EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 24 mai 2023 sous la présidence de M. Vincent Éblé, vice-président, la commission a entendu une communication de M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial, sur l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

M. Vincent Éblé, président. - Nous allons maintenant entendre Jean-François Rapin, rapporteur spécial, pour les crédits destinés à la recherche, de la mission « Recherche et enseignement supérieur » afin de nous présenter les conclusions de son contrôle budgétaire sur l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Quand j'ai souhaité, le 7 décembre dernier, engager ce travail de contrôle budgétaire sur l'IRSN, c'était sans préjuger de ce qui allait suivre quelques jours plus tard, à savoir l'expression d'une volonté gouvernementale de transformer le système de sûreté nucléaire en réunissant l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'IRSN. La relance du nucléaire en France s'affirmait de plus en plus et je considérais que l'arrivée de futurs réacteurs pressurisés européens de deuxième génération (EPR 2) ou de réacteurs de nouvelle génération plus petits nécessitait d'évaluer le dispositif de surveillance et de sécurité.

L'IRSN, établissement public industriel et commercial, est chargé de l'expertise et de la recherche sur les risques nucléaires. Ses missions sont multiples. En matière de sûreté nucléaire, l'institut a pour mission d'apporter un appui technique à l'ASN, afin de garantir la sûreté des installations nucléaires. L'IRSN est également chargé d'assurer la surveillance radiologique de l'environnement et mène des actions de recherche dans le nucléaire médical.

L'IRSN n'est pas une autorité de contrôle des exploitants nucléaires. Elle apporte une expertise à l'ASN, qui, elle, assure ce contrôle. Ces deux institutions forment ce qui est généralement appelé le « dispositif dual » de sûreté nucléaire. L'aide technique apportée par l'IRSN ne se limite cependant pas à l'ASN et concerne d'autres institutions, notamment les ministères des armées ou de la santé.

Les relations entre l'ASN et l'IRSN sont formalisées par plusieurs conventions. Les auditions menées ont fait apparaître des liens entre les deux institutions denses et, au moins au niveau technique, fluides. Il est certain que l'annonce de la fusion a pu constituer une source de tensions, mais il est crucial que le dialogue entre les deux établissements se maintienne. L'appui technique à l'ASN représente effectivement 83,7 millions d'euros, soit environ 30 % du budget de l'IRSN et environ 25 % de l'activité de l'établissement. Il a mobilisé en 2022 des salariés de l'IRSN pour un volume de 430 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit près d'un tiers des personnels de l'institut. Ce volume est extrêmement significatif pour l'ASN, dans la mesure où celle-ci ne dispose en propre que de 520 agents.

L'impression globale qui se dégage de mes travaux, comme des analyses antérieures sur l'IRSN, est le consensus sur la qualité de ses travaux et le fonctionnement satisfaisant du système actuel. Les différentes évaluations sectorielles comme les indicateurs de performance montrent que l'IRSN remplit efficacement ses diverses missions.

Mais les défis auxquels l'IRSN doit faire face au cours des prochaines années sont nombreux. En matière d'environnement et de santé, les techniques évoluent très rapidement et nécessitent une constante adaptation technologique, afin de maintenir les compétences de l'institut. Mais c'est en matière de sûreté des installations nucléaires que les enjeux sont les plus grands. L'IRSN doit par exemple assurer les réexamens de sûreté nécessaires à la prolongation au-delà de 40 ans de la durée d'exploitation du parc. La construction des six EPR 2 et l'émergence des petits réacteurs modulaires, dits SMR pour small modular reactor, représenteront également une charge croissante au cours des prochaines années. Enfin, plusieurs enjeux de moyen et long termes vont solliciter l'IRSN : la croissance du nombre de chantiers de démantèlement ; le stockage des déchets nucléaires, à travers, notamment, le fameux projet de centre industriel de stockage géologique Cigéo ou encore la prise en compte croissante des conséquences du dérèglement climatique sur les centrales nucléaires.

Pour le formuler de façon synthétique, le nombre, la complexité et l'intensité des dossiers d'expertise auxquels l'IRSN devra répondre sont en forte augmentation et continueront de l'être au cours des prochaines années.

La situation financière de l'IRSN est cependant problématique. Elle soulève des inquiétudes quant à la capacité de l'institut à faire face à ces défis sans ressource supplémentaire.

La principale ressource de l'IRSN est la subvention pour charges de service public (SCSP) en provenance du programme 190, Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui représente près des deux tiers des recettes de l'institut, soit 167 millions d'euros en 2022. Or la SCSP a baissé de près de 17 % en dix ans et se situe actuellement au même niveau qu'en 2018. En parallèle, du fait de l'inflation et de l'augmentation du nombre d'expertises, les dépenses de personnel se sont accrues de 10 % sur la même période.

En conséquence, les dépenses de l'IRSN ont plus rapidement augmenté que les recettes au cours des dernières années, d'où un effet ciseau sur le budget de l'institut. Sans hausse de crédits, celui-ci serait déficitaire de 5,6 millions d'euros en 2025.

Cette situation a été décrite comme non soutenable par la Cour des comptes, comme par plusieurs missions d'inspection. La principale crainte est que la capacité de l'institut à faire face à des investissements importants au cours des prochaines années ne soit compromise. Or le patrimoine immobilier vieillissant nécessite d'importants travaux. En outre, l'IRSN aurait des difficultés à faire face à une grosse dépense imprévue, faute de réserves suffisantes.

L'IRSN estime qu'il serait nécessaire d'augmenter son budget de plus de 100 millions d'euros sur la période allant de 2024 à 2027. C'est pourquoi je formule, dans mes recommandations, une proposition de hausse de 20 millions d'euros de ses crédits en 2024 et 2025. Les besoins devront ensuite être réévalués.

La fusion avec l'ASN n'aurait pas permis d'apporter une réponse à ces difficultés budgétaires. Les acteurs que j'ai entendus sont tous allés dans le même sens, évoquant l'absence d'économies attendue de la fusion, d'autant plus que la grille salariale de l'IRSN aurait été alignée vers le haut sur celle de l'ASN.

L'autre principale recette de l'IRSN est la contribution versée par les exploitants d'installations nucléaires de base, qui s'élève en 2022 à 61 millions d'euros. Il s'agit d'une des quatre taxes additionnelles à la taxe affectée perçue par l'ASN, dénommée taxe sur les installations nucléaires de base ou « taxe INB ». Le rendement de cette contribution a légèrement diminué au cours des dernières années, ce qui a été compensé par une augmentation à due concurrence de la SCSP. La contribution INB s'apparente donc aujourd'hui à une variable de bouclage budgétaire. C'est pourquoi je formule deux recommandations visant à maintenir une contribution des exploitants nucléaires tout en simplifiant le circuit financier : la contribution INB serait fondue avec les autres taxes INB dans une taxe affectée au budget général ; l'ensemble des ressources de l'IRSN serait désormais assuré par la SCSP, à l'exception des ressources propres de l'institut.

Au-delà de la question du niveau de crédits, je souhaite développer deux points particuliers.

S'agissant des moyens spécifiquement accordés à la recherche, celle-ci a été la première touchée par la baisse des ressources de l'institut. La part des dépenses qui lui sont consacrées dans le budget de l'IRSN a diminué de 10 points en douze ans, avant de se stabiliser au cours des dernières années. Afin que cette proportion ne continue pas à s'éroder, je formule une recommandation tendant à conserver, dans le contrat signé entre l'IRSN et l'État, un seuil minimal de 40 % du budget de l'institut à destination de la recherche, seuil que certains observateurs voudraient supprimer.

Je voudrais également revenir sur un autre point d'attention, qui, il est vrai, ne concerne pas uniquement l'IRSN. L'institut connaît actuellement des difficultés de recrutement, comme beaucoup d'acteurs du nucléaire. En 2022, il a recruté 85 ETPT de moins que les autorisations budgétaires. Le taux de réalisation des emplois hors plafonds chute même à 76 %. Le taux de rotation des salariés s'élève à 10 %, contre 4 % en 2017 du fait d'un fort accroissement du nombre de démissions.

La principale explication de la baisse d'attractivité de l'institut est sa faiblesse par rapport à la concurrence du secteur privé, en particulier s'agissant des rémunérations. La relance du nucléaire se traduira à l'échelle de la filière par un besoin de recrutement de personnels très important, estimé entre 10 000 et 15 000 personnes par an. Or les rémunérations offertes par l'IRSN sont 30 % inférieures à celles que proposent les exploitants. Ces derniers ne doivent pas capter les ressources humaines les plus qualifiées au détriment du secteur public en général, et de l'IRSN en particulier. Il s'agit d'un sujet crucial pour la puissance publique.

Je formule donc sur ce point deux recommandations. La première tend à accroître la présence des salariés de l'IRSN dans les établissements d'enseignement supérieur, afin de faire connaître l'institut auprès des étudiants et renouer ainsi avec des pratiques existant par le passé. L'autre recommandation, qui répond à une demande des personnels, est d'ouvrir davantage leurs mobilités. Cela implique toutefois de maintenir un cadre déontologique exigeant.

Je ne serai pas plus long. Le fonctionnement de l'IRSN est satisfaisant, mais nous devons nous assurer que les risques budgétaires soient limités. Le principal enjeu est de permettre à l'institut de maintenir ses capacités au cours des prochaines années.

J'ajoute un dernier point. Comme je l'ai indiqué en préambule, quand j'ai choisi de mener ce contrôle budgétaire, c'était sans présager des suites politiques, lesquelles n'ont cessé d'évoluer tout au long de ce travail. De ce fait, il n'a pas été facile, pour chacune des auditions, de rester dans le cadre strict du contrôle budgétaire et d'exclure des discussions le sujet de la fusion. J'ai essayé dans cette affaire de rester le plus neutre possible. J'espère que mon compte-rendu témoigne, à la fois, de ce souci de neutralité et de ma préoccupation de voir l'avenir de l'IRSN assuré - il l'est pour quelque temps, le récent projet de loi n'ayant pas abouti dans le sens initialement souhaité par le Gouvernement.

M. Vincent Éblé, président. - Je salue la présence de notre collègue Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » et je lui laisse la parole.

M. Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - J'ai écouté avec beaucoup d'attention le rapport de notre collègue Jean-François Rapin, dont je partage entièrement le point de vue. Je suis assez surpris de voir qu'avec le vieillissement de nos centrales - imposant des visites beaucoup plus complètes -, les démantèlements en cours, des projets tels que les centrales SMR et le plan de relance, on ne mette pas davantage de moyens pour assurer l'avenir et garantir le fonctionnement normal de l'IRSN. Le rapport de mon collègue Jean-François Rapin montre bien les difficultés que traverse l'Institut. Je partage tout à fait la position du rapporteur spécial comme sans doute mes collègues de la commission des affaires économiques travaillant avec moi sur ces sujets.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie Jean-François Rapin d'avoir en quelque sorte été visionnaire, puisqu'il a rappelé les événements survenus quelques jours après son choix d'engager ce contrôle budgétaire...

Une remarque de forme tout d'abord, il est question de « dynamique des recettes de l'IRSN en baisse » ou de « rompre avec la dynamique précédente » - laquelle consistait en une baisse de 10 % de recettes de l'Institut au cours des dix dernières années... Cela me rappelle le concept de zones de ralentissement dynamique utilisé dans les politiques de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi).

Pouvez-vous nous confirmer que la baisse des moyens est, pour l'essentiel, voire presque exclusivement, en lien avec le choix arrêté depuis le début des années 2010 - sous le quinquennat de François Hollande, puis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron - d'un abandon progressif et tendanciel de la filière nucléaire ?

Je souhaite également attirer l'attention sur les problèmes de recrutement. Cela résulte sans doute à la fois de la sortie du marché du travail de générations où les naissances ont été nombreuses et de l'écart important entre le statut, donc la rémunération, des collaborateurs de l'IRSN par rapport au secteur privé. Cet aspect doit-il susciter des craintes, au regard du développement à prévoir de la filière en France ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Annoncer l'abandon à terme d'une filière n'est évidemment pas motivant pour d'éventuels candidats à la rejoindre. Je pense donc, en effet, que ce type d'annonces a joué sur l'érosion budgétaire, comme sur l'érosion générale et l'attractivité du secteur public de la sûreté nucléaire.

Je confirme que la question salariale devra être abordée, mais il faudra le faire dans un contexte clarifié d'organisation de la sûreté nucléaire. Par ailleurs, pour avoir entendu les personnels de l'IRSN, je peux dire qu'ils se sentent assez bien dans l'Institut et que la question salariale n'est pas pour eux le seul sujet. Je pense notamment à la recommandation que j'ai formulée d'encourager les chercheurs de l'IRSN à se rendre dans les universités, sujet prégnant pour eux.

M. Marc Laménie. - Comment sont répartis géographiquement les moyens humains de l'IRSN ? Fait-on un lien avec l'ASN, qui dispose d'un maillage territorial et d'une représentation à l'échelle locale en lien avec les commissions locales d'information (CLI) ? Quelle est la complémentarité entre l'IRSN et l'ASN, même si les missions sont différentes ?

M. Philippe Dominati. - Partisan « raisonnable » de l'énergie nucléaire, je souhaite poser la question suivante : le gendarme est-il toujours un gendarme ? Le retour à une concentration de toute la filière nucléaire dans les mains de l'État, avec, parallèlement, des installations dont on prolonge l'existence de dix ans et la découverte, en plein milieu d'une crise de l'énergie, que la plupart de nos réacteurs sont en panne pour des problèmes de corrosion, ne m'apparaît pas très rassurant. L'IRSN a-t-il les moyens et, surtout, l'esprit critique suffisant pour remplir une réelle fonction de gendarme de la sûreté nucléaire ? Quel est par ailleurs l'avis du rapporteur spécial sur la fusion envisagée ? Faut-il faire prévaloir l'efficacité ou, au contraire, conserver une pluralité d'organismes pour garantir l'effectivité du contrôle ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Je remercie Jean-François Rapin pour la qualité constante de ses productions et rapports. Selon vos propos, monsieur le rapporteur spécial, la part des dépenses de l'IRSN consacrées à la recherche était en 2010 de 10 points supérieure au niveau actuel. Le 21 mars dernier, la Cour des comptes nous a présenté les résultats de son enquête sur l'adaptation des centrales nucléaires aux conséquences du changement climatique. Une question portait sur les besoins en eau. Dans un contexte de raréfaction de cette ressource, ira-t-on vers une priorisation entre les centrales nucléaires, l'agriculture, l'industrie et la consommation d'eau potable ? Dans ce contexte préoccupant, comment l'IRSN se positionne-t-il ?

M. Gérard Longuet. - L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) est allé au-devant des préoccupations de Philippe Dominati. Saisi par la présidente de la commission des affaires économiques, il a mandaté deux parlementaires, Stéphane Piednoir et Jean-Luc Fugit, pour examiner la façon de revenir à une souveraineté énergétique française, dans l'esprit du rapport Schellenberger-Armand. Celui-ci a décrit de manière très exhaustive les causes de la dégradation progressive : il est très difficile pour des organismes de contrôle, de tutelle ou de recherche de mobiliser des énergies et des talents quand il est dit que la filière n'a plus d'avenir. Or, entre 1997 et 2022, l'avenir du nucléaire a été remis en cause tous les six mois !

J'ajoute, circonstance aggravante, que le débat sur le nucléaire est un débat passionnel, frisant parfois l'émotion excessive. Nos scientifiques, lorsqu'ils expriment des points de vue différents, le font avec une violence à laquelle nous ne sommes plus accoutumés dans le monde politique. Au sein même de l'IRSN, qui est, je le rappelle, issu d'une fusion en 2001 entre un organisme dépendant du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et un autre dépendant des ministères de la santé et du travail, deux cultures profondément différentes ont été à l'époque mobilisées par les tenants et détracteurs du nucléaire dans un climat de « guerre civile » idéologique incompatible avec la conduite d'une politique nationale fédératrice.

Or, si la France est une puissance nucléaire, c'est parce que les divisions politiques ont toujours été surmontées et que l'on a maintenu une bonne coopération, en tout cas jusqu'à la fin du programme Messmer. Aujourd'hui, la question se pose et, dans le cadre du récent projet de loi sur le nucléaire, nous avons fait comprendre au Gouvernement que donner le sentiment de ne pas ouvrir le débat sur la façon dont les installations nucléaires doivent être durablement contrôlées constituait la meilleure façon de tuer le nucléaire en France.

Nous attendons donc le rapport de l'Opecst, qui devrait rendre ses conclusions dans la deuxième quinzaine de juillet, ce qui permettra ensuite au Gouvernement d'éclairer le Parlement, non pas par une proposition de loi « pas vu pas pris », mais par un projet de loi l'engageant clairement. On ne peut pas, à la fois, défendre un renouveau du secteur nucléaire et gommer l'inquiétude légitime du contrôle. Notre système est excellent, mais autobloquant. Ma conviction personnelle est que l'autorité de sécurité doit parler d'une seule voix ; que le juge s'appuie sur les recherches des uns et des autres, c'est une nécessité absolue, mais il ne faut qu'un seul décideur.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Gérard Longuet vient pratiquement de répondre à Philippe Dominati : l'ASN est l'autorité de contrôle, donc le gendarme. L'IRSN ne décide pas mais apporte les fruits de sa recherche et son expertise. Mon rapport, je le rappelle, ne porte que sur l'IRSN.

M. Gérard Longuet. - Cela étant, si le radar ne fonctionne pas correctement, la décision ne sera pas la bonne...

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Ce n'est pas l'impression que j'ai eue.

Les 1 700 personnes composant les équipes de l'IRSN sont réparties sur 8 sites, avec une forte présence sur les sites de Fontenay-aux-Roses - environ 1 200 collaborateurs - et Cadarache - environ 400 collaborateurs. Il existe en outre des équipes mobiles très bien organisées que j'ai pu observer. L'ASN emploie, quant à elle, 520 personnes, réparties à moitié sur le siège et dans les divisions territoriales. Enfin, 30 personnes sont mises à la disposition de l'ASN par l'IRSN, un chiffre est en baisse depuis 10 ans.

Concernant la question de la consommation de l'eau, cela fait partie des thématiques examinées dans le cadre de l'activité de recherche de l'IRSN.

Enfin, j'ai pu voir, lorsque je me suis rendu dans la cellule de crise de l'IRSN, comment s'opérait le lien entre l'Institut et l'ASN en cas de problème. Le dispositif m'a semblé parfaitement fonctionnel et je ne pense pas qu'il y ait d'obstacle à avoir, d'un côté, un expert et, de l'autre, un gendarme, le premier renseignant en permanence le second. Si, comme l'a laissé entendre Gérard Longuet, la décision ne peut pas être bonne si le radar dysfonctionne ; je ne pense pas que cela soit le cas, au vu de ce centre de crise, lequel compte 300 personnes susceptibles d'être mobilisées 7 jours sur 7, à tout moment. Le sérieux est « sans fissure » !

M. Daniel Breuiller. - Bien que n'ayant pas le même amour du nucléaire, je veux remercier le rapporteur spécial pour la sincérité, la clarté et les propositions de ce rapport. L'IRSN a comme atout majeur son absolue indépendance dans l'expertise scientifique. Or, quand l'expertise dérange, pour une raison ou pour une autre, les décideurs ont toujours la tentation de vouloir la mettre au pas. Cette dissociation entre décision du gendarme et expertise scientifique m'apparaît donc comme une ardente nécessité. S'il n'y avait un jour qu'un seul acteur pour mettre en balance les risques potentiels en termes de sûreté et les risques liés à la coupure de l'exploitation, nous pourrions être tentés de prendre de mauvaises décisions.

La mise sous tension de cette expertise scientifique du fait du flou sur la trajectoire nucléaire a été évoquée. Je vois d'autres causes à cela : la récente tentative du Gouvernement de fusionner IRSN et ASN sans débat préalable, les moyens contraints mentionnés par le rapporteur spécial ou encore l'annonce par le Président de la République de la généralisation des tours aéroréfrigérées, indépendamment de toute étude scientifique ou technique sur le coût et la faisabilité d'une telle mesure.

Je voudrais enfin remercier le rapporteur d'avoir souligné la demande des personnels d'entretenir des liens permanents avec les meilleurs dans le domaine de la recherche. C'est aussi ce que j'ai entendu au cours d'auditions, tout comme leur fierté à remplir leurs missions en toute indépendance.

M. Christian Bilhac. - Je souhaite à mon tour remercier le rapporteur pour la qualité de son travail. Je ne suis pas un fanatique du nucléaire, mais nous avons besoin d'électricité et nous ne sommes pas capables de répondre à la demande sans le nucléaire. S'agissant d'une technologie présentant des risques, il importe d'avoir des instituts qui puissent, de manière scientifique, évaluer le danger. Leur indépendance et la qualité de leurs travaux sont essentielles.

Sylvie Vermeillet a abordé les problèmes de manque d'eau, qui obligent parfois à des réductions d'activité de certaines centrales - dans des proportions très faibles. Peut-être pourrait-on, considérant que, lorsque l'eau manque, le soleil abonde, réfléchir à une complémentarité avec l'énergie solaire ?

Vous évoquez les problèmes de recrutement, monsieur le rapporteur spécial, problèmes qui, d'ailleurs, concernent tout le secteur public. On ne peut pas attirer les meilleurs sans moyens financiers... À combien s'élève la masse salariale de l'IRSN ? Faut-il envisager de l'accroître de 30 % ? Pour quelle enveloppe budgétaire ?

M. Michel Canévet. - Je remercie le rapporteur spécial pour cette vulgarisation d'un sujet essentiel en temps de transition énergétique. En qualité de membres de la commission des finances, nous sommes toujours partagés entre un objectif d'efficience des moyens publics et un objectif de coût le plus limité possible. C'est donc un dilemme qui se pose à nous face au constat dressé, même s'il est compréhensible que, dans une perspective de renforcement de la filière nucléaire, des moyens conséquents y soient consacrés.

Ma question porte sur la place du CEA dans le dispositif et sur de potentielles optimisations.

M. Jean-Marie Mizzon. - Je souhaite apporter un témoignage : habitant à côté de la centrale nucléaire de Cattenom, je suis membre de la commission locale d'information. Celle-ci a élargi son périmètre, intégrant désormais des Luxembourgeois et des Allemands, que l'on ne peut pas suspecter d'être des défenseurs du nucléaire. Au sein de cette CLI, l'IRSN apporte des informations précieuses. L'effort de vulgarisation s'agissant d'événements tout de même complexes permet de ne pas fermer les yeux sur certains problèmes importants ou de ne pas s'affoler pour rien. Les propositions du rapporteur spécial vont donc dans le bon sens : au moment où la France veut « mettre le paquet » sur le nucléaire, on ne peut pas faire l'économie de la sécurité et de l'information.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Je répète qu'il faudra une réflexion sur la question salariale et les écarts de rémunération entre les différents organismes ou avec le secteur privé. Précisément, les dépenses de personnel représentent 60 % du budget. Les dépenses de rémunération ont connu une hausse de 10 % en dix ans, la masse salariale atteignant 152 millions d'euros en 2022. Le salaire mensuel moyen s'établit à environ 4 500 euros, charges comprises.

Par ailleurs, le CEA est naturellement un acteur du secteur du nucléaire. Il partage des sites avec l'IRSN, au travers de conventions successives, mais la question du réacteur expérimental Cabri revient à chaque audition. Ce réacteur de recherche, porté par le CEA mais financé par l'IRSN, a nécessité d'importants investissements pour être maintenu à niveau. La question qui se pose est de savoir, comme il n'existe aucune structure identique en Europe, peut-être même dans le monde, s'il faut continuer de le moderniser ou le supprimer.

Je remercie Jean-Marie Mizzon d'avoir rappelé que l'IRSN a aussi une vocation d'information, et ce à l'échelle européenne. Chaque État ayant à assurer une sûreté nucléaire a sa propre façon d'expertiser et de contrôler, mais l'institut reste une référence à l'échelle internationale.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

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