K. LE DÉBAT INTITULÉ « PRÉVENIR LA DISCRIMINATION VACCINALE »
1. L'intervention de M. Alain Milon, au nom du groupe PPE/DC.
Merci, Madame la Présidente. Mes chers collègues,
Je souhaiterais tout d'abord évidemment remercier nos deux collègues pour leurs rapports respectifs.
À l'heure où le nombre de contaminations à la covid-19 repart à la hausse, il est important de rappeler les règles juridiques qui doivent régir la mise en oeuvre de restrictions à la liberté de circulation.
Tout d'abord, il convient de rappeler que les certificats Covid numériques de l'Union européenne sont des outils pour faciliter la libre circulation d'un État à l'autre lorsque la mise en oeuvre de certaines précautions est nécessaire pour protéger la santé publique.
Les États restent donc libres de fixer ou non des restrictions à l'entrée sur leur territoire et de définir la nature de ces restrictions. Toutefois, les États membres qui acceptent une preuve de vaccination afin de lever les restrictions à la libre circulation sont dans l'obligation d'accepter, dans les mêmes conditions, les certificats de vaccination délivrés par d'autres États membres pour un vaccin autorisé de manière centralisée au niveau de l'Union européenne.
Concernant les vaccins qui ont été autorisés non pas par l'Agence européenne des médicaments mais par l'OMS, les États membres demeurent libres de leur appréciation. Il appartient aux promoteurs de ces vaccins de faire les démarches nécessaires auprès de l'Agence européenne des médicaments pour obtenir une autorisation de mise sur le marché.
Je me félicite que 17 États membres du Conseil de l'Europe non membres de l'Union européenne aient pu se connecter au système de certificats Covid numériques de l'Union, permettant ainsi de faciliter la libre circulation sur un territoire plus large que celui de l'Union européenne.
Si ces certificats Covid numériques avaient pour objectif initial de faciliter la libre circulation entre les États membres, les règlements instituant ces certificats ne régissent pas les autres usages que peuvent en faire les États membres, notamment pour imposer des restrictions à l'échelle nationale.
Sur ce sujet, notre Assemblée doit souligner que ces éventuelles restrictions doivent être limitées à ce qui est nécessaire pour assurer la protection de la santé publique et qu'elles doivent respecter le principe de proportionnalité. Le risque que ces pratiques conduisent à des discriminations et à des violations des droits de l'homme est réel. Leur mise en oeuvre dans les États membres du Conseil de l'Europe doit donc s'accompagner de possibilités de recours effectif devant la justice.
Je voudrais également rappeler la résolution que nous avons adoptée lors de notre dernière partie de session pour faciliter l'accès à la vaccination, en luttant contre la désinformation qui entoure cette pratique médicale. Plus le nombre de personnes vaccinées sera important, mieux la santé publique sera protégée et moins il y aura de risques de discrimination.
Enfin, je veux relever que la vaccination obligatoire n'est pas nécessairement contraire à notre Convention. Elle peut s'imposer dans certains cas, notamment pour certaines professions exposées à des populations vulnérables comme les personnels soignants.
Je vous remercie.
2. L'intervention de M. Bertrand Bouyx, au nom du groupe ADLE
Merci, Madame la Présidente. Mes chers collègues,
Lorsque nous entendons « discrimination vaccinale », nous entendons, nous, esprits scientifiques et cartésiens, « accès inégalitaire et/ou frein à l'accès au vaccin » : vaccin contre la covid-19 mais également contre un certain nombre de maladies transmissibles qui n'ont pas toutes été - loin s'en faut - vaincues. Ceci étant dit, le débat - surtout, je dois le dire, en Europe, c'est-à-dire dans les pays qui ont largement eu accès au vaccin contre la covid-19 et qui ont ainsi mieux pu protéger leur population - s'est focalisé sur les discriminations dont auraient été victimes les non-vaccinés.
Nous, au Groupe ADLE, nous adhérons parfaitement aux conclusions de la Résolution 2383 (2021) de l'APCE. En effet, l'utilisation du passe est un outil de santé publique efficace dans le cas de maladies respiratoires mais il, je cite, « peut constituer une discrimination illégale au sens de l'article 14 de la Convention s'il est dépourvu de justification objective et raisonnable. Cette justification suppose que la mesure concernée poursuive un but légitime et soit proportionnée. La proportionnalité exige un juste équilibre entre la protection des intérêts de la collectivité, à savoir le but légitime, et le respect des droits et libertés de toute personne. »
Personne ne peut contester le but légitime du passe institué dans plusieurs pays d'Europe au moment où les confinements se succédaient, avec toutes les conséquences humaines que nous connaissons. Personne ne peut contester sur notre continent que la proportionnalité a été mise, dès lors que personne ne s'est retrouvé mis au ban de la société pour avoir refusé un vaccin.
Le rapport évoque toutefois une requête introduite par un sapeur-pompier français contre l'obligation vaccinale qui lui est faite du fait de sa profession. Je tiens ici à rappeler la particularité des professions médicales en contact avec des publics fragiles : leur liberté de se vacciner ou pas ne peut pas avoir pour conséquence la mise en danger des personnes fragiles qu'elles sont amenées à prendre en charge. En tout état de cause, l'affaire est pendante devant la Cour européenne des droits de l'homme qui dira le droit, notamment au regard des articles 8 (respect de la vie privée) et 14 (non-discrimination) de notre Convention commune. Les autorités françaises tireront comme d'habitude toutes les conséquences de l'arrêt et de ses motivations.
La discrimination peut également se nicher entre les personnes ayant reçu tel ou tel vaccin. La commission demande que toutes les personnes vaccinées contre la covid-19, par un vaccin ayant reçu une autorisation de mise sur le marché conditionnelle de l'Agence européenne des médicaments ou ayant été inscrit par l'OMS sur sa liste d'utilisation d'urgence, soient traitées de la même manière. Je voudrais tout de même faire un distinguo entre les deux organisations : la première est une agence à travers laquelle les pays de l'Union européenne ont décidé de mutualiser leur choix en matière de politique des médicaments, la politique sanitaire appartenant à chaque État ; l'OMS est une organisation internationale, elle ne peut obliger à commercialiser tel ou tel vaccin à l'échelle mondiale.
Si nous devons tendre vers une harmonisation, il y aura toujours des différences.
À la faveur de ces deux remarques, mon Groupe ADLE est favorable au rapport.
Je vous remercie.