EXAMEN EN DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 15 juin 2023, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.

M. Rémi Pointereau, 1er vice-président. - Nous allons entendre les conclusions de notre collègue Christine Lavarde à l'issue de sa mission d'information relative à l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales. Comme vous le savez, cette expérimentation a été prévue par la loi NOTRe et son bon déroulement confié à la vigilance de la Cour des comptes. Il y a quelques semaines, la Cour a rendu public son rapport sur le bilan de cette expérimentation.

Au contraire de l'État, de la Sécurité sociale ou encore des hôpitaux, les collectivités locales sont les dernières entités publiques à ne pas avoir d'obligation en matière de certification, laquelle ne relève pas des juridictions financières mais de l'expertise des commissaires aux comptes. Le rapport de Christine Lavarde tombe à point nommé, entre celui de la Cour des comptes et celui attendu du Gouvernement, qui doit remettre ses conclusions prochainement au Parlement. Notre délégation est soucieuse d'encourager toutes les avancées au bénéfice des collectivités et de la démocratie locale.

Dans le même temps, elle mène une lutte pied à pied contre l'inutile complexité et l'excès de normes s'imposant aux collectivités. Mais dans lequel de ces deux camps se situe la certification des comptes ? Faut-il y voir un apport dans le sens de la modernisation de la gestion de nos communes ? Contribue-t-elle à une meilleure lisibilité des comptes par le citoyen intéressé à la chose publique, ou représente-t-elle une contrainte supplémentaire lourde et coûteuse à la charge des collectivités qui s'y soumettraient ?

Je ne doute pas que notre collègue Christine Lavarde saura éclairer notre jugement et formuler des propositions équilibrées. Je remercie les collègues des commissions des Finances et des Lois qui ont bien voulu se joindre à nous.

Un document est projeté.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Mon propos s'inscrit dans un cadre plus global d'harmonisation de la comptabilité publique. Un évènement va tous nous concerner le 1er janvier 2024, à savoir la bascule dans une nouvelle nomenclature comptable, dite nomenclature M57. Toutes les collectivités sont concernées, y compris les plus petites. Pour celles de moins de 3 500 habitants, il y aura une maquette M57 simplifiée. Cette nouvelle maquette veut se rapprocher le plus possible de la comptabilité privée. Le mouvement de bascule nécessite, pour chaque collectivité, un important travail d'apurement de certains comptes, car on ne trouve pas exactement les mêmes catégories dans l'ancienne et la nouvelle maquette. Des régularisations d'écritures pourront, par exemple, s'avérer nécessaires et avoir des conséquences budgétaires significatives.

Il y a une autre raison pour laquelle nous devons nous intéresser à ce sujet : comme le rappelait le président dans son propos introductif, l'expérimentation de la certification a été introduite par la loi NOTRe d'août 2015 pour une période de huit ans (trois ans de travail et cinq ans d'expérimentation). À compter du 7 août 2023, l'expérimentation n'aura donc plus de cadre législatif pour se poursuivre.

Il appartiendra alors au Parlement de se prononcer rapidement pour savoir ce qu'il advient désormais, notamment pour les collectivités déjà entrées dans la phase d'expérimentation, qui ont déployé des moyens importants, et pour toutes celles qui souhaiteraient y entrer. La prochaine loi de finances pourrait être l'occasion d'exprimer un avis sur le sujet.

Il existe différents degrés de précision en termes de normalisation des comptes. La certification représente le plus haut niveau d'exigence. Elle est réalisée par un auditeur externe indépendant, qui va rendre une opinion écrite et motivée sur les comptes de la collectivité. Cette opinion se fonde sur des règles comptables adoptées en avril 2021, complétées en avril 2022, ces règles nécessitant encore d'être modernisées. Pour mémoire, les comptes de l'État sont certifiés mais n'ont encore jamais été certifiés sans réserve depuis 2007. C'est le cas également des comptes des universités et des hôpitaux (depuis 2014).

De la certification peuvent découler deux dispositifs un peu plus légers. Le premier est l'attestation particulière, dans le cadre de laquelle la démarche est la même que pour la certification, à ceci près que l'on se restreint à un ou deux cycles comptables (par exemple, le cycle des immobilisations ou celui des ressources humaines). Le second est l'examen limité, qui consiste à procéder par échantillonnage. Dans un premier temps, un dialogue entre la collectivité et l'auditeur permet d'identifier des champs dans lesquels la collectivité pourrait être en risque. Puis, par échantillonnage, on détermine si les risques sont avérés et s'il en découle des incertitudes sur la certification. Ces deux dispositifs nécessitent moins de travail que la certification globale.

Encore un peu moins exigeante que ces dispositifs, l'attestation de fiabilité est actuellement expérimentée par un certain nombre d'autres collectivités. L'attestation de fiabilité ne peut être délivrée que par un professionnel du chiffre. Elle se fonde, elle aussi, sur un référentiel comptable mais est restreinte à quelques cycles comptables. Elle a été conçue en partenariat avec les services de la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Je connais bien ce champ, car ma commune expérimente actuellement l'attestation de fiabilité. Nous avons déjà réalisé deux audits avec la DGFiP et nous ne sommes pas passés à l'étape de délivrance d'une attestation par un professionnel du chiffre. Seules deux collectivités en cours d'expérimentation sont passées à ce niveau supérieur qui induit un coût supplémentaire, puisqu'il faut rémunérer ce professionnel du chiffre.

Après l'attestation de fiabilité, la synthèse de qualité comptable ne porte que sur quelques thèmes. Elle est quasiment générée automatiquement par les outils du comptable public. Celui-ci ou les décideurs locaux, suivant l'organisation des services départementaux de la DGFiP, proposeront des évolutions dans une démarche de progrès.

Enfin, l'indicateur de pilotage unique (ex-ICQL) constitue une note sur 100, générée de manière automatique par le comptable public au regard des erreurs de traitement qu'il a pu observer dans la liquidation des mandats au cours de l'exercice budgétaire, par exemple au regard de la rapidité de paiement de la collectivité. Il existe désormais 33 points de contrôle relevant de sept thèmes distincts.

Tous ces indicateurs ne disent absolument rien de la qualité de la gestion ni de la soutenabilité de la trajectoire financière et budgétaire de la collectivité : ce champ-là appartient à la Chambre régionale des comptes. Ces indicateurs montrent que la collectivité a passé ses écritures comptables conformément au cadre fixé. La certification ne signifie donc pas qu'une commune aurait des comptes soutenables dans la durée.

Les différents niveaux d'attestation ou certification des comptes ont été testés par un nombre variable de collectivités. Vous en verrez le détail dans le rapport. Il importe surtout de constater qu'au terme de cette phase d'expérimentation de cinq ans, aucune collectivité n'a eu ses comptes certifiés sans réserve, notamment pour des raisons sur lesquelles je vais revenir, qui montrent qu'une évolution du cadre est indispensable.

Si cette démarche ne dit rien de la soutenabilité financière, quel est l'intérêt de la démarche de certification ? Pour avoir tiré un certain nombre d'enseignements de l'expérimentation lancée dans ma commune il y a quatre ans, je suis d'abord convaincue qu'il existe un grand intérêt au développement du contrôle interne. Dès lors que vous entrez dans une démarche de certification, quel que soit son niveau, il vous sera demandé d'écrire vos procédures. Cela permet de faire face, si un agent doit être remplacé du jour au lendemain. Cela permet aussi de partager les procédures avec des agents extérieurs à la Direction des affaires financières et de se rendre compte si elles sont compréhensibles et logiques.

La démarche vous contraint également à fiabiliser l'inventaire comptable et l'inventaire physique (c'est-à-dire à les rapprocher), ce qui vous dira si votre collectivité s'enrichit ou non. Pour les collectivités ayant à traiter de nombreux flux financiers, notamment des versements de prestations, ce qui est le cas des départements, l'auditeur examinera la qualité des fichiers sur la base desquels seront effectués les versements. Vous allez ainsi améliorer toutes vos procédures de liquidation et de versement.

Les professionnels du chiffre avancent, de surcroît, un argument sur lequel j'ai un avis plus mitigé, selon lequel la certification permettra, demain, de vanter la gestion de la commune auprès des prêteurs. Toutefois, je l'ai dit, ce n'est pas du tout ce qu'attestera la certification. Des comptes certifiés représenteront un « plus » mais ce n'est pas, à mes yeux, ce qui incitera les prêteurs à vous accorder des prêts à des taux avantageux.

D'une façon générale, cette évolution de la comptabilité des collectivités territoriales visait à renforcer le lien avec le citoyen et la confiance de celui-ci dans la gestion publique. Pour autant, il me paraît évident que la présentation des comptes dans une maquette M57 et une attestation de fiabilité ne suffiront pas à permettre au citoyen de mieux comprendre ce qu'il se passe. Ce dernier demande, par exemple, quelle est la part du budget consacrée au développement durable ou la part du budget de la commune allant à des dépenses non genrées. Telles sont ses interrogations aujourd'hui.

C'est la raison pour laquelle nous formulons deux propositions. D'une part, il faudra, en complément de ce travail de certification, améliorer collectivement la lisibilité et l'accessibilité des documents comptables des collectivités afin qu'ils soient compréhensibles par le grand public. Les associations d'élus et les directions départementales des finances publiques (DDFiP) doivent donc accompagner ce travail, étant entendu qu'une maquette budgétaire ne dit rien, sauf à ceux qui saisissent ses données. D'autre part, le travail de certification doit aller de pair avec une réflexion sur la construction du budget vert. Le budget vert de l'État n'a aujourd'hui guère de sens : on classe des dépenses comme vertes, oranges ou rouges sur des critères dont la signification reste à établir. Il est demandé aux collectivités de procéder de la même manière.

Un travail a été conduit par l'Association des Maires de France (AMF), France Urbaine et I4CE mais son résultat laisse à désirer : la majorité des dépenses ne sont pas classables. Au chapitre du fonctionnement, toutes les dépenses de personnel, par exemple, ne sont pas classées, ce qui représente plus de 50 % des dépenses. Dans la section des dépenses d'investissement, si vous faites des travaux dans vos bâtiments, ces travaux sont par principe considérés comme verts, ce qui est contestable : si changer des huisseries pour améliorer la performance thermique est un investissement « vert », on ne peut en dire autant de tous les travaux réalisés. De même, des travaux d'adaptation au handicap ne sont pas nécessairement verts, sauf à donner au développement durable une acception très large qui englobe la dimension économique. À l'inverse, si vous réalisez des dépenses informatiques, celles-ci sont par principe considérées comme rouges, c'est-à-dire contrevenant au développement durable. Ce sont des principes à questionner : si vous donnez à vos agents la possibilité de télé-travailler en réduisant ainsi les kilomètres qu'ils doivent parcourir, notamment dans des régions éclatées sur trois ou quatre sites, on peut considérer que l'informatique contribue alors au développement durable.

La maquette a le mérite d'exister et celui d'être déployable dans toutes les collectivités - dès lors qu'elle s'appuie sur la nomenclature M57 - mais elle ne va pas assez loin. En entrant dans la démarche de certification, nous pourrons concevoir des outils beaucoup plus performants. Un point m'a néanmoins inquiétée : les représentants de l'État que nous avons interrogés sont très loin de s'intéresser à cela. Ils nous ont dit, sans manifester de grandes convictions en la matière, qu'un groupe de travail allait être créé dans les mois à venir.

Quant aux conditions de succès de la certification et de ses dispositifs dégradés, il apparaît d'abord que très souvent, au sein des collectivités expérimentatrices, un élu portait ces questions et a insufflé cet élan au sein de la collectivité. Il s'agissait parfois d'un ancien professionnel du chiffre, d'un directeur général ou d'un directeur financier qui avait envie de se lancer dans la démarche. Il ne faut pas cacher que celle-ci est très lourde. Outre cette mobilisation initiale indispensable, vous devrez généralement recruter des agents spécifiquement pour la conduire. Réconcilier le patrimoine comptable et physique constitue par exemple un travail colossal et un agent s'y consacre à temps plein dans notre collectivité. Il faudra parfois moderniser les outils informatiques et se doter de logiciels spécifiques, étant entendu que les logiciels de gestion ne sont pas encore tout à fait adaptés à cette phase de progrès. Des frais sont à prévoir pour l'intervention des experts du chiffre : l'audit induit un coût et celui-ci est à peu près fixe. Il ne varie pas. Autrement dit, plus la collectivité est petite, plus ces frais seront lourds. Il faut aussi compter avec les conséquences des opérations de régularisation. Le rapport détaille ce qu'il s'est passé en région Pays de la Loire, où des écritures ont dû être régularisées pour 11 millions d'euros, alors que le fonds de roulement régional se monte à 45 millions d'euros. Nous voyons bien que cela ne peut se faire sur un seul exercice. Le tableau de synthèse que vous voyez à l'écran, extrait du rapport de la Cour des comptes, montre que les frais ne sont pas proportionnels à la taille de la collectivité.

Sur la base de ces constats, nous faisons un certain nombre de propositions.

En premier lieu, si l'on doit rendre la certification obligatoire, cela n'a de sens, à nos yeux, que pour des collectivités de taille importante, pour lesquelles le « ticket d'entrée » du recours aux professionnels du chiffre s'amortit facilement. C'est le cas des régions, que le rapport invite à faire entrer dans cette démarche de certification en espérant un effet d'entraînement. Il ne faut, bien sûr, pas interdire à celles déjà entrées dans la démarche de la poursuivre. Elles ont toutes mis en avant les difficultés que j'ai évoquées mais affirment tout autant leur désir de poursuivre la démarche, tant celle-ci induit des effets positifs et une amélioration de la qualité des processus. À titre d'illustration, la ville de Bondy a eu son système d'information piraté et a n'a plus aucune donnée sur les agents de la ville. Elle souligne néanmoins que le travail réalisé sur la base de finances lui permet de rebondir. Quant à la nécessité de continuer de payer le professionnel du chiffre, les services de la ville ont unanimement plaidé pour une poursuite de la démarche afin de ne pas perdre les avancées obtenues par exemple en matière de contrôle de gestion. Je fais le même constat au vu de l'expérience de notre collectivité : tout ce qui a été fait en termes de qualité de la gestion pour entrer dans la procédure de certification nous sert aujourd'hui, même si cela a nécessité un gros travail.

Nous préconisons également de dispenser des sessions de formation et de sensibilisation auprès des élus, directeurs de service et auprès de tous ceux qui pourraient être engagés demain dans ces procédures, en tenant compte des retours d'expérience. J'évoquais tout à l'heure la bascule dans la maquette M57. Nous avons été la première commune du département à le faire et nous nous sommes aperçus qu'un compte était mal écrit. Pouvoir prévenir en amont les autres communes du département leur a permis d'effectuer des régularisations dans l'ancienne maquette budgétaire et d'éviter de devoir le faire dans la nouvelle. Dans notre cas, nous allons devoir réaliser cet apurement sur dix ans, tant la somme est importante. Il faut donc mettre en place un dispositif national d'accompagnement et demander aux éditeurs de logiciels de s'adapter à cette démarche. Bref, c'est un écosystème qu'il faut créer autour des collectivités qui entreront dans la démarche pour les accompagner.

Nous avons aussi identifié des conditions de succès externes.

Il faudra former les professionnels du chiffre aux spécificités de la comptabilité publique. Ces professionnels ont compris qu'un marché était en train d'émerger. Je les ai sentis beaucoup plus allants, sur cette question, que les responsables publics. Ils se réunissent une fois par mois au sein d'un groupe de travail pour discuter de ce qu'ils ont observé au sein des collectivités et élaborent des grilles d'analyse communes. Il faudra poursuivre ce travail et notamment revoir le cadre normatif, car un certain nombre de difficultés sont apparues et empêcheront, demain, les régions d'obtenir la certification si nous faisons l'économie de ces changements.

Le premier écueil a trait aux subventions d'investissement : lorsqu'une région verse une subvention d'investissement, elle la verse à un tiers. La subvention ne vient donc pas enrichir son propre patrimoine, ce qui nécessite de passer des écritures de régularisation en subvention et en investissement, puis de déprécier. La personne qui a reçu la subvention doit ainsi vous envoyer des fiches annuelles pour savoir où l'on en est. Une région ne peut suivre des fiches annuelles pour chaque subvention d'investissement qu'elle verse, a fortiori si le montant en jeu est de 5 000 ou 10 000 euros. Il faut donc revoir cette comptabilisation des subventions d'investissement et assouplir le cadre, sauf à s'exposer à de futurs refus de certification par les professionnels du chiffre.

Il faudra également intervenir en ce qui concerne les corrections d'erreurs relatives aux provisions et aux dépréciations. L'erreur que je citais, concernant les Pays de la Loire, vient du fait que la comptabilisation des jours de RTT a été modifiée dans le processus de certification : l'imputation s'effectue désormais selon les données réelles et non plus de manière forfaitaire, ce qui a induit un écart de 11 millions d'euros. Cet effet pourrait se faire jour dans d'autres champs. Cela ne crée pas de risque pour la collectivité mais cela peut avoir des conséquences financières et budgétaires très importantes.

Deux choses nous aideront à y voir plus clair. Aujourd'hui, les auditeurs refusent de certifier les comptes s'ils ne peuvent pas s'assurer que les recettes fiscales perçues par les collectivités correspondent exactement à ce qu'elles auraient dû percevoir. Ainsi, l'état 12-59 de taxe foncière ne leur permet pas de s'assurer que c'est la bonne assiette de base fiscale qui a été attribuée à la collectivité. Or celle-ci ne pourra pas le prouver. Cette difficulté est donc à lever. De la même façon, recevoir, au titre des dotations de l'État, une notification indiquant que vous avez droit à 5 millions d'euros de DSU ne peut suffire, aux yeux des auditeurs, à démontrer que ce montant correspond à l'application des critères prévus par la loi pour calculer le montant de DSU. Nous nous sommes déjà étonnés de recevoir des notifications sans connaître la « boîte noire » qui a conduit à leur calcul. Nous jugeons impératif, dans notre rapport, d'ouvrir cette boîte noire puisque c'est désormais une condition sine qua non de la certification des comptes. C'est aussi une forme de transparence indispensable afin que nous puissions, en tant que législateur, nous assurer de ce qu'il se passe. Je pourrais citer bien d'autres exemples de nature similaire (reversement des amendes de police, péréquations...).

Enfin, il faut impliquer les équipes des DDFiP. Au sein des collectivités que nous avons auditionnées, les personnes les moins allantes pour approuver leur candidature à la démarche étaient souvent leur DDFiP ou DRFiP, nous ont-elles dit, car ceux-ci n'étaient pas prêts à se lancer dans la démarche. Le début de la réforme ayant été impulsé par l'État, il est pour le moins surprenant que les acteurs les moins prêts, au niveau territorial, à l'engager soient ses représentants en région.

M. Rémi Pointereau, vice-président. - Merci de nous avoir éclairés sur ce sujet fort intéressant. J'ouvre la discussion.

Mme Chantal Deseyne. - Je voudrais d'abord remercier et féliciter Christine : d'un sujet austère, elle a su me passionner. Bravo pour cette pédagogie ! J'ai noté qu'il était proposé de limiter la démarche, dans un premier temps, aux grandes collectivités en raison d'un coût forfaitaire qui ne serait pas supportable par les petites communes. Avez-vous mesuré l'incidence financière et humaine de la mise en place de cette certification ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Tout dépend de la situation de départ des collectivités. Certaines sont plus ou moins avancées. Il me semble que le cycle budgétaire le plus compliqué à certifier est celui des immobilisations, c'est-à-dire le cycle du patrimoine. Si votre catalogue n'a pas été tenu à jour, la démarche est extrêmement longue, étant entendu que chaque chaise doit en principe avoir un numéro ou un code-barres. Lorsque vous la retirez, il faut la retirer du catalogue. Souvent, vous allez passer des écritures de dépréciation lorsque vous allez vendre des véhicules. Il y a aussi des choses qu'on ne fait pas. Lorsqu'un agent va mettre des chaises au rebut, il ne va pas informer la Direction financière du fait que dix chaises ont été retirées d'une école. Ce sont ces aspects qui mobilisent le plus d'agents. Selon votre point de départ, vous aurez besoin de recruter un nombre plus ou moins important d'agents.

La phase de préparation va aussi mobiliser des moyens humains significatifs, car l'écriture de tous les guides de procédure prend un temps certain. Une fois qu'ils sont écrits et que seule leur mise à jour est nécessaire, les moyens à mobiliser diminuent sensiblement.

Quant au recours au professionnel du chiffre, il s'agit d'un montant forfaitaire qui variera en fonction du nombre de mouvements que le cabinet aura examinés et du nombre d'auditeurs qui auront été mobilisés en conséquence. La Cour des comptes a établi une moyenne en fonction de ce qu'elle a observé mais nous sommes loin de la loi des grands nombres, car l'échantillon était restreint : seules 25 collectivités ont fait partie de la démarche de certification. Tirer des conclusions à partir d'un tel nombre de collectivités paraît difficile.

M. Lucien Stanzione. - Bravo pour ce travail, qui est remarquable. Si je comprends bien, l'État dit en quelque sorte « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ». Mais le comptable public est-il concerné par ce processus ? Le fait, pour la collectivité, de réaliser des vérifications comptables nécessite d'examiner ce que fait le comptable public.

Par ailleurs, la démarche ressemble-t-elle à ce qui se fait dans le logement social, où les comptes et les procédures font l'objet d'une vérification tous les cinq ans par l'ARCRUS ?

M. André Reichardt, secrétaire de la commission des Lois. - J'ai lu sur l'une des diapositives que le travail se faisait en deux phases, avec des coûts distincts pour chacune et l'intervention, pour les communes, du professionnel du chiffre au cours de la seconde phase seulement. Pouvez-vous revenir sur le contenu de ces deux phases ?

Comment la démarche se passe-t-elle dans une intercommunalité ? Se limite-t-elle à la certification des comptes de l'intercommunalité ou va-t-on au niveau des communes ? La certification des comptes des intercommunalités ne présente-t-elle pas une plus grande complexité de ce fait ?

Il me semble pertinent, en tout cas, d'avoir proposé de limiter la certification aux seules régions. Je ne me vois pas, en qualité de sénateur, relayer la moindre recommandation de certification auprès des 500 communes de mon département. Elles risquent de ne pas comprendre, eu égard aux difficultés qu'elles rencontrent déjà. J'ai été directeur général d'une compagnie consulaire et nous nous sommes lancés dans une démarche de certification. J'ai vu le travail et le budget que cela représentait. Ayant été maire durant une vingtaine d'années d'une commune de 8 000 habitants, il me semble totalement impossible de transposer une telle démarche dans ce type de collectivité. Nous avons eu hier un débat sur les secrétaires généraux de mairie. Un secrétaire général n'a absolument pas le niveau pour conduire une telle démarche.

M. Laurent Somon. - Je vous félicite également pour la présentation très claire d'un sujet assez complexe. Comme vous le soulignez, aujourd'hui, lorsque des communes interrogent leur DDFiP sur le calcul des dotations et recettes fiscales, aucun service n'est en mesure de leur fournir de réponse, en particulier lorsqu'elles sont orientées à la baisse. La démarche n'est-elle donc pas vouée à l'échec tant qu'il n'y aura pas une réforme complète de la fiscalité locale ?

Du point de vue des investissements, il y a ce qui entre dans les immobilisations des collectivités et ce qui n'y entre pas. Ne pourrait-on pas plus simplement distinguer les investissements réalisés pour le compte de la collectivité et les investissements pour tiers, ce qui ferait seulement deux catégories ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La question du rôle du comptable public se pose en effet. Il existe dans le schéma actuel, deux documents, le compte administratif de la collectivité et le compte de gestion du comptable. Tout ceci va disparaître avec le compte financier unique en cours d'expérimentation. Il se trouve que ma commune l'expérimente également cette année. J'ai présenté, à ce titre, un document qui a été écrit conjointement par la directrice administrative et financière de la commune et par le comptable public. Les écritures comptables sont donc les mêmes. Demain, lorsque le professionnel du chiffre viendra, il certifiera les comptes et il n'y aura plus qu'un seul document. Le passage à la maquette M57 apparaît comme un préalable pour la mise en place du compte financier unique - qui est appelé à se déployer dans toutes les collectivités.

L'intervention du comptable public est examinée de plus près lorsque la Chambre régionale des comptes examine les comptes de la collectivité : elle souhaite alors s'assurer que le comptable public n'a pas validé des écritures alors que les pièces justificatives ne sont pas présentes. La certification a pour objet de vérifier que les choses sont écrites correctement. Ce sont des éléments sur lesquels le comptable public ne se penche pas nécessairement lorsqu'il paie des actes.

Dans l'attestation de fiabilité, le premier travail est conduit par la collectivité et par un auditeur de la DDFiP, qui va venir dans la collectivité, choisir un ou deux cycles et conduire un audit pour déterminer si la collectivité traite bien ce cycle. À l'issue de ce travail, la collectivité reçoit un rapport qui établit des constats et indique des axes de progrès. La DDFiP revient ensuite dans votre collectivité deux ans plus tard afin de voir de quelle manière vous avez appliqué les recommandations qu'elle a formulées. Les comptes de l'État sont actuellement certifiés avec réserve. Il en est de même des comptes du Sénat. Lorsque le professionnel du chiffre revient deux ans plus tard, il examine si les réserves qu'il a formulées peuvent être levées ou non.

J'ai omis de préciser que tous les éléments dont nous parlons (certification, attestation de fiabilité, audits sur un cycle comptable) sont communiqués à l'assemblée délibérante, c'est-à-dire le Conseil municipal ou a minima la commission des finances. Il n'est guère difficile de rapporter ces sujets, car ils ne suscitent généralement aucune question. La seule question qui m'a été posée a porté sur les dépenses informatiques et j'ai répondu que cette question dépassait mon champ d'action.

Pour répondre à André Reichardt, les deux étapes que j'évoquais font partie de la démarche d'attestation de fiabilité. L'attestation en tant que telle ne peut être délivrée que par le professionnel du chiffre mais la phase d'audit en amont est réalisée par la DDFiP et les services de l'État.

Il existe des intercommunalités dans l'échantillon, mais la certification des comptes s'entend comme la certification des comptes d'une entité. L'auditeur va examiner si toutes les écritures sont bonnes. S'il existe des flux allant des communes vers l'intercommunalité, l'auditeur va examiner si les montants reçus ou versés par l'intercommunalité sont établis sur une base qu'il peut vérifier, de la même manière que pour les dotations. Il examinera par exemple, dans l'hypothèse où un pacte financier et fiscal lie l'intercommunalité et ses communes membres, si le pacte est bien appliqué et si des reversements sont bien effectués en fonction de la population, lorsque tel est le dispositif prévu. Il n'examinera pas, au niveau inférieur, les comptes de la commune. Son avis ne portera que sur les comptes de l'intercommunalité.

Aurons-nous un jour des comptes certifiés sans réserve ? Je pense que oui, à la condition de faire évoluer le cadre comptable en référence auquel les professionnels du chiffre vont rendre leur avis. Ces règles ont été définies en 2021 et corrigées en 2022. J'estime qu'il faut continuer de les faire évoluer, notamment pour préciser des règles relatives par exemple à la comptabilisation des subventions versées à des tiers ou concernant les ressources perçues par l'État. Il pourrait s'agir, par exemple, d'affirmer qu'un état fiscal ou une notification du préfet valent preuve du fait que la somme est la bonne. Ceci ne peut être précisé que par les autorités qui viennent éditer les normes comptables. Il existe de nombreuses autorités de normalisation comptable.

M. Rémi Pointereau, 1er vice-président. - Merci beaucoup pour ce travail et pour ce rapport. La délégation donnera accès à ses membres au document qui a été projeté en séance.

Le rapport d'information relatif à la certification des comptes des collectivités territoriales est approuvé à l'unanimité.

M. Rémi Pointereau, 1er vice-président. - Bravo à Christine Lavarde pour cette belle unanimité sur l'ensemble de ses propositions.

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