CONCLUSION DES ÉTATS GÉNÉRAUX
M. Xavier Brivet. - Merci beaucoup. Nous accueillons Gérard Larcher, président du Sénat, et Christophe Béchu, ministre chargé de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, pour la séance de clôture de cette matinée qui va être marquée par le discours du ministre, le discours de clôture du président Larcher et la signature de la charte d'engagements entre le Gouvernement et le Sénat.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci, Monsieur le ministre, Monsieur le président du Sénat. J'exprime le plaisir que nous avons à vous accueillir ici et vous fais part de l'intérêt de cette matinée que nous avons partagée d'une manière très concertée. Tous les acteurs du terrain étaient là, de la production, de l'examen, de l'appréciation de la norme. Nous constatons un diagnostic partagé et l'envie d'avancer, qui se concrétisera tout à l'heure grâce à la charte d'engagements.
J'ai entendu deux fois ce mot, de la part du secrétariat général du Gouvernement et de Monsieur le président adjoint de la section de l'administration du Conseil d'État : « Ayons la culture du résultat ».
L'enjeu est celui de l'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre et, au Sénat, nous rajoutons toujours jusqu'au dernier habitant. Nous savons d'une manière grave qu'aujourd'hui, au-delà du délitement de la confiance entre les citoyens et ceux et celles dont nous faisons partie, qui sont comptables de l'action publique, se rajoute une fragilité de l'engagement citoyen. Je rappelai tout à l'heure que, depuis 2020, 930 maires ont démissionné, chiffre inédit. L'une des raisons de ces démissions est que les élus constatent souvent que la norme produit de l'impossible à faire et du surcoût. Le temps est à la rigueur et à la vertu, et nous sommes très heureux que votre présence parmi nous nous oblige à plus de rigueur et de conduite.
Nous devions avoir une intervention de la Première Ministre, mais ce ne sera pas le cas. Je laisse donc la parole au ministre Christophe Béchu.
I. « LA SIMPLIFICATION EST UN COMBAT ESSENTIEL POUR QUE LA PUISSANCE PUBLIQUE PRÉSERVE UNE CAPACITÉ D'AGIR » CHRISTOPHE BÉCHU, MINISTRE CHARGÉ DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES
Je serai tenté de voir dans le fait qu'après avoir annoncé une intervention de la Première Ministre, ce ne soit que le ministre de la Transition écologique qui s'exprime, une sorte d'allégorie, que je ne filerai pas, par rapport à la hiérarchie des normes,. Je vous dirai donc très simplement le plaisir d'être là, l'honneur de me trouver tout près du président Larcher, dont chacun connaît la cohérence et la constance sur ces sujets, de saluer la secrétaire générale du Gouvernement, les sénatrices et sénateurs, en commençant par la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, Françoise Gatel, le président de l'association des maires de France, et chacune et chacun en son titre, son grade et sa qualité.
Chacun connaît le constat, et les formules les plus diverses permettent d'en rendre compte. Il y a la vision historique, qui consiste à rappeler que du temps des Grecs, on expliquait que nul n'était censé ignorer la loi, puisqu'elle figurait sur les murs de l'agora, et le fait de s'amuser à mesurer la taille du bâtiment qu'il faudrait aujourd'hui pour que la somme des normes françaises et européennes puisse tenir dans un endroit où on pourrait les voir et ensuite les lire, ce qui relèverait de l'impossibilité.
Il y a la manière comparative de le faire, d'en évaluer le coût. Nous avons aujourd'hui un Code général des collectivités territoriales qui a triplé de volume en vingt ans, avec près d'un million de mots. L'estimation de l'inflation normative sur la période 2017-2021, calculée par la Direction générale des collectivités locales (DGCL), est de deux milliards d'euros, avec une règle : plus vous êtes petit, plus vous avez de mal à suivre cette inflation normative. Nous créons ainsi une sorte de dégradation d'agir, notamment pour les plus petites collectivités.
La simplification est donc un combat essentiel pour que la puissance publique préserve une capacité d'agir et que son action ait du sens. Elle constitue aussi un impératif au vu des bouleversements profonds, économiques, géopolitiques, écologiques bien sûr, que nous traversons. Il est d'usage, pour chaque problème, de se demander qui est le responsable. L'inflation des normes possède plusieurs pères. Dans ce domaine, nous rencontrons une difficulté devenue systémique dans laquelle il serait trop simple de chercher un seul responsable.
Je veux saluer la qualité du rapport de Françoise Gatel et de Rémy Pointereau, qui montre que tous les acteurs alimentent cette fabrique de la norme, que le législateur n'est pas en reste, et que parfois cette multiplication des normes peut répondre à un objectif légitime de différenciation pour tenir compte des réalités. Mais parfois, sous couvert de différenciation, nous produisons de la norme qui ajoute de la complexité de manière très forte.
Depuis 2017, le Président de la République a souhaité une lutte contre le poids excessif de la norme, avec l'engagement valorisé de deux pour un du Premier Ministre Édouard Philippe en juillet 2017 : à chaque nouveau texte, il faut en supprimer deux.
Il y a eu des réussites, avec un nombre de décrets autonomes divisé par dix. Nous avons également constaté une diminution objective du nombre de circulaires. Il ne faut pas oublier les promesses de la loi 3DS, qui ouvre dans un certain nombre de champs des perspectives réelles pour avancer. Mais beaucoup reste à faire, aussi bien en matière de flux qu'en matière de simplification et de stocks.
J'ai commencé ma journée par un billet d'humeur du maire de Cannes, David Lisnard qui, à quelques jours de la présentation du plan Eau du Gouvernement -dans un contexte de sécheresse hivernale avec peu de précédents-, expliquait qu'il avait eu l'idée de réutiliser les eaux usées de sa station d'assainissement. Il lui a été répondu qu'il s'agissait d'une très bonne idée, mais qu'à force de normes et d'injonctions contradictoires de la part de différents ministères, il attendait encore, en misant beaucoup sur le décret que j'aurai l'occasion de signer dans quelques jours. Il appelait donc quand même de ses voeux une inflation normative limitée, mais pour permettre de régler un certain nombre de problèmes.
En l'espèce, c'est bien la succession des principes de précaution et des normes qui voit une bonne idée être confrontée, lors de sa mise en oeuvre, à cinquante obstacles juridiques et à des quantités de bonnes raisons, au titre du principe de précautions de chaque ministère ou institution.
Nous avons donc une nécessité démocratique, juridique, mais également politique en termes de responsabilité, à faire en sorte que la loi s'applique plus rapidement, plus efficacement, tout en étant plus lisible vis-à-vis de nos concitoyens.
C'est dans cet esprit que je suis venu signer cette charte qui vient marquer une nouvelle étape pragmatique dans notre lutte commune pour la simplification. Pragmatique, car elle n'est pas une simple déclaration d'intention. Elle réfléchit à droit existant. Nous ne demandons pas une nouvelle réforme ou la modification de la Constitution. Nous nous penchons sur les pesanteurs actuelles quotidiennes. Pragmatique, car nous nous appuyons sur le CNEN, dont la création en 2013 a eu beaucoup de sens. Mais lorsque l'on crée une instance, il faut s'inspirer de ses avis et ne pas se contenter de son travail réalisé aux côtés de ceux qui produisent la norme. Nous avons en ce domaine des marges d'amélioration. Cette charte est également pragmatique, parce qu'elle reconnaît et qu'elle conforte le Sénat en tant que vigie de nos territoires.
En assumant de signer cette charte entre le Gouvernement et la Chambre haute, nous nous penchons tout de suite sur la volonté d'obtenir des résultats, des effets concrets avec la promotion des expérimentations locales, des clauses de réexamen et même, à titre expérimental, des clauses « guillotine ».
Je veux très simplement vous dire que je suis convaincu que d'autres acteurs de fabrique de la norme viendront s'adjoindre à cette charte. Je pense en particulier au Conseil d'État dont je salue les membres présents.
Je terminerai mon propos en saluant plus largement le travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales sur beaucoup de sujets, et sur celui-ci en particulier. Je voudrais plus simplement vous remercier pour le travail que vous conduisez au service du pays, des collectivités territoriales, pour faire en sorte que les textes soient à la fois plus intelligibles, plus concis, moins nombreux, et qu'ils bénéficient d'une capacité de nous réunir là où, parfois, leur confusion nous conduit au contraire à nous opposer. C'est l'oeuvre utile que nous tentons de réaliser, et l'oeuvre utile que nous essayons également de réaliser actuellement sur le sujet « zéro artificialisation nette ». Je me réjouis par anticipation de pouvoir utiliser lors des débats cet argument sur le fait de ne pas ajouter de la norme à la norme quand nous examinerons les 170 amendements que nous devrons parcourir la nuit prochaine. Merci à tous.