ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE SUR LES DISPOSITIFS DE CONTINUITÉ TERRITORIALE DANS D'AUTRES ÉTATS EUROPÉENS
La continuité territoriale
(Source : Division de la Législation comparée du Sénat)
À la demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer, la Division de la Législation comparée a conduit une recherche sur les dispositifs de maintien de la continuité territoriale dans quatre pays de l'Union européenne disposant de territoires ultramarins : le Danemark, l'Espagne, les Pays-Bas et le Portugal.
La présente étude se concentre sur les systèmes de prise en charge des frais de transport des territoires ultramarins vers le continent, y compris pour des motifs particuliers tels que la poursuite d'études43(*). Elle se fonde en partie sur la note de législation comparée relative au soutien au transport aérien comme instrument de désenclavement, publiée en 201944(*).
Au Danemark et aux Pays-Bas, le principe de continuité territoriale n'est pas inscrit, en tant que tel, dans le droit ; ces deux pays ne prévoient pas de système généralisé d'aide au financement des frais de transport pour les résidents des territoires ultramarins.
Le droit néerlandais reconnaît cependant « l'intérêt public de l'accessibilité » des collectivités territoriales caribéennes (Bonaire, Saint-Eustache et Saba) au nom duquel il a mis en place une stratégie de prise de participation dans la compagnie aérienne desservant ces territoires. Constatant que ceci ne permettait pas de garantir l'accessibilité, à la fois en termes de fréquence des vols et de prix des billets, le gouvernement s'est engagé, fin 2021, à étudier la mise en place d'une obligation de service public. En revanche, il a exclu le subventionnement de billets d'avion.
Les deux territoires ultramarins du Royaume du Danemark, le Groenland et les îles Féroé possèdent un degré d'autonomie élevé et de larges compétences. Ainsi, l'État danois finance uniquement une aide relative aux frais de transport au sein, vers et depuis le Groenland en cas de décès ou de maladie grave dans la famille, tandis que le Groenland et les îles Féroé ont chacun mis en place leur propre système d'aide à la mobilité en faveur des étudiants.
En Espagne et au Portugal, le principe de solidarité avec les territoires insulaires est plus affirmé ; chaque pays possède un dispositif d'aide aux résidents ultramarins, prenant en charge une large partie du prix du billet d'avion.
En Espagne, au nom des « circonstances propres au caractère insulaire » reconnues par la Constitution, les résidents des communautés autonomes des Canaries, des Baléares et des villes autonomes de Ceuta et Melilla bénéficient de réductions tarifaires représentant 75 % du prix du billet, sur toutes les liaisons aériennes directes vers ou depuis le reste du territoire national, ainsi qu'entre les îles. Ce subventionnement très large représente un coût très élevé pour l'État (823 millions d'euros en 2023).
Au Portugal, les statuts des régions autonomes des Açores et de Madère prévoient explicitement le principe de continuité territoriale, défini comme le besoin de corriger les inégalités structurelles liées à l'éloignement et à l'insularité. L'État portugais finance une « subvention sociale de mobilité » en faveur des personnes qui résident et travaillent dans les régions autonomes de Madère et des Açores, et des étudiants, qui effectuent des voyages entre le continent et les archipels. D'un montant variable, cette subvention de mobilité permet aux bénéficiaires de payer un prix plafond, variable selon le trajet et leur situation (résident ou étudiant).
I. LES PAYS-BAS : UNE OBLIGATION DE SERVICE PUBLIC EN PROJET
Au sein du Royaume des Pays-Bas, il existe deux types de territoires ultramarins :
- les pays autonomes (autonome landen) qui, à côté des Pays-Bas (Nederland) et sur un pied d'égalité avec eux, forment le Royaume des Pays-Bas (Koninkrijk der Nederlanden)45(*). C'est le cas d'Aruba (115 000 habitants), de Curaçao (159 000 habitants) et de Saint-Martin46(*) (37 000 habitants) ;
- et les collectivités territoriales caribéennes (caribische territoriale openbare lichamen)47(*) qui appartiennent aux Pays-Bas. Il s'agit des îles de Bonaire, Saint-Eustache et Saba (BES eilanden), qui comptent au total environ 25 000 habitants.
A. LE PRINCIPE DE CONTINUITÉ TERRITORIALE
Le droit public néerlandais ne reconnaît pas le principe de continuité territoriale.
En revanche, le gouvernement des Pays-Bas reconnaît « l'intérêt public de l'accessibilité des îles de Bonaire, Saint-Eustache et Saba »48(*).
Le ministère des infrastructures et de la gestion de l'eau, responsable de la garantie de cet intérêt public, définit l'accessibilité comme la possibilité pour un passager de voyager au sein, depuis et vers les Pays-Bas caribéens, avec des « coûts généralisés » acceptables (fréquence suffisante des transports, caractère abordable du prix des billets et temps de trajet, d'attente et de transfert acceptables)49(*).
Cet intérêt public est uniquement reconnu pour les collectivités territoriales caribéennes appartenant aux Pays-Bas, c'est-à-dire les îles de Bonaire, Saint-Eustache et Saba.
* 43 Elle ne traite pas des politiques de continuité territoriale en matière de coûte de l'énergie et de gestion des déchets menées par certains pays, comme le Portugal.
* 44 Division de la Législation comparée du Sénat, Recueil des notes de synthèse, LC n° 289, 2019.
* 45 Wet houdende aanvaarding van een statuut voor het Koninkrijk der Nederlanden (Statuts du Royaume), du 28 octobre 1954.
* 46 Il s'agit de la partie néerlandaise de l'île.
* 47 Article 132a de la Constitution néerlandaise.
* 48 Voir en particulier :
https://www.rijksoverheid.nl/documenten/kamerstukken/2022/12/23/verzamelbrief-luchtvaart et https://www.rijksoverheid.nl/documenten/rapporten/2021/12/10/bijlage-2-rapport-evaluatie-staatsdeelneming-winair
* 49 https://www.rijksoverheid.nl/documenten/rapporten/2021/12/10/bijlage-2-rapport-evaluatie-staatsdeelneming-winair, p. 8.