N° 756

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les Contrats de Redressement en Outre-Mer (COROM),

Par MM. Georges PATIENT et Teva ROHFRITSCH,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

AVANT PROPOS

Introduits par amendement à la loi de finances initiale pour 2021, les contrats de redressement outre-mer (COROM) visent à apporter un soutien spécifique de l'État aux communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement à leurs fournisseurs locaux.

La mise en oeuvre de ce nouveau dispositif résulte des constats du rapport « Soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer : pour un accompagnement en responsabilité » du député Jean-René Cazeneuve et du sénateur Georges Patient publié en décembre 2019 qui relevait que sur les 129 communes des départements et régions d'outre-mer (DROM), un tiers avait des délais de paiement supérieurs à 30 jours et plus de la moitié étaient inscrites dans le réseau d'alerte des finances publiques.

Le présent rapport est donc l'occasion, deux ans après la signature des premiers contrats, de faire un bilan de ce dispositif initialement prévu à titre expérimental pour une durée de trois ans et prolongé, de fait, par l'adoption d'un amendement lors de l'examen du PLF pour 2023 prévoyant l'ouverture de nouveaux crédits pour les COROM à hauteur de 30 millions d'euros, et de proposer des pistes d'amélioration dans le cadre d'une éventuelle pérennisation du dispositif.

Il s'inscrit, par ailleurs, dans le contexte d'une crise économique aux conséquences lourdes pour les finances des communes d'outre-mer.

Enfin, il est rappelé que, parallèlement aux travaux menés par les rapporteurs spéciaux présentés dans ce rapport, les ministres chargés des comptes publics, des collectivités territoriales et de la ruralité et des outre-mer ont demandé au contrôle général économique et financier (CGEFI) et à l'inspection générale de l'administration (IGA) de mener une mission aux finalités identiques et dont les conclusions sont attendues pour le mois de juin.

L'ESSENTIEL

MM. Georges PATIENT et Teva ROHFRITSCH, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Outre-mer », ont présenté le mercredi 21 juin 2023 les conclusions de leur contrôle budgétaire relatif aux contrats de redressement outre-mer (COROM).

I. UNE SITUATION FINANCIÈRE TENDUE POUR LES COMMUNES DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER QUI DEVRAIT ENCORE SE DÉTÉRIORER DANS UN CONTEXTE INFLATIONNISTE

A. LA DÉGRADATION, DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES COMMUNES DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER

Les difficultés structurelles qui affectent les finances des communes ultra-marines sont identifiées de longue date et de nombreux travaux ont été réalisés sur le sujet notamment par le sénateur Georges Patient dès 2014, la Cour des comptes en 2017, ou par le député Jean-René Cazeneuve et le sénateur Georges Patient en 2019.

Si les collectivités d'outre-mer ne constituent pas un ensemble homogène et si les explications de ces situations financières globalement moins favorables qu'en métropole varient d'un territoire à l'autre, des causes communes peuvent cependant être dégagées.

Ainsi, l'insularité génère des surcoûts importants sur les charges à caractère général des communes d'outre-mer, les dépenses de personnel sont également plus élevées en raison d'une faible intégration intercommunale, de la majoration des traitements des fonctionnaires et de taux d'administration élevés. Dès lors, les taux d'épargne brute et nette des communes d'outre-mer restent très inférieurs à ceux constatés dans les communes de métropole.

Évolution des taux d'épargne entre 2018 et 2021
dans les communes de métropole et d'outre-mer

Source : commission des finances à partir des données DGCL et DGFIP

Il résulte de cette situation des marges d'autofinancement réduites dans les communes d'outre-mer approchant ou dépassant régulièrement le seuil d'alerte fixé à 100 %.

Évolution des marges d'autofinancement entre 2018 et 2021
dans les communes de métropole et des DROM

Source : commission des finances à partir des données DGCL et DGFIP

B. UN CONTEXTE INFLATIONNISTE QUI POURRAIT ENCORE DÉGRADER LA SITUATION FINANCIÈRE DES COMMUNES DES DROM

L'inflation constatée dans les DROM, bien que légèrement inférieure au niveau enregistré en métropole, pourrait générer une diminution de l'épargne brute des communes. En effet, les dépenses à caractère général devraient augmenter sous l'effet de l'inflation et notamment les dépenses énergétiques et celles relatives à l'entretien et aux réparations qui intègrent la hausse des coûts de la construction et des travaux publics. Les dépenses de personnel augmenteront également sous l'effet de la revalorisation du point d'indice. Cette tendance pourrait être particulièrement aggravée dans les communes d'outre-mer en raison de la part des charges de personnel particulièrement importante dans les communes des DROM.

Par ailleurs, les investissements vont se poursuivre en raison de l'avancement des travaux initiés dans le cadre du plan de relance et de la mise en place du fonds vert. Cependant, leur financement dans les communes d'outre-mer pose question dans un contexte de hausse de la charge de la dette constatée dans les communes des DROM et de hausse prévisible des taux d'intérêt.

II. FACE À CETTE SITUATION DÉGRADÉE, LA MISE EN PLACE D'UN DISPOSITIF INNOVANT ET EFFICACE : LES COROM

A. LES COROM REPRÉSENTENT UNE APPROCHE GLOBALE QUI PERMET D'ACCOMPAGNER LES COMMUNES LES PLUS EN DIFFICULTÉ

Pour aider les communes des DROM présentant des difficultés financières importantes, la loi de finances initiale pour 2021 a introduit par amendement les contrats de redressement outre-mer (COROM). Conformément aux conclusions du rapport Patient-Cazeneuve, sont, à ce jour, susceptibles de bénéficier du dispositif les seules communes en grave difficulté financière au regard de deux critères : la mise en place de procédures de contrôle budgétaire et de règlement d'office du budget par les préfets et les chambres régionales des comptes et un retour à l'équilibre ne pouvant être raisonnablement envisagé que sur plusieurs exercices.

Cette démarche contractuelle, basée sur un diagnostic préalable, nécessite des engagements de la commune bénéficiaire sur la mise en oeuvre de réformes structurelles visant une meilleure maitrise des dépenses, le déploiement de procédures de gestion et une amélioration de la qualité comptable.

En contrepartie de ces engagements, l'aide de l'État à l'effort de redressement peut porter, selon les cas, sur tout ou partie des leviers suivants :

- la mise à disposition d'une assistance technique qui représente la réelle innovation de ces contrats par rapport aux dispositifs d'aide précédents ;

- l'attribution d'une subvention exceptionnelle et d'une aide à la résorption des dettes à l'égard des fournisseurs.

B. UN IMPACT POSITIF ET RAPIDE DES COROM SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA MAJORITÉ DES COMMUNES CONTRACTANTES

La situation financière de 6 communes sur les 9 ayant signé un contrat s'est améliorée. Pour autant, à ce stade, il est encore délicat d'identifier la part d'amélioration résultant de la mise en oeuvre des COROM et celle résultant de mesures exogènes.

En tout état de cause, les contrats ont eu pour effet immédiat de mettre en place une dynamique volontariste des communes contractantes afin d'assainir leur situation financière.

En outre, l'assistance technique produit sans conteste des premiers effets positifs.

Enfin, les contrats, par le biais des subventions versées, ont permis très rapidement de désintéresser un nombre important de créanciers, conduisant ensuite à améliorer sensiblement la gestion de la trésorerie au sein des communes concernées.

Les élus interrogés font part de leur grande satisfaction et reconnaissent l'utilité concrète de ce dispositif pour amorcer un redressement financier.

III. UN DISPOSITIF NÉCESSAIRE ET UTILE QUI PEUT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉ ET DOIT ÊTRE ÉTENDU

A. DES MOYENS FINANCIERS ET HUMAINS LIMITÉS QUI DOIVENT ÊTRE RENFORCÉS POUR ÊTRE PLEINEMENT OPÉRATIONNELS

L'amendement voté en loi de finances initiale pour 2021 prévoyait, pour les COROM, l'ouverture de 30 millions d'euros destinés à être intégralement consommés. Ce niveau de crédits parait largement insuffisant au regard de la situation financière très dégradée de certaines communes d'une part, et de l'absence de prise en compte, dans la définition des trajectoires, de données contextuelles représentant des freins au redressement dans les échéances fixées.

Consommation des crédits COROM en 2021 et 2022 par commune

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données transmises par la DGOM

Par ailleurs, l'intérêt et l'originalité du dispositif reposent, plus encore que sur la subvention exceptionnelle, sur la mise en place d'une assistance technique. Or, à ce jour, pour 9 communes contractantes seuls 6 assistants techniques ont pu être recrutés.

Enfin, des points nécessitent d'être améliorés dans la mise en oeuvre du dispositif afin d'en améliorer l'efficacité. Ainsi, la durée des contrats doit être adaptée aux situations réelles des communes au besoin au-delà de 3 ans. En effet, les COROM sont une démarche utile dès lors qu'ils s'inscrivent dans le temps long dans la mesure où les collectivités s'engagent sur des évolutions structurelles.

La qualité et la fiabilité des diagnostics préalables doivent être améliorées afin de tracer une trajectoire réaliste tenant compte des situations initiales et des atouts et contraintes des collectivités.

Au-delà de l'assistance technique et de la subvention exceptionnelle, des moyens complémentaires doivent être trouvés pour faciliter le redressement des situations les plus dégradées.

B. UNE EXTENSION NÉCESSAIRE À UN NOMBRE PLUS IMPORTANT DE COMMUNES, AUX EPCI ET AUX COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

Sur les 129 communes des DROM, 30 sont actuellement dans le réseau d'alerte de la DGFIP en raison d'une situation financière dégradée et nécessitant une vigilance particulière soit 24 % des communes. Dans ce contexte, il parait nécessaire d'élargir le dispositif à un nombre plus important de communes.

L'amendement de crédits adopté en loi de finances pour 2023 abonde d'ailleurs dans ce sens mais ne va pas encore assez loin face aux besoins.

Par ailleurs, malgré une situation financière des EPCI plutôt favorable à ce jour, le risque de détérioration est réel quand l'intégralité des compétences leur aura été transférée. La question se pose également pour les syndicats dont certains sont en grave difficulté, ce qui a d'ailleurs poussé la DGOM à signer un COROM avec le syndicat des eaux de Guadeloupe.

Enfin, l'extension du dispositif aux communes des COM doit être envisagée sans position de principe et rejet d'autorité dans la mesure où la situation financière de quelques communes de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie (essentiellement du fait des budgets annexes dans ce territoire) est très tendue dans un contexte de hausse des investissements et d'absence d'outils de suivi stratégique et d'ingénierie.

Une éventuelle extension des COROM aux communes des COM devra être liée à une adaptation des critères l'éligibilité et des modalités de soutien, mais doit faire l'objet d'une réflexion rapide.

Les rapporteurs spéciaux formulent donc 12 recommandations visant à améliorer le dispositif pour le rendre plus efficace mais aussi et surtout pour l'adapter au mieux aux situations et réels besoins des collectivités contractantes.

LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Recommandation n° 1 : prévoir la possibilité, dans les contrats, de revoir le montant des aides exceptionnelles en cours d'exécution pour tenir compte des erreurs du diagnostic préalable (DGOM).

Recommandation n° 2 : adapter le montant initial de la subvention exceptionnelle et des aides pour le remboursement des dettes fournisseurs en tenant compte des déficits cumulés et de l'encours de dettes fournisseurs (DGOM).

Recommandation n° 3 : mettre en place rapidement le recours à Expertise France et procéder au recrutement des assistants techniques pour les communes qui n'en sont pas encore dotées (Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, ministère de l'Économie, des Finances et DGOM).

Recommandation n° 4 : insérer dans les contrats existants une clause de revoyure permettant de les prolonger au-delà de la durée initiale de 3 ans pour les communes les plus en difficulté qui ne peuvent respecter la trajectoire définie malgré les efforts réalisés (DGOM).

Recommandation n° 5 : pour les nouveaux contrats, adapter la durée en fonction de la situation réelle de la commune au besoin en prévoyant des durées initiales supérieures à 3 ans et systématiser les clauses de revoyure permettant de tenir compte, en cours d'exécution des contrats, des aléas de gestion exogènes impactant la trajectoire (DGOM).

Recommandation n° 6 : systématiser la mise à disposition de l'assistance technique avant la signature de contrat (DGOM, AFD).

Recommandation n° 7 : mettre en place un groupe de travail commun entre la DGOM, la DGCL et la DGFIP relatif aux moyens qui pourraient être développés en complément des subventions et de l'assistance technique (DGOM, DGCL, DGFIP).

Recommandation n° 8 : formaliser et homogénéiser les documents de suivi, systématiser leur datage, nommage et classement et élaborer des tableaux de diagnostic et de trajectoire communs à toutes les communes quand bien même seuls certains ratios sont suivis (DGOM, préfectures).

Recommandation n° 9 : sensibiliser les élus locaux potentiellement concernés par les COROM en améliorant la communication sur ce dispositif parfois perçu comme une mise sous tutelle (DGOM, préfectures).

Recommandation n° 10 : étendre formellement l'éligibilité des communes des DROM, par modification de la circulaire du 2 février 2021, au-delà des deux critères initiaux de saisine d'une CRC et d'impossibilité de redressement sur deux ans en tenant compte notamment du fonds de roulement, du suivi dans le réseau d'alerte ou de tout autre critère attestant d'une situation financière particulièrement dégradée (DGOM).

Recommandation n° 11 : rendre les EPCI et les syndicats éligibles au dispositif des COROM en modifiant la circulaire du 2 février 2021 et en définissant des critères attestant d'une situation financière fortement dégradée (DGOM).

Recommandation n° 12 : mener une étude sur les conditions dans lesquelles les COROM pourraient être étendus aux communes des COM en ajustant les critères d'éligibilité et la nature de l'aide apportée aux spécificités de ces communes (DGOM, DGCL, DGFIP).

PREMIÈRE PARTIE 
UNE SITUATION FINANCIÈRE TENDUE DES COMMUNES DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER (DROM) QUI DEVRAIT ENCORE SE DÉTÉRIORER DANS UN CONTEXTE INFLATIONNISTE

I. LA DÉGRADATION, DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES COMMUNES DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER (DROM)

A. DES CAUSES MULTIPLES EXPLIQUANT CETTE DÉGRADATION MAIS DES FACTEURS COMMUNS AGGRAVANTS

Les difficultés structurelles qui affectent les finances des communes ultra-marines sont identifiées de longue date et de nombreux travaux ont été réalisés sur le sujet notamment par le sénateur Georges Patient dès 20141(*) la Cour des comptes en 20172(*) ou par le député Jean-René Cazeneuve et le sénateur Georges Patient en 20193(*).

Si les collectivités d'outre-mer ne constituent pas un ensemble homogène et si les explications de ces situations financières globalement moins favorables qu'en métropole varient d'un territoire à l'autre, des causes communes à cette dégradation peuvent cependant être dégagées.

1. L'impact de l'insularité sur le budget des communes d'outre-mer : des dépenses de fonctionnement plus élevées en outre-mer qu'en métropole.

L'insularité, exception faite de la Guyane (cf. infra), génère des surcoûts importants sur les charges des communes d'outre-mer en raison de plusieurs phénomènes.

En premier lieu, elle créé de facto des situations de quasi-monopole dans plusieurs secteurs des biens et services. Le marché intérieur de petite taille dans un environnement concentré peu concurrentiel est donc favorable à la hausse des prix.

De surcroît, cette insularité nécessite des niveaux élevés d'importations en raison de l'absence de productions locales de certains produits. Aux coûts liés à l'importation, doivent également être ajoutés des coûts de stockage plus importants en raison de la rareté du foncier.

Enfin, des normes métropolitaines inadaptées viennent s'ajouter à des normes spécifiques à l'outre-mer (exemple : normes anti sismiques).

Concernant plus spécifiquement la Guyane, même en l'absence d'insularité, les problématiques susmentionnées relatives aux importations et aux normes sont également présentes. Les communes de ce territoire sont par ailleurs beaucoup plus étendues avec une superficie moyenne de 3 797 kilomètres carrés contre 14,9 kilomètres carrés pour les communes de métropole ce qui génère des charges supplémentaires, notamment d'entretien des réseaux. En Guyane, 18 des 22 communes ont une superficie supérieure à la commune la plus étendue de métropole (Arles avec 758 kilomètres carrés).

Il en résulte que les dépenses réelles de fonctionnement des communes d'outre-mer se situent, en moyenne, à 1 270 euros par habitant en 2021 contre 971 euros pour les communes de métropole hors Paris.

Le niveau élevé des dépenses réelles de fonctionnement des communes d'outre-mer n'est donc pas, dans ce contexte, synonyme d'une offre plus importante de services publics pour les habitants mais la conséquence, au moins en partie, des écarts de prix des biens et services entre la métropole et les territoires d'outre-mer.

2. Des dépenses de personnel des communes sensiblement plus élevées en outre-mer

La deuxième cause expliquant un niveau de dépenses de fonctionnement des communes des DROM plus élevé qu'en métropole est la part des dépenses de personnel dans le total des dépenses réelles de fonctionnement qui y est sensiblement plus élevée avec un écart moyen de plus de 9 points et jusqu'à 15 points pour les communes de Guadeloupe.

Part des dépenses de personnel dans les dépenses de fonctionnement
des communes

 

2021

Communes de métropole hors Paris ensemble

56,40%

Moins de 3 500 habitants

44,50%

3 500 à 10 000 habitants

56,50%

10 000 habitants et plus

61%

Communes d'outre-mer

65,80%

Guadeloupe

69,64%

Martinique

64,50%

Guyane

60,69%

Réunion

65,82%

Mayotte

65,26%

Source : DGCL - Donnée DGFIP, comptes de gestion, budgets principaux - opérations réelles ; INSEE (population totale en 2021)

Cet écart s'explique par trois phénomènes qui se juxtaposent :

- la faible intégration intercommunale. En effet, les EPCI ultramarins présentent un ratio « dépenses de personnel sur dépenses de fonctionnement » favorable. Une partie des dépenses de personnel transférées aux EPCI en métropole est demeurée dans les budgets des communes des DROM ;

- la majoration des traitements dont bénéficient les fonctionnaires territoriaux en poste en outre-mer, la loi ayant progressivement ouvert le bénéfice de ces majorations aux agents de la fonction publique locale en sus des fonctionnaires d'État. Les analyses menées par la Cour des comptes et la direction générale des finances publiques permettent d'estimer les surcoûts liés à cette majoration entre 20 et 26 % ;

- des taux d'administration dans la fonction publique territoriale en outre-mer supérieurs à ceux constatés en métropole en raison notamment de politiques d'incitation afin de lutter contre les taux de chômage élevés dans les territoires d'outre-mer.

Taux d'administration dans la fonction publique territoriale
pour 1 000 habitants en 2020

Source : rapport 2022 sur l'état de la fonction publique

3. Des taux d'épargne brute et nette inférieurs en outre-mer qui limitent les marges d'autofinancement alors que les besoins d'équipement sont notables

En 2021, les taux d'épargne brute et nette des communes d'outre-mer restent très inférieurs à ceux constatés dans les communes de métropole. Ils se situent, en moyenne, à 10 % pour l'épargne brute et à 5,3 % pour l'épargne nette contre 15,5 % et 8 % pour les communes de métropole.

Cet écart persiste malgré une stabilité des taux d'épargne pour les communes de métropole et une hausse de ceux des communes d'outre-mer.

Évolution des taux d'épargne entre 2018 et 2021 dans les communes
de métropole et d'outre-mer

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL et DGFIP

Il s'explique par le volume des écarts entre dépenses et recettes de fonctionnement dans les communes de métropole en comparaison à celui des DROM (en moyenne 12 milliards par an entre 2018 et 2021 en métropole, 42 millions par an sur la même période en outre-mer) et ce malgré un dynamisme des recettes plus important en outre-mer.

Il résulte de cette situation des marges d'autofinancement4(*) réduites dans les communes d'outre-mer approchant ou dépassant régulièrement le seuil d'alerte fixé à 100 %.

Évolution des marges d'autofinancement entre 2018 et 2021
dans les communes de métropole et des DROM

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL et DGFIP

4. Une dette plus faible qu'en métropole mais qui s'explique par des investissements insuffisants

À l'exception de la Réunion à compter de 2019, les taux d'endettement5(*) des communes des DROM sont inférieurs à ceux des communes de métropole. Ils se situent en moyenne à 56,6 % contre 78,8 %.

Évolution du taux d'endettement entre 2018 et 2021 dans les communes de métropole et d'outre-mer

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL et DGFIP

Ce niveau d'endettement moyen plus faible dans les communes des DROM s'explique essentiellement par un niveau d'investissement plus bas qu'en métropole avec une dépense d'équipement par habitant de 264 euros en 2021 contre 301 euros pour les communes métropolitaines alors même que les besoins en termes d'équipements publics sont très importants.

En effet, la plupart des infrastructures publiques en outre-mer sont insuffisantes pour répondre à l'ensemble des besoins de la population, sont défaillantes ou présentent des coûts pour l'usager supérieurs à ceux constatés en métropole.

Dans certains domaines (maternités, structures d'enseignement, hors enseignement supérieur) les taux d'équipements des communes des DROM sont équivalents voire très légèrement supérieurs à la métropole mais ramenés aux besoins (population âgée de moins de 19 ans6(*) ou taux de natalité7(*)) le taux devient alors nettement inférieur à celui de métropole8(*).

Évolution des dépenses d'équipement en euros par habitant entre 2018 et 2021 dans les communes de métropole et d'outre-mer

 

2018

2019

2020

2021

évolution en %

France métropolitaine

304

345

285

301

- 1,00%

Outre-mer

267

302

261

264

- 0,83%

France

302

344

284

299

- 0,99%

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL et DGFIP

Pour autant, même si le taux d'endettement est plus faible dans les communes des DROM, ces dernières présentent des délais de désendettement plus longs que les communes de métropole qui s'élèvent à plus de 10 ans sur la période 2018-2022 contre 5 ans en métropole.

De surcroit, les communes de Martinique présentent, en moyenne, des délais de désendettement compris entre 16 et 32 ans sur la période 2018-2022 soit des durées bien supérieures au seuil d'alerte établi à 12 ans.

Délai, en années, de désendettement des communes d'outre-mer
et de métropole entre 2018 et 2022

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL et DGFIP

B. ÉTAT DES LIEUX DES FINANCES LOCALES DES COMMUNES DES DROM : DES DIVERGENCES TERRITORIALES MAIS UN CONSTAT GLOBAL DE DIFFICULTÉS STRUCTURELLES

Au regard des divergences susmentionnées, le présent rapport s'attache à établir un état des lieux de la situation des communes des DROM par territoire afin de présenter les difficultés rencontrées de la manière la plus fine possible sans que cette analyse ne permette, pour autant, de rendre compte de la situation de chaque commune prise individuellement.

Cette partie a donc vocation à compléter la précédente portant sur les seuls facteurs communs à la dégradation de la situation financière des communes des DROM.

1. La situation des communes de Guadeloupe (cf. annexe 1)

Entre 2018 et 2021, les dépenses réelles de fonctionnement des communes de Guadeloupe ont augmenté de 1,18 % soit un rythme inférieur à celui de la hausse des recettes de fonctionnement (5,02 %). Si cette dynamique a permis une hausse de l'épargne brute et nette de respectivement 81 % et 1 000 % ces deux ratios restent très inférieurs au niveau par habitant constaté dans les communes de métropole en 2021 :

- épargne brute par habitant : 138 euros en Guadeloupe contre 194 euros en métropole ;

- épargne nette par habitant : 64 euros en Guadeloupe contre 100 euros en métropole.

De surcroit, il convient de replacer le tassement des dépenses dans un contexte de crise sanitaire à compter de l'exercice 2020 dont on peut craindre qu'il ne perdure pas en 2023 dans un contexte inflationniste.

Évolution des dépenses et recettes réelles de fonctionnement entre 2018 et 2021 des communes de Guadeloupe

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGFIP

Le poids des dépenses de personnel représente près de 70% des dépenses de fonctionnement, ce qui limite très fortement les marges de manoeuvre pour diminuer ces dernières.

Enfin, les dépenses d'investissement ont diminué de 22 % entre 2018 et 2021 ce qui a permis de diminuer le taux d'endettement et la durée de remboursement de la dette qui sont passés de 57,7 % à 50,3 % et de 12 à 6 ans. Cette tendance, si elle permet une amélioration de la section d'investissement, se fait cependant au détriment d'investissements en équipements publics nécessaires et n'a pas permis d'améliorer significativement la marge d'autofinancement qui, bien qu'étant passée sous le seuil d'alerte de 100 % reste supérieure à 96 %, démontrant ainsi une amélioration très fragile.

2. La situation des communes de Martinique (cf. annexe 2)

Entre 2018 et 2021, les dépenses réelles de fonctionnement des communes de Martinique ont augmenté de 6,7 %, soit un rythme très légèrement inférieur à celui de la hausse des recettes de fonctionnement (7,4 %). Si cette dynamique a permis une hausse de l'épargne brute de 26,4 % cette dernière reste très en-deçà du niveau par habitant constaté en métropole (62,5 euros contre 194 euros). Par ailleurs, l'épargne nette est négative durant toute la période sous revue.

Évolution des dépenses et recettes réelles de fonctionnement entre 2018 et 2021 des communes de Martinique

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGFIP

Les dépenses, en baisse en 2020 en raison de la crise sanitaire, ont enregistré une forte hausse en 2021 alors que les recettes sont restées dynamiques depuis 2018, écartant à court terme le risque d'un effet ciseaux.

Les dépenses de personnel représentent près de 64,5 % des dépenses de fonctionnement contre 56,4 % au niveau national.

Enfin, les dépenses d'investissement ont augmenté de 29,6 % entre 2018 et 2021 alors que, dans le même temps, les recettes d'investissement n'ont augmenté que de 13,7 % ce qui a contribué à un encours de dette très important de 1015 euros par habitant contre 851 euros pour les communes de métropole.

Aussi, même si l'encours de dette a légèrement diminué entre 2018 et 2021 (- 9,2 %), la durée de désendettement est de plus de 16 ans en 2021 (32 ans en 2019) soit encore très largement supérieure au seuil d'alerte de 12 ans.

Avec une épargne nette structurellement négative, la situation n'est soutenable que par l'effet de dépenses d'équipement très faibles (138 euros par habitant contre 297 euros en métropole). Il s'agit du niveau le plus bas des départements et régions d'outre-mer.

3. La situation des communes de Guyane (cf. annexe 3)

Entre 2018 et 2021, les dépenses réelles de fonctionnement des communes de Guyane ont augmenté de 8,4 % soit un rythme inférieur à celui de la hausse des recettes de fonctionnement (11,5 %). Si cette dynamique a permis une hausse de l'épargne brute et nette de respectivement 58,6 % et 163,8 %, ces deux ratios restent très inférieurs au niveau par habitant constaté dans les communes de métropole en 2021 :

- épargne brute par habitant : 108 euros en Guyane contre 194 euros en métropole ;

- épargne nette par habitant : 70 euros en Guyane contre 100 euros en métropole.

Cependant, les dépenses de fonctionnement ont diminué entre 2019 et 2020 sous l'effet de la crise sanitaire et la hausse entre 2020 et 2021 était encore modérée (+ 2,75 %). Les rythmes annuels de croissance précédemment constatés (entre 2017 et 2019) étaient de 6,6 % et il convient d'être vigilant, dans un contexte inflationniste, au dynamisme des dépenses à venir.

Évolution des dépenses et recettes réelles de fonctionnement entre 2018 et 2021 des communes de Guyane

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGFIP

Les dépenses de personnel représentent près de 61 % des dépenses de fonctionnement contre 56,4 % au niveau national. Si ce ratio est le plus faible des communes des DROM, il convient de souligner que le taux de croissance des dépenses de personnel en Guyane, de 8,6 % entre 2018 et 2021, est le plus dynamique des territoires d'outre-mer9(*).

Enfin, les dépenses d'investissement ont augmenté de 6,4 % entre 2018 et 2021 alors que, sur la même période, les recettes d'investissement ont diminué de 11,6 %. Sur la seule période 2020-2021 elles ont augmenté de 20,8 % après une nette diminution intervenue en 2020 durant la crise sanitaire.

L'encours de dette est cependant maitrisé de même que le taux d'endettement et la durée de désendettement bien inférieure au seuil d'alerte.

Sur la base des seuls chiffres la situation des communes de Guyane est donc relativement saine. Cependant, cette analyse masque les problèmes d'un recensement de la population très largement sous-évalué dans un département dont la taille est celle d'un pays comme le Portugal. Il en résulte que les ratios par habitant sont partiellement biaisés sans pour autant pouvoir chiffrer ce biais. De surcroit, son taux de croissance démographique10(*) nécessite des investissements importants que le niveau de dépenses d'équipement (même s'il se rapproche du montant par habitant constaté en métropole) ne permet pas de couvrir.

Enfin, alors que le dynamisme des recettes des communes des autres DROM s'explique essentiellement par la fiscalité, celui des communes de Guyane s'explique par la hausse des concours financiers de l'État qui représentent en moyenne, sur la période 2018-2021, 23 % des recettes réelles de fonctionnement contre 17 % pour les autres DROM (hors Mayotte).

4. La situation des communes de la Réunion (cf. annexe 4)

Entre 2018 et 2021, les dépenses réelles de fonctionnement des communes de la Réunion ont augmenté de 4,26 % soit un rythme inférieur à celui de la hausse des recettes de fonctionnement (8,26 %). Cette dynamique a permis une hausse de l'épargne brute et nette de respectivement 47,8 % et 205 % qui atteignent des niveaux par habitant se rapprochant de ceux constatés dans les communes de métropole en 2021 :

- épargne brute par habitant : 190 euros à la Réunion contre 194 euros en métropole ;

- épargne nette par habitant : 81 euros à la Réunion contre 100 euros en métropole.

Après une année 2020 marquée par un effet ciseaux, l'année 2021 se caractérise par un dynamisme des recettes et un fléchissement assez net des dépenses.

Évolution des dépenses et recettes réelles de fonctionnement entre 2018 et 2021 des communes de la Réunion

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGFIP

Les dépenses de personnel représentent près de 66 % des dépenses de fonctionnement, soit 10 points de plus qu'en métropole mais leur taux de croissance relativement limité (3,8 %) permet une stabilité de ce ratio.

La section d'investissement est en revanche beaucoup plus préoccupante. En effet, entre 2018 et 2021, les dépenses et recettes d'investissement ont diminué respectivement de 6 % et 4,8 %. Cependant malgré une baisse plus rapide des dépenses que des recettes, les premières restent nettement supérieures aux secondes.

Il en résulte un besoin de financement en 2018, 2019 et 2020 et une hausse de l'encours de dette de 37 % en 4 ans avec une dette par habitant de 1 409 euros contre 851 euros en métropole. Le remboursement de la dette a, de fait, généré une épargne nette négative en 2020.

Le taux d'endettement est ainsi passé de 73 % à 93 % soit 20 points de hausse en 4 ans. La durée de désendettement, de plus de 18 ans en 2020 est revenue à 7 ans en 2021 sous le seul effet d'une épargne brute importante dont il est difficile de présager qu'elle se pérennisera.

Enfin, la marge d'autofinancement bien qu'en amélioration en 2021 avoisinait ou dépassait les 100 % les années précédentes.

Si ce niveau d'investissement permet un montant d'équipement par habitant équivalent à celui des communes de métropole il se réalise au prix d'un endettement dont la soutenabilité pourrait poser question à terme si l'épargne brute, d'un niveau exceptionnel en 2021, ne se maintenait pas.

5. La situation des communes de Mayotte (cf. annexe 5)

Entre 2018 et 2021, les dépenses réelles de fonctionnement des communes de Mayotte ont augmenté de 37 %, soit un rythme inférieur à celui de la hausse des recettes de fonctionnement (44,5 %). Cette dynamique a permis une hausse de l'épargne brute et nette de respectivement 100 % et 106 %. Cependant, le niveau de l'épargne brute par habitant est encore très inférieur à celui constaté dans les communes de métropole en 2021 (130 euros à Mayotte contre 194 euros en métropole). En revanche, celui de l'épargne nette est supérieur à celui en métropole (109 euros à Mayotte contre 100 euros en métropole).

Évolution des dépenses et recettes réelles de fonctionnement entre 2018 et 2021 des communes de Mayotte

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGFIP

Cet écart positif ne s'explique toutefois que par un remboursement d'emprunt très faible qui résulte lui-même d'un encours de dette et d'un taux d'endettement très limités.

Le dynamisme des recettes souffre cependant d'une fiscalité locale directe faible caractérisée par des bases incomplètes en l'absence de recensement de l'intégralité des parcelles et des difficultés de recouvrement. Ainsi, les impositions par habitant représentent 405 euros par habitant contre 1 126 euros en moyenne pour les communes des DROM.

Le poids des dépenses de personnel représente près de 66 % des dépenses de fonctionnement soit 10 points de plus qu'en métropole. De surcroit, leur taux de croissance est très élevé (32,2 %) et explique pour les deux tiers la hausse des dépenses de fonctionnement sur la période.

Pour autant, les dépenses par habitant sont inférieures de 31 % à celles des communes de métropole, ce qui pose de nombreuses difficultés au regard des besoins de la population en termes de services publics.

Entre 2018 et 2021, les dépenses d'investissement sont structurellement plus importantes que les recettes, ce qui a généré en 2019 et 2020 un besoin de financement et un puisement dans le fonds de roulement. Les communes de Mayotte ont en effet un faible taux d'endettement qui s'explique par des possibilités limitées de recours à l'emprunt en raison de leurs faibles ressources financières et d'une épargne brute qui reste fragile et largement dépendante des dotations de l'État. Celles-ci représentent 38,8 % des recettes réelles de fonctionnement et 83 % des recettes d'investissement (hors emprunts).

Malgré des dépenses d'équipement par habitant très supérieures à celles des communes de métropole (324 euros contre 297 euros), les équipements publics sont insuffisants. À titre d'exemple, il manque 800 salles de classe et ces montants par habitant ne tiennent pas compte des personnes en situation irrégulière.

II. UN CONTEXTE INFLATIONNISTE QUI POURRAIT ENCORE DÉGRADER LA SITUATION FINANCIÈRE DES COMMUNES DES DROM

A. UNE INFLATION IDENTIQUE À LA MÉTROPOLE MAIS QUI INTERVIENT DANS UN CONTEXTE ANTÉRIEUR DE PRIX PLUS ÉLEVÉS

1. Un niveau d'inflation élevé malgré le bouclier qualité prix

Depuis le début de l'année 2022, les territoires d'outre-mer sont, comme la métropole, touchés par l'inflation même si les niveaux enregistrés sont, en moyenne, plus bas que ceux constatés en métropole.

Ainsi, en janvier 2023, la variation annuelle des prix sur 12 mois est, en moyenne dans les DROM, de 4,18 % contre 6 % en métropole. Cependant, le niveau d'inflation a augmenté dans le DROM de 1 à 2,5 points entre janvier 2022 et janvier 2023.

Évolution de l'inflation entre janvier 2022 et janvier 2023 - comparaison entre la France dans son ensemble (hors Mayotte) et les DROM

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'INSEE, ISPF et ISEE

Inflation DROM/France dans son ensemble (hors Mayotte) en glissement annuel entre janvier 2022 et janvier 2023

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'INSEE, ISPF et ISEE

Cette tendance inflationniste, moins marquée qu'en métropole, intervient cependant malgré l'existence du bouclier qualité prix (BQP) mis en place à compter de 2012.

Le bouclier qualité prix

Dans les départements et régions d'outre-mer, la loi de régulation économique dite loi Lurel adoptée en novembre 2012 met en place le bouclier qualité-prix (BQP), qui « prévoit qu'un certain nombre de produits de la consommation courante voient leurs prix fixés par négociation, ou, en l'absence d'accord, par le préfet ».

Ce dispositif s'applique en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna.

Les modalités d'application sont fixées par l'article L.410-5 du code de commerce et par le décret n°2012-1459 du 26 décembre 2012 relatif aux accords annuels de modération de prix de produits de grande consommation.

Les négociations commencent après un avis émis par l' observatoire des prix localement compétent et réunissent les organisations professionnelles du commerce de détail, leurs fournisseurs et le représentant de l'État. Elles doivent aboutir dans un délai d'un mois. L'accord qui en résulte fait l'objet d'un arrêté préfectoral. La liste des produits concernés ainsi que le niveau des prix sont définis pour chaque territoire.

Les négociations sont annuelles, l'accord devant être signé le 1er mars. Une signalétique « BQP » permet d'identifier les produits concernés par ce dispositif.

À La Réunion en 2022, le panier comporte 153 produits, comme en 2021. Il est garanti à un prix global de 348 euros. Ce bouclier qualité-prix est en place dans  63 magasins depuis le 28 mars. Dans les zones rurales de l'île, un dispositif complémentaire a été déployé : 42 produits inscrits au BQP pour un prix global de 98,45 euros sont proposés dans les neuf commerces de proximité.

En Guadeloupe, l'accord a été signé le 7 avril 2022. Il distingue trois listes en fonction de la taille des magasins. Dans les magasins de plus de 2 000 m², 106 produits dont 12 fruits et légumes locaux pour un montant maximum de 320 euros. Entre 1 000 et 2 000 m², 104 produits dont 10 fruits et légumes locaux pour 320 euros également. Enfin, pour les commerces de moins de 1 000 m², 70 produits dont 8 fruits et légumes locaux pour 180 euros. 

Entré en vigueur le 1er mai 2022, l'accord établi en Martinique porte sur 101 produits, comme en 2021. Le prix global maximum autorisé reste inchangé, à 306 euros. Comme à La Réunion et en Guadeloupe, la liste est adaptée à la taille du magasin : entre 1 000 m² et 800 m², une liste de 52 produits de consommation courante au prix maximum de 160 euros et dans les petites surfaces, inférieures à 800 m ² une liste de 27 produits au prix de 86 euros.

En Guyane, les distributeurs et la chaîne logistique se sont entendus pour un gel des prix sur 85 produits de grande consommation pour 265 euros maximum. 120 enseignes sont engagées dans le dispositif. 

Source : Commission des finances du Sénat

2. Des prix dans les départements et régions d'outre-mer historiquement plus élevés qu'en métropole

L'inflation constatée dans les DROM, bien que légèrement inférieure au niveau enregistré en métropole vient cependant s'ajouter à des prix historiquement plus élevés notamment pour les raisons susmentionnées.

En effet, les écarts de prix avec la métropole sont considérables. Selon les données publiées par l'Insee en 201511(*), ces écarts variaient de 12% aux Antilles (12,5 % en Guadeloupe et 12,3 % en Martinique), de 11,6 % en Guyane et de 7,1 % à La Réunion et à Mayotte (6,9 % hors loyers).

Ces écarts prennent en compte les différences de mode de vie des ménages selon les territoires (écart de Fischer). En effet, si tous les ménages consommaient le panier de biens et services moyen d'un ménage métropolitain, les écarts de prix seraient encore plus marqués (colonne A du tableau ci-dessous). En revanche, un ménage d'outre-mer ferait une économie plus limitée en payant son panier habituel aux prix métropolitains (colonne B).

Les écarts de prix s'expliquent essentiellement par la cherté des produits alimentaires en outre-mer (à ces prix, un ménage métropolitain paierait son alimentation de 37 % à 48 % plus cher ; un ménage d'outre-mer, lui, la paierait de 17 % à 23 % moins cher en métropole), mais également des prix des tabacs et alcools (supérieurs de 6 % à 32%), des communications (entre plus 18 % et 40 %), de l'enseignement ou encore de la santé.

Écarts de prix entre les DOM et la métropole - 2015

(en %)

 

Écarts DOM/métropole (panier de consommation métropolitain) A

Écarts métropole/DOM (panier de consommation local) B

Écarts de Fisher DOM/métropole C

Martinique

17,1

-7,1

12,3

Guadeloupe

17

-7,5

12,5

Guyane

16,2

-6,8

11,6

La Réunion

10,6

-3,6

7,1

Source : Insee, enquête de comparaison spatiale de prix 2015

Typologie des écarts de prix

Source : Insee, enquête de comparaison spatiale de prix de 2015

Ces niveaux de prix auxquels s'ajoute une inflation relativement élevée devraient donc avoir des conséquences sur les budgets des communes des DROM.

B. LES EFFETS ATTENDUS DE L'INFLATION SUR LES FINANCES DES COMMUNES DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER

1. Une baisse de la capacité d'autofinancement

La hausse des prix des biens et services pourrait générer une diminution de l'épargne brute des communes.

En effet, les dépenses à caractère général devraient augmenter sous l'effet de l'inflation et notamment les dépenses énergétiques et celles relatives à l'entretien et aux réparations qui intègrent la hausse des coûts de la construction et des travaux publics.

Les dépenses de personnel augmenteront également sous l'effet de la revalorisation du point d'indice12(*).

Enfin, les dépenses d'intervention et d'action sociale devraient progresser.

Or, les recettes fiscales dynamiques, notamment grâce à une revalorisation des bases particulièrement forte, ne suffiraient pas à compenser la hausse des prix qui se ferait ressentir sur les achats des communes et la hausse des frais de personnel induite notamment par la revalorisation du point d'indice.

Cette tendance pourrait être particulièrement aggravée dans les communes d'outre-mer en raison des éléments de contexte susmentionnés :

- premièrement, les bases fiscales sont très incomplètes dans certains territoires ce qui viendrait largement nuancer l'effet de la revalorisation des bases ;

- deuxièmement, la part des charges de personnel étant particulièrement importante dans les communes des DROM, la revalorisation du point d'indice devrait peser encore plus fortement qu'en métropole notamment en raison du taux d'administration.

2. Des effets incertains sur les investissements et la charge de la dette dans un contexte de hausse des taux d'emprunt

Les investissements pourraient se poursuivre en raison de l'avancement des travaux initiés dans le cadre du plan de relance et de la mise en place du fonds vert.

Cependant, leur financement dans les communes d'outre-mer pose question puisque l'épargne nette devrait enregistrer une baisse sous l'effet de la diminution de l'épargne brute et d'une hausse de la charge de la dette constatée dans tous les DROM à l'exception de la Guyane.

Cette hausse de la charge de la dette devrait, de surcroit, se poursuivre en raison de la hausse prévisible des taux variables généralement indexés sur les indices du Livret A ou de l'Euribor 3 mois. Or, le taux d'intérêt du Livret A, est passé de 1 à 3 % entre février 2022 et février 2023 et celui de l'Euribor de 0,712 % et 2,783 % entre septembre 2022 et mars 2023.

Les nouveaux emprunts devraient également coûter plus cher aux communes en particulier et aux collectivités en général, les taux d'usure leur étant applicables étant fixés ainsi pour mars 2023 :

- 4,91 % à partir du 1er mars 2023 pour les prêts à taux fixe d'une durée initiale supérieure à 2 ans et inférieure à 10 ans (contre 4,57 % le mois précédent) ;

- 4,85 % pour les prêts à taux fixe d'une durée initiale supérieure à 10 ans et inférieure à 20 ans (contre 4,51 % le mois précédent) ;

- 4,95 % pour les prêts à taux fixe d'une durée initiale supérieure à 20 ans (contre 4,60 % le mois précédent) ;

- 5,20 % pour les prêts d'une durée initiale supérieure à deux ans, à taux variable (contre 4,75 % le mois précédent).

DEUXIÈME PARTIE
FACE À CETTE SITUATION DÉGRADÉE, LA MISE EN PLACE D'UN DISPOSITIF INNOVANT ET EFFICACE : LES COROM

I. LES COROM : UNE APPROCHE GLOBALE QUI PERMET D'ACCOMPAGNER LES COMMUNES LES PLUS EN DIFFICULTÉ

Pour aider les communes des DROM présentant des difficultés financières importantes, la loi de finances initiale pour 2021 a introduit par amendement les contrats de redressement outre-mer (COROM). Ce nouveau dispositif résulte des constats du rapport « Soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer : pour un accompagnement en responsabilité » du député Jean-René Cazeneuve et du sénateur Georges Patient publié en décembre 2019 qui relevait que sur les 129 communes des DROM un tiers avait des délais de paiement supérieurs à 30 jours et plus de la moitié étaient inscrites dans le réseau d'alerte des finances publiques.

Les critères d'éligibilité, modalités de signature et de suivi des contrats sont définis dans une circulaire conjointe des ministères de l'économie, des finances et de la relance, des collectivités territoriales et de la ruralité et des outre-mer du 2 février 2021.

A. OBJECTIFS ET FONCTIONNEMENT DES COROM

1. Les objectifs : un accompagnement individualisé visant le redressement financier des communes contractantes

Les contrats de redressement outre-mer (COROM) visent à apporter un soutien spécifique de l'État aux communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux. Les communes qui signent un COROM s'engagent, en contrepartie d'un soutien financier de l'État, à redresser leur situation financière.

Ce dispositif d'accompagnement est donc basé sur :

- un effort de diagnostic et d'ingénierie préalable qui doit être mené au niveau local avec l'appui de l'agence française de développement (AFD) ;

- un accompagnement afin de mener certaines réformes structurelles indispensables concernant par exemple la fiscalité (meilleure identification des bases), la maitrise de certaines dépenses de fonctionnement, l'amélioration de la gestion de la chaîne de la dépense ou de la sincérité des comptes ;

- la restauration des marges de manoeuvre en section de fonctionnement, notamment sur la maitrise des frais de personnel, qui reste un enjeu majeur dans les collectivités ultramarines ;

- une aide de l'État au processus de redressement, apportée en fonction des efforts de la collectivité ;

- une perspective pluriannuelle afin de redresser la situation financière de la collectivité contractante.

2. Les modalités de sélection et de contractualisation : un dispositif ouvert aux seules communes à ce stade

Conformément aux conclusions du rapport Patient-Cazeneuve, sont susceptibles de bénéficier du dispositif les communes en grave difficulté financière.

Le niveau de difficulté financière est mesuré, dans la configuration actuelle du dispositif, à l'aune de deux critères :

- la mise en place de procédures de contrôle budgétaire et de règlement d'office du budget par les préfets et les chambres régionales des comptes ;

- un retour à l'équilibre ne pouvant être raisonnablement envisagé que sur plusieurs exercices.

a) Une sélection biaisée par l'équilibre géographique

Afin d'assurer un équilibre entre les territoires, le dispositif doit, selon la circulaire du 2 février 2021, être appliqué à au moins une commune par DROM et chacun ne peut pas compter plus de 3 communes au sein du dispositif pour 2021.

Dans ce contexte, et au regard des crédits ouverts en LFI 2021 à hauteur de 30 millions d'euros, la sélection des communes a nécessairement été limitée et répartie sur l'ensemble des DROM.

Sur la base des propositions motivées transmises par les préfets, la sélection définitive des communes bénéficiaires a été opérée par une décision du ministre des outre-mer après avis d'un groupe interministériel composé de la DGOM, la DGCL et la DGFIP.

9 communes ont à ce jour signé un contrat de redressement : Sada à Mayotte, Saint-Benoit à la Réunion, Cayenne et Iracoubo en Guyane, Pointe-à-Pitre, Sainte-Rose et Basse-Terre en Guadeloupe et Fort-de-France et Saint-Pierre à la Martinique.

b) Le diagnostic, préalable nécessaire à la contractualisation mais dont la fiabilité doit largement être nuancée en raison des lacunes des enregistrements comptables

La signature d'un contrat d'accompagnement est subordonnée à l'établissement d'un diagnostic partagé sur l'état des dépenses et des recettes sur l'exercice en cours et s'inscrit dans une prospective à trois ans.

La trajectoire présentée par le maire au moment de sa candidature doit indiquer des montants cibles précis, en cohérence avec les préconisations de la chambre régionale des comptes. Elle est fondée sur une base de départ fixée aux comptes de gestion 2019.

L'ensemble des budgets de la collectivité (budgets annexes, et le cas échéant, les liens avec les organismes périphériques) doit être pris en compte.

La trajectoire pluriannuelle de redressement présentée par l'ordonnateur est ensuite affinée avec le préfet en lien, si nécessaire, avec l'Agence française de développement (AFD), les services de l'État, voire de la chambre régionale des comptes, pour établir une évolution pluriannuelle réaliste de la section de fonctionnement, avec une explication des sous-jacents relatifs aux marges de progression retenues, notamment en matière de gestion des ressources humaines.

Les objectifs relatifs à l'amélioration de la qualité comptable doivent également être présentés.

Les diagnostics, s'ils sont le préalable nécessaire à l'établissement d'une trajectoire de redressement réaliste, souffrent cependant de nombreuses lacunes en raison des problèmes récurrents de fiabilité comptable constatés au sein des communes et plus particulièrement celles des DROM.

En effet, les inventaires physiques sont incomplets et les recollements avec l'état de l'actif pas toujours réalisés. Il en découle des amortissements peu fiables. Sont également régulièrement constatées des absences de provisions pour risques et charges. Enfin, les charges à payer sont régulièrement minorées en raison d'un phénomène de « factures dans le tiroir ».

3. Le suivi des contrats : un double niveau qui permet une analyse la plus objective possible

Le suivi des contrats est assuré au niveau national et au niveau local.

Le comité de suivi national, qui se réunit au moins deux fois par an, est composé des membres de la task force ministérielle et de deux représentants de l'Agence française de développement.

Ce comité est présidé par le ministre en charge des outre-mer ou son représentant. Il constate les trajectoires financières et l'exécution budgétaire de l'exercice au regard des objectifs du contrat et peut prendre toutes les mesures nécessaires au regard des observations formulées.

Il décide si les subventions exceptionnelles prévues par les contrats peuvent être versées ou si elles doivent éventuellement être suspendues, au vu du respect des engagements de chaque collectivité.

Le cas échéant, il peut proposer la dénonciation du contrat au ministre des outre-mer.

Le comité de suivi local se réunit au moins trois fois par an sous la présidence du représentant de l'État. Ce comité est composé, en plus des agents de la préfecture, d'un ou deux représentants de l'exécutif local, de l'expert assurant l'assistance technique, d'un représentant de la DRFiP et du directeur local de l'Agence française de développement et du représentant de toute entité dont la présence paraîtrait opportune (ex : chambre régionale des comptes).

Ce comité valide et suit la réalisation des trajectoires financières et des actions entreprises par la collectivité pour l'atteinte des objectifs du contrat, sur la base d'indicateurs de résultats intermédiaires prédéfinis. Le cas échéant, il formule des recommandations d'actions correctrices ou d'amélioration des procédures. Le comité de suivi local joue enfin un rôle d'alerte des autorités nationales en cas d'écarts notables entre les résultats attendus et les indicateurs intermédiaires produits à l'occasion de ce comité.

Cette procédure à double niveau crédibilise le caractère « contractuel » des COROM et permet d'objectiver et de légitimer les décisions prises. Par ailleurs, la task-force permet, dans de nombreux cas, de trouver des positions communes conciliant les approches des différents ministères.

B. LES MOYENS MIS À LA DISPOSITION DES COMMUNES CONTRACTANTES : UN SOUTIEN BUDGÉTAIRE COUPLÉ À UN APPORT D'INGÉNIERIE

1. Des engagements communaux en contrepartie de l'aide de l'État

Les engagements de la commune doivent être définis dans le contrat avec un suivi régulier de leur exécution.

À cet égard, le contrat renvoie à un tableau de bord qui comporte des indicateurs financiers chiffrés précis (évolution des dépenses réelles de fonctionnement (DRF) et des chapitres 011, 012 et 65 etc..) et des objectifs d'optimisation de la gestion (par exemple, délibération sur la révision du temps de travail ou du régime indemnitaire ; optimisation de la chaîne de la dépense ; respect des calendriers budgétaires et comptables ; travaux de fiabilisation de l'actif pour améliorer la qualité comptable etc...).

Le contrat doit également formaliser le suivi de l'exécution de la programmation pluriannuelle des investissements.

Dans le cas où le contrat prévoit l'attribution d'une subvention exceptionnelle, la réalisation de ces objectifs conditionne son versement, à la suite d'une décision d'un comité national associant la direction générale des outre-mer, la direction générale des collectivités locales et la direction générale des finances publiques qui évalue la démarche de redressement justifiant ainsi l'octroi d'une dotation en fonction de différents indicateurs, notamment du respect de la trajectoire budgétaire pluriannuelle ainsi que des réformes structurelles déjà engagées la première année du contrat.

Il est donc indispensable que les engagements formulés dans le contrat présentent un caractère objectivable et mesurable.

Il est cependant également indispensable que les engagements se basent sur des données fiables et une trajectoire réaliste tenant compte de l'ensemble des éléments financiers ce qui a pu faire défaut dans certains cas (cf. supra et infra : 3ème partie IA2 a et b).

En contrepartie de ces engagements, l'aide de l'État à l'effort de redressement peut porter, selon les cas, sur tout ou partie des leviers suivants :

- la mise à disposition d'une assistance technique ;

- l'attribution d'une subvention exceptionnelle, une aide à la résorption des dettes à l'égard des fournisseurs et au retour à des délais de paiement dans la norme.

2. L'assistance technique : la réelle nouveauté des COROM

Le contrat prévoit la mise à disposition de la collectivité d'une assistance technique sous la forme d'un expert en gestion publique locale rattaché fonctionnellement à l'agence locale de l'AFD mais placé directement auprès de la commune contractante.

L'assistance technique a la charge :

- d'accompagner la collectivité dans l'établissement de son analyse financière rétrospective et prospective, dans l'élaboration du plan de redressement et dans les échanges avec l'État pour son adoption sur une base normalisée acceptée par les deux parties ;

- de proposer une feuille de route des chantiers prioritaires de la collectivité conformément aux objectifs finaux du contrat.

- de proposer le cadre d'une programmation pluriannuelle des investissements (PPI) qui sera suivie sur l'ensemble de la durée du contrat ;

- de fiabiliser, en lien avec cette feuille de route et la PPI, une trajectoire financière prospective portant sur la durée du contrat pour sa durée de validité initiale de 3 ans - de suivre, au regard de la trajectoire financière prospective, l'exécution budgétaire et d'en présenter les caractéristiques lors de chacun des comités de suivi locaux ;

- de produire tous les outils de suivi et de gestion (tableaux de bord...) indispensables au pilotage de la collectivité comme à la supervision par l'État des actions mise en oeuvre.

Cette assistance technique représente la principale nouveauté des COROM par rapport à d'autres dispositifs mis en place précédemment notamment des aides exceptionnelles qui n'avaient pas eu les résultats escomptés en termes d'amélioration de la situation financière des collectivités concernées faute de pouvoir mettre en place des réformes structurelles en sus de l'aide financière qui ne représente qu'une solution temporaire.

Ainsi, dans le cas des COROM, l'assistant technique, sur place au sein de la collectivité, doit permettre d'éviter les dysfonctionnements observés dans la mise en oeuvre de précédents dispositifs de soutien.

3. Le soutien budgétaire exceptionnel

L'amélioration structurelle des comptes de la collectivité passe par un rééquilibrage de ses résultats budgétaires et comptables. Les communes éligibles se caractérisant par le fait que le retour à l'équilibre n'est possible que sur plusieurs exercices, l'État peut décider d'octroyer à la collectivité concernée une subvention budgétaire exceptionnelle.

Celle-ci est prévue au contrat initial et versée chaque année au plus tard en septembre de l'exercice concerné, après décision du comité de suivi national, qui peut en suspendre le versement ou mettre fin au contrat si les engagements de la collectivité ne sont pas respectés.

II. L'IMPACT DU DISPOSITIF SUR LES COMMUNES CONTRACTANTES : ANALYSE DE CAS

A. UNE AMÉLIORATION CONTRASTÉE DE LA SITUATION FINANCIÈRE

L'effet des contrats de redressement est encore difficile à appréhender pleinement en raison du faible recul depuis la signature des premiers contrats.

Cependant, quelques tendances peuvent déjà être dégagées résultant des premières actions mises en oeuvre dans le cadre des contrats.

Ainsi, à ce stade, les situations sont contrastées d'une commune à l'autre ce qui s'explique par l'ampleur initiale des difficultés financières de certaines d'entre elles et de diagnostics préalables à la signature des contrats qui ont pu, dans certains cas, ne pas prendre en considération l'ensemble des problématiques, notamment sociales, des communes contractantes.

Dans ce contexte, il peut être souligné que sur les neuf communes contractantes, six d'entre elles ont vu leur situation s'améliorer au moins partiellement :

- la situation financière de Pointe-à-Pitre est encore largement dégradée mais des premières améliorations sont constatées sur le déficit total, sur les charges de personnel ou sur l'encours de dette ;

- la situation de Basse-Terre enregistre une amélioration notable allant au-delà de la trajectoire fixée pour certains ratios ;

- la situation financière de la commune de Fort-de-France enregistre quelques tendances positives concernant notamment la capacité d'autofinancement ou la baisse du déficit cumulé mais reste très fragile en 2022 ;

- la commune de Cayenne présente désormais des résultats excédentaires sur les deux sections, a amélioré sa capacité d'autofinancement et a réduit son encours de dette ;

- certains ratios de la commune de Saint-Benoit s'améliorent : la capacité d'autofinancement augmente, les charges de personnel sont contenues et l'encours de dette reste stable mais en 2022, le déficit cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement est toujours important ;

- la commune Sada présente désormais un résultat cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement excédentaire, sa capacité d'autofinancement a augmenté mais certains ratios restent très détériorés, notamment les charges de personnel qui enregistrent une hausse continue.

À l'inverse, deux communes enregistrent une dégradation de leur situation financière depuis la signature du contrat.

- la commune de Saint-Pierre voit sa situation se détériorer et n'enregistre pas à ce stade d'effets notables du contrat ;

- la situation financière de Iracoubo continue de se dégrader mais moins que les prévisions de la trajectoire définie dans le contrat.

La commune de Sainte-Rose a signé son contrat très récemment (18 novembre 2022) rendant difficile une analyse de son impact.

1. Les communes contractantes de Guadeloupe
a) Pointe-à-Pitre (cf. annexe 6) : des premières améliorations mais une démarche nécessairement longue au regard de la situation de départ

La trajectoire à suivre pour revenir à un équilibre du budget de la commune de Pointe-à-Pitre a été définie comme suit dans le contrat signé le 22 février 2022.

Trajectoire COROM de la commune de Pointe-à-Pitre

Source : COROM de Pointe-à-Pitre

La commune de Pointe-à-Pitre présentait, fin 2018, une situation particulièrement dégradée avec un déficit cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement de plus de 77 millions d'euros.

Fin 2022, la section de fonctionnement présente toujours un déficit cumulé mais ce dernier est passé de 31,2 millions d'euros en 2018 à 23,4 millions d'euros (hors reste à réaliser à reporter) soit une diminution de 26,7 %.

Les capacités d'autofinancement brute et nette ont diminué de respectivement 190 % et 70 % ainsi que les dépenses d'équipement qui passent de 351 euros par habitant à 154 euros par habitant.

Enfin, sur la même période, les produits ont baissé de 3 % alors que les charges ont augmenté de 1,7 %.

Il convient cependant de souligner que les charges de personnel sont passées, entre 2018 et 2022 de 27 millions d'euros à 26,3 millions d'euros soit une légère diminution de 0,7 % malgré une nouvelle hausse enregistrée entre 2021 et 2022.

De surcroit, le déficit cumulé de la section d'investissement est passé de 45,3 millions d'euros à 11,8 millions d'euros. Il en résulte que le déficit cumulé des deux sections est désormais de 35,2 millions d'euros (hors reste à réaliser à reporter) contre 77 millions d'euros en 2018.

L'encours de dette a diminué de près de 10 millions d'euros.

La trajectoire n'est donc pas atteinte en 2022 malgré quelques améliorations importantes de sorte que le contrat devrait, pour être pleinement efficace, être prolongé au-delà de la durée initiale.

b) Basse-Terre (cf. annexe 7) : un exemple de pleine réussite

La trajectoire à suivre pour revenir à un équilibre du budget de la commune de Basse-Terre a été définie comme suit dans le contrat signé le 22 juillet 2021.

Trajectoire COROM de la commune de Basse-Terre

Source : COROM de Basse-Terre

Fin 2022, une amélioration notable allant au-delà de la trajectoire du contrat est constatée.

Le déficit cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement est passé de 567 246 euros en 2018 à un excédent de 8,4 millions d'euros en 2022.

Fin 2022, la section de fonctionnement présente pour la première fois depuis cinq ans un excédent à hauteur de 1,4 million d'euros contre un déficit de 4 millions d'euros en 2018. Le résultat cumulé de la section d'investissement est, pour sa part, passé de 3,5 millions d'euros à 6,9 millions d'euros.

Par ailleurs, les capacités d'autofinancement brute et nette sont désormais positives, ce qui a permis une légère reprise des dépenses d'équipement qui passent de 123 euros par habitant en 2018 à 181 euros par habitant en 2022.

De surcroit, sur la même période, l'encours de dette a diminué de 33,5 %, passant de 7,4 millions d'euros à 4,9 millions d'euros.

Les produits ont augmenté de 8,2 % quand, parallèlement les charges ont diminué de 5,5 %. Plus spécifiquement, les charges de personnel ont enregistré, entre 2018 et 2022 une baisse de 2,2 %.

Le contrat a permis une maitrise des charges à caractère général et de personnel. De même, il a eu pour conséquence des taux de subventionnement importants pour des projets d'investissement portés par des acteurs majeurs ainsi qu'une amélioration de la trésorerie.

Les effets du contrat sont donc significatifs et pourraient permettre à la commune, si la tendance se confirme, d'emprunter de nouveau pour financer ses investissements.

Cependant, cette amélioration s'explique également en partie par la subvention exceptionnelle versée dans le cadre du COROM pour plus de 1 million d'euros en 2021 et 0,8 million d'euros en 2022 mais également par des cessions d'immobilisations qui, si elles peuvent se poursuivre un temps, n'ont pas vocation à dégager des produits pérennes.

c) Sainte-Rose : un contrat trop récent pour tirer les premières conclusions

La trajectoire à suivre pour revenir à un équilibre du budget de la commune de Sainte-Rose a été définie comme suit dans le contrat signé le 18 novembre 2022.

Trajectoire COROM de la commune de Sainte-Rose

Source : COROM de Sainte-Rose

La période de recul est, à ce stade, trop courte, pour pouvoir juger des améliorations mises en oeuvre.

Cependant, fin 2018, le résultat cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement s'élevait à 2,2 millions d'euros avec une section de fonctionnement présentant un bénéfice de 1,7 million d'euros et une section d'investissement excédentaire de 0,5 million d'euros.

Fin 2022, le résultat cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement était excédentaire à hauteur de 10,3 millions d'euros décomposé entre une section de fonctionnement présentant un bénéfice de 9,9 millions d'euros et une section d'investissement présentant un léger excédent de 0,4 million d'euros.

Les charges de personnel enregistrent une légère baisse de 1,4 % entre 2018 et 2022 passant de 14,7 à 13,4 millions d'euros.

Enfin, entre 2018 et 2022, les capacités d'autofinancement brute et nette sont passées respectivement de 0,7 million d'euros et -0,6 million d'euros à 6,7 millions d'euros et 5,2 millions d'euros.

En revanche, la commune présentait des résultats déficitaires sur ses trois budgets annexes (eau, assainissement et lotissement) pour un montant total de 15,7 millions d'euros en 2018 et de plus de 16 millions d'euros en 2021.

Ce sont donc les comptes consolidés de la commune qui présentent un déficit.

2. Les communes contractantes de Martinique
a) Fort-de-France (annexe 8) : de premiers résultats encourageants mais une situation qui reste très fragile

La trajectoire à suivre pour revenir à un équilibre du budget de la commune de Fort-de-France a été définie comme suit dans le contrat signé le 13 octobre 2021.

Trajectoire COROM de la commune de Fort-de-France

Source : COROM de Fort-de-France

La situation financière de la commune de Fort-de-France reste très fragile en 2022 malgré quelques tendances positives.

Ainsi, fin 2022, le déficit cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement s'élève à 34,7 millions d'euros contre 22,6 millions d'euros en 2018 mais 40,7 millions d'euros en 2019, 47,5 millions d'euros en 2020 et 53,3 millions d'euros en 2021 soit une diminution de près de 20 millions d'euros entre 2021 et 2022.

Fin 2022, la section de fonctionnement présente un déficit cumulé de 10,3 millions d'euros en net recul par rapport aux trois années précédentes au cours desquelles il s'établissait entre 43 et 51 millions d'euros.

Le résultat cumulé de la section d'investissement est, pour sa part, beaucoup plus erratique et varie entre 2018 et 2022 entre un excédent de 10,8 millions d'euros en 2019 et un déficit de 24,4 millions d'euros en 2022.

Si ces résultats vont au-delà des objectifs fixés par le contrat, la situation de la commue reste particulièrement dégradée.

En revanche, les capacités d'autofinancement brute et nette sont désormais positives et s'établissent respectivement à 37,7 millions d'euros et 23,2 millions d'euros en 2022 sous l'effet essentiellement du résultat exceptionnel.

L'encours de dette peine à diminuer significativement.

Enfin, les produits de gestion ont augmenté de 5,5 % entre 2018 et 2022 mais les charges ont enregistré une hausse de près de 19 % sous l'effet essentiellement de la hausse des charges de personnel qui sont passées de 102,5 millions d'euros à 133,5 millions d'euros.

Comme pour la commune de Pointe-à-Pitre, le respect de certains ratios définis dans la trajectoire ne permet pour autant pas un retour à l'équilibre à l'échéance du contrat au regard de la situation de départ qui était particulièrement dégradée. Il parait donc indispensable, pour tenir compte des efforts déjà engagés et pour accompagner la commune jusqu'à un rétablissement de sa situation financière, de prolonger le contrat en cours.

b) Saint-Pierre (annexe 9) : une trajectoire non respectée qui doit être redéfinie

La trajectoire à suivre pour revenir à un équilibre du budget de la commune de Saint-Pierre a été définie comme suit dans le contrat signé le 3 septembre 2021.

Trajectoire COROM de la commune de Saint-Pierre

Source : COROM de Saint-Pierre

Fin 2022, le déficit cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement s'élève à 3,2 millions d'euros contre un excédent de 153 440 euros en 2018.

La section de fonctionnement présente un déficit cumulé de 3,9 millions d'euros qui s'est nettement accru depuis 2018 (0,5 million d'euros).

Le résultat cumulé de la section d'investissement est, pour sa part, stable sur la période.

Les capacités d'autofinancement brute et nette se détériorent également et sont de plus en plus négatives.

L'encours de dette a été multiplié par 4 sur la période 2018-2022.

De surcroit, les produits de gestion ont augmenté de 12 % entre 2018 et 2022 mais les charges ont enregistré une hausse de près de 43 % sous l'effet de la hausse des charges de personnel qui sont passées de 4,2 millions d'euros à 5,6 millions d'euros mais également des charges à caractère général qui ont enregistré une hausse de 73 %.

Cette situation générale s'explique en partie par la hausse notable des dépenses d'équipement qui ont été multipliées par 6, passant de 172 euros par habitant à 1 058 euros par habitant financées par de nouveaux emprunts en 2020 et 2021 mais également par un puisement dans le fonds de roulement. Au regard, de l'évolution du solde de la section de fonctionnement, la question de la soutenabilité de ces nouveaux investissements doit être posée.

À ce stade, la trajectoire initiale du contrat n'est pas respectée et l'assistant technique a proposé de redéfinir une nouvelle trajectoire tenant compte notamment des besoins sociaux de la commune jusqu'en 2025/2026.

3. Les communes contractantes de Guyane
a) Cayenne (cf. annexe 10) : un retour à des soldes excédentaires

La trajectoire à suivre pour revenir à un équilibre du budget de la commune de Cayenne a été définie comme suit dans le contrat signé le 27 mai 2021.

Trajectoire COROM de la commune de Cayenne

Source : COROM de Cayenne

Le déficit cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement est passé de 25,8 millions d'euros en 2018 à un excédent de 25,6 millions d'euros en 2022.

Fin 2022, la section de fonctionnement présente un excédent à hauteur de 13,8 millions d'euros contre un déficit de 12,7 millions d'euros en 2018. Le résultat cumulé de la section d'investissement est, pour sa part, passé d'un déficit de 13,1 millions d'euros à un excédent de 11,8 millions d'euros.

Ce redressement s'est toutefois fait, dans un premier temps, au détriment des dépenses d'équipement qui sont passées de 281 euros par habitant à 233 euros par habitant entre 2018 et 2022.

Dans ce contexte favorable, l'encours de dette a diminué de 5,7 millions d'euros sur la période et ce malgré la contraction d'un nouvel emprunt de 5 millions d'euros en 2021.

Les produits de gestion augmentent à un rythme sensiblement plus élevé que les charges de gestion (14,6 % contre 1,7%) et les charges de personnel enregistrent une baisse notable de 3,5 % soit 2 millions d'euros.

Par ailleurs, les capacités d'autofinancement brute et nette sont désormais positives. Elles sont passées respectivement de - 3,8 millions d'euros à 8,6 millions d'euros et de -9,1 millions d'euros à 5 millions d'euros.

b) Iracoubo (cf. annexe 11) : la persistance d'une dégradation mais une trajectoire respectée

La trajectoire à suivre pour revenir à un équilibre du budget de la commune de Iracoubo a été définie comme suit dans le contrat signé le 27 septembre 2021.

Trajectoire COROM de la commune d'Iracoubo

Source : COROM d'Iracoubo

Fin 2022, le déficit cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement s'élève à 3,4 millions d'euros contre 0,9 million d'euros en 2018.

La section de fonctionnement présente un déficit cumulé de 4,1 millions d'euros qui s'est nettement accru depuis 2018 (0,9 million d'euros).

Le résultat cumulé de la section d'investissement est, pour sa part, en légère amélioration sur la période, passant d'un déficit de 15 147 euros à un excédent de 689 911 euros.

Les capacités d'autofinancement brute et nette demeurent négatives.

L'encours de dette a baissé de 496 690 euros pour s'établir à un peu moins d'un million d'euros.

De surcroit, les produits de gestion ont diminué de 1,6 % entre 2018 et 2022 alors que dans le même temps les charges ont enregistré une hausse de 3,8 % sous l'effet de la hausse des charges de personnel qui sont passées de 1,9 à 2,1 millions d'euros soit une augmentation de 7,3 % en raison notamment du recrutement de cinq vacataires pour mener l'opération de recensement de la population.

Le fonds de roulement continue de se détériorer mais moins que les prévisions de la trajectoire pour atteindre - 3,4 millions d'euros (contre - 3,9 millions d'euros attendu en 2022).

Si la situation financière se dégrade, elle se dégrade cependant moins que les prévisions de la trajectoire définie dans le contrat et confirme que le retour à l'équilibre pour la commune d'Iracoubo nécessitera un prolongement du contrat.

4. La commune contractante de la Réunion : Saint-Benoit (cf. annexe 12), une amélioration notable qui doit se poursuivre sur la section d'investissement

La trajectoire à suivre pour revenir à un équilibre du budget de la commune de Saint-Benoit a été définie comme suit dans le contrat signé le 12 juillet 2021.

Trajectoire COROM de la commune de Saint-Benoit

Source : COROM de Saint-Benoit

Fin 2022, le déficit cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement s'élève à 4,7 millions d'euros contre 3,6 millions d'euros en 2018, 6,3 millions d'euros en 2019, 10,8 millions d'euros en 2020 et 7 millions d'euros en 2021.

La section de fonctionnement présente un excédent cumulé de 4,6 millions d'euros après deux années consécutives de déficit établi à 12,1 millions d'euros en 2020 et 4,4 millions d'euros en 2021.

En revanche, le résultat cumulé de la section d'investissement se détériore puisqu'il passe d'un déficit de 4,8 millions d'euros en 2018 à un déficit de 9,4 millions d'euros soit son niveau le plus faible depuis cinq ans. Cette situation s'explique par une grande volatilité des dépenses et recettes d'investissement qui enregistrent des amplitudes importantes d'une année sur l'autre.

Cependant, certains ratios s'améliorent : les capacités d'autofinancement brute et nette augmentent respectivement de 115 % et 410 % dans un contexte où les produits de gestion ont augmenté de 11,3 % entre 2018 et 2022 alors que dans le même temps les charges ont enregistré une hausse de seulement 4,3 %.

Cette situation permet une reprise des dépenses d'équipement qui passent de 64 euros par habitant en 2020 à 168 euros par habitant en 2022.

La hausse des charges de personnel est contenue avec une évolution annuelle de 0,6 % et de 2,5 % sur la période sous l'effet essentiellement de la hausse des rémunérations des personnels non titulaires.

L'encours de dette reste stable mais le fonds de roulement diminue et demeure négatif même s'il se reconstitue légèrement en 2021 et 2022.

5. La commune contractante de Mayotte : Sada (cf. annexe 13), une trajectoire respectée

La trajectoire à suivre pour revenir à un équilibre du budget de la commune de Sada a été définie comme suit dans le contrat signé le 30 novembre 2022.

Trajectoire COROM de la commune de Sada

Source : COROM de Sada

Fin 2022, le résultat cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d'investissement s'élève à 4,2 millions d'euros contre 0,8 million d'euros en 2018.

La section de fonctionnement présente un excédent cumulé de 1,8 million d'euros après quatre années consécutives de déficit établi en moyenne à 0,8 million.

Le résultat cumulé de la section d'investissement est également bénéficiaire et s'établit, en 2022, à 2,4 millions d'euros. Ce niveau de solde d'investissement est cependant rendu possible par la contraction de nouveaux emprunts en 2021 et 2022.

De surcroit, les capacités d'autofinancement brute et nette augmentent significativement et redeviennent positives en 2021 et 2022 dans un contexte où les produits de gestion ont augmenté de 84,8 % entre 2018 et 2022 alors que dans le même temps les charges ont enregistré une hausse de 42,7 %.

Cette situation permet une reprise des dépenses d'équipement qui passent de 194 euros par habitant en 2018 à 734 euros par habitant en 2022.

Pour autant, certains ratios doivent encore s'améliorer et être surveillés. En effet, les charges de personnel augmentent fortement, passant de 4,1 à 6,1 millions d'euros soit une hausse de 49 % en cinq ans.

B. UN IMPACT RÉEL DES CONTRATS MÊME SI DIFFICILEMENT MESURABLE À CE STADE

Comme analysé supra la situation financière de 6 communes sur les 9 ayant signé un contrat s'est améliorée. Pour autant, à ce stade, il est encore délicat d'identifier la part d'amélioration résultant de la mise en oeuvre des COROM et celles résultant de mesures exogènes.

1. Les effets immédiats des COROM : la mise en place d'une dynamique de réformes et le désintéressement des créanciers

Les contrats ont eu pour effet immédiat de mettre en place une dynamique volontariste des communes contractantes afin d'assainir leur situation financière. Il ressort, en effet, des comités de pilotage locaux, que les communes concernées manifestent une réelle volonté de s'engager durablement sur une trajectoire financière permettant une amélioration significative de leur situation.

En outre, l'assistance technique opérée par l'agence française de développement (AFD), pour le compte de l'État, dans les domaines des finances, des ressources humaines, de l'organisation des services techniques, de la conduite de projets et de la gestion patrimoniale, produit sans conteste des premiers effets positifs.

Par ailleurs, les contrats, par le biais des subventions versées, ont eu pour effet immédiat de désintéresser un nombre important de créanciers, permettant ensuite d'améliorer sensiblement la gestion de la trésorerie au sein des communes concernées. À titre d'exemple, le délai global de paiement de la ville de Basse-Terre a nettement baissé pour passer de 237,83 jours en 2020 à 64,78 jours en 2022.

2. Des facteurs exogènes qui expliquent également l'amélioration de la situation de certaines communes

Au moins trois facteurs exogènes aux contrats peuvent partiellement expliquer l'amélioration de la situation financière de certaines communes.

Premièrement, les exercices 2020 et 2021 ont été marqués par la crise sanitaire qui a eu pour effet une contraction des dépenses de fonctionnement et d'investissement ce qui a permis, dans certains cas, d'améliorer l'excédent brut d'exploitation.

Par ailleurs, des cessions d'actifs générant des recettes exceptionnelles ont été opérées par certaines communes. C'est le cas notamment de Fort-de-France qui a enregistré des produits de cessions à hauteur de 2,5 millions d'euros et 2,7 millions d'euros en 2021 et 2022, de Saint-Pierre qui a enregistré 2,2 millions d'euros de produits de cessions en 2022 ou de Saint-Benoit qui enregistre, en 2022, près de 2,3 millions d'euros de cessions, ce qui a eu pour effet, pour ces trois communes d'augmenter les recettes d'investissement et ainsi d'améliorer le solde de la section d'investissement (ou de limiter sa dégradation).

De surcroit, les comptes administratifs et/ou les budgets des communes contractantes ont fait l'objet d'une saisine de la chambre régionale territorialement compétente qui a émis des recommandations pour rectifier la trajectoire (relèvement des taux de fiscalité, diminution des charges de personnels...), de même que Cayenne a également fait l'objet d'un contrôle de gestion de la chambre régionale des comptes. La mise en oeuvre de ces recommandations a également eu pour effet d'améliorer sensiblement la situation de certaines communes.

Enfin, la situation de la commune de Cayenne s'est très fortement redressée au cours des quatre derniers exercices en raison des dispositions de la loi EROM prévoyant la redistribution aux communes de la part d'octroi de mer de 27 millions d'euros réservée antérieurement à la collectivité territoriale de Guyane ce qui a significativement bénéficié aux communes urbaines.

À ce stade, l'impact du conventionnement COROM est donc dans la majorité des cas positif mais non exclusif d'autres facteurs d'amélioration sans qu'il soit possible de manière fiable de chiffrer l'impact d'un facteur pris isolement.

TROISIÈME PARTIE
UN DISPOSITIF INSUFFISANT QUI DOIT ÊTRE RENFORCÉ ET DÉVELOPPÉ

I. DES MOYENS FINANCIERS ET HUMAINS LIMITÉS QUI DOIVENT ÊTRE RENFORCÉS POUR OPÉRER PLEINEMENT

A. DES CRÉDITS OUVERTS EN INADÉQUATION AVEC LES BESOINS RÉELS DES COMMUNES CONTRACTANTES

1. Des niveaux de consommation qui attestent des besoins des communes contractantes et des efforts réalisés

L'amendement voté en loi de finances initiale pour 2021 prévoyait l'ouverture, en 2021, de 30 millions d'euros d'AE et 10 millions d'euros de CP avec une ouverture de 10 millions d'euros de CP supplémentaire en 2022 et 2023.

Déduction faite de la réserve de précaution de 1,2 million en AE et 0,4 million par an pour les CP, les crédits disponibles s'élèvent à 28,8 millions d'euros en AE et 9,6 millions d'euros en CP par an entre 2021 et 2023.

Fin 2022, 27,6 millions d'euros en AE et 18,8 millions d'euros en CP ont été consommés soit respectivement 95 % et 98 % des crédits disponibles.

Ces taux de consommation démontrent les attentes concernant ce dispositif et les besoins des collectivités.

Consommation des crédits COROM en 2021 et 2022 par commune

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données transmises par la DGOM

De surcroit, les subventions effectivement versées attestent du respect des engagements de communes dans la mesure où le versement de la subvention est conditionné à la mise en oeuvre des actions permettant le retour à une trajectoire d'équilibre telle que définie dans le contrat.

Une exception doit cependant être soulignée concernant la commune de Saint-Pierre. En effet, alors que le comité de suivi local (CSL) du 27 juillet 2022 avait rendu un avis favorable au versement de la subvention COROM 2022, cet avis n'a pas été suivi par le comité de suivi national (CSN) du 20 septembre 2022. Ce dernier a estimé que les objectifs principaux n'avaient pas été atteints, notamment la réduction de la masse salariale et qu'il apparaissait incohérent de remettre en cause une trajectoire financière moins d'un an après la signature du contrat. Toutefois, afin de ne pas décourager la commune et l'inciter à continuer ses efforts (légère amélioration de la qualité de ses procédures, respect du plafond des charges à caractère général), le comité a décidé de verser une subvention de 50 000 euros contre 240 000 euros prévus par le contrat.

2. Les besoins supplémentaires au regard de la situation des communes déjà contractantes
a) Des besoins initiaux parfois sous évalués en raison de la non prise en compte de certains freins au redressement

Les crédits ouverts en loi de finances pour 2021 paraissent largement insuffisants au regard de la situation financière de certaines communes. En effet, la définition des trajectoires dans les neuf contrats signés n'a pas toujours tenu compte de données environnementales représentant des freins au redressement dans les échéances fixées. Ainsi, plusieurs facteurs doivent être intégrés dans l'analyse de la situation financière :

- la fiabilité comptable et l'existence de dettes anciennes non comptabilisés antérieurement ;

- l'absence de marges fiscales accompagnée parfois de difficultés de recensement ne permettant pas une analyse fiable des bases ;

- le climat social de certaines communes qui peut ralentir les actions mises en oeuvre pour aligner le temps de travail sur la durée légale de 1607 heures annuelles ou pour diminuer les effectifs ;

- les évolutions démographiques pesant sur le dynamisme de la fiscalité locale.

À titre d'exemple, la situation de la commune d'Iracoubo ne s'est pas redressée sur ces cinq dernières années. L'impact du COROM, signé en juin 2021, est positif mais n'est pas suffisamment dimensionné au regard de l'ampleur des déficits (3,3 millions d'euros cumulés sur les deux sections en 2022). Ce déficit structurel s'explique notamment par le poids des dépenses de personnel qui représente 1 139 euros par habitant contre 284 euros pour la moyenne de la strate.

Les difficultés de redressement, même si des améliorations ont été constatées depuis la signature du contrat, résultent de l'intégration en comptabilité de dépenses anciennes et non comptabilisées jusqu'à présent, ce qui a contribué à la dégradation de la situation financière de la commune jusqu'en 2022. De surcroit, la commune d'Iracoubo enregistre une diminution constante de sa démographie et ne bénéficie donc pas de marges au plan de ses ressources fiscales ou domaniales.

La commune de Saint-Pierre a également signé un contrat définissant une trajectoire qui s'appuyait sur des éléments financiers erronés. Dans ce contexte, la chambre régionale des comptes a procédé à des rectifications dégradant encore la situation de la commune et nécessitant la définition d'une nouvelle trajectoire plus réaliste et conforme à la réalité des difficultés financières.

Enfin, la commune de Sada est confrontée à des difficultés de recensement avec des actions importantes mises en oeuvre et à poursuivre concernant l'inventaire du bâti foncier.

Recommandation n° 1 : prévoir la possibilité, dans les contrats, de revoir le montant des aides exceptionnelles en cours d'exécution pour tenir compte des erreurs du diagnostic préalable (DGOM).

b) Des moyens insuffisants dans les cas de difficultés structurelles trop importantes, souvent héritées des gestions antérieures

Les trajectoires des communes de Pointe-à-Pitre et Fort-de-France ne souffrent pas, pour leur part, de problèmes de fiabilité. Cependant, au regard de l'ampleur des difficultés au moment de la signature des contrats et du niveau des déficits enregistrés, force est de constater que les moyens, notamment budgétaires avec le versement de subventions, ne sont pas à la hauteur des besoins.

Les objectifs cibles ont été, pour ces deux communes, atteints pour nombre d'entre eux. Pour autant, les déficits cumulés des deux sections d'investissement et de fonctionnement restent très élevés et ne permettent pas d'envisager un retour à l'équilibre en 2023.

Dans ce contexte, il apparait nécessaire d'augmenter les subventions accordées et surtout de prolonger la durée des contrats jusqu'au retour à l'équilibre.

Ces situations posent alors la question de l'objectif des COROM : un accompagnement dans les réformes structurelles permettant d'engager un redressement de la situation financière ou un réel retour à l'équilibre à même de dégager de nouvelles marges de manoeuvre tant en termes financiers qu'en termes d'amélioration des services publics offerts.

Les rapporteurs estiment que le deuxième objectif doit être privilégié ce qui nécessite, dans les situations les plus dégradées, un accompagnement plus long que la durée initiale de trois ans (cf. recommandations 4 et 5) ainsi qu'un soutien financier plus important.

S'il n'appartient pas à l'État de se substituer aux communes dans leurs obligations financières, les rapporteurs spéciaux soulignent cependant la responsabilité des services de l'État dans l'installation de dérives.

En effet, des défauts de contrôle de légalité ont, pour partie, contribuer à la dégradation de certaines situations (recrutements et paiements de contractuels sans contrat, marchés publics irréguliers, versements de primes irrégulières...).

Recommandation n° 2 : adapter le montant initial de la subvention exceptionnelle et des aides pour le remboursement des dettes fournisseurs en tenant compte des déficits cumulés et de l'encours de dettes fournisseurs (DGOM).

B. DES MOYENS HUMAINS QUI CONTRIBUENT À LA RÉUSSITE DU DISPOSITIF MAIS QUI DOIVENT ÊTRE RENFORCÉS

1. Des mises à disposition d'assistants techniques à développer

L'intérêt et l'originalité du dispositif reposent, plus encore que sur la subvention exceptionnelle, sur la mise en place d'une assistance technique.

En effet, le renforcement des capacités d'expertise de la collectivité via l'assistance technique permet de mettre en place des réformes organisationnelles ainsi que des outils de gestion et de suivi, souvent absents des communes contractantes en raison d'un manque d'expertise en leur sein qui s'explique par des effectifs de catégorie A souvent insuffisants.

Les directions départementales des finances publiques ainsi que les communes interrogées mettent en exergue les apports essentiels de cette assistance.

Cependant, à ce jour, pour 9 communes contractantes seuls 6 assistants techniques ont pu être recrutés et affectés dans les communes suivantes : Pointe-à-Pitre, Basse-Terre, Fort-de-France, Saint-Pierre, Saint-Benoit et Cayenne.

Il en résulte que les communes de Sainte-Rose, Sada et Iracoubo ne disposent pas d'assistant technique en raison des difficultés de recrutement rencontrées par l'AFD.

En effet, l'AFD, établissement public industriel et commercial, est contraint par son plafond d'emplois et ne peut donc pas opérer des recrutements directs. Dans ce contexte, les processus de recrutement reposent sur des appels d'offre au titre du code des marchés publics et le recours à des sociétés de portage salarial.

Les fonctionnaires intéressés ont ainsi l'obligation de se mettre en disponibilité et d'avoir recours à une société de portage salarial qui les rémunérera et sera ensuite remboursée par l'AFD. Ces modalités de recrutement représentent un frein important au recrutement de fonctionnaires territoriaux qui voient leur évolution de carrière stoppée durant la période de disponibilité. De surcroit, ces contraintes conduisent à des délais de recrutement relativement longs, de l'ordre de 6 mois en moyenne.

Par ailleurs, l'AFD ne bénéficie pas d'un vivier et d'un réseau suffisants pour démarcher des profils correspondant aux attentes.

Pour illustrer cette situation, les appels à candidatures lancés par l'AFD pour le recrutement d'un assistant technique à Iracoubo ont été déclarés infructueux malgré deux publications. Cette absence est d'autant plus regrettable que la commune d'Iracoubo par sa taille et sa situation financière est une de celles qui en tirerait la plus grande plus-value.

Il est donc envisagé de recourir à Expertise France13(*), désormais filiale de l'AFD, pour les prochains contrats à titre d'expérience pilote. En effet, le coeur de métier d'Expertise France est de recruter, suivre et animer un réseau interministériel d'experts pour des missions courtes ou longues (deux ans renouvelables). Dans la pratique, Expertise France mobiliserait un vivier d'experts pouvant intervenir sur des opérations d'assistance technique (expertise et conseil), sans procédure de mise en concurrence.

La DGOM soutient cette évolution qui nécessite cependant une décision du conseil d'administration d'Expertise France de même qu'un accord des deux ministères de tutelle14(*) afin d'étendre le mandat d'Expertise France à cette nouvelle mission.

Enfin, au regard de l'absence d'assistant technique dans certaines communes et du profil d'expertise des assistants, des mutualisations peuvent se mettre en place entre plusieurs communes. C'est le cas entre Cayenne et Iracoubo où l'assistant technique de Cayenne réalise des analyses pour la commune d'Iracoubo ou dans les cas où une commune est dotée d'un expert en ressources humaines et une autre d'un expert en marchés publics ou finances.

Il n'en demeure pas moins que ces interventions et échanges restent ponctuels et que la situation de quelques communes nécessiterait un voire plusieurs assistants techniques à temps plein.

Aussi, les rapporteurs ne peuvent qu'encourager le recours à Expertise France afin de lever les obstacles aux recrutements notamment en vue de faire face aux besoins qui découleront de la prochaine vague de sélection de nouvelles communes et doter chaque commune contractante d'au moins un assistant.

Recommandation n° 3 : mettre en place rapidement le recours à Expertise France et procéder au recrutement des assistants techniques pour les communes qui n'en sont pas encore dotées (ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, ministère de l'Économie et des Finances et DGOM)

2. Des effectifs en administration centrale qui pourraient être renforcés pour faire face à l'extension du dispositif

Le suivi des COROM nécessite la mobilisation de nombreux acteurs en administration centrale (DGOM, DGCL, DGFIP) et au sein des services déconcentrés (DRFIP, préfectures).

Au niveau des administrations centrales, une « task force » interministérielle pilotée par la DGOM et composée d'un représentant de la DGOM, d'un représentant de la DGFIP et d'un représentant de la DGCL a été mise en place. Elle rend un avis sur la sélection des communes et le contenu des contrats, notamment les engagements de la collectivité.

La DGOM assure l'interface entre le niveau local et le niveau central à toutes les étapes : sélection des communes, préparation et suivi des contrats. La DGFiP sollicite également en tant que de besoin les DRFiP.

Le comité de suivi national (CSN) réunit des représentants de la task force et de l'Agence française de développement. Ce comité est présidé par le ministre délégué chargé des outre-mer ou son représentant. Il se réunit au moins deux fois par an. Il est destinataire des comptes rendus des comités de suivi locaux sur lesquels il se fonde pour apprécier la mise en oeuvre effective de l'action structurelle sur laquelle le maire s'est engagé au moment de sa candidature ainsi que le respect de la trajectoire financière et les objectifs du contrat. Le comité décide si les subventions exceptionnelles prévues au contrat peuvent être versées aux collectivités ou suspendues. Il peut, le cas échéant, proposer la dénonciation du contrat au ministre délégué chargé des outre-mer.

Au niveau déconcentré, les préfectures sont les interlocuteurs principaux des communes. Elles suivent notamment le travail des assistants techniques positionnés au sein des communes et les reçoivent périodiquement notamment pour préparer les comités de suivi local.

Le comité de suivi local (CSL) est composé, en plus des agents de la préfecture, d'un ou deux représentants de l'exécutif local, de l'assistance technique, d'un représentant de la DRFIP, du directeur local de l'Agence française de développement et du représentant de toute entité dont la présence peut sembler opportune (ex : chambre régionale des comptes, prêteur public, etc.). Le CSL se réunit au moins trois fois par an afin de mesurer l'avancement des contrats. Ces CSL font l'objet de comptes rendus se prononçant par exemple sur le versement de la subvention exceptionnelle ou sur les difficultés que peuvent rencontrer les communes. Ces comptes rendus sont communiqués systématiquement à l'échelon central.

Toutefois, à la DGOM, à la DGCL et à la DGFIP le suivi des contrats, de la signature à leur exécution, repose sur un total de quatre personnes dont le portefeuille ne se limite pas au seul suivi des COROM :

- à la DGOM une personne au sein du bureau des collectivités locales (sous-direction des affaires juridiques et institutionnelles) et une personne au sein du bureau des finances et de la performance (sous-direction de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État) ;

- à la DGCL, une personne au sein du bureau des budgets locaux et de l'analyse financière (sous-direction des finances locales et de l'action économique) ;

- à la DGFIP, une personne au sein du bureau CL1A du service des collectivités locales.

Dans un contexte d'extension du dispositif à un nombre plus important de communes (et si les recommandations des rapporteurs spéciaux étaient suivies, à certains EPCI et syndicats (cf. infra)), il serait nécessaire d'ajuster le nombre d'effectifs en charge du suivi des COROM afin d'en assurer leur pleine efficacité.

C. UNE MISE EN oeUVRE DU DISPOSITIF QUI NÉCESSITE DES ÉVOLUTIONS CONCERNANT LA DURÉE, LES DOCUMENTS DE SUIVI ET LA COMMUNICATION

Le dispositif COROM est piloté de manière très intéressante par la DGOM. Ainsi, l'articulation entre un comité de suivi local et un comité de suivi national permet un double niveau d'analyse et permet au niveau national d'avoir une position rigoureuse notamment concernant le versement des subventions au regard du respect des engagements de la commune.

Il a, par ailleurs, été indiqué, par les élus locaux comme par les DRFIP que les échanges instaurés dans le cadre des COROM développent une plus grande confiance entre le niveau communal, le comptable public et l'administration centrale.

Pour autant, des points nécessitent d'être améliorés voire développés dans la mise en oeuvre du dispositif afin d'en améliorer l'efficacité.

1. Des clauses de revoyure à intégrer pour adapter la durée des contrats aux situations réelles des communes contractantes

Il ressort de l'analyse financière et des auditions des 9 communes contractantes, des contributions écrites des préfectures et des directions régionales des finances publiques que si la démarche des COROM est incontestablement utile, elle doit, dans certains cas, s'inscrire dans un temps long supérieur à la durée de contractualisation de trois ans actuellement mise en oeuvre.

En effet, les COROM sont une démarche utile dès lors qu'ils s'inscrivent dans le temps long, dans la mesure où les collectivités s'engagent sur des évolutions structurelles pour équilibrer leur situation financière qui nécessitent de revoir les procédures de gouvernance, la mise en place d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEEC) ou encore la mise en place d'inventaire de l'actif avec des résultats progressifs et s'inscrivant dans le temps long.

Ces actions ne peuvent se réaliser que sur des durées relativement longues, notamment celles concernant la structure des employés avec des recrutements nécessaires et, surtout, des non remplacements de départ à la retraite.

Il en résulte que si certains effets sont quasi immédiats comme la baisse du niveau des dettes fournisseurs en raison de la subvention versée par l'État, d'autres sont très progressifs notamment pour les communes les plus en difficulté présentant des déficits d'une telle ampleur qu'ils ne peuvent être résorbés en trois ans.

La période prévue pour le contrat, 3 ans, est à cet égard trop courte. Une période de 5 ans voire 6 ans ou 7 ans, dans certains cas, pourrait être souhaitable.

Dans ce contexte, concernant les neuf contrats déjà signés, une clause de revoyure doit être intégrée pour les communes dont il est évident qu'elles ne pourront revenir à l'équilibre d'ici la fin du contrat initial.

Recommandation n° 4 : insérer dans les contrats existants une clause de revoyure permettant de prolonger au-delà de la durée initiale de 3 ans du contrat pour les communes les plus en difficulté qui ne peuvent respecter la trajectoire définie malgré les efforts réalisés (DGOM).

Concernant les nouveaux contrats qui seront signés avec les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2023, il conviendra d'adapter la durée initiale du contrat pour tenir compte de la situation de chaque commune sans s'interdire d'aller au-delà de 3 ans.

Les clauses de revoyure devront également y être systématisées notamment pour tenir compte de mesures gouvernementales susceptibles d'impacter la trajectoire de départ. À titre d'exemple la revalorisation du point d'indice à 3,5 % qui impacte la trajectoire des contrats.

Recommandation n° 5 : pour les nouveaux contrats, adapter la durée en fonction de la situation réelle de la commune au besoin en prévoyant des durées initiales supérieures à 3 ans et systématiser les clauses de revoyure permettant de tenir compte, en cours d'exécution des contrats, des aléas de gestion exogènes impactant la trajectoire (DGOM).

2. Une meilleure prise en compte des situations initiales et des atouts et contraintes des collectivités lors du diagnostic qui conditionne la trajectoire

Les premiers retours d'expérience sur les COROM tendent à démontrer qu'il apparait nécessaire :

- de systématiser la mise à disposition de l'assistance technique avant la signature de contrat (ce qui n'est pas toujours le cas actuellement) afin de pouvoir établir un diagnostic financier exhaustif qui permettra la définition d'une trajectoire réaliste. En effet, dans le cas des neuf communes actuellement contractantes, des factures non payées ou des marchés non liquidés ont été découverts après la signature du contrat, rendant ainsi la trajectoire initiale biaisée. La mise à disposition d'un assistant technique, en amont de la signature du contrat avec la ville de Fort-de-France, a permis de renforcer la fiabilité de la trajectoire, la sincérité des cessions envisagées, l'identification de dettes cachées et le réalisme des mesures de redressement et a ainsi démontré l'utilité d'une assistance technique précoce.

- de tenir compte, au-delà de la seule situation financière de la commune, de ses atouts ou handicaps : attractivité touristique particulière, état de son patrimoine et possibilité de cessions d'actifs à court ou moyen terme, existence de contrats de concession défavorables, situation démographique et géographique, nature des charges incompressibles...

Recommandation n° 6 : systématiser la mise à disposition de l'assistance technique avant la signature de contrat (DGOM, AFD).

La mise en oeuvre de cette recommandation permettra sans nul doute d'améliorer la qualité du diagnostic préalable et ainsi de rendre, au moins partiellement, caduque la recommandation n° 1.

3. Des moyens complémentaires à développer pour les cas les plus problématiques

Comme vu supra, la situation initiale de certaines communes est tellement détériorée que les moyens mis à disposition paraissent largement insuffisants.

Au-delà des recommandations précédentes sur la durée des contrats et sur le montant de la subvention exceptionnelle, devraient pouvoir être envisagés des moyens complémentaires aidant au redressement de la situation financière.

À titre d'exemple, des moratoires sur les taxes foncières sur le bâti communal pourraient être envisagés. En effet, concernant la commune d'Iracoubo, la DRFIP a demandé le paiement de taxes foncières de sorte que l'aide versée pour résorber l'encours de dettes de 129 000 euros (en sus de la subvention exceptionnelle) a servi au paiement de ces taxes au détriment du remboursement des dettes à l'encontre des organismes sociaux et des fournisseurs privés.

Des prêts de restructuration permettant de regrouper plusieurs prêts à un taux unique et sur une durée unique pourraient également être envisagés. À cet égard, l'agence France locale (AFL) pourrait être sollicitée.

Enfin, des cessions de terrains appartenant à l'État aux communes contractantes sont aujourd'hui prévues (à Iracoubo) afin que la ville procède ensuite à leur revente à des agriculteurs demandeurs. Pour autant, les arrêtés de cessions n'ont toujours pas été pris par la DRFIP. Ces actions pourraient être développées et accélérées.

D'autres pistes sont envisageables : il convient de les analyser plus finement avant de les mettre en oeuvre. Ces moyens complémentaires pourraient être réservés aux communes contractantes les plus en difficulté.

Recommandation n° 7 : mettre en place un groupe de travail commun entre la DGOM, la DGCL et la DGFIP relatif aux moyens qui pourraient être développés en complément des subventions et de l'assistance technique (DGOM, DGCL, DGFIP).

4. Des documents de suivi à améliorer

Pour mener à bien leurs travaux les rapporteurs spéciaux ont demandé la communication de nombreux documents : les contrats, les diagnostics préalables, les indicateurs de résultat intermédiaires, les comptes de gestion, les budgets primitifs et les décisions modificatives, la liste des actions correctrices demandées en cours de contrat, les comptes rendus des comités de suivi...

Concernant les documents budgétaires des communes, tous n'ont pas été transmis, certaines années étant manquantes pour certaines communes.

Concernant les contrats, les diagnostics préalables y figurant ne partent pas tous de la même année (2018, 2019 ou 2020) et présentent également la partie prospective jusqu'au terme du contrat pour certains voire jusqu'en 2026 pour d'autres.

Par ailleurs, les ratios mentionnés ne sont pas toujours les mêmes de sorte que dans certains diagnostics et trajectoires n'apparait pas le solde cumulé des deux sections, indicateur essentiel pour juger d'un retour à l'équilibre.

Les engagements de la commune ne sont pas tous présentés de la même manière ni avec le même degré de précisions.

Les fiches actions ne concernent pas toutes les communes.

Parmi les documents transmis tous n'étaient pas datés ou ne mentionnaient pas le nom de la commune concernée si bien que certains documents n'ont pas pu être exploités faute de savoir à quelle commune ils se référaient.

Les documents de suivi intermédiaires sont différents d'une commune à l'autre.

Il en résulte que si les comptes rendus des comités locaux et nationaux retracent les évolutions de la situation financière en général et de certains ratios en particulier, il est difficile, à la lecture des documents, d'appréhender les réformes structurelles mises en place et leur état d'avancement par rapport à la feuille de route initiale. Cet aspect doit être développé.

Il s'agit là uniquement de quelques exemples. Si les rapporteurs spéciaux comprennent et encouragent, c'est d'ailleurs même un des objectifs et une des vertus de ces contrats, une analyse individualisée des situations pour tenir compte des spécificités de chaque commune contractante, il parait indispensable d'améliorer le formalisme des documents et leur homogénéité dans la forme ce qui en simplifierait la lecture et la comparaison notamment pour les services centraux qui ont une vision globale des 9 communes

Ce besoin de formalisation apparait d'autant plus nécessaire avec l'entrée de nouvelles communes dans le dispositif.

Recommandation n° 8 : formaliser et homogénéiser les documents de suivi, systématiser leur datage, nommage et classement et élaborer des tableaux de diagnostic et de trajectoire communs à toutes les communes quand bien même seuls certains ratios sont suivis (DGOM, préfectures).

5. Une sensibilisation des communes éligibles à développer

Les COROM sont un outil d'accompagnement des collectivités dans une démarche partagée. Cependant, certaines communes potentiellement intéressées et éligibles ne souhaitent pas s'engager dans une telle démarche parfois perçue comme une mise sous tutelle qui ne porterait pas ce nom et trop lourde de contraintes.

Si les contraintes sont intrinsèques à cette contractualisation, elles ont pour objectifs de redonner, à terme, des marges de manoeuvre financières aux communes contractantes et l'assistant technique n'a pas vocation à opérer un contrôle d'opportunité sur les choix de gestion des ordonnateurs et sur la libre administration des communes.

De surcroit, les COROM offrent la possibilité d'avoir des taux de subventionnement à hauteur de 100 % en provenance du FEI.

Les COROM viennent, par ailleurs, s'ajouter à d'autres subventions d'investissement comme la DETR ou la DSIL avec des majorations de taux de subvention.

Il semble donc important aux rapporteurs spéciaux d'améliorer la communication concernant ce dispositif auprès des élus afin de ne pas les décourager.

Recommandation n° 9 : sensibiliser les élus locaux potentiellement concernée par les COROM en améliorant la communication sur ce dispositif parfois perçu, à tort, comme une mise sous tutelle (DGOM, préfectures).

II. UNE EXTENSION NÉCESSAIRE À UN NOMBRE PLUS IMPORTANT DE COMMUNES, AUX EPCI ET AUX COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

A. UN ÉLARGISSEMENT DU DISPOSITIF POUR LES COMMUNES ET UNE EXTENSION VERS LES EPCI ET SYNDICATS QUI PARAIT INDISPENSABLE

1. Un renforcement du dispositif afin d'y intégrer un nombre plus important de communes des DROM

Sur les 129 communes des DROM, 30 sont actuellement dans le réseau d'alerte de la DGFIP en raison d'une situation financière dégradée et nécessitant une vigilance particulière soit 24 % des communes.

De surcroit, les préfets interrogés estiment que certaines villes remplissent les conditions pour prétendre à une contractualisation.

Ainsi, en Guadeloupe, la moitié des communes (soit 16) fait l'objet d'une saisine de la CRC. Toutes ces communes constituent donc un vivier et 14 avaient d'ailleurs postulé au dispositif en 2020. Parmi ces communes, celle de Capesterre-Belle-Eau et, dans une moindre mesure, car elle est peu peuplée, celle de Saint-Louis de Marie Galante pourraient avoir vocation à rejoindre le dispositif, moyennant un engagement des élus sur des objectifs partagés.

En Martinique, les communes du Lorrain et du Gros-Morne, dont les budgets primitifs 2022 ont été réglés en déséquilibre par le préfet à la suite de l'avis de la CRC, pourraient y prétendre au regard de leur situation financière très dégradée.

Par ailleurs, l'analyse financière sur la période 2019-2021 de la commune du Prêcheur, qui a bénéficié il y a quelques années du plan Cocarde, démontre une réelle dégradation de la situation financière et patrimoniale de la commune. Le niveau de trésorerie est préoccupant et ne permet pas de couvrir, notamment, les mandats restants à payer. Le point bloquant pour cette commune à l'octroi d'un COROM serait l'absence de saisine de la CRC.

En Guyane, le préfet estime que l'ensemble des communes suivies dans le réseau d'alerte (5 au total) devrait pouvoir bénéficier de ce dispositif. À cet égard, la commune de Roura avait déjà été identifiée comme éligible au dispositif. Il note cependant que pour les communes les plus faiblement peuplées (2 sur les 5 du réseau d'alerte), la principale difficulté en cas de signature d'un COROM, concerne la capacité des municipalités à désigner un référent COROM en leur sein, ce qui pourrait constituer un frein au suivi des indicateurs et des cibles à atteindre. Si un contrat devait être signé, une attention particulière devra donc être portée au recrutement d'un assistant technique à temps plein.

À Mayotte, le préfet a ciblé la commune de Pamandzi pour laquelle la chambre régionale des comptes a proposé un plan de redressement pour la période 2022 - 2024, jusqu'à résorption du déficit budgétaire. Une réflexion est par ailleurs en cours, de même qu'un accompagnement avec la commune de Boueni.

Enfin, à la Réunion, plusieurs communes ont été identifiées en grande difficulté financière depuis plusieurs années et pourraient remplir les conditions pour bénéficier du dispositif. Il s'agit de la commune de Sainte-Marie qui s'était déjà portée candidate le 22 septembre 2022 et reste en attente de réponse. Les communes de Saint-Philippe et Saint-Leu rencontrent également des difficultés importantes. Avec Sainte-Suzanne, ces 4 communes ont une cotation « risque important » dans le réseau d'alerte.

Dans ce contexte, il parait nécessaire d'élargir le dispositif et, subséquemment, d'augmenter les crédits qui y sont alloués afin d'en faire bénéficier un nombre plus important de communes.

L'amendement de crédits adopté en loi de finances pour 2023 abonde dans ce sens puisque 10 millions d'euros en AE et CP ont été ouverts pour intégrer de nouvelles communes. Dans ce contexte, un appel à candidatures a été lancé mi-février auprès de 31 communes éligibles du fait de leur situation financière dégradée. À son issu, 12 nouvelles communes15(*) ont été retenues en juin 2023.

Il est à noter que l'amendement de 10 millions d'euros pour les communes est en AE=CP, alors que les COROM sont par nature une démarche pluriannuelle. Il est donc prévu, d'après les éléments transmis par la DGOM, que la nouvelle vague de contractualisation soit dotée de 10 millions d'euros par an pour la période 2023-2025, ce qui nécessitera donc l'ouverture d'AE et CP complémentaires en 2024 voire en 2025.

Les rapporteurs spéciaux soulignent cependant qu'une telle enveloppe de 30 millions sur 3 ans permettrait d'intégrer environ une dizaine de communes, dans les mêmes conditions que la première vague (12 ont finalement été sélectionnées) alors même que les préfets des 5 DROM ont fait part de 14 communes en difficultés, que le réseau d'alerte en compte 30 (hors communes ayant déjà signé un COROM) pour ces mêmes territoires et que la DGOM a précisé que le nouvel appel à candidatures a été lancé auprès de 31 communes éligibles sur le seul critère du fonds de roulement net négatif.

Recommandation n° 10 : étendre formellement l'éligibilité des communes des DROM, par modification de la circulaire du 2 février 2021, au-delà des deux critères initiaux de saisine d'une CRC et d'impossibilité de redressement sur deux ans en tenant compte notamment du fonds de roulement, du suivi dans le réseau d'alerte ou de tout autre critère attestant d'une situation financière particulièrement dégradée (DGOM).

2. Une extension des COROM aux EPCI qui pourrait s'avérer utile à moyen terme

Les DROM comptent 23 EPCI répartis comme suit :

- 6 en Guadeloupe ;

- 3 en Martinique ;

- 4 en Guyane ;

- 5 à la Réunion ;

- 5 à Mayotte.

La situation financière des EPCI de Guadeloupe reste à l'équilibre et ces derniers se désendettent. Toutefois, le développement des EPCI reste en devenir : leurs dépenses d'équipement demeurent peu élevées à 44 euros par habitant environ, soit un niveau deux fois et demie inférieur à la moyenne nationale des EPCI (110 euros par habitant). Cette situation s'explique notamment par le fait que nombre de communes membres gardent la charge de certaines compétences qui ne sont donc pas transférées à leurs EPCI.

En 2021, le flux d'emprunt annuel pour la deuxième année consécutive est inférieur à l'amortissement de la dette (remboursement d'emprunts).

Cette évolution conduit à une diminution de l'encours de dette. Ainsi, en 2021, le désendettement se poursuit : les remboursements d'emprunt (+ 16%) augmentent alors qu'une forte diminution du recours à l'emprunt est à constater (- 77%) en lien avec la baisse des investissements.

La situation financière des EPCI de Martinique est également à l'équilibre. En 2021, les EPCI enregistrent une amélioration de leur épargne brute qui couvre le remboursement en capital de la dette.

La capacité de désendettement s'améliore et passe de 7,6 ans en 2020 à 4,8 ans en 2021 soit un niveau supérieur au niveau national de 4,4 ans en 2021 pour l'ensemble des EPCI, mais inférieur au seuil d'alerte de 12 ans. Le montant de l'épargne brute couvre cependant le remboursement annuel de capital de la dette.

Les budgets des EPCI de Guyane sont marqués par un effet de ciseaux en 2021 sur le fonctionnement, les recettes augmentant presque deux fois moins vite que les dépenses, ce qui détériore la capacité d'autofinancement de plus de 11 % par rapport à 2020. Toutefois, les budgets des EPCI ont une faible surface financière par rapport notamment au poids des communes de Guyane. Cette situation est due pour l'essentiel au report de transferts de compétences à l'intercommunalité au 1er janvier 202616(*). Il en résulte que les communes portent, à ce jour, encore l'essentiel du développement local en l'absence de transfert de compétences.

L'encours de dette total était faible en 2021 et s'établissait à 2,9 millions d'euros, soit une baisse de 43 % par rapport à 2018. Dans ce contexte, la capacité de désendettement est de moins d'un mois soit un niveau inférieur au niveau national de 4,4 ans en 2021 pour l'ensemble des EPCI.

Les budgets des EPCI de La Réunion restent en situation équilibrée malgré un effet ciseaux en 2021 avec :

- une évolution des recettes de fonctionnement légèrement moins dynamique que les dépenses ;

- des dépenses d'équipement en augmentation.

L'encours de dette total reste maîtrisé et progresse légèrement entre 2016 et 2021 mais la capacité de désendettement de 5 ans reste très en deçà du seuil d'alerte.

Les budgets des EPCI de Mayotte ont été mis en place pour la plupart en 2016. L'analyse des comptes reflète cette création récente avec notamment en 2018 et 2019, un démarrage des investissements et de la mobilisation de l'emprunt dans un contexte de lancement des projets des intercommunalités. Les équipes intercommunales constituées au départ avec les transferts de personnels communaux se renforcent avec des recrutements dans les services techniques et les services de développement du tourisme ce qui pourrait, à terme, générer une hausse des charges de personnel.

L'encours de dette total est faible et se résume aux flux d'emprunt de 2018 à 2021, soit 15,7 millions d'euros, ce qui représente moins de 10 mois d'épargne brute environ.

Malgré une situation d'ensemble plutôt favorable certains points doivent être mis en exergue. En effet, la situation de certains EPCI est moins solide. À titre d'exemple, la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes en Guadeloupe présente un encours fournisseurs de 32,5 millions d'euros, notamment à l'égard des communes membres.

Par ailleurs, cet équilibre financier d'ensemble s'explique de manière quasi générale dans les DROM par la faible surface financière des EPCI en raison de transferts de compétence très limités à ce jour et subséquemment d'un faible niveau d'investissement des EPCI. De surcroit, la mutualisation des moyens par les EPCI au profit des communes n'est pas assurée de manière systématique.

Pour autant, ces transferts devraient s'accentuer à l'avenir jusqu'en 2026.

Dans ce contexte, si le besoin n'est pas prégnant actuellement, il peut se développer quand l'intégralité des compétences aura été transférée aux EPCI. Il semble alors nécessaire de pouvoir les rendre éligibles au dispositif des COROM pour ceux d'entre eux qui présenteraient des difficultés financières importantes. L'objectif serait alors double : préserver les EPCI d'une dérive financière trop importante comme celle observée pour de nombreuses communes des DROM et éviter une fragilisation du tissu économique local par des délais de paiement trop longs.

Ainsi, pour les EPCI, le dispositif des COROM pourrait être adapté et être envisagé comme une solution à mettre en place de manière précoce afin d'éviter que les difficultés financières ne deviennent structurelles. Pour autant, dans un contexte où les charges de fonctionnement et d'investissement de ces établissements sont amenées à croitre dans les années à venir, il semble nécessaire de pouvoir les rendre éligibles ce qui ne signifie pas pour autant la signature de contrats à court terme.

3. La question de la situation financière des syndicats : une ouverture permise par le Gouvernement lui-même

Les DROM comptent 22 syndicats :

- 7 en Martinique ;

- 2 en Guyane ;

- 10 à la Réunion ;

- 3 à Mayotte.

Ces syndicats ont principalement des missions de services publics industriels et commerciaux et sont, de ce fait, financés par des redevances des usagers avec une impossibilité pour leurs adhérents de verser des subventions d'équilibre sauf exception encadrée par la loi. Dès lors, certains d'entre eux nécessitent des dispositifs de soutien adaptés. C'est notamment le cas du SMGEAG en Guadeloupe qui est en cours de signature d'un COROM.

La contractualisation du SMAEG

L'amendement adopté en LFI 2023 prévoit 20 millions d'euros en AE et en CP pour le Syndicat gestionnaire de l'eau et de l'assainissement en Guadeloupe (SMGEAG). Cette enveloppe de 20 millions d'euros vient s'ajouter aux 10 millions d'euros inscrits, en 2023, au sein des crédits de la mission « Outre-mer » pour accompagner les efforts du SMGEAG.

Ces 30 millions d'euros en AE=CP ont pour objectif un retour à l'équilibre financier dans le cadre de la feuille de route signée le 8 novembre 2022 qui détaille le plan d'actions prioritaires à mettre en oeuvre ainsi que les contributions respectives des acteurs dans le cadre de la structuration du SMGEAG.

Au sein de cette enveloppe 27 millions d'euros financeront la subvention exceptionnelle de fonctionnement conditionnée au respect des engagements contractualisés, et le delta est affecté au financement des assistants techniques, le besoin précis étant en cours d'affinage. Elle permet d'acter plusieurs engagements déterminants pour assurer l'efficacité du SMGEAG dans la réussite de ses missions :

- la poursuite de la structuration du syndicat avec la mise en place de son plan de retour à l'équilibre financier ;

- la mise en oeuvre d'un comité de pilotage resserré entre la Préfecture, le conseil régional, le conseil départemental et le SMGEAG ;

- la réalisation d'une liste des travaux d'urgence et des réseaux à renouveler en priorité ;

- l'assistance technique des services de l'État sur les missions prioritaires.

Source : commission des finances du Sénat

En Martinique, l'extension du dispositif COROM à des établissements publics a également été évoquée notamment concernant le Syndicat Martiniquais pour le Traitement et la Valorisation des Déchets (SMTVD) qui connaît de grosses difficultés financières et présente notamment un encours de dette en 2021 de 52 millions d'euros. Des discussions sont en cours avec la DGOM pour la mise en oeuvre d'un Contrat d'Objectifs et de Performance (COP) qui présente des similitudes avec le dispositif COROM.

À la Réunion, le syndicat mixte de traitement des déchets des microrégions sud et ouest présente également une situation préoccupante avec une épargne nette négative, des remboursements d'emprunt importants et un encours de dette en 2021 de 126,5 millions d'euros qui a augmenté de près de 57 millions d'euros en un an.

Le sujet concernant les syndicats est donc circonscrit à quelques cas particuliers mais pose cependant la question de l'extension du dispositif des COROM à ces établissements.

Concernant les EPCI et les syndicats, si l'amendement instaurant le dispositif des COROM ne prévoyait pas leur éligibilité, la DGOM a déjà été au-delà en contractualisant avec le SMAEG.

Il n'y a donc pas d'opposition de principe à élargir le dispositif aux EPCI et aux syndicats selon des critères à définir et en prévoyant une modification de la circulaire initiale.

Cette extension nécessitera cependant des crédits supplémentaires qui pourront être ouverts lors de la loi de finances 2024 en fonction des besoins déterminés pour ces établissements et syndicats.

Recommandation n° 11 : rendre les EPCI et les syndicats éligibles au dispositif des COROM en modifiant la circulaire du 2 février 2021 et en définissant des critères attestant d'une situation financière fortement dégradée (DGOM).

B. UNE EXTENSION DU DISPOSITIF AUX COMMUNES DES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER RELEVANT DE L'ARTICLE 74 DE LA CONSTITUTION QUI RENCONTRE DES OBSTACLES JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELS

1. Des communes de collectivités d'outre-mer qui ne répondent, a priori, pas aux critères d'éligibilité des COROM tels que définis dans le rapport Cazeneuve/Patient mais dont la situation financière pourrait nécessiter un soutien

Pour mémoire, le rapport Cazeneuve/Patient « Soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer » publié en décembre 2019, indiquait : « l'éligibilité au dispositif devrait être réservée aux communes dont le budget a donné lieu à une ou plusieurs saisines de la chambre régionale des comptes et pour lesquelles le plan de redressement ne permet pas d'attendre un retour à l'équilibre à l'occasion des deux exercices suivants et ce afin de concentrer les moyens sur les communes en difficulté ».

Pour autant, cette préconisation n'était pas de nature intangible. En atteste d'ailleurs le nouveau critère pris en compte pour le nouvel appel à candidature lancé en 2023 (fond de roulement net négatif) qui rend éligible 31 communes sans prise en compte des critères de saisine d'une CRC et d'impossibilité de redressement sur deux ans.

Il en résulte que sur ce point, le rapport Cazeneuve/Patient établissait deux critères d'éligibilité mais que cette préconisation n'était pas prescriptive et ferme et avait donc vocation à évoluer, l'objectif premier étant de permettre le redressement des communes les plus en difficulté.

Dans ce contexte, force est de constater, que sans remplir les conditions d'éligibilité susmentionnées, certaines communes des collectivités d'outre-mer présentent des difficultés financières même si l'ampleur de ces difficultés est moindre que dans les DROM et d'une nature différente.

Les collectivités de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis et Futuna n'ont pas de communes. Dès lors, la question se pose pour la Nouvelle-Calédonie (33 communes), la Polynésie (48 communes) et Saint-Pierre et Miquelon (2 communes).

Les communes de Nouvelle-Calédonie ne présentent pas de difficultés financières majeures avec des recettes en hausse et un financement des investissements qui repose essentiellement sur l'épargne et les subventions, avec un recours à l'emprunt limité et décroissant. En effet, la part de l'épargne nette et des subventions est de 75 % dans le financement des investissements. L'épargne nette connaît un rebond en 2021 et assure aux communes un niveau d'autofinancement satisfaisant permettant de couvrir une part importante de leurs investissements.

Le ratio de solvabilité des communes calédoniennes se rapproche des 4 années mais reste encore assez éloigné du seuil moyen de 7,5 années constaté sur les communes d'outre-mer. Cette capacité de désendettement reste bonne grâce à un haut niveau d'épargne nette. En revanche, le taux d'endettement des communes de Nouvelle-Calédonie s'accroît et égale désormais la moyenne ultramarine (65 % des recettes), tandis que la dette par habitant apparaît plus élevée que la moyenne ultra-marine. Le contexte de hausse des taux d'intérêt nécessitera donc une vigilance accrue.

Dans le contexte actuel, le réseau n'alerte n'est pas encore formalisé en Nouvelle-Calédonie. Toutefois, une action de préfiguration est actuellement envisagée pour mettre en oeuvre ce dispositif en étroite collaboration avec les services du Haut-Commissariat avec pour objectif la mise en place de ce réseau d'alerte au cours des prochains exercices.

En revanche, les budgets annexes des communes calédoniennes connaissent des difficultés. En effet, la grande majorité des communes de plus de 3 500 habitants ne parvient pas à respecter l'obligation règlementaire d'équilibre des budgets annexes consacrés aux services publics industriels et commerciaux. La chambre territoriale des comptes confirme d'ailleurs que la « pratique irrégulière du versement de subventions d'équilibre par le budget principal » demeure : les deux tiers des budgets annexes des communes calédoniennes de plus de 3 500 habitants ne sont pas équilibrés fin 2019 (seules 4 de ces 13 collectivités de plus de 3 500 habitants ne versent aucune subvention d'équilibre et sont ainsi en conformité avec la règle). De surcroît, les communes ne motivent pas toujours les subventions d'équilibre qu'elles versent, notamment lorsque celles-ci sont nécessaires pour permettre la réalisation d'investissements sans faire peser sur l'usager une hausse trop forte de la facture d'eau. Le Haut-Commissariat rappelle aussi chaque année dans le courrier qu'il adresse aux communes lors de leur préparation budgétaire que l'omission, l'annulation ou la minoration de la subvention d'équilibre expose la commune à un risque d'insincérité budgétaire. Ces difficultés pourraient s'accroitre, y compris pour les budgets annexes aujourd'hui à l'équilibre, compte tenu des besoins en investissement à venir17(*).

En revanche, les communes de Polynésie rencontrent plus de difficultés financières. 11 d'entre elles étaient dans le réseau d'alerte en 2021 et 18 ont été proposées en 2022 (soit 43 % des communes dont 5 dépassaient les seuils d'alerte pour 2 ratios : coefficient d'autofinancement18(*) supérieur à 1 et rigidité structurelle19(*) supérieur à 0,65).

Par ailleurs, à l'issue de la dernière réunion du réseau d'alerte entre la direction des finances publiques de Polynésie et le Haut-commissariat, il a été proposé d'intégrer, à titre expérimental dans un premier temps, les EPCI aux analyses du réseau d'alerte. En effet, le champ de compétence de ces derniers à vocation à s'élargir avec des charges de fonctionnement et d'investissement qui sont, dans certains cas, lourdes à assumer. La DRFIP note à cet égard la vigilance qui doit être apportée à la situation d'un EPCI en particulier qui présentait, en 2021, un coefficient d'autofinancement courant supérieur au seuil d'alerte, un déficit de la section de fonctionnement et une capacité d'autofinancement nette négative.

Le compte rendu de cette réunion souligne, enfin, une attente forte des communes vis-à-vis de l'État pour améliorer leur situation financière, la qualité comptable et le recouvrement.

Les difficultés rencontrées par les communes de Polynésie résident essentiellement dans un manque de définition et de pilotage d'un programme pluriannuel d'investissement dans un contexte où les investissements communaux ont pourtant progressé et ont vocation à se développer encore (centrales hybrides photovoltaïques, bâtiments communaux aux normes abris, eau potable, assainissement ...). De surcroit, les données collectées par l'observatoire des communes de Polynésie française20(*) soulignent une nouvelle fois la problématique de la fiabilisation de l'information financière (retards d'émission de titres de recettes pour certaines redevances, rattachements des comptes d'attente, retards de mandatements des charges patronales ou des cotisations aux syndicats, valorisation des travaux en régie, évaluation plus fine des subventions d'équilibre versées aux budgets annexes...). Ce sujet est d'autant plus important pour les plus petites collectivités dont les contraintes comptables sont allégées mais dont la situation financière demeure plus sensible aux moindres variations et qui peuvent rencontrer, en cours d'année, des tensions de trésorerie.

Enfin, le contexte plus global de forte inflation notamment de l'énergie, des matières premières et du fret grève désormais les investissements des communes. Les inciter à rechercher des marges de manoeuvre d'investissement par une meilleure optimisation de leur gestion budgétaire et financière devient donc un enjeu. L'AFD-Papeete développe depuis 2022 une offre de service destinée au monde communal afin d'améliorer la capacité des communes en matière de gestion financière.

Enfin, les deux communes de Saint-Pierre et Miquelon n'enregistrent pas de difficultés financières notables. L'enjeu majeur pour ces deux communes réside dans l'articulation de leurs compétences avec celles exercées par la collectivité territoriale qui aboutit à des situations complexes. À titre d'exemple, la compétence de la collectivité territoriale en matière fiscale lui permet de voter la modification ou la suppression d'impôts et taxes affectant le budget des communes de Saint-Pierre et Miquelon-Langlade, sans que ces dernières ne soient consultées.

2. Le financement particulier et les compétences des communes des COM rendent l'application du dispositif COROM difficile dans ces territoires mais pas impossible
a) L'exercice des compétences dans les communes des COM

Si elles s'administrent librement, les communes polynésiennes ne bénéficient cependant pas de la clause de compétence générale, compte tenu du partage de compétences spécifique opéré par la loi organique dans le cadre du statut d'autonomie de la Polynésie française. En effet, les communes disposent en Polynésie française de compétences d'attribution au titre de l'article 43-I de la loi organique statutaire (police municipale, voirie communale, cimetières, des transports communaux, construction, entretien et fonctionnement des écoles de l'enseignement du premier degré, distribution d'eau potable, collecte et traitement des ordures ménagères, déchets végétaux, eaux usées).

Le II de l'article 43 de la loi organique subordonne la possibilité pour les communes de la Polynésie française d'intervenir en matière d'aides et interventions économiques, d'aide sociale, d'urbanisme, ainsi qu'en matière de culture et de patrimoine local à la définition préalable dans des lois du pays des conditions d'exercice de ces compétences et de la réglementation applicable.

Dans ce contexte, le Conseil d'État en a conclu qu' « il s'ensuit que pour ces communes cette clause de compétence générale ne peut trouver à s'appliquer que pour des actions qui ne relèvent ni de l'État, ni de la Polynésie française, dans des matières dans lesquelles ces interventions communales n'auraient été ni expressément autorisées, ni expressément interdites, dès lors qu'un intérêt communal particulier le justifierait. Compte tenu des règles applicables aux compétences des communes de la Polynésie française et des jurisprudences précitées, de telles interventions ne peuvent avoir qu'un caractère subsidiaire. »

La réforme statutaire résultant de la loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française a élargi la liste des compétences au développement économique, à l'aménagement de l'espace, à la protection et la mise en valeur de l'environnement, à la politique du logement et du cadre de vie, à la politique de la ville et à la jeunesse et le sport. Ces compétences peuvent désormais également faire l'objet d'actions conjointes des communes et du Pays dans un cadre juridique défini.

En Nouvelle-Calédonie, les compétences des communes ne sont pas listées dans la loi organique mais précisées dans le code des communes. Elles n'interviennent pas en matière de développement économique ou de documents d'urbanisme.

Enfin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, le droit commun de la décentralisation s'applique aux communes et à la collectivité qui exerce en outre des compétences particulières relevant de la compétence de l'État dans l'hexagone. La collectivité exerce les compétences dévolues par les lois et règlements en vigueur aux départements et aux régions de l'hexagone à l'exception de 6 matières. En outre, la collectivité exerce des compétences dérogatoires du droit commun, notamment pour la fiscalité communale (cf. supra). Il peut en résulter un enchevêtrement des compétences entre les communes, la collectivité et l'État, source de difficultés. Ainsi, à titre d'exemple, la répartition de la compétence en matière de transport maritime entre les communes et la collectivité territoriale, ainsi qu'entre cette dernière et l'État, fait régulièrement l'objet de divergences d'interprétation, aboutissant à l'intervention du juge administratif.

b) Des recettes essentiellement issues des dotations et de fiscalité transférée sans levier fiscal direct

Les recettes des communes de Polynésie française sont essentiellement constituées :

- de dotations qui représentaient, en 2020, 61 % des ressources dont les dotations du fonds intercommunal de péréquation (FIP) (55 % des dotations) et la DGF (40 % des dotations) ;

- de recettes fiscales qui représentaient, en 2020, 22 % des ressources totales ;

- de redevances à hauteur de 18 %.

Les recettes se caractérisent donc par l'importance des produits de transfert provenant du Pays et de l'État. Le poids relatif de la péréquation territoriale matérialisée par les Dotations Non Affectées en Fonctionnement (DNAF) du FIP, demeure plus important (37% en moyenne des ressources totales) que le poids de la péréquation nationale liée notamment à la DGF (26 % des ressources totales).

La fiscalité locale relève des compétences de la Polynésie française et la fiscalité nationale en matière de taxes foncières et de taxes d'habitation n'est pas applicable. Les recettes fiscales sont principalement constituées de centimes additionnels communaux (contribution sur les licences, taxe sur les propriétés bâties et patentes) et de la redevance pour l'enlèvement des ordures ménagères. Les communes peuvent également établir une taxe sur l'électricité et une taxe de séjour.

Dans ce contexte, la notion d'autonomie financière des communes en Polynésie française est à relativiser compte-tenu de la répartition des compétences entre ces collectivités locales et le Pays et de l'absence de levier fiscal direct pour les communes. Les communes sont cependant en demande d'une plus grande autonomie qui pourrait cependant générer des difficultés en termes de péréquation.

La structure des recettes des communes de Nouvelle-Calédonie est très similaire à celle des communes polynésiennes.

Structure des recettes de fonctionnement des communes de France métropolitaine, d'outre-mer, de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie en 2019

Source : rapport de l'observatoire des communes de Nouvelle-Calédonie (AFD)

Le fonds de péréquation intercommunal (FIP)

En Polynésie française

Institué par la loi du 24 décembre 1971 relative à la création et à l'organisation des communes sur le territoire, le FIP est régi par la loi organique statutaire du 27 février 2004. Sa vocation est de doter les communes d'une source de financement stable et pérenne en l'absence de fiscalité propre suffisante. Les ressources du FIP reposent principalement sur une quote-part versée par le Pays, via un prélèvement sur les impôts, droits et taxes perçus au profit du budget général de la Collectivité de Polynésie française. Cette quote-part est déterminée en deux étapes selon l'article 52 de la loi de 2004 :

• Un premier décret établit l'assiette provisoire et fixe le taux applicable à partir du budget primitif (BP) de l'année en cours (il est de 17% depuis 2006) ;

• Avant qu'un second décret n'établisse l'assiette définitive sur la base du compte administratif. Cette assiette est composée de toutes les recettes fiscales du Pays (déduction faite des crédits, reversements et autres exonérations d'impôts ainsi que des pertes sur créances irrécouvrables et autres charges exceptionnelles et taxes affectées).

Lorsque le compte administratif (CA) fait apparaître que le produit des impôts, droits et taxes effectivement perçu est inférieur au produit prévu au budget primitif, le montant de la différence est également inscrit en déduction de l'assiette du FIP l'année suivant l'adoption du CA.

En Nouvelle-Calédonie

Aux termes de l'article 49 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999, relative à la Nouvelle- Calédonie : « Un fonds intercommunal de péréquation pour le fonctionnement des communes reçoit une quote-part des impôts, droits et taxes perçus au profit du budget de la Nouvelle-Calédonie et des recettes de la régie locale des tabacs, achats et frais de fonctionnement déduits, à l'exclusion des impôts, droits et taxes affectés au fonds intercommunal pour le développement de l'intérieur et des îles. Cette quote-part ne peut être inférieure à 16 % des ressources énumérées. Elle est fixée chaque année, compte tenu du montant desdites ressources inscrites au budget primitif de la Nouvelle-Calédonie, par une délibération du congrès. Elle est majorée, le cas échéant, par une nouvelle délibération pour atteindre le seuil de 16 % de ces ressources telles qu'elles sont encaissées et comptabilisées par le payeur à la clôture de l'exercice. ».

L'article 49 de la loi organique détermine également que « le montant définitif de la quote-part versée au fonds est chaque année au moins équivalent au montant définitif de la quote-part versée au fonds au titre de l'année précédente». Ce dispositif garantit une enveloppe a minima constante d'une année sur l'autre, même en cas de baisse des recettes fiscales. Le FIP fonctionnement ne peut en aucun cas dépasser le plafond de 18% des recettes fiscales qui le constituent.

Source : Commission des finances du Sénat

3. Pour autant, face aux difficultés financières de certaines communes des COM et de leurs budgets annexes un système de soutien particulier pourrait être envisagé

La question du soutien aux communes des collectivités d'outre-mer doit être posée dans des termes différents au regard de l'absence d'une clause de compétence générale et d'autonomie fiscale et d'une autonomie financière très limitée.

Pour autant, la situation financière de quelques communes de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie (essentiellement du fait des budgets annexes dans ce territoire) ainsi que les enjeux d'investissement auxquels ces communes doivent faire face sans avoir à ce jour les outils de suivi stratégique et l'ingénierie nécessaires font qu'un soutien particulier pourrait être envisagé.

Les demandes à cet égard se multiplient.

Le cas de la commune de Mahina en Polynésie

La commune de Mahina a présenté, entre 2015 et 2022 des difficultés financières importantes. En effet, le maire actuel, élu en aout 2015 a hérité d'une situation très dégradée caractérisée par une section de fonctionnement en déficit à hauteur de 42 millions de francs pacifique, une capacité d'autofinancement nette et brute négative et des défauts de paiements en raison d'une trésorerie de seulement 15 jours.

Le maire a donc sollicité l'accompagnement de l'agent comptable dans un premier temps afin d'améliorer le recouvrement et l'adressage. À cette fin, il a également eu recours à la police municipale et a mis en place une campagne de communication à l'attention des administrés afin de sensibiliser les citoyens à la nécessité du recouvrement.

Il a, par ailleurs, sollicité l'AFD pour obtenir des prêts refusés jusqu'en 2017 en raison de la situation financière en déséquilibre.

Une aide informelle a également été demandée par le maire de la commune à l'agent comptable de Papeete. Un contrôle de la chambre territoriale des comptes de 2017 a également permis à la commune de :

- fiabiliser les états de restes à recouvrer ;

- stabiliser la masse salariale ;

- généraliser rapidement la facturation au volume pour le service public de l'eau ;

- achever les travaux de mise en concordance des comptes de l'eau et de la SEM de gestion de l'eau afin de procéder aux écritures d'intégration des comptes. Sur ce dernier point, la commune a repris en régie la gestion de l'eau en 2014 mais n'a pu opérer les réintégrations comptables du passif à hauteur de 4 millions d'euros qu'en 2023. Cette régularisation tardive s'explique par l'impossibilité d'absorber un tel déficit sans grever encore plus les comptes de la commune mais a généré un problème majeur de fiabilité de ses comptes.

La commune a également entrepris des démarches auprès de la banque des territoires pour des opérations d'acquisitions foncières.

Elle a, enfin, sollicité auprès de l'AFD, de la DDFIP, de l'État et du Pays une ligne de trésorerie pour financer certains projets dans l'attente du versement des subventions.

Si la situation est aujourd'hui en nette amélioration (solde cumulé des sections de fonctionnement et d'investissement bénéficiaire, capacité d'autofinancement brute et nette positive et en hausse depuis 2020), le maire et son directeur général des services, ont cependant précisé qu'il faudrait encore au moins 5 ans pour résorber l'ensemble des dettes fournisseurs notamment en raison de dépenses d'investissement importantes et en hausse.

Dans le cas de la commune de Mahina, l'audition du maire a mis en exergue deux points importants :

- l'isolement de la commune dans les efforts déployés pour trouver des accompagnements et des solutions en faisant jouer les réseaux du maire, les demandes personnelles et informelles...

-le temps très long nécessaire à l'amélioration de la situation financière en l'absence d'aides financières d'une part, des difficultés de recrutement de cadres A d'autre part et, enfin, d'un manque prégnant de soutien en termes d'ingénierie financière et comptable. Une aide de l'État aurait, à cet égard, sans aucun doute permis un redressement dans des délais plus rapides.

Source : Commission des finances du Sénat

S'il ressort des analyses susmentionnées que l'extension des COROM aux communes des collectivités d'outre-mer concernerait un nombre limité de communes dans la mesure où la situation financière de ces dernières est relativement saine sans déséquilibre budgétaire notable à ce stade, il apparait cependant nécessaire aux rapporteurs de ne pas les exclure, de facto.

En effet, dans la majorité des cas, le soutien apporté ne nécessite pas d'être systématiquement financier, les problèmes de déséquilibre budgétaire n'étant pas toujours prégnants à ce stade. Il pourrait cependant prendre la forme d'une aide accrue en ingénierie financière et en méthodologie notamment pour élaborer des projets pluriannuels d'investissement.

La configuration géographique particulière (plus de 118 iles en Polynésie et 140 en Nouvelle-Calédonie) nécessite, par ailleurs, une forme adaptée dans le déploiement de ce soutien.

Enfin, il ne faudrait pas exclure les communes en très grande difficulté, comme l'a été Mahina, de ce dispositif qui a rapidement démontré son efficacité.

Dans ce contexte, une extension des COROM semble justifiée et doit être envisagée pour les communes les plus en difficultés en dépit de leur faible nombre. Ceci pourra nécessiter, au cas par cas, des interventions financières en soutien de la situation des communes les plus fragiles et quasi systématiquement un apport en ingénierie financière et technique.

Cette extension des COROM aux communes des COM devra, par ailleurs, nécessairement être liée à une adaptation des critères d'éligibilité fondés davantage sur la situation de la trésorerie.

Les rapporteurs préconisent donc de mener rapidement une étude sur les conditions dans lesquelles les COROM pourraient être étendus aux communes des COM, éventuellement en envisageant un double niveau d'aide :

- une assistance technique et un appui en termes d'ingénierie financière ;

- une aide financière pour les situations les plus dégradées.

Le besoin en ingénierie et assistance technique parait d'autant plus important que toutes les communes des COM ne sont pas encore équipées de logiciel financier informatique et que nombre d'entre elles rencontrent des tensions régulières de trésorerie.

Recommandation n° 12 : mener une étude sur les conditions dans lesquelles les COROM pourraient être étendus aux communes des COM en ajustant les critères d'éligibilité et la nature de l'aide apportée aux spécificités de ces communes (DGOM, DGCL, DGFIP).

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 21 juin 2023, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Georges Patient et Teva Rohfritsch, rapporteurs spéciaux, sur les Contrats de Redressement en Outre-Mer (COROM).

Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Mes chers collègues, je salue la présence parmi nous de deux sénateurs de Côte d'Ivoire, qui nous font le plaisir et l'honneur d'assister à notre réunion.

Nous entendons ce matin nos collègues Georges Patient et Teva Rohfritsch, rapporteurs spéciaux de la mission « Outre-mer », qui nous présentent les conclusions de leur contrôle budgétaire sur les contrats de redressement en outre-mer, dits Corom.

M. Georges Patient, rapporteur spécial de la mission « Outre-mer ». - Les difficultés structurelles affectant les finances des communes ultramarines sont identifiées de longue date et de nombreux travaux ont été réalisés à ce jour. Dès 2014, j'avais rédigé un rapport sur les pistes de réforme des finances des collectivités locales des départements et régions d'outre-mer. Puis, en 2019, avec le député Jean-René Cazeneuve, actuel rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, nous avions élaboré un nouveau rapport sur les moyens de soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer par la mise en place d'un accompagnement en responsabilité.

Les Corom sont le fruit de ces travaux : introduits par amendement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, pour un montant de 30 millions d'euros, ils ont pour objet d'aider les communes des départements et régions d'outre-mer présentant des difficultés financières particulièrement importantes.

Ces contrats d'un type nouveau visent ainsi à apporter un soutien de l'État aux communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et à réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux. Ils sont fondés sur un effort de diagnostic et d'ingénierie préalable, qui doit être mené au niveau local avec l'appui de l'Agence française de développement (AFD), et sur un accompagnement de certaines réformes structurelles indispensables. Le versement d'une subvention exceptionnelle de l'État est d'ailleurs conditionné aux progrès réalisés par les communes contractantes en termes de redressement. L'intérêt et l'originalité du dispositif reposent, donc, plus encore que sur la subvention exceptionnelle, sur la mise en place d'une assistance technique. En effet, le renforcement des capacités d'expertise de la collectivité via cette assistance permet d'engager des réformes organisationnelles, de mettre en place des outils de suivi et de gestion, évitant ainsi certains dysfonctionnements observés dans le cadre de précédents mécanismes de soutien.

Le dispositif actuel ne peut bénéficier qu'aux communes en graves difficultés financières au regard de deux critères : la mise en place de procédures de contrôle budgétaire et de règlement d'office du budget par les préfets et les chambres régionales des comptes ; un retour à l'équilibre ne pouvant être raisonnablement envisagé que sur plusieurs exercices.

Entre mai 2021 et novembre 2022, neuf communes sur 129 ont signé un Corom. La situation financière de six d'entre elles s'est améliorée. S'il est encore délicat de cerner la part d'amélioration imputable aux Corom, ceux-ci ont eu trois effets immédiats : les communes contractantes ont témoigné d'une dynamique volontariste pour assainir leurs finances ; le versement de subventions a permis de désintéresser rapidement un nombre important de créanciers ; l'assistance technique a produit sans conteste de premiers effets positifs. Les élus interrogés expriment ainsi leur grande satisfaction, ce constat favorable étant partagé par les préfets et les directions régionales des finances publiques, qui soulignent, de surcroît, l'instauration d'une relation de confiance entre les communes contractantes et les services de l'État.

Le dispositif devrait néanmoins pouvoir être amélioré et, au regard des besoins, étendu.

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial de la mission « Outre-mer ». - Effectivement, le montant de 30 millions d'euros ouvert en loi de finances pour 2021 paraît largement insuffisant. À titre d'exemple, les communes de Pointe-à-Pitre et Fort-de-France présentaient en 2020, avant la signature du Corom, une dette cumulée supérieure à 47 millions d'euros, pour l'une, et 38 millions d'euros, pour l'autre. Dans ce contexte, les subventions prévues et la durée de trois ans ne permettaient pas un redressement à l'échéance du Corom. La durée des contrats doit donc être adaptée aux situations réelles des communes.

Par ailleurs, la qualité et la fiabilité des diagnostics préalables doivent être améliorées afin de tracer une trajectoire réaliste. La commune d'Iracoubo en est une bonne illustration : elle a connu des difficultés à redresser sa situation financière au cours des deux dernières années, du fait de l'intégration en comptabilité de dépenses anciennes et non comptabilisées jusqu'alors, et la diminution constante de sa démographie ne lui offre pas de marges en termes de ressources fiscales ou domaniales, autant d'éléments non pris en compte lors de l'établissement de la trajectoire.

Enfin, certaines communes n'ont pas encore d'assistant technique à temps plein sur place, en raison de difficultés de recrutement, alors même que cette assistance est le point fort des contrats.

Au-delà des moyens supplémentaires qui seraient nécessaires, l'autre enjeu majeur est l'extension du dispositif à de nouvelles communes, à d'autres types de collectivités comme les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou les syndicats, mais également aux communes des collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution.

En effet, sur les 129 communes des départements et régions d'outre-mer, 30 figurent actuellement dans le réseau d'alerte de la direction générale des finances publiques (DGFiP) en raison d'une situation financière dégradée. L'amendement adopté en loi de finances pour 2023 permettra de contractualiser avec quelques nouvelles communes, mais ne va pas encore assez loin.

Par ailleurs, malgré une situation financière plutôt favorable des EPCI à ce jour, le risque de détérioration est réel quand les compétences leur auront été transférées dans leur intégralité.

La question se pose aussi pour les syndicats, dont certains connaissent de graves difficultés, ce qui a d'ailleurs poussé la direction générale des outre-mer (DGOM) à signer un Corom avec le syndicat des eaux en Guadeloupe.

Enfin, l'extension du dispositif aux communes des collectivités d'outre-mer doit être envisagée sans position de principe érigée d'autorité, la situation financière de quelques communes de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie s'avérant très tendue dans un contexte de hausse des investissements et d'absence d'outils de suivi stratégique et d'ingénierie. Les demandes se multiplient, comme le montre l'exemple de la commune de Mâhina en Polynésie française, dont le maire a mis sept ans à opérer un redressement des finances. Cet exemple met deux points en exergue : l'isolement de la commune dans les efforts déployés pour trouver des accompagnements et des solutions, ainsi que le temps très long de redressement en l'absence de soutien financier de l'État et d'ingénierie. Une extension des Corom aux communes des collectivités d'outre-mer, accompagnée d'une adaptation des critères d'éligibilité et des modalités de soutien, paraît donc nécessaire.

M. Jérôme Bascher. - Différentes raisons peuvent expliquer qu'une commune ait des difficultés financières : une perte exceptionnelle de recettes, par exemple du fait de la fermeture d'une usine, ou alors des dépenses inconsidérées. Il nous est expliqué qu'une trentaine de communes seraient considérées par la DGFiP comme étant en grandes difficultés. En connaît-on les raisons ? A-t-on pu examiner, notamment, les ratios d'emplois dans ces collectivités par rapport à d'autres collectivités d'outre-mer ? Par ailleurs, comment les communes aidées dans le cadre des Corom procèdent-elles pour redresser leurs finances ?

M. Éric Bocquet. - Ma question rejoint la précédente : le classement dans le réseau d'alerte de la DGFiP de pratiquement un quart des communes est-il un phénomène nouveau ou ancien ? Y a-t-il des liens avec la crise sanitaire ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Comme je l'ai souligné, les causes sont anciennes et c'est un sujet sur lequel nous travaillons depuis très longtemps.

Je vous renvoie à la première partie du rapport pour plus d'éléments. Mais, s'il y a peut-être, comme on l'entend trop souvent dire, des gestions insuffisamment maitrisées, le problème structurel est surtout lié à un déficit de recettes par rapport aux communes métropolitaines. Voilà seulement deux ans, par exemple, que le Président de la République a reconnu l'existence, au niveau de la péréquation, d'un différentiel en défaveur des communes d'outre-mer de 85 millions d'euros.

Les situations financières problématiques sont donc, pour moi, essentiellement dues à une insuffisance de recettes et c'est pour ne pas laisser ces collectivités dans la difficulté que Jean-René Cazeneuve et moi-même avons lancé cette proposition de Corom.

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - Par ailleurs, nous insistons beaucoup sur la nécessité d'assistance technique. Y compris lorsque des diagnostics ont pu être établis par l'État localement, il y a un besoin quasiment systématique de renforcement des équipes dédiées à la gestion. Les communes ayant déjà des dépenses de personnel supérieures à la moyenne métropolitaine n'ont pas les moyens de recruter ; s'ajoutent à cela des problèmes d'accès aux viviers de techniciens. Il est essentiel d'insister sur cette recommandation et sur la façon dont nous pourrions accompagner l'AFD pour réaliser le portage attendu.

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - S'agissant de l'écart avec les communes métropolitaines, on pourrait ajouter les dépenses de personnel. On parle - trop souvent aussi - de personnels pléthoriques ou de clientélisme. Mais, en fait, les communes d'outre-mer paient leurs agents avec un delta de 40 %, pour s'aligner sur la rémunération que l'État offre à ses fonctionnaires lorsqu'ils sont en poste en outre-mer. Dès lors, même avec des taux d'administration identiques à ceux des communes de métropole, les charges de personnel sont, de fait, plus élevées.

M. Michel Canévet. - Je remercie les rapporteurs spéciaux d'appeler notre attention sur la situation de ces collectivités d'outre-mer. Comme Georges Patient vient de l'indiquer, des dépenses supplémentaires sont constatées du fait de l'insularité et de la rémunération des fonctionnaires. Cela n'est-il pas pris en compte dans les dotations allouées par l'État ?

M. Charles Guené. - Dans le même ordre d'idée, j'entends que l'on raisonne à partir d'un manque de recettes, mais un tel manque est, dans l'absolu, difficile à établir et à comparer. N'est-il pas temps de raisonner à partir de la notion de charges, avec un inventaire plus fin de ces charges ? D'ailleurs, il ne faudrait pas le faire uniquement en outre-mer.

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - La question des charges est aussi intégrée à la réflexion, la plus importante d'entre elles étant les dépenses de personnel. Le ratio moyen atteint jusqu'à 60 %, voire 80 % de charges de personnel dans certaines collectivités d'outre-mer, alors qu'il s'établit, en moyenne, à 50 % dans l'Hexagone. Mais le travail de rationalisation dans ce domaine est déjà engagé - le rôle de l'assistant technique prévu dans le Corom est bien de parvenir à une plus grande maîtrise des dépenses de personnel.

S'agissant des recettes, la dotation globale de fonctionnement (DGF) dans les départements et régions d'outre-mer est versée selon les mêmes modalités de calcul qu'en métropole. Il n'y a, sur ce point, pas de régime particulier. La différence réside dans la péréquation, où les communes d'outre-mer n'étaient pas servies comme elles auraient dû l'être, et c'est seulement depuis que le Président de la République a reconnu l'existence d'un différentiel que la régularisation se fait. On peut donc considérer que les communes d'outre-mer ont été très longtemps discriminées dans ce domaine.

La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et a autorisé la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des outre-mer et cabinet du Ministre des outre-mer

- M. Frédéric JORAM, directeur général adjoint des outre-mer ;

- M. Jean-Pierre BALCOU, sous-directeur des politiques publiques ;

- M. Marc DEMULSANT, sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État ;

- M. Didier HERRY, chef du bureau des collectivités locales ;

- M. Anthony TOUPIN, adjoint au chef du bureau ;

- M. Guillaume VAILLE, conseiller budget et finances locales du ministre délégué, chargé des outre-mer.

Agence française de développement

- M. Charles TROTTMANN, directeur du département 3 Océans ;

- Mme Laura COLLIN Chargée de mission Relations avec le Parlement.

Communes ayant signé un COROM

- Mme Céline REGIS, maire d'Iracoubo ;

- M. Houssamoudine ABDALLAH, maire de Sada et Mme Chaidati YSSOUFI, adjointe au maire en charge du budget et des finances ;

- M. Patrice SELLY, maire de Saint-Benoit ;

- M. André ATALLAH, maire de Basse-Terre ;

- M. Harry DURIMEL, maire de Pointe-à-Pitre ;

- M. Didier LAGUERRE, maire de Fort de France ;

- M. Christian RAPHA, maire de Saint-Pierre et M. Marcel FORTUNE, directeur général des services ;

- Mme Sandra TROCHIMARA, maire de Cayenne, M. Christian FAUBERT, premier adjoint au maire et Mme Farah KHAN, adjointe au maire en charge des finances.

Contrôle général économique et financier (CGEFI) et à l'inspection générale de l'administration (IGA)

- M. Bruno ACAR (inspecteur général de l'administration) ;

- M. Jean-Pierre GUERIN (chef de mission au CGEFI) ;

- M. Guynot Du CHERON D'ABZAC (administrateur général au CGEFI) ;

- Mme Ludivine CHAUVET, Inspectrice en service extraordinaire.

Commune de Polynésie Française

- M. Damas TEUIRA, maire de Mahina et M. Anthony PHEU, directeur général des services.

Contributions écrites des représentants de l'État

- Préfecture de Guadeloupe ;

- Préfecture de Martinique ;

- Préfecture de Guyane ;

- Préfecture de Mayotte ;

- Préfecture de la Réunion ;

- Haut-commissariat de Polynésie française ;

- Haut-commissariat de Nouvelle-Calédonie ;

- Préfecture de Saint-Pierre et Miquelon.

Contributions écrites des directions régionales des finances publiques

- DRFIP de Guadeloupe 

- DRFIP de Martinique ;

- DRFIP de Guyane ;

- DRFIP de Mayotte ;

- DRFIP de la Réunion ;

- DRFIP de Polynésie française ;

- DRFIP de Nouvelle-Calédonie ;

- DRFIP de Saint-Pierre et Miquelon.

ANNEXES

Annexe 1 : Situation financière des communes de Guadeloupe

Source : commission des finances à partir des données DGCL et DGFIP

Annexe 2 : Situation financière des communes de Martinique

Source : commission des finances à partir des données DGCL et DGFIP

Annexe 3 : Situation financière des communes de Guyane

Source : commission des finances à partir des données DGCL et DGFIP

Annexe 4 : Situation financière des communes de La Réunion

Source : commission des finances à partir des données DGCL et DGFIP

Annexe 5 : Situation financière des communes de Mayotte

Source : commission des finances à partir des données DGCL et DGFIP

Annexe 6 : Évolution de la situation financière de la commune de Pointe-à-Pitre entre 2018 et 2022

Source : commission des finances à partir des comptes de gestion, des comptes administratifs et des données ANAFI de la Cour des comptes

Annexe 7 : Évolution de la situation financière de la commune
de Basse-Terre entre 2018 et 2022

Source : commission des finances à partir des comptes de gestion, des comptes administratifs et des données ANAFI de la Cour des comptes

Annexe 8 : Évolution de la situation financière de la commune de Fort-de-France entre 2018 et 2022

Source : commission des finances à partir des comptes de gestion, des comptes administratifs et des données ANAFI de la Cour des comptes

Annexe 9 : Évolution de la situation financière de la commune de Saint-Pierre entre 2018 et 2022

Source : commission des finances à partir des comptes de gestion, des comptes administratifs et des données ANAFI de la Cour des comptes

Annexe 10 : Évolution de la situation financière de la commune
de Cayenne entre 2018 et 2022

Source : commission des finances à partir des comptes de gestion, des comptes administratifs et des données ANAFI de la Cour des comptes

Annexe 11 : Évolution de la situation financière de la commune de Iracoubo
entre 2018 et 2022

Source : commission des finances à partir des comptes de gestion, des comptes administratifs et des données ANAFI de la Cour des comptes

Annexe 12 : Évolution de la situation financière de la commune
de Saint-Benoit entre 2018 et 2022

Source : commission des finances à partir des comptes de gestion, des comptes administratifs et des données ANAFI de la Cour des comptes

Annexe 13 : Évolution de la situation financière de la commune de Sada
entre 2018 et 2022

Source : commission des finances à partir des comptes de gestion, des comptes administratifs et des données ANAFI de la Cour des comptes

Annexe 14 : Circulaire COROM


* 1 Rapport sur « les pistes de réformes des finances des collectivités locales des départements et régions d'outre-mer » - aout 2014. Ce rapport est issu d'une demande des ministres des outre-mer et du budget dans une lettre de mission du 28 avril 2014.

* 2 Rapport sur « la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics » - chapitre IV - octobre 2017.

* 3 Rapport « Soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer : pour un accompagnement en responsabilité » de Jean-René Cazeneuve et Georges Patient - décembre 2019.

* 4 Capacité de la collectivité à financer ses investissements une fois les charges obligatoires payées. Plus le ratio est faible, plus la capacité à autofinancer l'investissement est élevée. Un ratio supérieur à 100 % indique un recours nécessaire aux recettes d'investissement pour financer la charge de la dette.

* 5 Encours de dette / recettes réelles de fonctionnement.

* 6 En 2021, la part des 0/19 ans était de 23,6 % en métropole contre 32 % en outre-mer : données issues de l'INSEE.

* 7 Taux de natalité de 20,08%o (en moyenne pour la Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane et Mayotte) contre 10,7 %o en métropole : données issues de l'INSEE.

* 8 Cf. Rapport d'information n° 727 (2021-2022) du 22 juin 2022 - par MM.  Georges PATIENT et Teva ROHFRITSCH sur le « Fonds d'investissement outre-mer ».

* 9 À l'exception de Mayotte.

* 10 La Guyane est la région de France hors Mayotte où la croissance démographique est la plus forte : la population s'accroît en moyenne par an de 2,1 % entre 2014 et 2020. En Guyane, la moitié de la population a moins de 25 ans en raison d'une fécondité élevée (3,53 enfants par femme contre 1,80 au niveau national).

* 11 Il n'existe pas d'étude complète depuis 2015.

* 12 Par décret du 7 juillet 2022, le Gouvernement a revalorisé la valeur de l'indice 100 applicable aux fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière en le fixant à 5 820,04 euros à compter du 1er juillet 2022, faisant ainsi passer la valeur du point d'indice de 4,686 euros à 4,85 euros soit une revalorisation de 3,5 % du point d'indice.

* 13 Créée le 7 juillet 2014, Expertise France est un agence publique française (ayant le statut d'établissement public) de conception et de mise en oeuvre de projets internationaux de coopération technique dont la mission principale est de recruter des experts sur projet afin de mobiliser les savoir-faire les plus adaptés à chaque situation ou mission.

* 14 Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et ministère de l'Économie et des Finances.

* 15 Capesterre-Belle-Eau, Marie-Galante et Saint-François en Guadeloupe, Gros-Morne, Prêcheur, Trinité et Saint-Esprit en Martinique, Roura, Awala-Yalimapo et Kourou en Guyane, Sainte-Marie à la Réunion et Bouéni à Mayotte.

* 16 En effet, le transfert des compétences « eau » et « assainissement » des communautés de communes peut, suite à la loi du 3 août 2018, être reporté au 1er janvier 2026.

* 17 Le schéma d'orientation pour une politique de l'eau partagée de la Nouvelle-Calédonie (2019) évalue ainsi les besoins en investissement à 1,6 milliard de francs CFP (soit 13,5 millions d'euros par an dont environ 0,8 milliards de francs CFP (soit 6,7 millions d'euros) supporté par les communes. De même, les attentes de la part des usagers en termes de niveau de services sont croissantes. Cela est notamment le cas en matière de gestion des déchets avec par exemple des demandes de tri et de recyclage des déchets.

* 18 Le coefficient d'autofinancement courant (CAC) permet de mesurer la capacité d'une commune à financer les investissements et à rembourser le capital des emprunts (mesure de l'épargne nette).

* 19 Le coefficient de rigidité structurelle mesure le poids des dépenses incompressibles (dépenses de personnel, remboursement de la dette, participations obligatoire) par rapport aux produits de fonctionnement courant.

* 20 Rapport « Bilan financier de la mandature 2014-2020 » de l'agence française de développement.