B. L'ADAPTATION DU NOUVEAU NUCLÉAIRE AUX CONTRAINTES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
1. Le programme de nouveau nucléaire prend en compte les conséquences du changement climatique
Le futur parc de centrales qui sera issu du programme de nouveau nucléaire sera particulièrement exposé aux conséquences des dérèglements climatiques , à leur accélération et à leur intensification. Il était bien entendu indispensable de prendre en compte ces contraintes dès la phase de conception des installations. Pour ces futures installations, l'horizon 2100, le plus éloigné dans les prévisions du GIEC, est pris en compte .
Certains des grands principes qui président au design générique des EPR2 tiennent compte des principales contraintes climatiques. Ainsi, les centrales situées en bord de fleuve doivent-elles fonctionner grâce à un circuit de refroidissement fermé et systématiquement être dotées de tours aéroréfrigérantes.
Par ailleurs, et même si, comme le souligne la Cour des comptes, « l'adaptation au changement climatique ne fait pas l'objet d'une analyse ou d'une étude systémique ou structurée 21 ( * ) » , les contraintes climatiques sont intégrées dans l'appréciation des dix critères retenus pour le choix des implantations des six EPR2 prévus dans la première tranche du programme de nouveau nucléaire. L'appréciation des effets du changement climatique et leur prise en compte ne fait pas l'objet d'un examen autonome mais ils se trouvent indirectement intégrés , au même titre que d'autres paramètres, dans l'évaluation des critères d'implantation qui se trouvent être sensibles aux phénomènes des dérèglements climatiques. Aussi apparaît-il qu' au moins huit des dix critères retenus pour déterminer le lieu d'implantation des nouvelles centrales peuvent être considérés comme sensibles aux effets du changement climatique .
Le rapporteur note par ailleurs que les principes développés dans le projet ADAPT (voir supra ) doivent être appliqués, au stade de la conception, sur les projets relatifs au nouveau nucléaire.
En plus de la construction d'EPR2, dans le cadre du projet de nouveau nucléaire, le déploiement de petits réacteurs nucléaires modulaires, dits SMR (pour small modular reactor ), est également envisagé. Depuis 2019, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), EDF, Naval Group et TechnicAtome conduisent d'ailleurs un projet de SMR baptisé « Nuward TM ». À l'instar des EPR2, le rapporteur insiste sur le fait que bien évidemment, au stade de leur conception comme de leur éventuelle implantation, les projets de SMR devront prendre en considération les contraintes liées aux conséquences des dérèglements climatiques .
Alors que cette exigence lui apparaît comme particulièrement essentielle à l'heure de la relance du programme nucléaire, le rapporteur regrette que , faute d'une vision globale et partagée entre l'ensemble des acteurs impliqués dans l'adaptation des technologies de production d'énergie nucléaire au changement climatique, il ne soit pas possible à ce jour de disposer d'une estimation complète des coûts que représente cette adaptation dans les programmes du nouveau nucléaire . La Cour note ainsi que l'adaptation aux dérèglements climatiques « pâtit d'une approche fragmentée qui ne permet pas d'appréhender la démarche dans sa globalité et d'extraire un « coût » de l'adaptation au changement climatique dans l'architecture budgétaire des futurs programmes » .
L'adaptation du parc nucléaire au changement climatique suppose de garantir l'adaptabilité des installations pour que, le cas échéant, leur conception autorise des aménagements nouveaux rendus nécessaires par la réévaluation du niveau des contraintes climatiques. À ce titre la plasticité des installations est un enjeu essentiel. La conception initiale des locaux ne doit pas constituer une contrainte trop forte qui conduirait à ne pas pouvoir installer les aménagements complémentaires les plus appropriés.
Le rapporteur a notamment été sensibilisé à cet enjeu au cours de son audition de l'IRSN. Ainsi, d'après l'IRSN, s'agissant du parc existant, l'encombrement des locaux a-t-il pu, dans certains cas, empêcher l'installation d'aménagements qui étaient pourtant jugés nécessaires pour améliorer la résilience des installations aux conséquences du changement climatique.
Au regard de ce constat, et s'agissant du programme de nouveau nucléaire, le rapporteur insiste sur l'importance d'assurer une flexibilité suffisante des installations , notamment en ce qui concerne le volume des locaux, afin d' assurer leur capacité d'adaptabilité en cas de réévaluation des contraintes climatiques dans le futur.
2. Des précisions s'avèrent nécessaires pour la deuxième tranche optionnelle de huit EPR2
Si les sites d'implantation retenus pour accueillir les six EPR2 prévus dans le cadre de la première phase du projet de nouveau nucléaire font partie des sites les moins climato-sensibles, la Cour des comptes constate qu' aucune décision n'a été prise s'agissant de l'implantation de la phase optionnelle de huit autres EPR2 , aucun des sites existants, y compris les plus exposés aux effets du changement climatique, n'étant écarté à ce stade. Elle estime ainsi qu'il est « urgent d'éclairer au plus vite les choix d'implantation de ces huit EPR2 pour sécuriser leur planning de mise en service et la disponibilité d'électricité d'origine nucléaire des décennies à venir » .
Le rapporteur souscrit à la recommandation de la Cour des comptes selon laquelle l'État et EDF doivent rapidement « produire les études de préfaisabilité prenant en compte le changement climatique concernant les huit EPR2 en option » .
* 21 Au sens d'une distinction des autres conditions qui déterminent l'implantation des installations.