PREMIÈRE PARTIE
L'INNOVATION DE DÉFENSE
DOIT DEMEURER UNE PRIORITÉ DE LA PROCHAINE PROGRAMMATION
I. L'INNOVATION DE DÉFENSE EST INDISPENSABLE POUR GARANTIR LA SUPÉRIORITÉ OPÉRATIONNELLE ET L'AUTONOMIE STRATÉGIQUE DE LA FRANCE
A. LE RÔLE CLÉ DE L'INNOVATION, RAPPELÉ DANS LA REVUE STRATÉGIQUE DE 2017 ET LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2019-2025, A ÉTÉ CLAIREMENT DÉMONTRÉ PAR LE CONFLIT UKRAINIEN
L'innovation de défense peut être définie comme l'ensemble des études et des activités de recherche et développement de technologies ayant ou pouvant avoir des usages militaires.
De manière schématique, l'innovation peut être segmentée en 9 niveaux correspondant à différents degrés de maturité technologique appelés « Technology Readiness Level » (TRL). Cette échelle a été inventée par la Nasa en vue de gérer le risque technologique de ses programmes. L'échelle des TRL a depuis été adoptée par de nombreux domaines, dont celui de la défense (moyennant quelques adaptations telles que le remplacement de la notion d'espace par la notion d'environnement opérationnel), dans le même objectif de gestion du risque technologique dans les programmes. Le spectre de l'innovation s'étend ainsi de la recherche fondamentale (TRL 1 à 3) jusqu'à des technologies matures et qualifiées (TRL 6 à 9), le niveau 7 correspondant, dans le domaine de la défense, à une maturité suffisante pour une prise en compte éventuelle dans un programme d'armement.
L'échelle des TRL (technology readiness level)
Source :
https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/ directions_services/
politique-et-enjeux/innovation/tc2015/
technologies-cles-2015-annexes.pdf
L'innovation de défense revêt un caractère crucial pour nos forces, nos industries de défense et, partant, notre autonomie stratégique en ce qu'elle permet, d'une part, de garantir la supériorité opérationnelle de nos armées - avoir un temps d'avance permet d'emporter plus facilement la décision - et, d'autre part, de s'appuyer sur une base industrielle et technologique de défense nationale disposant de compétences et de savoir-faire de pointe et donc de maintenir la compétitivité de notre tissu industriel.
La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 décrivait ainsi très justement le rôle de l'innovation de défense, relevant que « la préparation de l'avenir est un facteur clé du maintien de l'excellence de notre BITD, garante de la supériorité technologique et de l'autonomie stratégique de la France. En effet, consentir des financements importants aux travaux amont garantit la capacité de notre industrie à maintenir son positionnement sur la scène internationale et à maîtriser les technologies dont les forces auront besoin face à l'évolution des menaces. Cette maîtrise technique est par ailleurs nécessaire à la construction de coopérations équilibrées où la France peut légitimement influer, voire revendiquer un leadership » (point 230).
Dans le prolongement de la revue stratégique de 2017, la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 20252(*) accorde une place importante à l'innovation qui en constitue l'un des quatre piliers. Elle prévoit ainsi une politique d'innovation s'articulant autour de 3 axes : i) des moyens renforcés (cf. infra), ii) des outils et des processus permettant d'accélérer la diffusion des innovations, de mieux intégrer l'innovation issue du secteur civil et de mieux prendre en compte l'innovation de rupture, et iii) un champ d'application élargi à l'ensemble des activités du ministère et intégrant les innovations d'usage.
Le conflit ukrainien a par ailleurs bien démontré l'omniprésence de l'innovation sur le champ de bataille et son rôle déterminant dans l'effort de guerre, tous les milieux et tous les champs de confrontation (information, espace, cyberespace, etc.) étant exploités et décuplés par les nouvelles technologies.
* 2 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.