation annoncée des conventions citoyennes. Cette réappropriation publique permet ainsi de limiter le recours au « marché de la démocratie participative »9(*), impliquant de nombreux prestataires extérieurs.
Enfin, le rapporteur spécial appelle de ses voeux à concentrer les dispositifs de participation citoyenne organisés, au CESE, conformément à la loi organique du 15 janvier 2021. La multiplication de consultations des citoyens en dehors du CESE, à l'instar du Conseil national de la refondation (CNR), est de nature à remettre en cause la légitimité du CESE10(*) en tant que carrefour des consultations publiques.
Dans ce contexte et au regard des nouvelles compétences confiées au CESE en matière de participation citoyenne, celui-ci « se trouve, une fois encore, à un tournant de son existence »11(*).
I. UN ENSEMBLE COMPOSITE DE DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE DOMINÉ PAR LES CONVENTIONS CITOYENNES
A. UNE INSTITUTIONNALISATION DE LA PARTICIPATION CITOYENNE AU SEIN D'UNE ASSEMBLÉE CONSULTATIVE
1. Un développement progressif de la participation citoyenne au CESE avant la réforme organique
a) Un rôle de conseiller des pouvoirs publics avant tout
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a été historiquement conçu comme une assemblée consultative composée de représentants de la société civile organisée. Il n'avait donc pas originellement vocation à être le lieu de la participation citoyenne.
Le CESE puise historiquement ses racines dans le Conseil national économique, créé par décret du 16 janvier 192512(*), qui avait pour fonctions « d'étudier les problèmes intéressants la vie économique du pays, d'en chercher les solutions et de proposer l'adoption de ces solutions aux pouvoirs publics. Les attributions du conseil national économique, autonome dans sa composition, sont administrativement d'ordre consultatif ».
Dissous sous Vichy, la Constitution du 27 octobre 194613(*) instaure sous la IVème République un Conseil économique, qui examine, pour avis, les projets et propositions de loi de sa compétence et peut, en outre, être consulté par le Conseil des ministres.
Celui-ci devient le Conseil économique et social (CES) sous la Vème République, puis le Conseil économique, social et environnemental (CESE)14(*) à la suite de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. L'article 1er de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental précise qu'il « est auprès des pouvoirs publics une assemblée consultative ».
Jusqu'à la réforme de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au CESE par la loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021, les compétences constitutionnelles du CESE étaient largement limitées à son rôle de conseiller des pouvoirs publics, dont les modalités sont détaillées par l'article 2 de ladite ordonnance.
À ce titre, le CESE peut être saisi par le Premier ministre. Ce dernier doit obligatoirement le saisir pour avis des projets de loi de plan et des projets de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental. Sa saisine pour avis est en revanche facultative pour les projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques, les projets de loi, d'ordonnance ou de décret ainsi que les propositions de loi entrant dans le domaine de sa compétence. Le CESE peut également être consulté, par le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat, sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Ces mêmes autorités peuvent aussi lui demander des avis. Enfin, il peut s'autosaisir15(*) ou bien être saisi par voie de pétition. Cette voie constituait, avant la réforme organique, le noyau dur de la participation citoyenne au CESE.
b) Une expérimentation de plusieurs dispositifs de participation citoyenne dans le silence de la Constitution et de la loi organique
Avant la loi organique du 15 janvier 2021, la saisine du CESE par voie de pétition est le seul outil de participation citoyenne prévu par la Constitution, qui a été introduit à l'article 69 dans le cadre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 200816(*). Ce droit de pétition a été encadré par la loi organique du 28 juin 2008, qui prévoyait notamment un seuil de 500 000 signatures, établies par écrit, sur toute question à caractère économique, social ou environnemental17(*). Ce dispositif ayant peu fonctionné, seules trois pétitions ayant été portées devant le CESE de 2010 à 202018(*), le CESE a mis en place en parallèle un dispositif de veille des pétitions en ligne à partir de mai 2017. Le CESE réalise une veille via les plateformes de pétitions existantes, les réseaux sociaux, les sites spécialisés tels que les sites d'associations de consommateurs, ou encore la presse, afin de repérer des thématiques qui pourraient faire l'objet d'une éventuelle autosaisine.
À côté des pétitions, le CESE avait déjà pris plusieurs initiatives en faveur de la participation citoyenne, dans le silence des textes.
Tout d'abord, à partir de 2018, le CESE a créé une plateforme de consultations en ligne19(*) sur des sujets très divers tels que l'orientation des jeunes ou encore la vaccination contre la Covid-19.
Ensuite, des panels de citoyens ont été associés à l'élaboration des avis du CESE : 30 citoyens sur l'avis « Générations nouvelles : construire les solidarités de demain », adopté le 7 juillet 2020 et 28 citoyens sur l'avis « Fractures et transitions : réconcilier la France », adopté le 12 mars 201920(*). Cinq citoyens de ce panel ont d'ailleurs intégré temporairement la commission saisie au fond du CESE, avec voix consultative.
Enfin, l'innovation la plus ambitieuse a été résolument la Convention citoyenne pour le climat, annoncée par le président de la République le 25 avril 2019, et dont les travaux ont débuté en octobre 2019.
La Convention citoyenne pour le climat (CCC)
Une lettre de mission claire avec une visée législative
La lettre de mission du Premier ministre du 2 juillet 2019, adressée au Président du Conseil économique, social et environnemental, explicite le mandat de cette Convention, à savoir « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2023 par rapport à 1990 ». Elle mentionne également que le rapport final fait état de l'ensemble des mesures législatives et réglementaires que la Convention aura jugées nécessaires pour atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et qu'elle peut désigner, parmi les mesures législatives, celles dont elle jugerait opportun qu'elles soient soumises à référendum.
Ainsi, afin de mener le travail de transcription légistique des mesures préparées par les membres de la convention citoyenne, un comité légistique, composé d'administrateurs du CESE, d'une conseillère d'État et d'une universitaire, a été instauré. Par ailleurs, un groupe d'appui composé d'experts a été constitué pour conseiller les membres de la Convention dans l'exploration des pistes de travail et l'élaboration des mesures.
Un comité de gouvernance co-présidé par des personnalités extérieures au CESE
Le comité de gouvernance, présidé par Laurence Tubiana, présidente et directrice exécutive de la Fondation européenne pour le climat, et, Thierry Pech, directeur général de la Fondation Terra Nova, a été institué pour assurer l'accompagnement de la Convention ainsi que préserver son indépendance par la détention d'un pouvoir exécutif. Ses membres ont été nommés par le gouvernement à l'issue de négociations entre le président de la République, le ministère de la Transition écologique et solidaire, le CESE, des think tanks et les Gilets citoyens. Deux citoyens ont été intégrés au comité de gouvernance après le premier week-end de session.
Le panel de citoyens tirés au sort pour élaborer des propositions
150 citoyens ont été tirés au sort par l'institut Harris Interactive afin de reconstituer une « France en miniature » selon les termes de Thierry Pech. Six critères ont été retenus (le sexe, l'âge, le niveau de diplôme, la catégorie socioprofessionnelle, le type de territoires et la zone géographique).
Un calendrier bousculé par la crise sanitaire de 2020
La CCC s'est déroulée en sept sessions durant les week-ends, avec également deux séminaires en ligne. Neuf mois se sont donc écoulés entre le début des travaux en octobre 2019 et le rendu du rapport et des propositions en juin 2020. De plus, les citoyens ayant participé à cette convention se sont réunis en février 2021 pour évaluer la prise en compte de leurs propositions par le Gouvernement.
Un budget conséquent de 5,9 millions d'euros attribué au CESE
Le budget de la Convention citoyenne pour le climat est de 5,9 millions d'euros après consolidation du budget.
Cette somme recouvre le tirage au sort des citoyens, l'organisation des transports et des hébergements pour les participants lors des sessions21(*), l'animation, l'aménagement et la mise à disposition de salles et de matériels informatiques, la mise en place de plateformes de travail collaboratif, la captation vidéo et la reprographie, la communication, et enfin l'hébergement et le déplacement d'experts. Il convient également de mentionner que les participants à la convention perçoivent une indemnité journalière de session de l'ordre de 86 euros, une indemnité de perte de revenu professionnel pour les personnes venues sur leur temps de travail (10 euros par heure) et la garde d'enfants a été prise en charge dans la limite de 18 euros par heure et sur présentation de justificatifs.
Source : Site de la CCC22(*)
Toutefois, le rôle du CESE s'est limité à apporter des moyens logistiques et budgétaires, sans réellement intervenir dans les travaux de la convention citoyenne, à l'exception de l'intégration de sept membres du CESE au sein du comité de gouvernance. À titre de comparaison avec la Convention citoyenne sur la fin de vie, le président du CESE, Thierry Beaudet a énoncé que « la Convention citoyenne pour le climat a été organisée au CESE alors que la Convention citoyenne sur la fin de vie a été organisée par le CESE »23(*).
Ce changement de paradigme a été permis par la loi organique du 15 janvier 2021 relative au CESE, qui a apporté une assise juridique aux diverses consultations citoyennes organisées par le CESE.
2. Une consécration de la participation citoyenne par la loi organique du 15 janvier 2021
a) Une participation citoyenne introduite par la loi organique à défaut de révision de la Constitution
Deux projets de révision constitutionnelle prévoyaient une réforme en profondeur du Conseil économique, social et environnemental, avec un changement de dénomination ainsi que des compétences orientées vers la participation citoyenne. Ainsi, le projet de révision constitutionnelle de mai 2018 pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace substituait au CESE la « Chambre de la société civile » ayant vocation à recueillir et traiter les pétitions, et associer les pétitionnaires aux travaux du Conseil, en recourant en complément à des citoyens tirés au sort. Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique d'août 2019 insérait dans la Constitution un titre XI entièrement consacré à la participation citoyenne et la création d'une nouvelle institution « le Conseil de la participation citoyenne » en lieu et place du CESE. Aux termes d'un nouvel article 70-1 de la Constitution24(*), ce Conseil pouvait réunir de sa propre initiative ou sur celle du Gouvernement des conventions de citoyens tirées au sort.
Toutefois, le Sénat n'a pas eu l'occasion d'examiner ces projets de loi constitutionnels dès lors que l'Assemblée nationale a suspendu l'examen du premier projet le 22 juillet 2018 et que le second n'a pas été inscrit à l'ordre du jour du Parlement.
À défaut de poursuivre la réforme de la Constitution, le Gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale le 7 juin 2020 un projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, reprenant de nombreux éléments des précédents projets de lois constitutionnelles, et notamment le pouvoir conféré au CESE d'organiser des consultations de citoyens sur la base du tirage au sort.
La loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021 relative au CESE, « texte hybride, s'apparentant à une synthèse entre une loi de révision constitutionnelle et les textes organiques d'application devant l'accompagner »25(*), lui offre ainsi des outils pour organiser des consultations publiques et le légitime juridiquement en tant que lieu de la participation citoyenne.
b) Une consécration du CESE comme organisateur des consultations citoyennes
Outre la réforme de sa composition et de l'organisation de ses formations de travail26(*), la loi organique du 15 janvier 2021 étend la saisine citoyenne du CESE par voie de pétition (article 3) et lui confie un rôle d'organisation des consultations publiques (article 4).
S'agissant des pétitions, l'article 4-1 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental dispose désormais que les pétitions adressées peuvent l'être également par voie électronique, et ce dès 16 ans. Par ailleurs, le seuil de recevabilité des pétitions est abaissé à 150 000 signatures.
S'agissant de ses compétences en matière d'organisation de consultations citoyennes, l'article 4-3 de la même ordonnance prévoit que « pour l'exercice de ses missions, le Conseil économique, social et environnemental peut, à son initiative ou à la demande du Premier ministre, du président de l'Assemblée nationale ou du président du Sénat, recourir à la consultation du public dans les matières relevant de sa compétence », en organisant, le cas échéant une procédure de tirage au sort des citoyens. Dans le projet de loi initial, le Parlement ne disposait pas de la faculté de demander l'organisation d'une consultation du public au sens de cet article, ce qui l'excluait de facto de toute la procédure d'organisation d'une convention citoyenne. À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale a introduit la faculté pour le Parlement de demander l'organisation d'une consultation citoyenne au CESE « pour permettre, par ce biais, le renforcement du lien entre la démocratie représentative et la démocratie participative »27(*).
Par ailleurs, le rapporteur a tenu à assurer le respect des principes de sincérité, d'égalité, de transparence et d'impartialité lorsque le Conseil économique, social et environnemental associe le public à l'exercice de ses missions par une consultation ou la participation aux travaux de ses commissions28(*).
Il ressort des termes généralistes de la loi organique que le Conseil peut recourir à une large palette de consultations des citoyens, qui revêtent aujourd'hui des formes très variées et multiples.
B. UN NOMBRE IMPORTANT DE DISPOSITIFS ET UNE ORGANISATION QUI SE DISTINGUE DES AUTRES EXPÉRIENCES EUROPÉENNES
1. Un millefeuille de dispositifs à l'importance et au coût variable, laissant une place prépondérante aux conventions citoyennes
a) Des nombreux dispositifs de participation citoyenne pour l'heure confidentiels et à la fréquence de déploiement aléatoire, conduisant à une absence de prévisibilité budgétaire
Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 15 janvier 2021, de nombreux dispositifs de participation citoyenne sont mis en oeuvre par le CESE, qui recourt, hors conventions citoyennes, à :
- des consultations en ligne, souvent complétées par des journées délibératives en présentiel au CESE ou bien des dispositifs « d'aller vers » dans les territoires29(*) ;
- des groupes de citoyens tirés au sort intégrés à une formation de travail ou travaillant en parallèle ;
- une plateforme de pétitions en ligne.
Ces dispositifs participatifs se sont donc développés avec des objectifs variés, pas toujours bien identifiés, si bien qu'il est difficile de s'y retrouver dans ce millefeuille participatif. Par ailleurs, et dès lors que ces dispositifs sont utilisés de façon assez aléatoire par le CESE, les citoyens s'en saisissent globalement peu.
En premier lieu, le CESE a lancé cinq consultations citoyennes en ligne depuis 2021, qui ont mobilisé les citoyens selon des degrés variables. Le CESE organise aussi parfois de simples enquêtes ou questionnaires en ligne30(*), dont les coûts sont largement moindres par rapport aux consultations.
Consultations en ligne lancées par le CESE depuis 2021
Thème de la consultation |
Durée et date de la consultation |
Nombre de participation |
Dispositif présentiel complémentaire |
Travail du CESE associé |
La vaccination contre la Covid-19 |
1 mois du 15 janvier au 15 févier 2021 |
113 109 contributions 112 232 participants |
Un groupe de 35 citoyens tirés au sort a accompagné les travaux de la commission temporaire « vaccination » en se réunissant au CESE au cours de trois sessions de travail |
Commission temporaire « vaccination » chargée de constituer un collectif citoyen d'émettre des recommandations au Gouvernement sur la stratégie vaccinale |
Comment rendre les carrières plus attractives ? |
1 mois et demi du 1er mars au 15 avril 2022 |
207 contributions 172 participants 1 492 votes |
Journée délibérative organisée au CESE le 17 mai 2022 rassemblant une quarantaine de citoyens |
Avis sur les métiers de la cohésion sociale adopté le 12 juillet 2022, rendu à la suite d'une saisine d'initiative |
Comment remettre la relation aux bénéficiaires au coeur de la pratique des professionnels de la cohésion sociale ? |
73 contributions 85 participants 419 votes |
|||
Comment améliorer la formation des professionnels ? |
74 contributions 74 participants 272 votes |
|||
Comment mieux faire participer les personnes accompagnées aux décisions qui les concernent ? |
43 contributions 58 participants 161 votes |
|||
Quelles politiques pour favoriser l'évolution des modes de vie vers la sobriété ? |
3 semaines du 21 octobre au 11 novembre 2022 |
5 200 participants |
Journée délibérative au CESE le 25 novembre 2022 sous forme d'ateliers participatifs réunissant 37 citoyens |
Avis adopté le 11 janvier 2023, rendu à la suite d'une saisine d'initiative |
Développer le parasport en France : de la singularité à l'universalité, une opportunité pour toutes et tous |
3 semaines du 17 octobre au 7 novembre 2022 |
2 232 participants |
Quatre ateliers d'approfondissement en visioconférence avec les citoyens consultés et une journée délibérative au CESE le 29 novembre 2022 réunissant 39 citoyens |
Avis adopté le 29 mars 2023, rendu à la suite d'une saisine d'initiative |
Comment améliorer la mobilité ? |
1 mois et demi du 17 octobre au 27 novembre 2022 |
952 contributions 356 participants 1 040 votes |
Ateliers-relais dans les territoires, complétés par des dispositifs d'aller-vers dans les bureaux de poste ainsi qu'une journée délibérative au CESE le 4 avril 2023 réunissant 47 participants |
Avis à rendre sur les mobilités durables et inclusives en zones peu denses (saisine d'initiative) |
Source : commission des finances du Sénat
En deuxième lieu, le CESE n'a été saisi d'aucune pétition depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 15 janvier 2021. Il ne s'est pas non plus saisi depuis lors de sujets à partir de sa veille des pétitions.
Afin de vitaliser la saisine du CESE par voie de pétition, une plateforme propre31(*) au CESE a été mise en ligne le 12 mai 2023. Le CESE a informé le rapporteur spécial que quelques pétitions avaient d'ores et déjà émergé, mais qu'aucune n'avait encore atteint le seuil des 150 000 signatures.
Enfin, depuis 2021, seulement deux groupes de citoyens, représentant nécessairement une part limitée du nombre des membres d'une commission32(*), ont été intégrés à des formations de travail du CESE :
- en 2021, un groupe de 35 citoyens tirés au sort a accompagné les travaux de la commission temporaire « Vaccination » en se réunissant au CESE au cours de trois sessions de travail ;
- en 2022, 12 citoyens ont intégré la commission temporaire « Participation démocratique »33(*).
En septembre 2023, 15 citoyens tirés au sort seront intégrés à la commission Affaires sociales et santé dans le cadre d'une saisine portant sur le financement de la perte d'autonomie.
Malgré ces dispositifs innovants, il apparaît que depuis plus de deux ans, ceux-ci n'ont été mobilisés que dans le cadre de six avis du CESE, qui sont d'ailleurs majoritairement des avis rendus dans le cadre d'autosaisines, et dont le coût s'avère important, notamment à raison des dispositifs présentiels. En l'espace de deux ans, ces dispositifs, hors convention citoyenne, sont revenus à 0,7 million d'euros.
Pour 2022, les dépenses du CESE pour les dispositifs de participation citoyenne, qui ont nourri trois avis, se sont élevées à 0,3 million d'euros.
Pour 2023, ces dépenses, qui ont nourri également trois avis, sont pour l'instant de l'ordre de 0,4 million d'euros. La consultation sur les mobilités durables et inclusives en zones peu denses a été particulièrement coûteuse (0,3 million d'euros) à raison des ateliers participatifs au CESE et dans les territoires, mais surtout du fait d'un partenariat avec La Poste pour mettre en place un dispositif « d'aller-vers » dans les bureaux de poste pour un montant de plus de 0,2 million d'euros.
Outre le coût élevé de cette consultation, le rapporteur spécial constate également que cet exemple témoigne de l'absence de prévisibilité budgétaire de l'ensemble de ces dispositifs participatifs, financés par une enveloppe annuelle globale de 4,2 millions d'euros. Par suite, le rapporteur spécial remarque de nouveau, comme il l'avait déjà relevé dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 202334(*), le coût potentiellement inflationniste de ce millefeuille d'outils de participation citoyenne.
En effet, le coût de ces dispositifs hors convention citoyenne dépasse déjà pour 2023 le coût de tous les dispositifs organisés en 2022.
Coût des dispositifs participatifs ayant
nourri des avis du CESE
en 2022 et 2023
(Montant en euros)
Avis du CESE |
Dispositifs participatifs utilisés |
Personnels des différentes directions mobilisés |
Détail des différents postes de dépenses hors dépenses de personnel |
Coût total |
Engagement et participation démocratique des jeunes (2022) |
12 citoyens tirés au sort et intégrés à la commission temporaire « Participation démocratique » |
- un agent de la Direction de la communication - un agent de la Direction des services consultatifs (DSC) |
Transport, restauration, hébergement et indemnisation des citoyens |
77 020 |
Métier de la cohésion sociale (2022) |
Plateforme en ligne Journée délibérative |
- un agent de la Direction de la communication - deux agents de la DSC |
Plateforme en ligne : 19 100 Prestations de conseil et animation journée : 54 500 Logistique de la journée : 18 000 |
92 000 |
Quelles politiques pour favoriser l'évolution de la société vers la sobriété ? (2022) |
Plateforme en ligne Journée délibérative |
- un agent de la Direction de la communication - deux agents de la DSC - deux agents de la Direction de la participation citoyenne (DPC) |
Plateforme en ligne : 69 800 Journée délibérative : 36 200 |
106 000 |
Travail et santé-environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ? (2023) |
Questionnaire en ligne |
- un agent de la Direction de la communication - deux agents de la DSC - un agent de la DPC |
Licence du questionnaire : 147 |
147 |
Développer le parasport en France : de la singularité à l'universalité, une opportunité pour toutes et tous (2023) |
Plateforme en ligne Quatre ateliers en visioconférence Journée délibérative |
- un agent de la Direction de la communication - deux agents de la DSC - un agent de la DPC |
Plateforme en ligne : 620 615 Journée délibérative : 31 765 |
94 380 |
Mobilités durables et inclusives en zone peu denses (2023) |
Plateforme en ligne Ateliers relais dans les territoires Dispositif d'aller vers dans les bureaux de poste Journée délibérative |
- un agent de la Direction de la communication - deux agents de la DSC - un agent de la DPC |
Plateforme : 17 400 Partenariat avec La Poste : 231 215 Ateliers dans les territoires : 21 300 Journée délibérative : 15 000 Synthèse des contributions : 31 790 |
316 700 |
Source : Commission des finances du Sénat, d'après les informations transmises par le Conseil économique, social et environnemental
De plus, d'après les informations transmises au rapporteur spécial, d'autres dispositifs participatifs sont en cours de préparation pour 2023, avec une journée délibérative au CESE sur l'avenir de l'élevage ou encore une intégration de citoyens tirés au sort pour participer aux travaux sur le financement de la perte d'autonomie. Des citoyens devraient également être mobilisés en ce qui concerne l'éducation sexuelle à l'école ou encore l'école de la réussite, mais les modalités de leur association restent à définir.
La consultation sur les mobilités durables
et inclusives dans les zones
peu denses : une première
expérimentation de la participation citoyenne
hors les murs du
CESE35(*)
Le CESE a choisi de traiter le sujet des mobilités durables et inclusives dans les zones peu denses par une consultation des citoyens directement concernés dans ces territoires ruraux et périurbains.
Pour ce faire, le CESE a mis en place deux dispositifs innovants.
Tout d'abord, cinq ateliers-relais36(*) ont eu lieu dans les territoires :
- deux ateliers organisés par le Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) Centre-Val de Loire, en partenariat avec l'Association des Maires Ruraux de l'Eure-et-Loir ;
- deux ateliers organisés par des collectivités territoriales (les communes de Lingé et Les Portes-du-Coglais) ;
- un atelier organisé par une association (Le Ruban Vert).
Ensuite, le CESE a organisé des dispositifs « d'aller-vers » dans les bureaux de poste, grâce à un partenariat avec la société La Poste, dans cinq départements et régions d'Outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte et la Réunion), afin de relayer cette consultation en ligne.
Ce dispositif comprend :
- l'envoi d'une lettre à plus de 100 000 foyers, permettant d'en savoir plus sur la consultation et d'y accéder ;
- la mise à disposition d'un questionnaire dans les bureaux de poste, présenté aux citoyens par les facteurs lors de leur tournée. Sept villes ont été spécifiquement ciblées par la remise commentée de lettres par le facteur.
Des kiosques dédiés ont été ouverts dans les bureaux de poste où des ambassadeurs, munis de tablette, ont permis de relayer la consultation en faisant directement participer les personnes se rendant dans les bureaux de poste. Au total, 15 bureaux de poste ont participé à cette démarche pendant deux semaines.
Grâce à ce dispositif, les publics plus précaires ont pu être ciblés.
Lorsque la participation citoyenne deviendra plus systématique, le CESE souhaite que les plateformes numériques « augmentées », c'est-à-dire complétées de dispositifs présentiels, viennent alimenter cinq à sept saisines par an, que des groupes de citoyens tirés au sort participent aux travaux de deux à trois commissions par an et que des questionnaires soient adressés dans le cadre d'une à deux saisines par an.
b) Des conventions citoyennes plus visibles et coûteuses atteignant leur rythme de croisière
Au sein des dispositifs participatifs, les conventions citoyennes sont manifestement celles qui ont le retentissement médiatique le plus important et qui sont les plus coûteuses puisqu'elles représentent, qu'il s'agisse de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) ou de la Convention citoyenne sur la fin de vie (CCFV), a minima 10 % du budget alloué au CESE. Pour 2023, le budget du CESE est de 45,1 millions d'euros37(*) tandis que le coût de la CCFV est estimé, au 1er avril 2023, à 4,7 millions d'euros.
Le CESE avait tout d'abord annoncé la tenue d'une convention par an38(*) avant de revoir ses ambitions à la baisse à raison de leurs coûts et des contraintes logistiques très fortes que ces conventions requièrent. Le CESE envisage désormais d'organiser une convention citoyenne tous les 14 à 18 mois, cette fréquence dépendant aussi de la durée des conventions citoyennes elles-mêmes.
La tendance est à une réduction temporelle des conventions citoyennes, afin de pouvoir en organiser à intervalles plus réguliers. En effet, les travaux de la CCFV ont été réalisés dans des temps très contraints. Le président de la République a annoncé le lancement d'un débat consacré à la fin de vie le 13 septembre 2022. Suite à la saisine du CESE par la Première ministre le 9 octobre 2022, pour conduire des travaux sur l'adaptation du cadre d'accompagnement de la fin de vie aux différentes situations et la formulation d'éventuels changements, le CESE a constitué une CCFV qui a débuté ses travaux en décembre 2022, pour un rendu de son rapport en avril 2023. L'expérience de la CCFV aura donc duré cinq mois en tout, ce qui contraste largement avec celle pour le climat.
Si l'organisation de conventions citoyennes est désormais courante au niveau européen39(*), les autres États ayant d'ailleurs traité de sujets similaires, force est de constater que c'est plutôt l'organisateur de ces conventions qui fait figure d'exception en Europe.
2. Des conventions citoyennes adossées à la démocratie sociale : une exception française dans l'Union européenne
a) Une place plus importante accordée aux assemblées parlementaires
La France est le seul État européen dans lequel la démocratie participative est adossée à la démocratie sociale. Tous les autres États ont fait le choix d'arrimer les conventions citoyennes aux Parlements.
En Irlande, toutes les conventions citoyennes sont créées sur résolution des assemblées parlementaires40(*), qui fixent la durée de leur mandat ainsi que leur feuille de route.
Au Danemark, le Danish Board of Technology (DboT), organisation indépendante associée au Parlement depuis 1985, devenue alors institution permanente en 1995, était en charge de l'organisation des conventions citoyennes jusqu'en 201141(*). Le DboT était alors l'équivalent de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) en France42(*).
En Allemagne, les conventions citoyennes sont aussi des émanations du Bundestag, dont la place tend à s'accroître dans leur organisation.
En juin 2020, le conseil des anciens du Bundestag a décidé d'expérimenter un conseil de citoyens tirés au sort, sur le thème du rôle de l'Allemagne dans le monde. Loin d'être institutionnalisé au sein de l'assemblée, cette convention citoyenne, qui s'est déroulée intégralement par visioconférence, était plutôt un projet pilote, parrainé par Wolfgang Schäuble, alors président du Bundestag. Le conseil de citoyens a été supervisé par l'association Mehr Demokratie et le think tank Es geht los, tandis que des sociétés de conseil étaient responsables de sa mise en oeuvre43(*).
En octobre 2021, l'actuelle présidente du Bundestag, Bärbel Bas, a fait de l'organisation de conventions citoyennes l'une des priorités de son mandat. Dans ce contexte, le conseil des anciens du Bundestag a pris la décision en avril 2022 d'organiser jusqu'à trois assemblées citoyennes d'ici la fin de l'année 2024. Il a également adopté en janvier 2023 plusieurs grands principes applicables à toutes les conventions citoyennes qui seront organisées. Ces dernières seront composées de 160 citoyens tirés au sort dès 16 ans, en prenant en compte des critères sociodémographiques. Une évaluation scientifique sera mandatée a posteriori. Le 10 mai dernier, le Bundestag a décidé de lancer une convention citoyenne sur le thème de l'alimentation et de la nutrition. Il s'agit donc de la première convention citoyenne véritablement organisée par le Parlement au niveau fédéral.
Par ailleurs, l'institutionnalisation de l'organisation de conventions citoyennes par le Bundestag va de pair avec la professionnalisation en matière de participation citoyenne. En effet, une nouvelle unité, spécialement et entièrement dédiée aux conventions citoyennes, a été créée en septembre 2022 au sein du Bundestag. Elle se compose pour l'instant de quatre personnes formées à ces dispositifs de conventions citoyennes : deux responsables, un administrateur et un assistant administratif. Cette équipe projet a vocation à s'étoffer d'ici moins d'un an, pour comprendre six personnes.
Force est de constater que les États qui ont mis en place des dispositifs de conventions citoyennes ont développé une certaine expertise en la matière, si bien que l'organisation et l'animation sont peu externalisées, outre la sélection des citoyens opérée par des sociétés spécialisées ou des instituts de sondage. Lors de sa venue au CESE dans le cadre de la session 7 de la convention citoyenne sur la fin de vie, Jane Suiter, chercheuse en sciences politiques et organisatrice des conventions citoyennes en Irlande, a déploré la complexité du dispositif français requérant un appel à des prestataires extérieurs de type cabinets de conseil : « C'est trop compliqué ce que vous faîtes. Attention à ne pas vous faire dominer par les prestataires de service qui vont vous vendre des schémas organisationnels compliqués pour se rendre indispensables44(*). »
b) Des moyens budgétaires moins élevés
Au-delà des différences institutionnelles, les conventions citoyennes françaises sont bien plus dispendieuses que celles organisées dans les autres États européens, qu'il s'agisse de la CCC ou bien de la CCFV.
À titre d'exemple, le coût de l'assemblée citoyenne irlandaise de 2016-2018, qui a duré plus d'un an et demi, et dont la feuille de route comprenait pourtant cinq sujets, ne représente qu'un quart du coût de la CCC et un peu plus d'un tiers de la CCFV.
Budget des conventions citoyennes en Europe
(en millions d'euros)
Source : Commission des finances du Sénat d'après les données de Boswell, Dean et Smith (2022)45(*)
Il apparaît que les dépenses allouées aux différentes assemblées citoyennes pour le climat dans les autres États européens n'ont jamais dépassé deux millions d'euros46(*). De même, le coût total du conseil de citoyens tirés au sort, réuni à la demande du conseil des anciens du Bundestag en juin 2020, sur le thème du rôle de l'Allemagne dans le monde est estimé, selon les organisateurs, à 1,85 million d'euros47(*). Par ailleurs, le budget prévisionnel des conventions citoyennes à venir est de trois millions d'euros48(*) par assemblée citoyenne.
Enfin, certains États ont assuré une transparence totale quant au coût de ces conventions. L'Irlande notamment a publié la liste de tous les prestataires extérieurs recrutés ainsi que leurs missions dans le cadre de l'assemblée citoyenne, mais aussi un tableau49(*) de tous les postes de dépenses par période, avec un coût total arrêté en juin 2018.
II. UN BUDGET INFLATIONNISTE CONSACRÉ À LA PARTICIPATION CITOYENNE, AYANT NÉCESSITÉ UNE RÉORGANISATION INTERNE DU CESE POUR FAIRE FACE À SES NOUVELLES COMPÉTENCES
A. UNE NOUVELLE DIRECTION DE LA PARTICIPATION CITOYENNE INSUFFISAMMENT DOTÉE POUR PILOTER CES NOUVELLES COMPÉTENCES
1. Une inadéquation des effectifs de la direction de la participation citoyenne à l'ampleur de ses missions
a) Des missions très larges en recherche de définition
La direction de la participation citoyenne (DPC), créée en juin 2022, pilote tous les dispositifs de participation citoyenne au sein du CESE, depuis le cadrage et la conception jusqu'à la mise en oeuvre, la synthèse, l'analyse et les actions de redevabilité. À terme, la DPC a vocation à se rapprocher de la direction des services consultatifs (DSC), qui gère les commissions.
Organigramme du CESE au 1er juin 2022
Source : Site du Conseil économique, social et environnemental
En amont, la DPC a pour mission de choisir le dispositif le plus adapté aux enjeux propres à la formation de travail, au sujet traité et au calendrier. Les modalités retenues par la direction font l'objet d'une présentation en commission, ainsi que de plusieurs réunions avec les rapporteurs et l'administration, afin de présenter les divers scénarios d'organisation.
Une fois le dispositif choisi, les missions de la DPC sont très diverses selon le dispositif.
En ce qui concerne les pétitions, la DPC produit chaque mois une note, issue d'une veille quotidienne des pétitions, dont la procédure a été réformée. La note est transmise au comité d'instruction des pétitions, composé de quatre membres du bureau du CESE, qui étudie les sujets de pétition et peut, s'il les estime pertinentes, porter certaines thématiques auprès du Bureau du CESE en vue d'une éventuelle saisine. À compter de fin juin 2023, ce comité se réunira tous les trimestres afin d'étudier les sujets identifiés grâce à la veille, mais aussi ceux déposés sur la plateforme du CESE.
Par ailleurs, la DPC interviendra au niveau de la plateforme de pétitions propre du CESE par une modération des pétitions déposées par les citoyens et un suivi et une veille des sujets déposés.
S'agissant des consultations en ligne, la DPC intervient dans :
- le choix du fournisseur de la plateforme via une mise en concurrence au sein de l'accord-cadre de la DPC dans le cadre de marchés subséquents ;
- la rédaction des contenus soumis à la participation (éléments pédagogiques d'explication, problématisation des sujets,...) ;
- le ciblage des communautés à mobiliser et des acteurs pouvant relayer la démarche ;
- la rédaction d'éléments de présentation de la démarche en lien avec la direction de la communication ;
- la réalisation de synthèses des contributions et une aide à l'analyse des contributions en lien avec la formation de travail ;
- la mise en oeuvre des engagements et de la redevabilité, c'est-à-dire une explication des arbitrages opérés in fine à destination des participants à la consultation en ligne.
Par ailleurs, lorsque le CESE décide de compléter la consultation en ligne par des dispositifs présentiels, la DPC définit la méthode d'animation et le déroulé, gère la logistique des citoyens dont leur transport, leur hébergement et leur restauration, mais aussi l'animation des ateliers citoyens. Enfin, elle rédige les comptes rendus de ces ateliers-relais dans les territoires ou ces journées délibératives au CESE.
Lorsque des citoyens tirés au sort sont intégrés à des formations de travail du CESE, la DPC organise tout d'abord le tirage au sort des citoyens par le choix du prestataire en charge du tirage au sort, le cadrage des critères sur la base desquels va s'opérer le tirage au sort, ainsi que la rédaction d'éléments de langage de prise de contact avec les citoyens tirés au sort. Elle est ensuite en charge de l'animation des citoyens via la rédaction d'un livret d'accueil du citoyen et la constitution d'un socle documentaire en lien avec le sujet traité. Elle conçoit et anime des journées d'intégration des citoyens en amont du lancement des travaux et prépare dans ce cadre les supports nécessaires. Enfin, elle assure la gestion logistique des citoyens et organise des temps intermédiaires dédiés aux seuls citoyens en dehors des réunions de la formation de travail.
Enfin, ses missions sont d'autant plus importantes dans le cadre des conventions citoyennes, qui est le dispositif de participation citoyenne qui requiert le plus de logistique et d'organisation, sur un temps relativement long.
Elle assure donc les mêmes missions que pour les autres dispositifs, mais à une échelle bien plus grande (choix du prestataire et préparation du tirage au sort d'au minimum 150 citoyens, gestion logistique des citoyens, conception des méthodologies d'animation,...). Elle doit également gérer des problématiques propres aux conventions avec notamment une conception du cadre méthodologique de la convention et un accompagnement du comité de gouvernance.
Au regard de ses missions foisonnantes, la direction de la participation citoyenne dans sa structure actuelle ne peut pas toutes les absorber, et ce d'autant plus que le CESE ambitionne de mettre en place à moyen terme une participation citoyenne plus systématique50(*).
b) Des effectifs réduits ne pouvant pas absorber toutes les missions
En effet, les effectifs de la direction ont été fixés à deux équivalents temps plein (ETP). Ainsi, la direction ne se compose pour l'instant que d'une directrice51(*) et de son adjointe. Quatre recrutements en contrat court ont été opérés dans le cadre de la convention citoyenne sur la fin de vie, pour une durée de six mois (deux équivalents temps plein travaillés et deux stagiaires).
Dans le cadre des auditions menées par le rapporteur spécial à l'automne dernier52(*), le CESE lui avait communiqué son intention de ne pas augmenter les effectifs de cette direction, sauf ajustement temporaire à la marge pour faire face à l'afflux de travail généré par la convention citoyenne sur la fin de vie.
Le CESE a finalement revu sa position en souhaitant dès 2023 une augmentation des effectifs de la direction. Il a annoncé au rapporteur spécial en mars 2023 avoir obtenu de la direction du budget un engagement de création d'un poste par an pendant les cinq prochaines années au sein de cette direction. Ainsi, à horizon 2028, et sous réserve du vote en loi de finances, la DPC comprendrait 7 ETP, complétés par des recrutements temporaires sur contrat durant les périodes de conventions citoyennes.
Le rapporteur spécial salue ces créations de postes à venir au sein de la DPC, qui serait dès lors plus à même de pouvoir gérer toutes les missions qui lui incombent. La consécration d'une DPC dotée d'une véritable équipe est en effet un des moyens de professionnaliser la compétence de participation citoyenne du CESE prévue par la loi organique du 15 janvier 2021 et aura en principe pour effet de réduire le recours aux prestataires extérieurs.
2. Une organisation des conventions citoyennes particulièrement lourde et marquée par un début d'internalisation des compétences d'animation
a) Une structure ad-hoc dirigée par un comité de gouvernance
Bien qu'organisées par le CESE, les deux conventions citoyennes ont eu chacune leur organisation propre, avec une place centrale accordée au comité de gouvernance dans l'organisation des travaux des conventions et leur indépendance.
Infographie des différents acteurs de la
convention citoyenne
sur la fin de vie
Source : Site de la convention citoyenne sur la fin de vie
Dans le cadre de la convention citoyenne sur la fin de vie (CCFV), le comité de gouvernance était composé de 14 membres nommés par le président du CESE, dont six membres du CESE choisis principalement au regard de leurs expériences passées en matière de participation citoyenne et huit personnalités extérieures53(*).
Le comité de gouvernance de la CCFV se distingue de la CCC par sa présidence et sa composition. En effet, il a eu une présidence unique en la personne de Claire Thoury, membre du CESE, tandis que le comité de gouvernance de la CCC avait été co-présidé par deux personnalités extérieures au CESE. Par ailleurs, le comité de gouvernance n'a pas intégré en son sein de citoyens de la CCFV54(*), même si quatre citoyens tirés au sort sur la base du volontariat ont été invités, à l'issue de chaque session de la convention, à des réunions de mise au point du comité de gouvernance.
Le comité de gouvernance a vocation à se prononcer sur les points structurants de l'organisation et du déroulé des conventions citoyennes. Ainsi, le comité de gouvernance de la CCFV a tout d'abord acté les critères de sélection des citoyens tirés au sort.
Le tirage au sort des 185 citoyens dans le cadre de la CCFV55(*)
Le tirage au sort des citoyens a été opéré par l'institut Harris Interactive sur la base de cinq critères arrêtés par le comité de gouvernance de la CCFV :
- Le sexe ;
- L'âge ;
- La situation géographique (région et typologie d'aire urbaine) ;
- Le niveau de diplôme ;
- La catégorie socioprofessionnelle.
Afin de prévenir les risques de déperdition, le comité de gouvernance a décidé de recruter environ 180 citoyens, pour qu'il y ait au moins 150 citoyens toujours présents à la fin des travaux de la convention, et ce malgré les éventuels abandons56(*).
Après plusieurs échanges sur la définition des besoins de fin septembre à début octobre, le recrutement des citoyens tirés au sort par Harris Interactive a duré sept semaines. Ce processus s'est décomposé en trois étapes :
- le 25 octobre 2022, des numéros de téléphone éligibles sur une base de 100 000 numéros de téléphones portables, générés de manière aléatoire à partir de 270 millions de numéros fournis par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), ont été tirés au sort. Ce tirage au sort s'effectue sous contrôle d'huissier pour éviter toute contestation par la suite ;
- du 26 octobre au 30 novembre, les numéros ont été appelés. Cette opération de mobilisation téléphonique a été opérée par la société Le Terrain, avec laquelle Harris Interactive travaille depuis 1998, notamment dans le cadre des opérations électorales. Dans ce contexte, les titulaires de ces lignes ont été interrogés pour recueillir leur intérêt et valider leur profil, au regard des critères retenus ;
- les personnes ont ensuite confirmé leur présence après plusieurs échanges visant à répondre à toutes les questions et une convention, renvoyée ensuite au CESE, leur a été adressée.
Au final, 185 citoyens ont été tirés au sort. Au cours des travaux, seules deux personnes ont démissionné pour des raisons personnelles57(*).
Le comité de gouvernance de la CCFV a aussi défini le calendrier et l'organisation des sessions, validé les principes de communication au cours des sessions, défini les méthodologies de délibération qui ont eu vocation à guider l'animation des sessions, arrêté les profils de personnes invitées à s'exprimer devant la convention en fonction des critères d'objectivité scientifiques, de diversités des points de vues et d'éthique.
Un recours au vote fréquent lors des neuf
sessions de la convention citoyenne
sur la fin de vie58(*)
Le calendrier de la convention citoyenne, défini par le comité de gouvernance, s'est décomposé en neuf sessions, qui se déroulaient à chaque fois sur trois jours59(*) :
- Sessions 1 et 2 : Phase d'appropriation et de rencontres ;
- Sessions 3 à 6 : Phase de délibération ;
- Sessions 7 à 9 : Phase d'harmonisation et restitution des travaux.
La convention devait initialement rendre ses travaux le 19 mars 2023, mais la grève reconductible dans les transports publics en réaction à la réforme des retraites a entraîné un report des deux dernières sessions sur les week-ends du 17 au 19 mars et du 31 mars au 2 avril.
Les quatre sessions de délibération ont constitué le coeur de cette convention citoyenne sur la fin de vie, avec deux grands temps délibératifs. Les sessions 3 et 4 ont permis aux citoyens de construire de nombreuses propositions et constats, sur la base des thématiques qu'ils ont identifiées comme prioritaires en session 2. Ces éléments ont permis d'identifier les « noeuds de débats », c'est-à-dire les points créant de la controverse au sein du collectif. Les sessions 5 et 6 ont ainsi été dédiées au traitement de ces noeuds de débats, en travaillant sur l'argumentation et la contre-argumentation.
Hélène Landemore, membre du comité de gouvernance, a relevé un recours au vote fréquent et bien plus abouti qu'il ne l'avait été lors de la convention citoyenne pour le climat. Les votes de tendance ont permis de donner le « positionnement » des citoyens sur les orientations de réponse à la question de la Première ministre. Ces votes ont été utiles pour les citoyens qui souhaitaient savoir où ils se plaçaient et pour connaître les priorités du collectif en vue d'approfondir certains sujets. Les votes de décision ont été utilisés pour arbitrer sur les éléments à garder ou supprimer du livrable final ainsi que pour se positionner sur les 105 propositions sur des thématiques transverses. Enfin, les votes de méthode ont servi pour définir collectivement la méthode de rédaction du livrable, ainsi que son plan et sa forme notamment.
Le processus de rédaction du livrable a fait l'objet de votes à différents niveaux, sur la méthode de rédaction, le plan du document final, l'intégration des votes ou non dans le document final et sur l'adresse des citoyens dans le document final.
En parallèle, des garants ont notamment pour mission de se prononcer sur le respect des modalités de participation établies par le comité de gouvernance, de veiller à la représentation de la pluralité des points de vue parmi les auditions réalisées et les experts reçus par la convention, ainsi qu'à l'accessibilité des contenus par le grand public et de certifier le résultat des votes.
Des membres de la Commission nationale du débat public (CNDP) devaient initialement garantir les travaux de la CCFV. Suite à des désaccords avec le comité de gouvernance lors de la première réunion de travail, le bureau du CESE a décidé de faire appel à un collège de garants internationaux, nommés par le président du CESE60(*).
Enfin, au-delà de la création de structures spéciales à la convention citoyenne sur la fin de vie, cette dernière a mobilisé le CESE dans son entièreté, avec de nombreux agents issus des différentes directions.
Durant toute la durée de la convention, environ 100 agents du CESE ont été mobilisés, soit deux tiers des effectifs : 40 personnes pour la sécurité, l'accueil et la logistique, une trentaine de facilitateurs et vérificateurs de fait pour l'animation des sessions, toute la direction de la participation citoyenne, trois agents de la direction de la communication, l'ensemble du comité de direction du CESE et du cabinet du président du CESE. Pour chaque journée de session de la convention citoyenne, 50 agents étaient mobilisés en moyenne61(*). De plus, quatre recrutements en contrat court ont été opérés pour la durée de la convention : deux contrats à durée déterminée (CDD) pour la direction de la participation citoyenne (cf. infra) avec un poste de chargé d'accueil des citoyens et un poste de chargé de mission, un CDD de chargé de la prise en charge et du paiement des frais divers des citoyens à la direction administrative et financière et un CDD de chargé de communication digitale à la direction de la communication.
Il apparaît donc que les conventions citoyennes nécessitent une organisation particulièrement poussée, à laquelle la convention citoyenne sur la fin de vie n'a pas fait exception. Celle-ci, qui a été convoquée en des temps très contraints, a une nouvelle fois fait appel à des prestataires extérieurs.
b) Un recours toujours accru aux prestataires extérieurs guidé par un manque de compétences internes en matière d'animation
En dehors des tâches logistiques de ménage et de restauration, le CESE a recours à deux types de prestations extérieures dans le cadre de la convention citoyenne sur la fin de vie : le tirage au sort effectué par les sociétés Harris Interactive et Le Terrain, d'une part, et l'animation confiée à la société Eurogroup.
Si le tirage au sort requiert une expertise particulière ponctuelle en amont du processus de consultation des citoyens, le recours à des prestataires extérieurs est moins évident en matière d'animation. En effet, cette compétence, qui consiste principalement à faciliter les débats entre citoyens tout au long de la convention et à regrouper et synthétiser les échanges, est au coeur de la nouvelle mission conférée au CESE par la loi organique du 15 janvier 2021.
La société Eurogroup Consulting, déjà en charge de l'animation pour la convention citoyenne pour le climat, a été recrutée par le CESE le 3 novembre 2022 pour animer la convention citoyenne sur la fin de vie62(*).
Elle a proposé au CESE un consortium avec trois de ses sous-traitants : Planète citoyenne, Stratéact Dialogue63(*) et Ezalen. Eurogroup Consulting a donc constitué un collectif d'animation intégrant ses trois sous-traitants, mais aussi des facilitateurs graphiques, issus du réseau de partenaires d'Eurogroup Consulting.
Les prestations d'animation demandées64(*) par le CESE se sont décomposées en deux phases :
- une phase de cadrage de l'animation durant laquelle le collectif d'animation était en charge de proposer des méthodes d'animation innovantes, inclusives et intégrant en son sein la question de la charge mentale des citoyens. Ainsi, il a dû proposer à la direction de la participation citoyenne un chemin pédagogique global et des protocoles pour chaque session. Ces éléments ont tous été validés par la direction de la participation citoyenne avant d'être proposés au comité de gouvernance.
- une phase de mise en oeuvre de l'animation au cours des neuf sessions.
Par ailleurs, le CESE a requis la constitution d'une équipe coeur au sein du collectif d'animation, composée de douze membres représentant les quatre sociétés (un directeur d'équipe, deux coordinateurs et neuf membres). Elle a été chargée d'accompagner activement la direction de la participation citoyenne pendant toute la durée de la convention citoyenne sur la fin de vie. Par ailleurs, sur décision du comité de gouvernance et par souci de respecter les délais impartis pour la production du rapport, l'équipe coeur a constitué un document prérédactionnel au rapport final des citoyens.
Chaque session de la convention citoyenne sur la fin de vie a été animée par un collectif d'animation de 27 personnes assurant les rôles d'animateurs, de facilitateurs et de coachs.
Un collectif d'animation diversifié et adapté à la question de la fin de vie65(*)
Le collectif d'animation de la convention citoyenne sur la fin de vie incluait à chaque session 20 animateurs ou facilitateurs, quatre coachs66(*) et trois facilitateurs graphiques.
La conduite des travaux de la convention citoyenne sur la fin de vie a alterné entre sessions plénières et sessions en groupes de citoyens. Pour les sessions en groupes, les citoyens étaient répartis par tirage au sort en grands groupes de 60 personnes pour les deux premières sessions puis de 30 personnes par la suite, divisés pour certains ateliers en sous-groupes d'une dizaine de citoyens.
Les animateurs et facilitateurs ont eu les mêmes missions, les animateurs étant simplement plus expérimentés en matière d'animation. C'est ainsi que chaque grand groupe a été piloté par un binôme d'animateurs, appuyés de facilitateurs. Ces derniers ont quant à eux animé les sous-groupes d'une dizaine de citoyens, avec un rôle de plus grande proximité.
Les animateurs ou facilitateurs avaient pour mission d'animer les débats en veillant à la répartition et à la distribution équitables de la parole entre citoyens, dans le respect du temps dédié à chaque atelier. Ils étaient ainsi les « maîtres des horloges » du déroulé des sessions. Par ailleurs, ils ont dû réaliser les comptes rendus des ateliers en sous-groupes et harmoniser les productions avec les autres sous-groupes.
Les coachs, répartis dans les grands groupes, ont effectué des entretiens individuels, à la demande des citoyens ou des animateurs, lors de difficultés vécues par les participants. La société Ezalen, qui a fourni les coachs, a défini ces derniers comme étant des « accompagnants volants de la charge mentale ». Il apparaît que cette catégorie de prestataires extérieurs est spécifique au sujet traité de la fin de vie et n'aura pas lieu d'être pour des conventions citoyennes sur d'autres sujets.
Enfin, les facilitateurs graphiques observaient les délibérations en petits groupes et grands groupes afin de les retranscrire en schémas ou dessins. Ces schémas devaient synthétiser les informations et faciliter la prise de décision, et ont d'ailleurs été parfois intégrés au rapport final sur demande des citoyens.
Sur les 27 personnes du collectif d'animation, 22 étaient issus des quatre sociétés prestataires extérieures. Outre une simple déclaration à la demande de leurs employeurs sur le point de savoir s'ils avaient des engagements personnels qui pourraient limiter leur neutralité dans la conduite des travaux, ces personnes ne présentent pas de garanties d'indépendance.
Pour la première fois, au minimum cinq agents du CESE ont été intégrés à chaque session au collectif d'animation en qualité de facilitateurs, à la demande de l'institution, afin qu'ils commencent à s'approprier les différentes méthodes d'animation. Ces personnels du CESE étaient majoritairement des administrateurs ou des administrateurs-adjoints, soit des agents de catégorie A.
Composition du collectif d'animation pour les neuf sessions de la CCFV
Source : Commission des finances du Sénat, d'après les données d'Eurogroup Consulting
Le CESE n'a pour l'instant pas été en mesure d'assurer davantage en propre l'animation des conventions citoyennes car les agents n'ont pas encore été formés. Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé à destination de l'ensemble des agents du CESE. À ce jour, une quarantaine d'agents y sont inscrits. Par ailleurs, selon les informations transmises au rapporteur spécial, un marché subséquent a été ouvert pour sélectionner le prestataire chargé de la formation, dont la première partie aura lieu au début de l'été 2023.
Le rapporteur spécial salue cet effort d'internalisation des compétences d'animation, qui a pour l'instant été limité en l'absence de mise en place d'un plan de formation défini dès l'entrée en vigueur de la loi organique du 15 janvier 2021.
Cette internalisation a toutefois vocation à s'intensifier puisque dans le cadre des deux saisines à venir sur le financement de la perte d'autonomie et sur l'avenir de l'élevage, le CESE n'aura recours à aucun prestataire extérieur pour l'animation des ateliers participatifs qui auront lieu en septembre.
B. UN COÛT ALÉATOIRE DES DISPOSITIFS AGRÉGÉS CONDUISANT À UN MANQUE DE PRÉVISIBILITÉ BUDGÉTAIRE DE LA PARTICIPATION CITOYENNE
1. Le coût globalement plus resserré de la Convention citoyenne sur la fin de vie relativement à celle sur le climat
a) Un coût plus maîtrisé malgré des prestations d'animation représentant encore un tiers du budget
Selon les informations transmises par le CESE au rapporteur spécial en avril 2023, les dépenses pour la convention citoyenne sur la fin de vie se sont élevées à 4,7 millions d'euros, soit 20,3 % de moins que celles de la convention citoyenne pour le climat, de l'ordre de 5,9 millions d'euros.
Ce différentiel de 1,2 million d'euros peut notamment s'expliquer par une baisse du montant des prestations versées aux cabinets de conseil, de l'ordre de - 0,71 million d'euros, soit quasiment 34 % de moins que pour la convention citoyenne pour le climat.
Budget des deux conventions citoyennes
organisées par le CESE
par poste de dépenses
(en euros)
Source : Commission des finances du Sénat, d'après les informations transmises par le CESE
Le début d'internalisation des compétences, par l'intégration de cinq agents du CESE dans le collectif d'animation à chaque session de la convention, a permis d'économiser 0,3 million d'euros sur un total d'économies de 0,71 million d'euros. La maîtrise des dépenses d'animation issue d'une internalisation des compétences peut toutefois être légèrement relativisée.
Tout d'abord, la baisse des différents postes de dépenses s'explique par le fait que le calendrier de la convention citoyenne sur la fin de vie a été tenu sur cinq mois, contrairement à celui de la convention citoyenne pour le climat, dont le calendrier avait été bouleversé par la crise sanitaire.
Ensuite, les dépenses d'animation allouées à la société Eurogroup Consulting et ses trois sous-traitants ainsi que les facilitateurs graphiques représentent toujours le même ratio de l'ordre de 30 % du budget total que pour la convention citoyenne pour le climat. Pour cette dernière, ces dépenses représentaient 2,1 millions d'euros pour un budget total de 5,9 millions d'euros, soit 35 %. Pour celle sur la fin de vie, ces dépenses s'élèvent à 1,4 million d'euros pour un montant total de 4,7 millions d'euros, soit 30 %.
Répartition de la
rémunération entre les prestataires
en charge de l'animation
de la CCFV
(en millions d'euros)
Eurogroup Consulting |
Planète Citoyenne |
Stratéact Dialogue |
EZALEN |
Graphistes |
TOTAL |
0,54 |
0,24 |
0,24 |
0,24 |
0,14 |
1,40 |
Source : Eurogroup Consulting
La rémunération des différents cabinets de conseil assurant l'animation de la convention citoyenne sur la fin de vie a été définie en fonction de leur contribution à l'équipe coeur tout au long de la convention et au nombre de facilitateurs mobilisés par structure. Par ailleurs, la société Eurogroup Consulting a appliqué des frais de gestion de l'ordre de 3,5 % sur la rémunération effective de ses sous-traitants.
Il convient de relever que la rémunération des prestataires extérieurs constitue aussi une part importante du coût des consultations en ligne. En 2022 par exemple, pour les avis sur les métiers de la cohésion sociale et sur la sobriété, 70 % des dépenses ont été destinées au paiement de la plateforme et à l'animation de la journée délibérative.
Au niveau local, la rémunération des prestataires extérieurs en charge de l'animation représente également une majeure partie du budget. À titre d'exemple, pour la convention citoyenne pour le climat de la métropole Grenoble-Alpes, ce poste de dépense équivaut à 50 % du budget.
La convention citoyenne pour le climat de la métropole Grenoble-Alpes67(*)
Par une décision du 29 janvier 2021, le conseil métropolitain a décidé du lancement d'une convention citoyenne pour le climat à l'échelle de la métropole, en se basant notamment sur le plan climat Air Énergie métropolitain pour 2020-2030.
Le coût de cette convention a été de l'ordre de 0,5 million d'euros sur le budget de fonctionnement de la métropole, qui s'élève à 600 millions d'euros. Le tirage au sort des 150 citoyens a été réalisé par la société COHDA, pour un montant de l'ordre de 40 000 euros. L'animation des citoyens a été confiée à la société Res Publica pour 212 000 euros. 30 agents de la métropole volontaires ont aussi appuyé l'équipe de Res publica et ont reçu une formation méthodologique à cet effet.
Budget de la convention citoyenne métropolitaine pour les années 2021, 2022 et 2023 par poste de dépense
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la métropole Grenoble-Alpes
Un comité opérationnel, composé de dix universitaires, nommés intuitu personae par la métropole, a été chargé de diriger les travaux de la convention. Deux citoyens tirés au sort parmi les volontaires ont été intégrés à ce comité avec voix délibérative. Afin d'assurer l'indépendance des travaux de la convention, un conseiller méthodologique a été nommé par la Commission nationale du débat public (CNDP). Sur sa proposition, le président de la métropole a nommé un collège de trois garants pour s'assurer du respect des principes d'impartialité et de sincérité pendant le déroulé des cinq sessions les week-ends de mars à octobre 2022.
Les 246 propositions des citoyens ont été présentées en conseil métropolitain extraordinaire le 28 avril 2023. Les propositions complexes ou suscitant un débat important au sein du conseil métropolitain ont vocation à faire l'objet d'une votation citoyenne sous forme d'avis consultatif.
b) Des gains annulés par une hausse des frais de prise en charge des citoyens
Les économies issues des prestations d'animation ont été quasiment toutes annulées par la hausse des frais de prise en charge des citoyens pour cette convention citoyenne sur la fin de vie. Les frais de restauration, d'hébergement et de transport des 185 citoyens se sont élevés à 1,5 million d'euros, ce qui représente une hausse de 0,68 million par rapport à la convention citoyenne pour le climat. Ainsi, 32 % du budget total a été attribué aux frais de prise en charge des citoyens.
Outre le nombre de citoyens légèrement plus important, cette augmentation s'explique principalement par l'absence de négociation possible des prix du transport et de l'hébergement des citoyens pour cette convention citoyenne. En effet, pour la convention citoyenne pour le climat, la société nationale des chemins de fer français (SNCF), en raison du sujet de la convention en lien avec son activité, avait accepté de prendre en charge le prix des billets à hauteur de 75 %. Par ailleurs, le logement des citoyens dans la capitale est plus coûteux le week-end, et d'autant plus lorsque les sessions de la convention se superposent avec d'autres évènements organisés à Paris.
S'agissant des autres postes de dépenses, ils ont été globalement moins élevés que pour la convention citoyenne pour le climat, à raison de la durée moins longue de la convention citoyenne sur la fin de vie. Excepté la prise en charge des citoyens, le seul poste de dépenses qui a connu une légère augmentation de 71 000 euros est le tirage au sort des citoyens. Il y a eu en effet plus de citoyens tirés au sort et plus de refus selon le CESE, ce qui explique cette hausse.
Si les coûts ont été plus maîtrisés que pour la dernière convention citoyenne, force est de constater toutefois que les dépenses ont été plus élevées qu'anticipées et dépassent déjà la somme de 4,2 millions d'euros allouée à tous les dispositifs de participation citoyenne au CESE pour l'année 2023.
2. Un coût de la participation citoyenne atteignant déjà les crédits alloués en loi de finances initiale en 2023
a) Des dispositifs plus coûteux que prévus de nature à nuire à la sincérité budgétaire
Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 15 janvier 2021, le coût de la participation citoyenne a toujours fait l'objet d'une évaluation difficile pour le CESE, de nature à nuire à la sincérité budgétaire.
Dans un premier temps, le CESE a mis du temps à se saisir de tous les dispositifs de participation citoyenne, si bien que les crédits débloqués par le Gouvernement68(*) n'étaient pas consommés. Sur les années précédentes, les crédits n'ont été que partiellement utilisés. En 2020 par exemple, sur ces 4,2 millions d'euros, seul un million aura été utilisé pour financer le surcoût de la prolongation de la convention citoyenne pour le climat. Les 3 millions restants n'ont été que partiellement dégelés. La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a par conséquent procédé à l'annulation d'une partie de ces crédits, à hauteur de 2,5 millions d'euros.
Aujourd'hui, la tendance tend à s'inverser dès lors qu'au mois de juin 2023, le CESE a déjà dépensé l'ensemble des crédits alloués à tous les dispositifs de participation citoyenne en loi de finances initiale en 2023. Le coût de la convention citoyenne sur la fin de vie dépasse à lui seul l'enveloppe de 4,2 millions dédiée à tous les dispositifs.
Le CESE avait prévu une enveloppe de 3,05 millions d'euros pour la convention citoyenne sur la fin de vie avant les préconisations du comité de gouvernance et les premiers entretiens avec les prestataires. C'est finalement ce poste de dépenses qui a connu la plus forte variation, avec un coût supérieur à 70 % de plus qu'anticipé.
Différentiel des postes de dépenses
de la CCFV entre les prévisions
et leur exécution au
1er mars 2023
(en millions d'euros)
Source : Commission des finances du Sénat, d'après les informations communiquées par le Conseil économique, social et environnemental
En incluant le coût de la convention citoyenne sur la fin de vie, le CESE a dépensé, au 1er mai 2023, 5,1 millions d'euros pour tous les dispositifs de participation citoyenne69(*) mis en place.
Pour le reste de l'année 2023, le CESE a communiqué au rapporteur spécial ses prévisions de dépenses, estimées, au 1er juin 2023, à 0,52 million d'euros :
- 320 000 euros sont prévus pour les saisines dites « participatives » (200 000 euros pour le thème du financement de la perte d'autonomie, 20 000 euros pour l'avenir de l'élevage, 40 000 euros pour l'école de la réussite et 60 000 euros pour l'éducation à la sexualité) ;
- 35 000 euros devraient être consacrés aux partenariats (20 000 euros alloués dans le cadre des Rencontres européennes de la participation citoyenne et 15 000 euros dans le cadre du lancement de la revue « Démocratie(s) » de l'institut de la concertation et de la participation citoyenne) ;
- 15 000 euros seront dédiés à la formation des 40 personnes volontaires au CESE pour devenir animateurs ;
- 150 000 euros sont envisagés au titre de la redevabilité de la convention citoyenne sur la fin de vie. Ce budget sera dédié aux frais liés au portage de l'avis par les citoyens, avec notamment les frais de transport et d'hébergement des citoyens dans le cadre des différents rendez-vous institutionnels et la session de redevabilité visant à faire le point sur les suites données aux recommandations de la convention citoyenne sur la fin de vie.
Par ailleurs, la mise en place de la plateforme des pétitions, développée par Open Source Politics, s'élève à 85 000 euros en phase de création initiale70(*).
Au total, si ces dépenses sont exécutées, le CESE aura dépensé 5,7 millions d'euros pour les dispositifs de participation citoyenne en 2023, soit 36 % de plus que l'enveloppe initiale de 4,2 millions d'euros. Par ailleurs, le CESE anticipe de dépenser 0,52 million d'euros de plus pour le reste de l'année, et ce, alors même qu'au 1er juin 2023, le budget total dédié à la participation citoyenne a déjà été dépassé de presque un million d'euros.
Ce dépassement anticipé de l'enveloppe initiale de l'ordre de 1,5 million d'euros peut être de nature à nuire au principe de sincérité budgétaire.
b) Une demande de six millions d'euros par an pour financer la participation citoyenne en décalage avec l'objectif d'organisation d'une convention citoyenne tous les 18 mois
Partant du constat que le budget de 4,2 millions d'euros n'a même pas suffi à couvrir le coût de la convention citoyenne sur la fin de vie, le CESE a engagé en janvier 2023 des négociations avec la direction du budget pour obtenir dès le prochain projet de loi de finances un montant annuel de 6 millions d'euros pour la participation citoyenne. Cette somme permettrait au CESE d'absorber les coûts des conventions citoyennes, qui seront nécessairement à cheval sur deux exercices budgétaires.
Au 1er juin 2023, le CESE n'a pas eu de retour concernant cette demande de hausse du budget. Il lui a toutefois été indiqué lors de la conférence technique en mai dernier que le montant des crédits alloués dépendra des annonces présidentielles sur les nouvelles conventions citoyennes organisées par le CESE.
Cette situation appelle deux remarques de la part du rapporteur spécial.
En premier lieu, si une convention citoyenne est organisée tous les 14 à 18 mois, le rapporteur spécial doute de la nécessité pour le CESE d'obtenir un budget de 6 millions d'euros par an pour tous les dispositifs de participation citoyenne. En effet, des crédits seront nécessairement annulés l'année « creuse » de la convention citoyenne.
En second lieu, le rapporteur spécial attire l'attention de nouveau sur le potentiel inflationniste du budget dédié à la participation citoyenne, qui ne saurait augmenter de 1,5 million d'euros par an. Les dépenses doivent être dès lors contenues pour pallier cette trajectoire exponentielle.
III. UN ENCADREMENT NORMATIF ET BUDGÉTAIRE NÉCESSAIRE DES DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE DANS LE CONTEXTE DE LEUR SYSTÉMATISATION AU CESE
A. UNE PROCÉDURALISATION REQUISE DES DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE, CENTRALISÉS AU CESE
1. Clarifier les règles applicables aux conventions citoyennes ainsi que leur gouvernance
a) Le besoin d'une répartition plus claire des rôles, notamment entre animateurs et citoyens, afin d'éviter toute influence sur le sens de la délibération
La question de la distinction des fonctions entre les diverses parties prenantes aux conventions citoyennes est centrale dès lors qu'elle participe de leur légitimité procédurale. Plus particulièrement, le rôle des animateurs est finalement peu questionné, alors même qu'ils peuvent avoir une influence majeure sur la décision finale. À ce titre, l'OCDE relève que « leur rôle est essentiel pour accompagner les participants jusqu'au stade de la formulation de leurs propres recommandations, tout en faisant preuve de neutralité et en se gardant d'émettre une opinion sur les propositions. Pour cette raison, il importe que les animateurs ne soient pas intéressés à l'issue du processus -- ils doivent être totalement indépendants, notamment vis-à-vis de l'autorité publique à l'initiative du processus »71(*). L'indépendance est également l'un des principes clés de l'animation et de la facilitation des conventions citoyennes pour la fondation newDemocracy et le Fonds des Nations Unies pour la démocratie72(*).
Or, force est de constater qu'actuellement les animateurs recrutés par des prestataires extérieurs ne présentent aucune garantie d'indépendance. La détention ou non d'engagements personnels vis-à-vis du thème de la consultation ou convention citoyenne est opérée uniquement sur une base déclarative.
Il ne s'agit pas de remettre en cause la qualité du travail d'animation, les citoyens étant souvent globalement satisfaits de celle-ci73(*), mais de reconnaître leur pouvoir d'influence sur le sens de la décision, qui n'est pas forcément conscientisé par ailleurs. La question d'une séparation des fonctions plus claire avec les citoyens et leurs garanties d'indépendance est d'autant plus importante que les animateurs peuvent être amenés à participer à l'élaboration du rapport final. En effet, dans le cadre de la convention citoyenne sur la fin de vie, le collectif d'animation, majoritairement composé de personnels recrutés par les prestataires extérieurs, a été en charge de rédiger un document pré-rédactionnel du rapport final74(*).
Le rapporteur spécial estime donc que les animateurs des conventions citoyennes, mais aussi des journées délibératives au CESE, doivent présenter des garanties d'indépendance.
Pour l'instant, ces garanties pourraient être fixées par un règlement de procédure élaboré par le CESE. L'intérêt de recourir à un règlement de procédure est qu'il peut être adapté par le CESE au fil des exercices délibératifs, avant une cristallisation éventuelle dans un texte normatif plus élevé lorsque le CESE aura suffisamment de recul par rapport aux exigences requises en termes d'indépendance et d'impartialité.
Le rapporteur tient à souligner que le renforcement des garanties d'indépendance va de pair avec l'internalisation des compétences. En effet, outre l'intérêt budgétaire d'internaliser cette compétence, le statut d'agent public comprend de telles garanties.
Par ailleurs, le rapporteur insiste sur la répartition nécessaire des rôles entre citoyens et animateurs, intrinsèquement liée aux garanties d'indépendance que doivent présenter les animateurs.
Recommandation n° 1 : Accroître les garanties d'indépendance exigées pour les animateurs, dont le rôle doit être clairement distingué de celui des citoyens.
Plus largement, le rapporteur spécial estime qu'un règlement de procédure relatif aux conventions citoyennes doit contenir des exigences d'indépendance et d'impartialité pour toutes les parties prenantes aux conventions, et notamment les membres du comité de gouvernance et les experts auditionnés. De même, le caractère contradictoire des débats entre experts participe de la compréhension éclairée des enjeux par les citoyens. Les garanties fixées par la loi organique du 15 janvier 2021 sont en effet minimales, son article 4 se bornant à énoncer que des exigences de sincérité, d'égalité, de transparence et d'impartialité, s'appliquent aux consultations des citoyens.
Dans ce cadre, les citoyens d'une convention citoyenne finissante pourraient léguer à la suivante un mémento grâce au recul acquis. Au regard de la pertinence des remarques constatées par les citoyens, le CESE pourrait enrichir à la marge le règlement de procédure applicable aux conventions citoyennes.
Recommandation n° 2 : Codifier les règles applicables aux conventions citoyennes, et notamment les exigences d'indépendance, d'impartialité et de contradictoire, au sein d'un règlement de procédure interne au CESE, enrichi le cas échéant par les propositions des citoyens de chaque convention citoyenne finissante.
Enfin, s'agissant des règles applicables spécifiquement aux citoyens participants, le rapporteur spécial relève leur absence de véritable statut, à l'instar de ce qui existe pour les jurés d'assises. À terme, avec la répétition des exercices participatifs, un tel statut pourrait être envisagé, incluant le principe des autorisations d'absence pour les citoyens et l'indemnité allouée aux citoyens. En effet, pour l'heure, les citoyens doivent négocier des autorisations d'absence avec leur employeur, ce qui peut avoir pour effet d'exclure certains d'entre eux. De même, l'indemnisation des citoyens de l'ordre de 80 euros par jour relève aujourd'hui de la pratique.
b) Insuffler davantage de pluralisme dans la gouvernance des conventions citoyennes
Le rapporteur spécial estime que le pluralisme doit devenir la règle, tant du point de vue de la présidence que de la composition du comité de gouvernance.
Tout d'abord, les présidences des comités de gouvernance ont été variables en fonction des circonstances politiques. La co-présidence de la convention citoyenne pour le climat était le fruit d'une négociation entre le gouvernement et les associations environnementales suite au mouvement des gilets jaunes. Ce modèle de présidence plurielle a davantage les faveurs du rapporteur spécial que la présidence unique de la convention citoyenne sur la fin de vie par un membre du CESE, nommé par son président.
Ensuite, en ce qui concerne la composition du comité de gouvernance, le rapporteur spécial considère qu'il doit y avoir une représentation équilibrée des membres du CESE, qui ne sauraient constituer la majorité au sein du comité de gouvernance. Ainsi, les membres nommés par le président du CESE pourraient respecter la règle du tiers, ce qui est d'ailleurs presque le cas dans la pratique dès lors que le comité de gouvernance de la convention citoyenne sur la fin de vie était composé à 42 % de membres du CESE. Le rapporteur spécial propose de réduire à l'avenir cette proportion à 30 %.
De plus, le rapporteur spécial regrette l'absence de présence systématique de citoyens participants à la convention au sein du comité de gouvernance. L'exclusion de citoyens revient à faire des conventions citoyennes des assemblées gouvernées, ce qui contrevient à la philosophie des consultations citoyennes. Ainsi, le rapporteur spécial estime que deux à trois citoyens volontaires, tirés au sort au sein de l'assemblée citoyenne, devraient représenter les citoyens au sein du comité de gouvernance pour toutes les conventions citoyennes. Le rapporteur spécial juge en effet contre-productif de laisser une marge de manoeuvre au comité de gouvernance sur l'intégration ou non de citoyens participants en son sein.
Recommandation n° 3 : Renforcer le pluralisme de la gouvernance et du suivi des conventions citoyennes en instaurant une règle d'un tiers de membres du CESE au sein du comité de gouvernance, incluant nécessairement des citoyens participants.
2. Distendre le lien entre pouvoir exécutif et consultations citoyennes
a) Renforcer les liens entre conventions citoyennes et Parlement
Le rapporteur spécial constate qu'un lien est en train de se créer systématiquement entre les conventions citoyennes et le pouvoir exécutif, plus particulièrement le président de la République.
Ce lien ne s'impose pas avec évidence. D'une part, dans la majeure partie des pays de l'Union européenne, le Parlement, au titre de ses fonctions de représentation de la Nation, convoque et organise les conventions citoyennes. D'autre part, dans l'histoire de la Vème République, les premières conférences de consensus ont été organisées par le Parlement, si bien qu'une pratique parlementaire de consultation des citoyens s'y est développée75(*). À titre d'exemple, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), organe commun à l'Assemblée nationale et au Sénat, a organisé en juin 1998 une conférence sur le thème des organismes génétiquement modifiés (OGM). Une conférence de citoyens s'est tenue dans les locaux de l'Assemblée nationale, au cours de laquelle 14 citoyens sélectionnés par l'Institut français d'opinion publique (IFOP) ont été mandatés pour formuler un avis sur l'utilisation des OGM dans l'agriculture et l'alimentation, après audition publique de plusieurs experts76(*).
Le rapporteur spécial estime dès lors qu'un lien plus fort peut se constituer entre le Parlement et les conventions citoyennes, afin d'éviter un accaparement de ces dispositifs par le pouvoir exécutif, confiés ensuite au CESE dans ses modalités d'organisation.
Tout d'abord, des liens informels peuvent se créer via l'audition des citoyens ayant participé à une convention citoyenne au sein des assemblées parlementaires dans le cadre de mission d'information ou au moment de la traduction législative des propositions issues d'une convention citoyenne. Le Sénat a déjà entamé cette pratique puisque la présidente du comité de gouvernance, Claire Thoury, ainsi que trois citoyens de la convention citoyenne sur la fin de vie ont été auditionnés par la commission des affaires sociales du Sénat le 7 juin dernier, dans le cadre de la mission d'information sur la fin de vie.
Ensuite, le Parlement pourrait être plus impliqué dans le processus des conventions citoyennes. L'article 4-3 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental permet d'ailleurs le déclenchement de ces conventions par le Parlement. Il convient de relever que les assemblées parlementaires développent déjà des outils participatifs. Le Sénat dispose par exemple d'une plateforme de pétitions en ligne afin de déposer des pétitions ou bien soutenir des pétitions déjà publiées. Les pétitions ayant recueilli au moins 100 000 signatures dans un délai de six mois sont transmises à la Conférence des Présidents, qui peut décider d'y donner suite. Le Sénat a aussi mis en place des outils de consultation des élus locaux via une plateforme de consultation, qui regroupe plus de 35 000 élus locaux inscrits depuis la mise en place de la plateforme en juin 201877(*).
Recommandation n° 4 : Renforcer les liens informels entre Parlement et conventions citoyennes et développer une implication plus directe des assemblées parlementaires dans le déclenchement des conventions citoyennes.
b) Centraliser tous les dispositifs de consultation des citoyens au CESE
Lors de son lancement en août 2022, le Sénat a fait le choix de ne pas participer au Conseil national de la refondation (CNR). Le président Larcher a soutenu le fait que le CNR était perçu « comme une forme de contournement du Parlement ». Le CESE a été représenté dans le CNR plénier par son président, Thierry Beaudet, et par Eric Leung-Sam-Fong, président de la délégation aux Outre-mer.
Alors que plusieurs CNR thématiques ont été organisés sur le travail, le logement, le climat et la biodiversité, le bien vieillir, force est de constater que ces sujets sont ou ont déjà été traités par le CESE, qui avait déjà pu associer des citoyens tirés au sort sur ces sujets. Par exemple, sur le climat et la biodiversité, le CESE a déjà été le lieu d'organisation de la convention citoyenne pour le climat. Plus récemment, le CESE a lancé une consultation publique en ligne ainsi qu'une journée délibérative dans le cadre de son avis sur la sobriété. De même, il a adressé un questionnaire en ligne sur les défis à relever face aux dérèglements climatiques pour le travail.
Par ailleurs, les conclusions des travaux du CNR logement de juin 2023 ont été décevantes. La commission des affaires économiques du Sénat a relevé à ce propos qu' « aujourd'hui, l'espoir de refondation et d'un État stratège a cédé la place à la déception et la désillusion. Il ne reste des travaux du CNR-Logement que des mesures techniques, partielles et de court terme dans les annonces que s'apprêtent à faire la Première ministre »78(*).
Dans ce contexte, le rapporteur spécial est d'avis de ne pas démultiplier les dispositifs de consultation des citoyens sur les thèmes qui relèvent du champ de compétences du CESE. La loi organique du 15 janvier 2021 a entendu faire du CESE le « carrefour des consultations publiques ». Il faut donc centraliser les consultations au CESE, qui dispose d'une enveloppe budgétaire dédiée, dans le respect de l'esprit de la loi organique. Le rapporteur souligne de nouveau que ces consultations ne sauraient par ailleurs se substituer à la représentation nationale.
Recommandation n° 5 : Centraliser au CESE les dispositifs nationaux de consultation des citoyens, s'agissant des domaines économiques, sociaux et environnementaux relevant de sa compétence, ces consultations n'ayant pas vocation à se substituer à la représentation nationale.
B. UNE MAÎTRISE INDISPENSABLE DES DÉPENSES DE PARTICIPATION CITOYENNE ASSORTIE D'UNE TRAJECTOIRE
1. Limiter le coût agrégé de tous les dispositifs de participation citoyenne
a) Poursuivre l'internalisation des compétences d'animation par un renforcement de la formation
Le rapporteur spécial encourage le CESE à poursuivre l'internalisation des compétences d'animation déjà initiée lors de la convention citoyenne sur la fin de vie. Si cinq agents du CESE ont intégré le collectif d'animation pour cette convention, cet effort peut être poursuivi via un plan de formation continue non seulement pour les futures conventions citoyennes mais aussi pour tous les dispositifs délibératifs organisés par le CESE, pour lesquels il a également recours pour l'heure à des prestataires extérieurs.
Si tous les aspects des conventions citoyennes ne peuvent être internalisés, à l'instar du tirage au sort, dont l'internalisation présenterait d'ailleurs peu d'intérêt pour le CESE, l'animation est au coeur des consultations citoyennes. L'externalisation massive de cette compétence est donc peu conforme à l'esprit de la réforme organique.
Ainsi, le rapporteur spécial formule le souhait que l'animation soit complètement internalisée. Cet objectif semble à ce titre plus rapidement atteignable pour les journées délibératives au CESE qui demandent une animation moindre par rapport aux conventions citoyennes.
Recommandation n° 6 : Internaliser intégralement la compétence d'animation au CESE, via le développement d'un plan de formation continue, à court terme pour les journées délibératives et à moyen terme pour les conventions citoyennes.
b) Rationaliser plus spécifiquement les coûts des conventions citoyennes
Si la répétition des exercices délibératifs peut être source d'économies d'échelle, le rapporteur spécial a identifié trois pistes pour réduire le coût des conventions citoyennes.
En premier lieu, il propose de restreindre la durée des conventions citoyennes pour en réduire les coûts. Des sujets de consultation plus précis pourront participer à cet objectif. Sachant que la durée moyenne des assemblées citoyennes dans l'OCDE est de 18 jours, le CESE pourrait organiser 5 à 6 sessions de trois jours par convention.
En deuxième lieu, au regard du coût du logement des citoyens à Paris, des dispositifs de participation mixte, alliant des formats présentiels et numériques, pourraient être développés. Des sessions à distance pourraient être organisées spécifiquement les week-ends où les prix des hôtels sont particulièrement élevés dans la capitale à raison de l'organisation d'évènements particuliers au même moment. Le calendrier de ces évènements étant connu à l'avance, il est possible pour le CESE d'anticiper des sessions en ligne en ciblant certains week-ends.
Le choix de la méthode doit aussi bien entendu prendre en compte le thème de la session. Il faut donc ajuster la « granularité » entre les formats numériques et présentiels : “Si le numérique pose une question large, ouverte, on peut le compléter avec des tables rondes plus précises en présentiel. Ou inversement”79(*).
En dernier lieu, la négociation des prix par l'accroissement des partenariats, comme cela avait le cas pour la convention citoyenne pour le climat, peut être génératrice d'économies s'agissant des frais de transport et d'hébergement des citoyens. En lien avec la DPC, le service des marchés de la direction administrative et financière du CESE pourrait avoir la charge de ces partenariats.
Recommandation n° 7 : Mieux maîtriser les coûts des conventions citoyennes par la réduction de leur durée, l'utilisation de formats numériques ponctuels et l'accroissement des partenariats pour négocier les prix du transport et de l'hébergement des citoyens participants.
2. Accroître la prévisibilité budgétaire et la lisibilité de l'exécution des crédits alloués à la participation citoyenne
a) Définir un nombre fixe de dispositifs annuellement pour la prévisibilité budgétaire
Le rapporteur spécial constate que le CESE ne dispose pas d'un plafond fixé à l'avance l'année N-1 de dispositifs de consultation des citoyens organisés au cours de l'année à venir. Il apparaît que les dispositifs sont déployés de façon assez aléatoire, au coup par coup, sans en avoir déterminé le coût avant leur mise en oeuvre.
Cette absence de prévisibilité se traduit budgétairement par des différences importantes entre la prévision en loi de finances initiale et l'exécution, ce qui est peu conforme au principe de sincérité budgétaire. Pour rappel, pour l'année 2023, le CESE a dépensé 4,7 millions d'euros pour la convention citoyenne sur la fin de vie, 0,4 million pour les autres dispositifs et prévoit de dépenser plus de 0,5 million d'ici la fin de l'année. Même si une partie du coût de la convention citoyenne sera imputée sur l'année 2022, le CESE a déjà anticipé un dépassement de l'enveloppe initiale de 4,2 millions d'euros pour l'année 2023.
Le rapporteur spécial recommande au CESE de définir à l'avance le nombre de dispositifs qu'il compte mettre en oeuvre au cours de l'année en en évaluant leur coût, de telle sorte à respecter l'enveloppe fermée qui lui a été allouée pour la participation citoyenne.
Cette limitation doit particulièrement être appliquée pour les dispositifs présentiels, qui sont les plus coûteux. S'agissant des années où une convention citoyenne est organisée, le CESE doit concentrer les crédits sur celle-ci, en évitant de multiplier en parallèle de nombreuses journées délibératives au CESE ou des consultations plus sophistiquées impliquant des partenariats avec différents opérateurs, comme cela a été le cas pour l'avis sur les mobilités en zone peu denses.
b) Créer une action budgétaire spécifique à la participation citoyenne
L'enveloppe de 4,2 millions d'euros allouée pour la participation citoyenne est imputée sur l'action 1 -- Représentation des activités économiques et sociales, abondée de 30,2 millions d'euros pour l'année 2023. Les documents budgétaires ne permettent donc pas de suivre l'exécution des crédits dédiés à tous les dispositifs de participation citoyenne organisés au CESE. Seule la maquette de performance a été adaptée aux nouvelles missions du CESE.
De plus, la Cour des comptes relève chaque année dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire des crédits de la mission Conseil et contrôle de l'État un différentiel entre l'exécution annoncée dans les documents budgétaires et l'exécution effective selon les informations transmises par le CESE. Ces divergences s'expliquent principalement par le fait que les dépenses du CESE ne sont pas retracées dans Chorus, le système d'information comptable et budgétaire de l'État.
Face à ces incertitudes concernant l'exécution de ces crédits, le rapporteur spécial considère qu'il est nécessaire créer une action spécifique pour la participation citoyenne, ou, a minima, d'isoler la consommation des crédits de l'enveloppe budgétaire allouée à la participation citoyenne. Celle-ci est d'autant plus nécessaire que le CESE a annoncé vouloir organiser une convention citoyenne tous les 14 à 18 mois, ce qui implique nécessairement un financement de ces conventions toujours à cheval sur deux exercices budgétaires.
Recommandation n° 8 : Prévoir annuellement un nombre fixe de dispositifs de participation citoyenne, avec une évaluation ex ante de leur coût, dont l'exécution serait retracée au sein d'une action budgétaire dédiée à la participation citoyenne.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 28 juin 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Christian Bilhac, rapporteur spécial, sur l'activité du Conseil économique social et environnemental (CESE) consacrée à la participation citoyenne.
M. Claude Raynal, président. - Nous entendons maintenant une communication de M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État », sur l'activité du Conseil économique, social et environnemental consacrée à la participation citoyenne.
M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - La participation citoyenne recouvre de nombreux dispositifs relevant de la démocratie délibérative et participative. Ils se sont développés en parallèle de la démocratie représentative. Ce foisonnement de dispositifs est une tendance de fond de toutes les démocraties libérales, l'OCDE parlant même d'une « vague délibérative ».
De manière liminaire, je tiens à insister sur le fait que la participation citoyenne, aussi vertueuse soit-elle, ne saurait être la panacée permettant de résoudre par la voix éclairée de citoyens désignés par le sort des questions de société sensibles qu'il est politiquement difficile de trancher. Seule la représentation nationale bénéficie de la légitimité de l'élection et les dispositifs participatifs n'ont pas vocation à s'y substituer.
Je prône dès lors une utilisation modérée des outils de participation citoyenne, qui demeurent coûteux pour les finances publiques, mais aussi chronophages pour les citoyens.
Concernant plus précisément le CESE, sur lequel porte mon contrôle, la loi organique du 15 janvier 2021 a consacré son rôle d'organisateur des consultations citoyennes, le CESE ayant vocation à devenir le « carrefour des consultations publiques ».
Sur cette base, le CESE a développé, en plus des conventions citoyennes, de nombreux dispositifs dont certains, dans les faits, existaient déjà : des questionnaires et consultations en ligne complétés par des réunions présentielles ; des groupes de citoyens tirés au sort, intégrés à une formation de travail ou travaillant en parallèle du Conseil ; des pétitions déposées sur une plateforme spécifique. La saisine du CESE par voie de pétition est d'ailleurs le seul outil consacré dans la Constitution, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Pour financer cette myriade d'outils participatifs, le CESE dispose d'une enveloppe budgétaire de 4,2 millions d'euros entièrement fléchée vers la participation citoyenne. Le coût de la dernière convention citoyenne sur la fin de vie a toutefois été évalué, à lui seul, à 4,7 millions d'euros, ce qui représente plus de 10 % du budget du CESE en 2023. Ce budget alloué à la participation citoyenne est donc potentiellement inflationniste.
Les diverses auditions que j'ai menées au cours des derniers mois m'ont inspiré trois observations.
Premièrement, les règles applicables aux conventions citoyennes installées au CESE ne sont pas assez définies.
Nonobstant la consécration par la loi organique du 15 janvier 2021 des grands principes de sincérité, d'égalité et de transparence, aucun texte codifié ne prévoit de garanties d'indépendance, d'impartialité et de respect du principe du contradictoire pour les parties prenantes aux conventions citoyennes. L'absence de garanties d'indépendance est particulièrement sujette à caution pour les animateurs des conventions, majoritairement recrutés par des prestataires extérieurs, qui peuvent avoir une influence sur le sens de la décision, voire participer à l'élaboration du rapport final.
Mes recommandations nos 1 et 2 visent par conséquent à accroître les garanties d'indépendance exigées pour les animateurs et à codifier les règles applicables aux conventions citoyennes, notamment les exigences d'indépendance, d'impartialité et de respect du principe du contradictoire, au sein d'un règlement de procédure interne au CESE, enrichi, le cas échéant, des propositions des citoyens de chaque convention citoyenne finissante. Le fait que les citoyens tirés au sort d'une convention citoyenne finissante puissent léguer un mémento de procédure aux suivants me semble tout à fait conforme à l'esprit participatif qui anime ces exercices.
Ma recommandation n° 3 vise à insuffler davantage de pluralisme dans la gouvernance des conventions citoyennes, en diversifiant les profils au sein du comité de gouvernance et en y intégrant des citoyens choisis parmi les 150 citoyens environ sélectionnés pour les prochaines conventions.
En deuxième lieu, la France a fait le choix d'adosser la démocratie délibérative et participative à la démocratie sociale, là où les autres États de l'Union européenne ont choisi d'arrimer les consultations citoyennes au Parlement. En Irlande ou en Allemagne, pour ne citer que ces pays, les conventions citoyennes sont convoquées et organisées par les assemblées parlementaires. En septembre 2022, il a même été créé au Bundestag une nouvelle unité spécialement et entièrement consacrée aux conventions citoyennes.
Cette différence par rapport aux autres expériences européennes appelle au moins deux remarques.
Tout d'abord, dans la mesure où le CESE a été désigné en tant qu'organisateur des consultations citoyennes à l'échelon national, il convient de ne pas démultiplier les consultations en dehors de cette institution. Je crois profondément que les consultations telles que le Conseil national de la refondation contredisent l'esprit de la réforme organique du 15 janvier 2021. Je propose dès lors de centraliser au CESE toutes les consultations citoyennes organisées à l'échelon national dans les domaines qui relèvent de sa compétence. Une institution existe, dotée d'un budget spécialement fléché : il faut s'en servir. Tel est le sens de ma recommandation n° 5.
Ensuite, le choix du CESE n'implique pas nécessairement une exclusion du Parlement. Les expériences européennes démontrent d'ailleurs qu'une telle exclusion n'a rien d'évident. Je constate qu'un lien est en train de se créer entre le Président de la République et les conventions citoyennes : le Président de la République décide de l'organisation d'une convention citoyenne, le CESE l'organise, puis sous l'impulsion du chef de l'État, le Gouvernement décide de déposer ou non un projet de loi, reprenant ou non les propositions qui ont été faites par les citoyens.
J'estime qu'il est nécessaire de renforcer les liens informels entre le Parlement et les conventions citoyennes, voire d'impliquer plus directement le premier dans le déclenchement des secondes, comme le permet la loi organique. La commission des affaires sociales du Sénat a entendu, le 7 juin dernier, trois citoyens de la convention citoyenne sur la fin de vie dans le cadre des travaux de sa mission d'information sur le même sujet. Voilà une bonne démarche, qui mérite d'être encouragée ; d'où ma recommandation n° 4.
Mon troisième et dernier constat a trait aux aspects budgétaires de ces dispositifs participatifs.
L'un des principaux postes de dépenses des conventions citoyennes demeure l'animation, qui représente par exemple 30 % du budget total de la convention citoyenne sur la fin de vie. Je tiens toutefois à saluer un début d'internalisation de cette compétence d'animation via l'intégration de cinq agents du CESE au collectif d'animation, qui a permis d'économiser 0,3 million d'euros. Je formule le souhait que cette compétence soit complètement internalisée, car elle est au coeur des nouvelles missions du CESE ; il s'agit de ma recommandation n° 6.
Par ailleurs, j'ai identifié trois moyens de maîtriser les coûts des conventions citoyennes, synthétisés dans ma recommandation n° 7 : réduire leur durée en la rapprochant de la durée moyenne constatée dans l'OCDE ; utiliser davantage le format numérique de participation, notamment quand le logement des citoyens à Paris augmente en raison de l'organisation simultanée d'autres événements ; accroître les partenariats pour négocier les prix du transport et de l'hébergement des citoyens, comme cela s'était fait à l'occasion de l'organisation de la Convention citoyenne pour le climat. La Convention citoyenne sur la fin de vie a vu une augmentation de 80 % des dépenses de ce dernier poste, principalement parce que les prix n'ont pas été négociés.
Enfin, le CESE n'a pas vocation à multiplier les dispositifs au coup par coup et au fil de l'eau : il est indispensable de prévoir chaque année un nombre limité de dispositifs participatifs mis en oeuvre, particulièrement les années où le Conseil organise une convention citoyenne. L'enveloppe budgétaire doit être principalement tournée vers cette convention et ne saurait financer les nombreux dispositifs annexes organisés dans le cadre de ses missions consultatives. Tel est le sens de ma recommandation n° 8, qui inclut également la création d'une action budgétaire relative à la participation citoyenne afin d'assurer le suivi de l'exécution des crédits.
Pour conclure, je tiens à souligner l'intérêt des conventions citoyennes pour pacifier les débats sur les grandes thématiques sociétales. Je suis convaincu que certains débats historiques, comme la légalisation de l'interruption volontaire de grossesse, auraient mérité une convention citoyenne.
Toutefois, un savant équilibre doit être trouvé, dans le cadre de notre système représentatif, pour maîtriser les dépenses liées à la participation citoyenne au CESE et respecter la sincérité de la budgétisation initiale.
Outre ces aspects budgétaires, je voudrais saluer l'engagement des citoyens tirés au sort pour la convention citoyenne sur la fin de vie. À l'heure où l'on parle d'un désintérêt des citoyens pour la politique et d'un délitement de la participation, il est rassurant de constater que lorsque des citoyens sont associés à un processus délibératif, ils sont assidus. Hormis deux abandons pour raisons personnelles, les citoyens n'ont pas abandonné en cours de route la convention citoyenne sur la fin de vie. L'engagement des citoyens est ainsi le coin de ciel bleu de ce rapport.
M. Marc Laménie. - Je remercie Christian Bilhac de ce travail, d'autant que l'on connaît mal le CESE. Je ferai une modeste suggestion : les moyens humains consacrés au volet animation n'étant pas négligeables, ne serait-il pas possible de mobiliser à cette fin des étudiants qui recherchent des stages ? Existe-t-il d'ores et déjà des liens entre le CESE, d'une part, et, d'autre part, l'éducation nationale et les universités ?
Mme Sylvie Vermeillet. - Merci à Christian Bilhac de ce regard intéressant sur les consultations citoyennes. Le site www.vie-publique.fr mentionne que le CESE a eu recours à une consultation en ligne du 21 octobre au 11 novembre 2022 dans le cadre de son avis sur la sobriété. Le CESE devait rendre un rapport sur cette consultation le 11 janvier 2023, mais je ne l'ai pas trouvé en ligne; qu'en est-il ?
Par ailleurs, les suites données à ces consultations vous paraissent-elles satisfaisantes ? Parmi les suggestions faites par les citoyens dans ce cadre, quelle est la part de celles qui sont réellement prises en compte ? Le « retour sur investissement » est-il bon pour la République ?
M. Éric Bocquet. - Concernant les garanties d'indépendance et de pluralisme, les remarques du rapporteur, que je remercie de son travail, m'ont interpellé. Le pouvoir, dans notre pays, devient très vertical, on le voit depuis trois jours à Marseille ; le Parlement, quant à lui, est contraint et bridé. Je ne suis pas contre ces consultations : les travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie sont certes très intéressants, mais ils doivent alimenter le travail du Parlement.
Comment garantir le pluralisme ? Le rapporteur recommande notamment de « distendre le lien entre pouvoir exécutif et consultations citoyennes ». Les propositions qui émanent de ces consultations sont effet à la main du Président de la République, qui décide unilatéralement de ce qu'il souhaite reprendre ou ne pas reprendre. Ce fonctionnement est-il acceptable dans une République équilibrée ?
M. Jean-Claude Requier. - Je suis en parfait accord avec Christian Bilhac : si ces consultations sont nécessaires, elles ne doivent jamais remplacer le Parlement.
L'intégration de cinq agents du CESE dans le collectif d'animation de la convention citoyenne sur la fin de vie a permis d'économiser 300 000 euros ; quelle proportion de la totalité des effectifs du CESE ces cinq agents représentent-ils ?
M. Michel Canévet. - À mon tour de remercier le rapporteur spécial d'avoir réfléchi sur ce thème. Sur la notion même de consultation citoyenne, nous avons beaucoup de progrès à réaliser dans notre pays.
Sur le fond, je reste perplexe : j'ai du mal à appréhender la représentativité de ce type de consultation. Comment les participants sont-ils choisis ? Que représentent-ils ? J'imagine assez bien le sentiment de frustration qu'ils doivent éprouver quand leurs propositions sont édulcorées, pour ne pas dire purement ignorées.
Ma conviction est plutôt qu'avec trois assemblées constitutionnelles il y a de quoi garantir une bonne représentation des territoires et de la population.
Mme Christine Lavarde. - Je remercie Christian Bilhac de cet éclairage. Pour ce qui est du rôle des animateurs, j'ai pu constater, en tant que rapporteur pour avis sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, combien la vision des citoyens de la Convention citoyenne pour le climat était très parcellaire ; cela tient aux personnes chargées de l'animation, souvent des membres très actifs de mouvements situés à la gauche de la gauche.
Je suis étonnée par les montants consacrés à l'animation. Des marchés sont-ils passés pour recruter des professionnels capables d'organiser des ateliers collaboratifs ? Existe-t-il une ligne budgétaire spécifique pour les agents du CESE mobilisés lors des conventions citoyennes, indépendamment du fonctionnement normal du CESE ? Qui sont les « conseillers » mobilisés ?
J'ai également été étonnée d'apprendre qu'il avait été impossible de négocier les prix du transport, de l'hébergement et de la restauration des citoyens de la Convention citoyenne sur la fin de vie. S'agissant de secteurs où l'offre est loin de manquer à Paris, j'ose espérer que l'on est passé par une procédure de mise en concurrence publique...
Notre collègue Charles Guené vient de faire un petit calcul : le coût par citoyen tiré au sort est substantiel.
M. Charles Guené. - 20 000 euros !
M. Claude Raynal, président. - Sélectionner 180 personnes sur 60 millions d'habitants exige de toute façon de procéder à un échantillonnage. Quand on pratique la consultation citoyenne à l'échelle locale, dans les municipalités, on observe que des leaders d'opinion se dégagent : la représentation a tendance à disparaître au profit de personnalités politiques ou associatives, dont les présupposés sont très ancrés, de sorte que l'on n'est jamais surpris par le contenu des rapports. C'est donc une idée sympathique, mais il faut bien la cadrer.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je retiens la fin, optimiste - le coin de ciel bleu -, du propos de notre rapporteur spécial : les Français acceptent volontiers de participer. Mais je n'avais aucun doute quant à notre capacité à trouver des volontaires : 180 personnes, cela fait une ou deux par département...
On ne saurait s'opposer par principe à l'association de nos concitoyens à la réflexion sur des sujets d'intérêt local ou national. Mais comme chacun y va de son initiative, prenons garde aux « chicayas » inutiles et aux comparaisons malvenues entre les différentes assemblées...
Ma conviction d'élu est qu'il faut intégrer la concertation et l'échange dans la décision ; reste qu'il faut bien cadrer les choses en amont, de telle sorte que ce qui est décidé dans le cadre d'une participation citoyenne ne soit pas ensuite balayé d'un revers de main. Dès lors que l'on fait appel au volontariat, il faut un minimum en matière de reprise des propositions. Évitons de jeter le bébé avec l'eau du bain et, ce faisant, de faire naître des frustrations !
Le rapporteur spécial demande davantage d'échanges entre les conventions citoyennes et le Parlement. Il est d'ores et déjà possible de déposer une pétition adressée au Sénat, qui sait se montrer ouvert à la participation citoyenne - c'est le nombre de signatures, en l'occurrence 100 000, qui déclenche l'initiative. Je vous renvoie à l'exemple de la pétition déposée par la Fédération nationale des chasseurs et traitée par notre commission : chacun a pu s'y retrouver sans trop de mélange des genres. Il faut donc encadrer, mais dans la souplesse.
En tout état de cause, je plaide pour que les consultations citoyennes ne deviennent pas un cheval de Troie visant à demander, en projet de loi de finances, toujours plus d'effectifs pour le CESE.
M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - L'animation est un métier, qui requiert une formation spécifique. Un tel partenariat avec les universités n'a pas jamais été envisagé il me semble, le CESE s'est tourné vers des prestataires extérieurs qui ont développé des compétences en matière de participation citoyenne. Le CESE a commencé à internaliser cette compétence, mais elle demeure pour l'instant modeste avec cinq agents du CESE sur vingt-sept animateurs. Il compte développer la formation de quarante agents supplémentaires à partir de cet été. Je formule d'ailleurs le voeu dans mon rapport que cette compétence soit complètement internalisée à moyen terme pour l'animation des conventions citoyennes, et à plus court terme pour les ateliers participatifs organisés au CESE.
Pour ce qui est du rapport du CESE sur la sobriété, il a bel et bien été publié le 11 janvier 2023. Il contient l'avis du CESE ainsi qu'un bilan de cette consultation citoyenne en ligne, qui a d'ailleurs été complétée par une journée délibérative au CESE sous forme d'ateliers participatifs réunissant trente-sept citoyens
Je suis d'accord avec Éric Bocquet : on ne peut pas laisser prospérer une telle verticalité du pouvoir. Dans notre Constitution, il est bien clair que le pouvoir législatif appartient au Parlement ; je n'en dirai pas plus. Ou plutôt : cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant...
Cent agents du CESE ont été mobilisés sur toute la durée de la Convention citoyenne sur la fin de vie, soit les deux tiers de ses effectifs ; beaucoup d'entre eux, d'ailleurs, l'ont été sous forme d'heures supplémentaires. Il n'existe donc pas de ligne budgétaire spécifique pour la rémunération des agents spécifiquement mobilisés pendant les conventions citoyennes ou les autres dispositifs participatifs organisés au CESE.
C'est un institut de sondage professionnel qui a procédé à la sélection des citoyens par tirage au sort sur la base de critères préétablis et définis par le comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie pour obtenir un panel représentatif de la population française. Ce processus a d'ailleurs fait l'objet d'un contrôle d'huissier.
Pour ce qui est des frais de transport, il n'a pas été possible d'obtenir des billets à tarif préférentiel auprès de la SNCF ; la dépense a donc explosé par rapport à la précédente convention citoyenne.
Pour ce qui est des frais de logement, le CESE compte développer des partenariats avec les hôteliers. Je préconise ainsi un renforcement du service des marchés du CESE, afin qu'il noue plus de partenariats pour les prochaines conventions citoyennes.
Les animateurs sont là précisément pour éviter que des leaders s'accaparent le débat. Leur mission est de veiller à ce que chacun puisse s'exprimer et de garantir l'équilibre des prises de parole. Cela dit, la question de l'origine de ces animateurs reste posée : sont-ils vraiment neutres ? Il est difficile de le savoir dans la mesure où leurs garanties d'indépendance sont uniquement fondées sur une base déclarative ...
Le CESE a obtenu des créations de postes pour renforcer les effectifs de la direction de la participation citoyenne. Il a également demandé à la direction du budget, pour l'année prochaine, une enveloppe de 6 millions d'euros pour financer les dispositifs de participation citoyenne. À ce jour le CESE n'a pas obtenu de réponse en ce sens. Par défaut, l'enveloppe sera donc maintenue à 4,2 millions d'euros, étant précisé - je l'ai dit - que le coût de la dernière convention citoyenne a été de 4,7 millions d'euros. L'idée étant d'en rester à l'organisation d'une convention citoyenne tous les 14 à 18 mois, et sans préjuger des débats que nous aurons sur les crédits de la mission, je ne vois pas de raison d'allouer 6 millions d'euros par an au CESE.
Les avis formulés dans le cadre de consultations citoyennes doivent évidemment être pris en compte mais je rappelle que le législateur, en France, est le Parlement, non la convention citoyenne : le dernier mot doit revenir aux élus du peuple.
La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.
LISTE DES DÉPLACEMENTS
Conseil économique, social et environnemental - 23 mars 2023
- M. Valéry MOLET, secrétaire général ;
- Mme Juliette AGEZ, directrice de la participation citoyenne ;
- M. Cédric DÉLEPINE, directeur adjoint chargé de la modernisation de la commande publique ;
- M. Pierre DUMAZ, directeur des affaires financières.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Comité de gouvernance de la convention citoyenne sur la fin de vie (CCFV)
- Mme Claire THOURY, présidente du comité de gouvernance de la CCFV et membre du Conseil économique, social et environnemental ;
- Mme Fanny ARAV, économiste et urbaniste, membre du Conseil économique, social et environnemental et du comité de gouvernance de la CCFV ;
- M. François STASSE, conseiller d'État honoraire, membre du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé et membre du comité de gouvernance de la CCFV.
Harris Interactive
- M. Jean-Daniel LÉVY, directeur délégué de Harris Interactive France.
Grenoble Alpes Métropole (GAM)
- M. Pierre VERRI, Vice-président de Grenoble Alpes Métropole chargé de l'air, de l'énergie et du climat ;
- M. Pascal CLOUAIRE, Vice-président de Grenoble Alpes Métropole, chargé de la culture et de l'éducation et de la participation citoyenne ;
- Mme Hélène CLOT, Directrice stratégie, innovation et relations citoyennes à Grenoble Alpes Métropole ;
- Mme Marine FABRE, chargée de mission sur la convention citoyenne.
Co-rapporteurs du rapport de M. Patrick Bernasconi - Rétablir la confiance des Français dans la vie démocratique - 50 propositions pour un tournant délibératif de la démocratie française
- M. David DJAÏZ, rapporteur général du Conseil national de la refondation (CNR), conseiller en charge du CNR auprès du cabinet de la Première ministre et de la présidence de la République ;
- M. Clément TONON, auditeur au Conseil d'État.
- M. Éric BUGE, maître des requêtes en service extraordinaire au Conseil d'État, président du collège de déontologie du Conseil économique, social et environnemental.
Table ronde universitaire sur la participation citoyenne
- Mme Hélène LANDEMORE, professeure associée à l'université de Yale et membre du comité de gouvernance de la convention citoyenne sur la fin de vie ;
- M. Yves SINTOMER, politiste spécialiste du tirage au sort et professeur à l'université Paris VIII ;
- M. Thierry PECH, essayiste et directeur général de « Terra Nova », co-président de la Convention citoyenne pour le climat.
Table ronde des prestataires extérieurs du CESE en matière d'animation des sessions de la convention citoyenne sur la fin de vie
- Mme Claudia MONTERO, directeur général d'Eurogroup Consulting ;
- M. Thierry MORISSEAU, associé fondateur d'Ezalen ;
- M. Olivier MERELLE, directeur associé de Planète Citoyenne ;
- Mme Chantal MEYER, consultante senior chez Stratéact Dialogue.
Contributions écrites
- Mme Sabine LAVOREL, enseignante-chercheuse en droit public, Maître de conférences à l'Université Grenoble Alpes, membre du comité opérationnel de la convention métropolitaine pour le climat de Grenoble Alpes Métropole ;
- Mme Hélène LANDEMORE, professeure associée à l'université de Yale et membre du comité de gouvernance de la convention citoyenne sur la fin de vie.
* 1 MANIN Bernard, Principes du gouvernement représentatif, Champs, Flammarion, 1995.
* 2 OCDE, Participation citoyenne innovante et nouvelles institutions démocratiques - La vague délibérative, Synthèse 2020.
* 3 BLONDIAUX Loïc et MANIN Bernard, Le tournant délibératif, Presses de Sciences Po, 2021.
* 4 PATEMAN Carol, Participation and Democratic Theory, 1970.
* 5 Recommandation 472 (2022) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe du 23 mars 2022.
* 6 Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la Convention citoyenne pour le climat et ses propositions, à Paris le 29 juin 2020.
* 7 Exposé des motifs du projet de loi organique n° 3184 relatif au Conseil économique, social et environnemental.
* 8 MAZEAUD Alice et NONJON Magali, De la cause au marché de la démocratie participative, Agone, 2015/1 (n° 56).
* 9 MAZEAUD Alice et NONJON Magali, Le marché de la démocratie participative, 2018.
* 10 Dans ce contexte, une proposition de loi constitutionnelle n° 271 a été déposée à l'Assemblée nationale le 26 septembre 2022 tendant à supprimer le Conseil économique, social et environnemental.
* 11 Rapport de Dominique-Jean CHERTIER, Pour une réforme du CESE, 15 janvier 2009.
* 12 Le statut législatif de cette institution sera consacré par la loi du 19 mars 1936 sur l'organisation et le fonctionnement du Conseil national économique.
* 13 Titre III - Du Conseil économique (article 25).
* 14 Le Titre XI la Constitution du 4 octobre 1958 lui est dédié : Titre XI - Le Conseil économique et social. Le CESE est ainsi régi par les articles 69 à 71 de la Constitution.
* 15 Article 3 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au CESE : « Le Conseil économique, social et environnemental peut, de sa propre initiative, appeler l'attention du Gouvernement et du Parlement sur les réformes qui lui paraissent nécessaires. »
* 16 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République.
* 17 Loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010 relative au Conseil économique, social et environnemental. Ces conditions sont aujourd'hui détaillées à l'article 4-1 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental.
* 18 Rapport n° 13 (2020-2021) fait par Mme Muriel Jourda au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.
* 19 https://participez.lecese.fr/.
* 20 Étude d'impact du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, n° 3184, déposé le 7 juillet 2020 à l'Assemblée nationale.
* 21 Le CESE a bénéficié de tarifs préférentiels de la part d'un groupe hôtelier pour l'hébergement des citoyens à Paris et de la part de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) pour leurs transports.
* 22 Les dépenses se sont, in fine, élevées à 5,9 millions d'euros après consolidation du budget.
* 23 Podcast du journal Le Drenche, Une convention citoyenne sur la fin de vie au CESE, 20 janvier 2023.
* 24 Rapport de M. Patrick Bernasconi, Rétablir la confiance des français dans la vie démocratique - 50 propositions pour un tournant délibératif de la démocratie française, Février 2022.
* 25 Denis Baranger, « Démocratie participative : l'inopportune réforme du CESE », septembre 2020.
* 26 Le CESE comprend désormais 175 membres contre 233 avant la réforme du fait de la suppression des personnalités qualifiées qui étaient désignées par le Gouvernement. Par ailleurs, les sections sont remplacées par des commissions, permanentes ou temporaires, qui sont compétentes pour émettre des avis au même titre que l'assemblée du CESE.
* 27 Rapport n° 3301(XVème législature) fait par M. Erwan Balanant au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.
* 28 Article 4-2 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental.
* 29 Le CESE a notamment développé ce format pour l'avis sur les mobilités en zones peu denses où des postiers sont allés faire connaître les travaux du CESE dans les territoires, notamment ultramarins.
* 30 Le CESE a eu par exemple recours à un questionnaire en ligne pour l'avis adopté le 15 décembre 2021 sur Le renforcement de la participation aux élections des instances à gouvernance démocratique, rendu sur saisine de l'Assemblée nationale.
* 31 Jusqu'alors, le CESE labellisait des plateformes (Avaaz, Change.org et MesOpinions.com), via lesquelles des citoyens pouvaient lui adresser des sujets. Le décret n° 2022-886 du 14 juin 2022 portant application de l'article 4-1 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental lui permet de se doter de sa propre plateforme.
* 32 Décision n° 2020-812 DC du 14 janvier 2021 du Conseil constitutionnel : « le nombre de ces personnes ne saurait, sans méconnaître les articles 69 et 70 de la Constitution relatifs aux attributions du Conseil, que constituer une part limitée du nombre des membres d'une commission, fixée de telle sorte qu'il n'en résulte pas un déséquilibre dans sa composition ou son fonctionnement » (Considérant 25).
* 33 Avis « Engagement et participation démocratique des jeunes » adopté le 9 mars 2022 à la suite d'une saisine gouvernementale.
* 34 Rapport général n° 115 (2022-2023), tome III, annexe 7 de M. Christian Bilhac, fait au nom de la commission des finances.
* 35 D'après les informations transmises au rapporteur spécial par le CESE ainsi que son site internet.
* 36 Ces ateliers peuvent être organisés directement par le CESE, auquel cas la direction de la participation citoyenne (DPC) construit le déroulé et la méthode d'animation. Des partenaires peuvent aussi les organiser et sont guidés dans cette mission par des kits ateliers-relais élaborés par la DPC.
* 37 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.
* 38 Selon les informations transmises au rapporteur spécial dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023.
* 39 OCDE, Participation citoyenne innovante et nouvelles institutions démocratiques - La vague délibérative, Synthèse 2020.
* 40 L'assemblée citoyenne généraliste (Citizen's Assembly) de 2016-2018 a été créée en juillet 2016 par une résolution des deux chambres du parlement. Il en va de même pour les assemblées citoyennes thématiques avec celle créée sur résolution parlementaire en juillet 2019 sur l'égalité de genre et celle sur la perte de biodiversité mise en place à la suite d'une résolution des deux chambres du parlement irlandais votée en février 2022.
* 41 Il a été remplacé en 2012 par une fondation à but non lucratif.
* 42 Rapport Bernasconi.
* 43 Sénat, Les mécanismes de participation et de délibération citoyennes, Étude de législation comparée n° 314 - mars 2023.
* 44 Propos de Jane Suiter lors de la session 7 de la convention citoyenne sur la fin de vie.
* 45 Public Administration, Integrating citizen deliberation into climate governance: Lessons on robust design from six climate assemblies, John Boswell, Rikki Dean, Graham Smith, 2022.
* 46 Toutefois, toutes les conventions citoyennes n'ont pas été financées par des ressources étatiques. À titre d'exemple, pour la convention sur le climat au Royaume-Uni, la Chambre des communes (House of commons) l'a financée à hauteur d'environ 120 000 livres, le reste des ressources provenant de fondations (la Fondation Esmée Fairbairn et la Fondation européenne pour le climat).
* 47 Sénat, Les mécanismes de participation et de délibération citoyennes, Étude de législation comparée n° 314 - mars 2023.
* 48 Séminaire du Centre Européen de Recherche et de Documentation Parlementaires (CERDP) sur les Parlements et les assemblées citoyennes, 23 et 24 mars 2023.
* 49 https://2016-2018.citizensassembly.ie/en/About-the-Citizens-Assembly/Background/Procurement-and-Costs/.
* 50 Voir infra.
* 51 Lors du déplacement au CESE en mars 2023, il a été communiqué au rapporteur spécial le départ de la directrice. Une directrice par intérim a été désignée dans l'attente de son remplacement.
* 52 Rapport général n° 115 (2022-2023), tome III, annexe 7 de M. Christian Bilhac, fait au nom de la commission des finances.
* 53 Deux membres du comité consultatif national d'éthique (CCNE), un membre du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), une philosophe spécialisée en éthique de la santé, deux enseignantes-chercheuses, expertes de la participation citoyenne et deux citoyens ayant participé à la convention citoyenne pour le climat.
* 54 Le comité de gouvernance a justifié ce choix par le principe d'équité entre tous les citoyens de la convention, pour ne pas créer de « super-citoyens ».
* 55 Audition de Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Harris Interactive France, le 4 avril 2023.
* 56 Lors de la CCC, un tirage au sort au milieu du processus a dû être de nouveau organisé au regard des abandons.
* 57 L'une a trouvé un emploi ne lui permettant plus d'être présente à toutes les sessions, et l'autre personne a rencontré des problèmes de santé.
* 58 D'après les réponses écrites du comité de gouvernance de la convention citoyenne sur la fin de vie et la contribution écrite d'Hélène Landemore, professeure à l'université de Yale.
* 59 Du vendredi après-midi au dimanche après-midi.
* 60 À titre de comparaison, les garants de la CCC avaient été nommés, à la demande du Premier ministre, par les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et du CESE.
* 61 15 agents pour la sécurité, trois pour la régie et l'audiovisuel, cinq facilitateurs, trois vérificateurs de fait, toute la direction de la participation citoyenne, trois agents de la direction de la communication, deux de la direction administrative et financière, 8 du comité de direction et 6 du cabinet du président.
* 62 Eurogroup consulting est en effet titulaire mandataire de l'accord-cadre UGAP Conseil en organisation et en ressources humaines, marché à bon de commandes, au périmètre de prestations larges incluant des prestations de participation citoyenne.
* 63 Planète citoyenne et Stratéact Dialogue n'avaient jamais travaillé auparavant avec Eurogroup consulting. Pour la convention citoyenne pour le climat, Eurogroup consulting avait associé Missions publiques et Res publica aux prestations d'animation.
* 64 Toutes les prestations détaillées sont issues du mémoire technique cadrant la prestation.
* 65 Selon les réponses écrites transmises par Eurogroup consulting.
* 66 Selon les informations transmises par Eurogroup consulting.
* 67 Selon les réponses écrites de la métropole de Grenoble-Alpes transmises au rapporteur spécial.
* 68 Le CESE gère désormais en propre l'enveloppe de 4,2 millions d'euros entièrement fléchée vers la participation citoyenne.
* 69 Pour rappel, le CESE a dépensé 0,41 million d'euros hors convention citoyenne.
* 70 Le forfait annuel pour les trois prochaines années sera de 40 000 euros par an pour la maintenance technique, l'hébergement et l'assistance technique aux utilisateurs.
* 71 OCDE, Participation citoyenne innovante et nouvelles institutions démocratiques - La vague délibérative, Synthèse 2020.
* 72 “We serve the public good no matter who pays us. We are advocates for the good process - we do not represent the auspicing organisation or their views but represent the process” - Rapport Enabling national Initiatives to take democracy beyond elections, 2019.
* 73 Sur les huit mesures effectuées par Eurogroup à chaque fin de session de la convention citoyenne sur la fin de vie, 92 % des citoyens ont indiqué être très satisfaits ou satisfaits de la qualité de l'animation.
* 74 De nombreux citoyens se sont plaints de ne pas participer assez au processus de rédaction.
* 75 Audition d'Éric Buge, le 4 avril 2023.
* 76 BOY Daniel, DONNET KAMEL Dominique, ROQUEPLO Philippe, Un exemple de démocratie participative : la « conférence de citoyens » sur les organismes génétiquement modifiés, Revue française de sciences politiques, 2000.
* 77 Le Sénat a consulté les élus locaux sur des sujets très variés tels que le financement des maisons France services, les conséquences de l'inflation énergétique, l'organisation du système scolaire ou encore l'avenir de l'Europe.
* 78 https://www.senat.fr/salle-de-presse/communiques-de-presse/presse/05-06-2023/logement-deception-et-desillusion-au-lieu-de-la-refondation.html.
* 79 Participation citoyenne : l'alliance présentiel et distanciel, le tandem gagnant ?, Make.org, 29 novembre 2021.