TROISIÈME PARTIE
:
POUR UN
DÉPARTEMENT-MÉTROPOLE RESPECTUEUX DES COMMUNES ET DES AUTRES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
L'intention du législateur, lors de la création puis l'affirmation des métropoles était claire : il entendait créer des collectivités motrices de leur territoire, capables de rayonner aux niveaux européen et international tout en « [concourant] au développement durable et solidaire du territoire régional » 216 ( * ) . Il semble que, dans ses structures comme dans sa gouvernance, la métropole de Lyon n'endosse pas parfaitement ce rôle .
En effet, la gouvernance actuelle de la métropole de Lyon et les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent ne lui permettent visiblement pas de nouer, avec l'ensemble des communes situées sur son territoire, des relations partenariales respectueuses des intérêts de chacun, une partie de ces dernières ayant manifesté le souhait de quitter la métropole. Dès lors, il apparaît nécessaire qu'en contrepartie de l'achèvement du caractère départemental de la collectivité, les communes privées d'intercommunalité voient leur association aux décisions de la métropole renforcée .
Plus largement, il semble que la métropole de Lyon n'inscrive pas son action dans le cadre d'une relation suffisamment partenariale avec les collectivités environnantes . Il convient donc de procéder à une clarification et à un rééquilibrage des relations entretenues par la métropole avec d'autres collectivités , afin de parfaire son insertion dans son environnement régional.
I. RÉÉQUILIBRER LE RAPPORT DE FORCE ENTRE MÉTROPOLE ET COMMUNES POUR UNE ACTION PLUS EFFICACE EN PROXIMITÉ
A. ADAPTER LA GOUVERNANCE POUR GAGNER EN EFFICACITÉ : POUR UN NOUVEAU PACTE DE GOUVERNANCE DE PROXIMITÉ
La création de la métropole a privé du jour au lendemain les communes d'intercommunalité sur des compétences relevant pourtant historiquement du bloc local . Alors même que le caractère départemental de la collectivité doit être réaffirmé et que le défaut de structure intercommunale pour les communes situées sur le territoire de la métropole est amené à perdurer, il est nécessaire que les communes retrouvent des marges de manoeuvre plus amples dans la gouvernance de la métropole .
Il est donc indispensable que les communes soient en mesure, sur des domaines de compétences qui, dans le droit commun, sont partagées ou relèvent du champ de compétences de l'intercommunalité, de faire valoir leurs positions .
À cet égard, la lettre de la loi est en phase avec l'esprit intercommunal ayant historiquement présidé aux destinées de l'agglomération lyonnaise : elle prévoit plusieurs outils permettant d'associer, sans risquer de créer une tutelle entre collectivités, les communes situées sur le territoire de la métropole aux décisions de celle-ci . De tels mécanismes d'association des communes doivent être approfondis .
1. Renouer avec l'esprit intercommunal qui a historiquement présidé aux destinées de l'agglomération lyonnaise en renforçant les mécanismes d'association existants
Dès l'examen du projet de loi dit « MAPTAM », le Sénat avait attiré l'attention sur la nécessité d'associer, autant que possible, les communes à la gouvernance de la collectivité territoriale nouvellement créée . À titre d'exemple, la commission des lois du Sénat s'était attachée à « favoriser la démocratie de proximité » 217 ( * ) et le texte adopté par le Sénat tendait à renforcer le rôle des communes dans la gouvernance de la métropole à au moins trois niveaux, tels que récapitulés par le rapport de René Vandierendonck :
- dans la définition du pacte de cohérence métropolitain : par l'adoption d'un amendement en séance publique 218 ( * ) , le Sénat avait ainsi prévu que les conseils municipaux soient consultés préalablement à l'adoption par le conseil de la métropole du pacte de cohérence métropolitain ;
- dans le fonctionnement de la conférence métropolitaine , dont la commission des lois avait prévu qu'elle pourrait être réunie à la demande « de la moitié des exécutifs communaux » ;
- surtout, en matière de délégation de compétences : à l'initiative de Gérard Collomb, la commission des lois du Sénat avait adopté un amendement maintenu dans le texte adopté par le Parlement, permettant notamment à la métropole de Lyon de déléguer par convention « la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de ses compétences à une ou plusieurs communes situées sur son territoire, à un ou plusieurs établissements publics ou à toute autre collectivité territoriale ».
Le Sénat avait donc été vigilant et avait alerté sur le risque de déstabilisation que comportait la fin d'un fonctionnement intercommunal . Le législateur avait en conséquence prévu des mécanismes d'association des maires aux décisions et politiques publiques conduites par la métropole . Ceux-ci sont, à l'évidence, soit insuffisamment utilisés, soit trop timides .
La mission appelle donc à renforcer ces mécanismes pour renouer avec l'esprit intercommunal qui a historiquement présidé aux destinées de l'agglomération lyonnaise .
a) Renforcer le rôle des conférences territoriales des maires
À cette fin, la mission propose, en premier lieu, de renforcer les conférences territoriales des maires en modifiant leur périmètre et renforçant leurs prérogatives et leurs moyens.
Proposition n° 3 : renforcer les conférences territoriales des maires en modifiant leur périmètre et renforçant leurs prérogatives et leurs moyens
Soucieuse de doter les maires des communes membres du Grand Lyon d'un espace de délibération propre, la nouvelle majorité conduite par Gérard Collomb avait créé en 2002 les conférences locales des maires . Questionné sur ce sujet par les rapporteurs, M. Collomb a ainsi jugé que cette création visait à « [affirmer] une volonté claire de faire concorder stratégie globale et prise en compte des différents territoires, avec un souci fort de la proximité », en articulant « trois niveaux : celui de la métropole, celui des communes, mais aussi celui des bassins de vie 219 ( * ) . » Par délibération du 4 novembre 2002, le conseil de la communauté 220 ( * ) prenait ainsi la décision « d'organiser les relations institutionnelles entre les maires et la Communauté urbaine sur la base de conférences locales des maires », devant permettre aux maires de :
« - disposer d'une plus large information concernant le territoire dans lequel se situe leur commune ;
« - être informés et concertés sur les politiques communautaires afférentes à leur secteur et les enjeux et projets intercommunaux ;
« - débattre des priorités d'aménagement sur le plan local , dans un esprit de solidarité et d'efficience de l'action publique ;
« - confirmer leur rôle dans la gestion du quotidien, la définition des besoins en matière de service public et la concertation avec les citoyens 221 ( * ) . »
Faisant fond sur une première tentative réussie pour les maires du Val-de-Saône, le conseil communautaire avait ainsi divisé le territoire de la communauté urbaine en neuf secteurs, disposant chacun à titre expérimental d'une conférence locale des maires. Jugeant l'expérimentation concluante, le conseil communautaire avait pérennisé ces structures en 2004 , tout en constatant que de nécessaires améliorations étaient possibles , dans les domaines de l'information des maires, du suivi des décisions de ces conférences, ainsi que dans les moyens concrets dont disposent ces conférences pour leur fonctionnement 222 ( * ) .
Bien que nées d'une initiative locale et d'une intention particulièrement bienvenue, les conférences locales des maires ne semblent pas avoir de bilan particulièrement probant - du moins avant leur formalisation en conférences territoriales des maires dans le cadre de la loi dite « MAPTAM ». Ainsi, un premier bilan de leur fonctionnement dressé par le conseil communautaire en novembre 2011 soulignait que, après neuf ans de fonctionnement, les maires exprimaient de nouvelles aspirations, tendant à renforcer leur poids dans la gouvernance de la communauté urbaine :
« - alléger le rôle d'information ;
« - renforcer le rôle de concertation et de participation à la prise de décision ;
« - développer une fonction d'initiative permettant de se saisir de certains sujets d'intérêt local 223 ( * ) . »
Dans son rapport de 2020, la chambre régionale des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes dresse également un bilan mitigé de cette première période d'existence des conférences locales des maires, en cohérence avec l'analyse des délibérations précitées. Elle relève en particulier que la conférence métropolitaine du 15 juin 2015, soit six mois après la création de la métropole de Lyon, avait tiré « un bilan "en demi-teinte" des ex-conférences locales des maires au motif qu'elles étaient trop axées sur une "information descendante et générique " et que les thèmes abordés étaient diversement appréciés ».
À la suite de leur consécration législative dans le cadre de la loi dite « MAPTAM » ces instances deviennent des conférences territoriales des maires (CTM) et voient leur rôle clarifié par la loi . Il est notamment créé une obligation de réunion annuelle de chacune des conférences.
Carte des conférences territoriales des maires
Source : pacte de cohérence métropolitain 2021-2026 de la métropole de Lyon
L'article L. 3633-1 du code général des
collectivités territoriales définit
les conférences
territoriales des maires
« Des conférences territoriales des maires sont instituées sur le territoire de la métropole de Lyon. Le périmètre de ces conférences est déterminé par délibération du conseil de la métropole. Les conférences territoriales des maires peuvent être consultées lors de l'élaboration et de la mise en oeuvre de politiques de la métropole. Leur avis est communiqué au conseil de la métropole.
« Lors de sa première réunion, chaque conférence territoriale des maires élit en son sein un président et un vice-président, qui supplée le président en cas d'empêchement. Chaque conférence territoriale des maires se réunit au moins une fois par an à l'initiative de son président ou à la demande de la moitié de ses membres, sur un ordre du jour déterminé. Les modalités de fonctionnement des conférences territoriales des maires sont déterminées par le règlement intérieur du conseil de la métropole . »
Le cadre législatif des conférences territoriales des maires en fait des outils souples, dont les modalités de fonctionnement sont largement définies par le règlement intérieur ou les délibérations du conseil de la métropole . Celui-ci a, à titre d'exemple, modifié en 2020 le nombre et la carte des conférences territoriales des maires 224 ( * ) , qui sont désormais au nombre de 10, pour les rapprocher des circonscriptions électorales . À la suite de cette révision de la carte des dix conférences territoriales des maires, seules subsistent de légères différences entre cette dernière et la carte des quatorze circonscriptions électorales :
- la commune de Lyon, qui ne comporte qu'une conférence territoriale des maires, est divisée entre six circonscriptions électorales ;
- les conférences territoriales « ouest nord » et « Val de Saône » ne forment qu'une seule circonscription électorale.
Une telle clarification de la carte des conférences territoriales est bienvenue : la superposition de périmètres distincts nuisait à la lisibilité du dispositif et ne favorisait pas l'identification de bassins de vie que les conférences territoriales des maires sont pourtant censées représenter . Elle pourrait néanmoins être achevée 225 ( * ) par la fusion des conférences territoriales « ouest nord » et « Val de Saône », ce qui avait été envisagé par le projet de délibération du ayant procédé à la révision de la carte des conférences territoriales des maires . Une telle évolution ne pourrait néanmoins intervenir qu'avec l'accord exprès des communes concernées, exprimé par délibérations concordantes par exemple. Interrogé sur le sujet par les rapporteurs, le président de la métropole, Bruno Bernard, avait expliqué que le maintien de deux conférences territoriales distinctes tenait à la volonté des maires des communes concernées.
Au demeurant, les rapporteurs considèrent qu'indépendamment des découpages électoraux, y compris dans l'éventualité d'une circonscription unique, les conférences territoriales des maires doivent être préservées.
Sous-proposition n° 1 : poursuivre, avec l'accord exprès des communes concernées, l'alignement de la carte des conférences territoriales des maires sur celui des circonscriptions électorales
Cette organisation étant clarifiée, il conviendrait désormais de renforcer les prérogatives des conférences territoriales des maires, afin de pallier l'impression, largement relayée par les maires des communes situées sur le territoire de la métropole, de perte de lien entre cette dernière et les projets qu'ils conduisent sur le terrain . Les CTM constituent en effet l'un des principaux outils de territorialisation des politiques de la métropole, pleinement intégrées dans la conclusion du pacte de cohérence métropolitain prévu à l'article L. 3633-3 du code général des collectivités territoriales.
Le caractère excessivement descendant et essentiellement informatif des CTM doit être corrigé . De nombreux acteurs entendus par la mission ont ainsi estimé que les CTM conservaient un fonctionnement centré sur l'information des maires, alors qu'elles devraient devenir des instances consultatives mieux structurées ainsi qu'une force d'initiative pour les politiques conduites par la métropole. Les rapporteurs estiment néanmoins qu' un tel renforcement ne saurait en aucun cas aboutir à la création d'un nouvel échelon administratif de plein exercice, sur le modèle des conseils de territoire récemment supprimés au sein de la métropole Aix-Marseille-Provence :
- d'une part, le périmètre de la métropole de Lyon, largement plus restreint que celui de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, ne nécessite pas la constitution d'un tel échelon intermédiaire ;
- d'autre part, plusieurs acteurs auditionnés par la mission, dont la direction générale des collectivités locales (DGCL), ont alerté sur le risque de complexification administrative qu'entraînerait une telle évolution. Alors même que l'exemple d'Aix-Marseille-Provence a montré les limites d'un tel dispositif, les rapporteurs estimeraient problématique d'en dupliquer les effets.
Au sein de cette voie étroite, deux pistes d'évolution pourraient tout particulièrement être envisagées. En premier lieu, il est impératif que les membres des conférences territoriales des maires disposent d'un meilleur suivi des avis qu'ils rendent , qui restent, pour l'heure, souvent lettres mortes, ce qui contribue nécessairement à expliquer que toutes les CTM n'aient pas respecté leur obligation légale de réunion annuelle 226 ( * ) . Pour ce faire, les membres de la mission estiment nécessaire que, à raison de leur objet ou de leur importance particulière, certains avis rendus par les CTM puissent être présentés en conseil de la métropole . Ainsi, lors des délibérations du conseil métropolitain, l'avis des CTM concernés devrait être systématiquement mentionné et, le cas échéant, formellement présenté . Cette procédure garantirait que les membres du conseil métropolitain adoptent leurs délibérations en pleine connaissance de la position exprimée par les CTM intéressés.
Sous-proposition n° 2 : assurer une meilleure prise en compte des avis des conférences territoriales des maires par le conseil métropolitain
En second lieu, il est souhaitable que les CTM soient dotées de prérogatives plus étendues, afin de les constituer en tant qu'échelons déconcentrés de certaines politiques de la métropole . Tel était d'ailleurs le projet porté par le Gouvernement au sein du projet de loi dit « MAPTAM », qui voyait « la création de conférences locales des maires comme espace de débat mais aussi comme territoire déconcentré d'exercice de compétences » 227 ( * ) . Auditionné par les membres de la mission d'information, Gérard Collomb a ainsi estimé que « pour leur donner davantage de pouvoir, on pourrait imaginer une déconcentration d'un certain nombre de services de la métropole au niveau de ces conférences avec la capacité, si accord avec les maires, de disposer d'une enveloppe financière minimum pour développer un certain nombre de projets sans avoir à en référer aux directions centrales . »
La métropole de Lyon a déjà engagé des actions tendant à déconcentrer son action et à mieux y associer les maires . Elle le fait notamment via l'attribution de crédits rassemblés dans deux fonds , destinés au financement d'aménagements de voirie pour l'essentiel et que François-Noël Buffet, en sa qualité de conseiller métropolitain avait appelé de ses voeux 228 ( * ) :
- le fonds d'initiative communale (FIC) , doté de 58,3 millions d'euros au titre du pacte de cohérence métropolitain pour 2021-2026, vise à financer des projets « décidés par les villes et co-construits avec les services métropolitains dans le cadre de la loi, qui disposent d'un rôle d'expertise technique sur les projets proposés » 229 ( * ) ;
- le fonds pour les actions de proximité territoriale (PROX) , doté de 59,7 millions d'euros au titre du pacte de cohérence métropolitain pour 2021-2026, attribué annuellement aux CTM. Pour le décaissement de ces fonds, « les aménagements sont proposés par la CTM en lien avec les services métropolitains dans le cadre d'une co-construction à l'échelle des CTM, puis instruits par les services métropolitains en vue d'une décision finale par la métropole . » 230 ( * )
Les rapporteurs estiment que cette logique, qui semble vertueuse, doit être impérativement approfondie . D'une part, de tels crédits pourraient être ouverts non aux seuls projets de voirie, mais à l'ensemble des projets nécessitant l'exercice de compétences communales et intercommunales 231 ( * ) .
Surtout, il pourrait être envisagé qu'une partie de l'enveloppe du fonds PROX libre d'emploi soit attribuée annuellement aux CTM, au moins à titre expérimental dans un premier temps. Le président de la CTM, qui pourrait s'appuyer sur les services de la métropole pour la conduite opérationnelle des projets concernés , rendrait compte annuellement auprès du conseil de la métropole du bon emploi de ces crédits . Un tel dispositif s'inscrirait au surplus dans le cadre de la compétence de solidarité territoriale et de soutien à l'ingénierie des communes dont dispose aujourd'hui la métropole au titre de ses compétences départementales.
Sous-proposition n° 3 : repositionner les conférences territoriales des maires comme acteurs déconcentrés des politiques conduites par la métropole
b) Donner toute son ampleur à la conférence métropolitaine des maires
Conscient de la nécessité d'associer les maires des communes situées sur le territoire de la métropole au sein d'une instance unique, le législateur a doté la métropole d'une conférence métropolitaine des maires, dont la création devait permettre de « maintenir un niveau territorialisé, infra-métropolitain, d'action publique 232 ( * ) . »
S'inspirant d'une initiative lancée dans le cadre des relations entre la ville de Paris et les communes de sa banlieue en 2006 233 ( * ) , qui répondait néanmoins à une logique différente 234 ( * ) , la loi dite « MAPTAM » étend la création de conférences aux métropoles de Lyon et d'Aix-Marseille-Provence 235 ( * ) nouvellement créées, ainsi qu'à l'ensemble des métropoles de droit commun 236 ( * ) . Soumise à une obligation de réunion annuelle, « à l'initiative du président du conseil de la métropole ou à la demande de la moitié des maires », la conférence métropolitaine des maires constituait essentiellement un lieu de débat entre maires 237 ( * ) et, surtout, de contribution à l'élaboration du pacte de cohérence métropolitain 238 ( * ) , véritable outil de territorialisation des politiques métropolitaines .
Dans le cas de la métropole de Lyon, la conférence métropolitaine des maires a été progressivement renforcée depuis sa création en 2015. Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique, dit « Engagement et proximité », la commission des lois du Sénat avait adopté un amendement, à l'initiative de François-Noël Buffet 239 ( * ) , tendant à renforcer les prérogatives de la conférence métropolitaine des maires . S'interrogeant sur la « situation paradoxale des communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon », dans l'impossibilité de faire valoir leur point de vue sur des sujets tels que « le plan local d'urbanisme ou le programme local de l'habitat », la commission des lois avait néanmoins rappelé « que les communes ne peuvent avoir un pouvoir de décision sur ces actes, car cela reviendrait à ce qu'elles disposent d'un pouvoir de tutelle sur une autre collectivité, en l'occurrence la métropole de Lyon. Or, ceci est expressément interdit par l'article 72 de la Constitution 240 ( * ) . »
Le dispositif adopté par le Sénat 241 ( * ) , conservé sans modification dans le texte final, prévoyait ainsi :
- de renforcer les obligations de réunion , en disposant que la conférence devait se réunir au moins quatre fois par an ;
- de faciliter la convocation d'une réunion de la conférence , en prévoyant que l'initiative de ces réunions peut émaner soit du président du conseil de la métropole, soit, dans la limite de deux fois par an, par le tiers des maires ;
- surtout, de renforcer ses prérogatives, d'une part, en prévoyant, d'une part, que la conférence rend un avis sur certains documents particulièrement structurants pour la métropole , tels que le plan local d'urbanisme et de l'habitat, le plan climat air énergie territorial, ou encore sur le projet de schéma de cohérence territorial et, d'autre part, une information préalable s'agissant des projets de budget primitif de la métropole notamment 242 ( * ) .
Ce dispositif a connu un nouveau renforcement dans le cadre de l'examen du projet de loi dit « 3DS » . Par l'adoption d'un amendement de Catherine Di Folco 243 ( * ) , le Sénat a prévu la faculté pour la conférence métropolitaine de « demander, à la majorité simple des maires représentant la moitié de la population totale des communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon, à ce que soit inscrite à l'ordre du jour du conseil de la métropole toute affaire intéressant la métropole, y compris pour l'inviter à délibérer dans un sens déterminé » : un tel renforcement visait à donner davantage de poids à la conférence métropolitaine des maires dans la détermination de l'ordre du jour de la métropole , sans enfreindre pour autant le principe de non-tutelle.
Bienvenu, ce renforcement de la conférence métropolitaine des maires doit être poursuivi .
Proposition n° 4 : renforcer le poids de la conférence métropolitaine des maires
Premièrement, plusieurs acteurs auditionnés ont déploré le défaut d'association des maires du territoire à la définition de la politique pluriannuelle d'investissement . Il apparaît nécessaire qu'une politique aussi structurante pour la collectivité puisse faire l'objet d'un avis par la conférence métropolitaine des maires préalablement à son adoption par le conseil de la métropole. De la même manière, il convient de promouvoir le rôle de la conférence des maires sur tout sujet ayant un effet, même indirect, sur les compétences communales afin de fluidifier les relations entre la métropole et les communes situées sur son territoire.
Sous-proposition n°1 : promouvoir le rôle de la conférence métropolitaine des maires sur tout sujet ayant un effet, même indirect, sur les compétences communales
Deuxièmement, les rapporteurs estiment dommageable que certaines bonnes pratiques n'aient pas été adoptées par le conseil de la métropole pour mieux valoriser le travail accompli par la conférence métropolitaine des maires . Il paraîtrait particulièrement opportun que lors de l'examen, en conseil métropolitain, d'une délibération sur laquelle la conférence a rendu un avis, celui-ci ne soit pas systématiquement présenté par le rapporteur de cette délibération : ce faisant, cet avis serait davantage valorisé et pris en compte par l'assemblée. Par ailleurs, il apparaîtrait souhaitable que la conférence des maires - ou une partie de celle-ci - puisse obtenir que tout avis de celle-ci ou d'une partie de celle-ci, puisse être communiqué et lu lors de la séance du conseil métropolitain traitant du sujet.
Dans le cas où de telles bonnes pratiques ne seraient pas mises en place par le règlement intérieur du conseil de la métropole - qui régit les modalités de fonctionnement de la conférence métropolitaine des maires comme du conseil de la métropole -, il conviendrait d'inscrire les précisions nécessaires dans la loi. En tout état de cause, quel qu'en soit le fondement juridique, une telle procédure ne saurait aboutir à lier le conseil de métropole dans ses délibérations , sous peine d'enfreindre le principe de non-tutelle.
Sous-proposition n° 2 : apporter une réponse structurelle au défaut de prise en compte des avis rendus par la conférence métropolitaine des maires en permettant la présentation de ses avis lors des réunions du conseil de la métropole
c) Prolonger l'ajustement engagé de la gouvernance de la métropole pour favoriser l'association des maires
Enfin, au sein des autres institutions métropolitaines, un réflexe de consultation de ceux-ci devrait être plus largement promu . En la matière, les instances de la métropole, à commencer par son exécutif, semblent donner des signaux d'une volonté d'adopter un mode de gouvernance moins vertical . La mission ne peut qu'encourager les organes de la métropole dans cette voie, tant l'association des maires au quotidien de la gouvernance de la métropole peut constituer un échange « gagnant-gagnant » :
- pour les maires concernés , une telle association leur permettra de mieux appréhender les politiques conduites par la métropole et leurs effets sur le territoire de leur commune ;
- pour la métropole , l'expérience de terrain et la proximité du contact de leurs concitoyens conférés par l'exercice du mandat de terrain peuvent constituer de précieuses ressources dans la définition et la conduite de ses projets.
(1) Encourager la fluidification en cours de la relation entre la métropole et les maires
Comme évoqué précédemment, plusieurs projets conduits par la métropole sans association suffisante des maires des communes concernées sont, légitimement, apparus comme vexatoires ou inappropriés à ces derniers . L'emblématique projet de téléphérique reliant le centre de Lyon à Francheville demeure, à ce titre, une illustration emblématique du défaut d'association des maires des communes concernées.
Les membres de la mission tiennent néanmoins à souligner que le mode de gouvernance de la métropole a progressivement tenu compte de la nécessité de mieux associer les maires à de tels projets . Ainsi, s'agissant du projet téléphérique, la conduite d'une consultation publique par le SYTRAL a permis aux publics concernés comme aux élus de faire valoir leur point de vue ; le SYTRAL - dont la gouvernance est largement dominée par la métropole de Lyon - a ainsi décidé, par délibération du conseil d'administration en date du 16 mai 2022, de renoncer au projet de téléphérique tout en affichant, « compte tenu des attentes en termes de mobilité », « poursuivre le dialogue avec les habitants et acteurs de l'ouest lyonnais sur les différents axes de travail déjà engagés ou qui restent à ouvrir pour traiter les besoins de mobilités de ce territoire » 244 ( * ) .
De même, par un communiqué conjoint avec le maire de Charly, le président de la métropole de Lyon, Bruno Bernard, a indiqué « relancer les études de sites susceptibles d'accueillir [le troisième cimetière métropolitain] » : tout en réaffirmant la nécessité d'un tel équipement métropolitain, Bruno Bernard soulignait que « ce projet doit s'élaborer dans un rapport étroit avec les territoires ».
De tels efforts d'association sont particulièrement bienvenus et doivent être approfondis , afin que la gouvernance de la métropole de Lyon associe durablement les maires des communes situées sur son territoire.
À titre d'exemple, le pacte de cohérence métropolitain pour 2021-2026 élaboré par la métropole a prévu, outre un suivi annuel, « deux temps consacrés à l'évaluation du pacte » :
- à mi-mandat , « une clause de revoyure » devant permettre de « suivre le niveau d'utilisation des crédits et l'opérationnalité des principes retenus sur le volet financier du pacte » ;
- en fin de mandat , un travail d'évaluation devant « étudier l'effectivité du renforcement du partenariat entre la Métropole, les CTM et les communes et l'émergence de nouvelles formes de coopérations, l'optimisation de l'action publique sur le territoire ou encore la méthodologie retenue de déclinaison du pacte 245 ( * ) . »
La mission estime très favorable que soit conduit un tel travail d'évaluation, qui permettra l'objectivation de la déclinaison territoriale des politiques conduites par la métropole et, in fine , une meilleure association des maires à celles-ci .
Afin de mieux associer les maires à l'élaboration du pacte de cohérence métropolitain, elle propose, dès lors, une triple mesure visant :
- pour sortir d'une logique de décision « descendante », à permettre aux maires, par le biais des conférences territoriales des maires, de formuler, dès le stade d'élaboration du pacte de cohérence métropolitain, des propositions destinées à y figurer ;
- à rendre obligatoire la motivation par le conseil de la métropole, en cas d'adoption d'un pacte métropolitain amendé par rapport au projet de pacte formulé par la conférence des maires, de tout changement ;
- et à consacrer le comité annuel de suivi de l'application du pacte métropolitain composé de représentants des conférences territoriales des maires.
Proposition n° 5 : mieux associer les maires à l'élaboration du pacte de cohérence métropolitain
Sous-proposition n° 1 : permettre aux maires, par le biais des conférences territoriales des maires, de formuler, dès le stade d'élaboration du pacte de cohérence métropolitain, des propositions destinées à y figurer pour sortir d'une logique de décision « descendante »
Sous-proposition n° 2 : en cas d'adoption par le conseil de la métropole d'un pacte métropolitain amendé par rapport au projet de pacte formulé par la conférence des maires, rendre obligatoire la motivation par le conseil de la métropole auprès de la conférence des maires de tout changement
Sous-proposition n° 3 : consacrer le comité de suivi de l'application du pacte métropolitain composé de représentants des conférences territoriales des maires
(2) Clarifier le rôle des maires d'arrondissement
Afin de fluidifier la relation entre l'exécutif métropolitain et les maires des communes situées sur le territoire de la métropole, le rôle des maires d'arrondissement dans le fonctionnement et le processus décisionnel de la métropole pourrait, en premier lieu, faire l'objet d'une particulière attention .
Les maires d'arrondissement disposent en effet de prérogatives relativement limitées aux termes de la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, dite « Paris Lyon Marseille » 246 ( * ) .
Les maires d'arrondissement disposent de capacités d'action limitées
Comme le rappelle la direction générale des collectivités locales (DGCL) 247 ( * ) , les conseils d'arrondissement disposent pour l'essentiel de trois catégories de compétences :
- une compétence consultative élargie : le conseil d'arrondissement est ainsi « saisi pour avis des rapports de présentation et des projets de délibération concernant les affaires dont l'exécution est prévue, en tout ou partie, dans les limites de l'arrondissement, préalablement à leur examen par le conseil municipal » 248 ( * ) . Il est consulté sur le montant des subventions accordées par le conseil municipal à des associations 249 ( * ) , ainsi qu'en matière d'urbanisme, notamment pour « l'établissement, la révision ou la modification du plan local d'urbanisme lorsque le périmètre du projet de plan ou le projet de modification ou de révision concerne, en tout ou partie, le ressort territorial de l'arrondissement » 250 ( * ) ;
- une compétence décisionnaire limitée et encadrée par le conseil municipal : en matière d'équipements de proximité, le conseil d'arrondissement délibère ainsi sur « l'implantation et le programme d'aménagement » de tels équipements, dont la réalisation est néanmoins subordonnée à une décision du conseil municipal 251 ( * ) » ;
- une compétence de gestion : le conseil d'arrondissement dispose ainsi d'un droit à l'information sur « toute affaire intéressant l'arrondissement » qu'il exerce en adressant des questions écrites au maire de la commune 252 ( * ) .
Dans le cas lyonnais, les maires d'arrondissement semblent avoir d'autant moins de capacités d'action que la commune de Lyon est elle-même mise en concurrence, sur son territoire, avec une autre collectivité territoriale disposant d'une clause générale de compétence, d'une force de frappe financière importante, de compétences étendues et de la légitimité du suffrage universel direct. Leur positionnement vis-à-vis des politiques conduites par la métropole sur le territoire de leur arrondissement est donc particulièrement malaisé .
Afin de pallier cette difficulté, les maires d'arrondissement pourraient assumer un rôle renforcé de relais de l'action de la métropole à un échelon de proximité . Un tel rôle correspond à la vocation même des conseils d'arrondissement, dont la création avait pour objectif de rapprocher l'administration locale des citoyens. Dès lors, les rapporteurs estiment nécessaire que les maires d'arrondissement soient associés, autant que possible, aux politiques conduites par la métropole, afin d'offrir à leurs administrés une vision plus claire de l'action non seulement municipale mais également métropolitaine sur leur territoire .
Une telle association a déjà été opérée en pratique , les maires d'arrondissement pouvant faire valoir leurs vues dans le cadre d'une des neuf conférences territoriales des maires et siégeant, en tant qu'invités, à la conférence métropolitaine des maires. Les modalités d'une telle association , qui ne semble donc pas problématique en son principe, pourraient dès lors être clarifiées, au besoin dans la loi. Deux évolutions seraient alors envisageables :
- d'une part, prévoir explicitement que les maires siègent au sein de la conférence métropolitaine des maires avec voix consultative . Questionnés sur ce sujet par les rapporteurs, certains groupes politiques de la métropole ont ainsi estimé nécessaire que soient mieux représentés les maires d'arrondissement au sein des instances de la métropole. À titre d'exemple, Laurent Legendre, président du groupe « Métropole insoumise, résiliente et solidaire », a jugé que l'inclusion des maires d'arrondissement au sein de la conférence métropolitaine des maires gagnerait à être incluse dans la loi ;
- d'autre part, fusionner la conférence territoriale des maires pour la commune de Lyon (CTM 1) et la conférence des maires d'arrondissement installée à titre informel par le maire de Lyon à l'automne 2020, dont celui-ci a d'ailleurs reconnu devant les rapporteurs que les deux instances « se recoupaient » dans leurs finalités. Il paraîtrait donc opportun de fusionner, par délibérations concordantes du conseil municipal de Lyon et du conseil de la métropole, ces deux instances afin qu'elles constituent un lieu unique, identifié des maires et des conseillers municipaux et métropolitains de concertation pour l'ensemble des politiques relevant du bloc local sur le territoire de la commune de Lyon.
2. Se saisir des mécanismes existant dans la loi pour favoriser l'exercice partagé des compétences communales au service des citoyens
a) Encourager l'usage des facultés de délégation
Si un renforcement des mécanismes garantissant l'association des maires à la conduite des politiques menées par la métropole demeure nécessaire, les rapporteurs estiment que les questions de gouvernance n'épuisent pas les possibilités d'amélioration du fonctionnement de la métropole . En effet, le partage des compétences entre la métropole et les communes situées sur son territoire est au coeur de leurs difficultés et pose la question légitime de l'exercice conjoint de compétences par les communes et la métropole .
En cette matière, les membres de la mission souhaitent rappeler que le législateur a explicitement prévu des mécanismes permettant l'exercice partagé des compétences du bloc local . Ils font néanmoins le constat de l'insuffisant usage de tels mécanismes et estiment donc que, plutôt que de procéder à une modification risquée de la répartition des compétences, une meilleure appropriation de ces mécanismes est avant tout nécessaire .
Proposition n° 6 : favoriser la pleine appropriation par la métropole et les communes situées sur son territoire des outils existants de partage de compétences
Trois modalités de coopération entre la métropole et les communes situées sur son territoire peuvent être distinguées.
En premier lieu, dans les domaines de compétences que les deux collectivités continuent de détenir concurremment , afin d'éviter un enchevêtrement, l'exercice par chacune de sa compétence doit être concerté . Dans le cadre du pacte de cohérence métropolitain pour 2015-2020, cette forme de coopération était définie comme un « exercice articulé » , ainsi défini : « Certaines compétences sont exercées légitimement tant par les communes que par la métropole. L'exercice articulé de compétences recouvre des formes multiples de collaboration entre la métropole et la commune, pouvant aller de la simple coordination ou se traduire par le rapprochement ou l'articulation plus étroite des services de la Métropole et de la Commune pour produire tout ou partie d'une même prestation 253 ( * ) . »
Une telle dénomination n'a pas perduré : le pacte de cohérence métropolitain pour 2021-2026 a identifié six « domaines de coopération » et défini pour chacun des modalités concrètes d'action concertée 254 ( * ) . Faute d'évaluation, il est difficile de procéder à un premier état des lieux de ce dispositif. En tout état de cause, l'identification claire de domaines de coopération prioritaires et la mise en avant d'actions concrètes de collaboration semblent des évolutions favorables, à même de renforcer le partenariat entre métropole et communes.
En deuxième lieu, les communes et la métropole peuvent procéder à des délégations de compétences, dans les conditions de droit commun prévues à l'article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales .
Comme le précise néanmoins Elise Fraysse, maître de conférences à l'université Lumière Lyon 2 en droit public, cette faculté de délégation de compétences est néanmoins « renforcé[e] dans le cas lyonnais » dans le cadre du pacte de cohérence métropolitain , « lequel a pour objet selon l'article L. 3633-3 du code général des collectivités territoriales de "propose[r] une stratégie de délégation de compétences" 255 ( * ) » de la métropole vers les communes mais également des communes vers la métropole.
Le pacte de cohérence métropolitain pour 2015-2020 ne proposait néanmoins pas de stratégie particulièrement structurée de délégation de compétences . Sa formulation témoignait bien davantage d'une défiance vis-à-vis du dispositif : après l'avoir présenté succinctement, il précisait ainsi que « la délégation de compétences ne doit pas être synonyme de retour en arrière, se traduire par un éclatement des politiques publiques et un affaiblissement de la Métropole, mais au contraire se justifier par une efficience démontrée du nouveau dispositif proposé . » Au surplus, comme le relevait la chambre régionale des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes, « sur les 21 propositions, seulement deux 256 ( * ) concernent une délégation de compétence de la commune à la métropole et les 19 autres portent sur l'exercice "articulé" des compétences, ce qui montre le faible niveau de délégations de compétences et de mutualisation envisagé 257 ( * ) . » Dans ces conditions, le bilan de ces délégations sur le mandat s'écoulant de 2015 à 2020 semble relativement faible : comme l'indique Elise Fraysse, « sur 59 communes, 7 ont choisi de déléguer l'une de leurs compétences à la métropole, et une seule a opté pour la réintégration d'une des compétences de la métropole » 258 ( * ) .
À cet égard, le pacte de cohérence métropolitain pour 2021-2026 a été l'occasion manquée d'approfondir les délégations envisagées . Comme le précisaient les services de la métropole dans leurs réponses aux questions des rapporteurs, il n'existe pas pour l'heure « de projet de délégation non abouti » et « les communes n'ont pas émis la volonté de réinvestir certaines compétences » .
En dernier lieu et de façon analogue, les facultés ouvertes par le législateur de délégation de gestion de certains équipements 259 ( * ) et compétences 260 ( * ) n'ont été que faiblement utilisées . Fait notable, alors que la délégation de compétences ancre la métropole de Lyon dans la catégorie de collectivité territoriale - cette faculté n'étant ouverte, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi dite « 3DS » 261 ( * ) , qu'aux collectivités territoriales et non aux EPCI à fiscalité propre - la délégation de gestion d'équipements témoigne résolument de l'esprit intercommunal ayant présidé à sa création et qui continue à animer l'action locale, notamment des maires : une telle faculté est en effet explicitement prévue pour les communautés de communes, communautés d'agglomération, communautés urbaines et métropoles de droit commun 262 ( * ) .
Pourtant, cette faculté a, à la connaissance des rapporteurs, été utilisée uniquement s'agissant de la lecture publique . Or, le bilan de cette délégation de gestion est, de l'avis général, extrêmement positif . La chambre régionale des comptes relève ainsi que « la convention déléguant la gestion à la ville de Lyon a permis d'éviter la mise en place d'un service propre à la métropole et constitue ainsi une démarche positive de mutualisation des moyens 263 ( * ) . » Auditionné par la mission, Grégory Doucet, maire de Lyon, a ainsi fait valoir la logique vertueuse d'une mutualisation en la matière, estimant que « le savoir-faire est à la bibliothèque municipale de Lyon ». Dès lors, les rapporteurs ne peuvent que regretter l'usage par trop parcimonieux qui a été fait de cette faculté ouverte à la métropole de Lyon et aux communes situées sur son territoire .
Pour la délégation de compétences comme de gestion d'équipements, les membres de la mission estiment donc nécessaire que les acteurs se saisissent des moyens existant dans la loi, qui n'appellent pas de modification particulière. Une circulaire de la direction générale des collectivités locales (DGCL) gagnerait à rendre ces dispositifs, trop souvent méconnus des élus comme des services déconcentrés de l'État, davantage accessibles à l'ensemble des parties. Au demeurant, les bénéfices tirés de l'adoption d'un tel document ne seraient pas limités à la seule métropole de Lyon, mais pourraient être avantageux pour de nombreuses collectivités territoriales et faciliteraient la bonne application de la loi.
Sous-proposition n° 1 : favoriser, notamment par un accompagnement accru de l'État, l'usage par les collectivités territoriales des modalités de délégation prévues par la loi, y compris dans le cas spécifique de la métropole de Lyon
b) Préciser au besoin la notion d'équipements métropolitains
Eu égard à sa qualité de collectivité territoriale de plein exercice, la métropole de Lyon ne connaît pas, comme les métropoles de droit commun, de modification de la répartition des compétences en fonction de « l'intérêt métropolitain » . Un tel mécanisme, qui a montré sa pertinence dans l'amodiation fine et concertée de la répartition des compétences entre métropole et communes membres, n'est pas applicable dans une collectivité territoriale, sauf à créer le risque d'une atteinte grave au principe de non-tutelle.
Dès lors, le législateur a fait référence, pour cette métropole, à la notion d'équipements « métropolitains » , excluant la référence à des équipements « d'intérêt métropolitain ». N'ayant, pour autant, pas prévu de procédure de détermination du caractère métropolitain d'un équipement, le législateur a créé une notion dont la définition demeure incertaine . Comme le relève la chambre régionale des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes, « la consistance concrète de la notion d'équipement métropolitain apparaît incertaine, en particulier au regard de la "construction, l'aménagement, l'entretien, et [le] fonctionnement d'équipements culturels, socio-culturels, socio-éducatifs et sportifs métropolitains". En effet, la loi ne définit pas les établissements dits "métropolitains" 264 ( * ) . »
Une telle indétermination ne pose pas de difficulté dans l'immédiat , les équipements métropolitains étant relativement bien identifiés comme étant ceux dont la métropole a hérité la gestion, soit qu'ils aient appartenu à la communauté urbaine, soit qu'ils aient appartenu au département. Sauf à conserver une liste figée d'équipements gérés par la métropole, la question du caractère métropolitain pourrait néanmoins se poser pour l'avenir, dans le cas de la construction d'un équipement dont une commune pourrait estimer qu'il relève davantage de ses compétences 265 ( * ) .
Dans ces conditions, les membres de la mission estiment souhaitable que, pour les domaines de compétences concernés et dans le cas de projets de construction de nouveaux équipements, une délibération du conseil de la métropole justifie le caractère métropolitain de ceux-ci . Au demeurant, une meilleure définition par voie réglementaire devrait également être envisagée .
Sous-proposition n° 2 : mieux circonscrire, par des mesures réglementaires, la notion « d'équipement métropolitain »
3. Mieux partager les moyens de l'exercice de certaines compétences conformément au principe de subsidiarité
Il est naturellement souhaitable que la métropole dispose des moyens d'exercer ses compétences . Le législateur a amplement pourvu à ce besoin, dotant la métropole de moyens élargis d'action et d'attributions dans des domaines nombreux. Le président de la métropole exerce ainsi, le cas échéant sans préjudice du pouvoir de police générale des maires :
- les attributions lui permettant de réglementer l'assainissement ;
- les attributions lui permettant de réglementer la collecte des déchets ménagers ;
- les attributions relatives au stationnement des résidences mobiles des gens du voyage ;
- la tutelle du service d'ordre pour garantir la sécurité des manifestations culturelles et sportives organisées dans les établissements de la métropole ;
- la police de la circulation, la police du stationnement demeurant exercée par les maires ;
- la police de la conservation sur les voies du domaine public routier de la métropole ;
- la délivrance aux exploitants de taxi des autorisations de stationnement sur la voie publique ;
- les attributions permettant de réglementer la défense extérieure contre l'incendie ;
- la police de la sécurité des établissements recevant du public et des immeubles, locaux et installations 266 ( * ) .
Lorsque ces différents pouvoirs impliquent la prise par le président de la métropole d'un arrêté de police, celui-ci est tenu de le transmettre « pour information aux maires des communes intéressées dans les meilleurs délais . » Les communes disposent donc en la matière d'un légitime droit d'information, qui n'a fait l'objet d'aucune récrimination lors des auditions conduites par la mission et qui ne peut dès lors qu'être considéré comme satisfaisant.
Au surplus, la métropole dispose de trois attributions particulières en matière de sécurité :
- la faculté « d'acquérir, d'installer et d'entretenir des dispositifs de vidéoprotection aux fins de prévention de la délinquance », assortie de la possibilité de mettre à disposition des communes intéressées « du personnel pour visionner les images », sous réserve de l'accord de la commune d'implantation 267 ( * ) ;
- la possibilité de recruter 268 ( * ) , à la demande des maires de plusieurs communes de la métropole et après accord préalable de celles-ci exprimé sous des conditions de majorité renforcées 269 ( * ) , des agents de police municipale « en vue de les mettre à disposition de l'ensemble des communes » - et non des seules communes ayant formulé la demande ;
- l'animation et la coordination des dispositifs locaux de prévention de la délinquance et d'accès au droit. À ce titre et « sauf opposition d'une ou plusieurs communes représentant au moins la moitié de la population totale de la métropole », le président de la métropole préside le conseil métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance.
La métropole dispose donc, pour l'exercice de ses compétences, de moyens juridiques étendus, à l'emploi desquels il ne s'agit nullement de faire obstacle . Néanmoins, l'usage par la métropole de ses légitimes attributions doit se conjuguer avec un besoin d'association renforcé des communes sur le territoire desquelles celles-ci sont exercées .
D'une part, il serait utile que soit prévue plus explicitement l'articulation entre certains domaines d'attribution distincts appartenant concurremment à la métropole et aux communes : ainsi, la coexistence d'un pouvoir de police du stationnement dévolu aux maires et d'une réglementation du stationnement des résidences mobiles des gens du voyage relevant du président du conseil de métropole, qui n'a pas semblé poser pour l'heure de difficulté, pourrait à terme être source de frictions d'autant plus dommageables que certaines procédures prévues en la matière sont conditionnées à la prise par l'autorité compétente d'arrêtés d'interdiction de stationnement 270 ( * ) .
D'autre part, il pourrait être envisagé d'aménager une meilleure participation des maires l'exercice de certaines attributions de la métropole . Les membres de la mission constatent ainsi qu'en matière de sécurité, les prérogatives de la métropole tendent à s'exercer sous réserve de l'accord des communes situées sur le territoire de la métropole . Ils estiment dès lors que de tels mécanismes gagneraient à être étendus aux autres attributions de la métropole évoquées ci-avant . À cet égard, l'exercice par la métropole de ses attributions en matière de police de la circulation pourrait, lorsque les décisions qui en découlent constituent une modification substantielle de la circulation et sauf urgence, être conditionné à la remise par la commune concernée par la décision d'un avis. Ce faisant, des décisions telles que le passage à sens unique du pont de Vernaison auraient pu être prises dans un cadre offrant aux communes de Vernaison et Solaize l'opportunité de voir leur avis mieux pris en compte.
Proposition n° 7 : g arantir l'exercice conjoint, lorsque nécessaire, des maires et du président de la métropole à l'exercice de pouvoirs de police métropolitains
* 216 Pour plus de précisions, voir l'article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales.
* 217 Voir le commentaire de l'article 20 du projet de loi au sein du rapport de René Vandierendonck précité.
* 218 Amendement n° 493 de Christian Favier et de ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen, adopté avec avis favorables de la commission et du Gouvernement.
* 219 Documents transmis par Gérard Collomb aux rapporteurs.
* 220 Délibération n° 2002-0870 du 4 novembre 2002 du conseil de la communauté urbaine du Grand Lyon.
* 221 Ibidem .
* 222 Délibération n° 2004-2057 du 12 juillet 2004 du conseil de la communauté urbaine du Grand Lyon.
* 223 Une telle demande était d'ailleurs déjà formulée dès 2004, comme en atteste la délibération susmentionnée. Parmi les actions à mener pour renforcer les conférences locales des maires, figurait ainsi : « à la demande de leurs présidents, des expérimentations pourront être menées sur les territoires des conférences pour tester des actions souhaitées par les conférences, en accord et en liaison étroite avec les services communautaires et les pôles concernés ».
* 224 Délibération n° 2020-0192 du 5 octobre 2020 du conseil de la métropole.
* 225 Les circonscriptions de la commune de Lyon n'ayant pas vocation à devenir des conférences territoriales des maires, aucune autre modification de la carte n'apparaîtrait nécessaire aux rapporteurs.
* 226 À titre d'exemple, Gérard Collomb a indiqué en audition que la CTM de Lyon ne s'était pas réunie pendant deux ans.
* 227 Étude d'impact du projet de loi dit « MAPTAM », p. 47.
* 228 Pacte de cohérence métropolitain pour 2021-2026 de la métropole de Lyon, p. 40 : « Ces budgets permettent la réalisation d'aménagements de voirie (mise en accessibilité, sécurisation des usagers, mise en oeuvre du plan modes actifs, amélioration du cadre de vie, aménagement de zones apaisées, végétalisation, désimperméabilisation...), pour des opérations essentiellement inférieures à 300 000 euros. »
* 229 Ibidem .
* 230 Ibidem .
* 231 Les compétences départementales de la métropole n'ayant pas vocation à être concernées par une telle coopération.
* 232 Étude d'impact du projet de loi dit « MAPTAM », p. 47.
* 233 Comme le rappelle le rapport de Philippe Dallier relatif à la métropole du Grand Paris, était créée en 2006 « la conférence métropolitaine de l'agglomération parisienne, parallèlement à l'élaboration du schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), sur le logement, le transport, le développement économique et sur la gouvernance métropolitaine. »
* 234 Il s'agissait en effet de faire dialoguer Paris et sa banlieue, voire de préfigurer la création de la métropole du Grand Paris. Comme le rappelle un article de Libération (« Le grand Paris vaut bien une conférence métropolitaine », 8 juillet 2006) relatant la création de cette conférence, « Pierre Mansat, adjoint (PCF) de Delanoë aux relations avec les collectivités territoriales qui a porté ce projet, est ravi : " C'est la fin de la domination écrasante de Paris sur la banlieue ." »
* 235 Article 42 de la loi dite « MAPTAM ».
* 236 Article 43 de la loi dite « MAPTAM ».
* 237 Article L. 3633-2 du code général des collectivités territoriales.
* 238 Article L. 3633-3 du code général des collectivités territoriales.
* 239 Amendement COM-366 de François-Noël Buffet.
* 240 Voir le commentaire de l'article 1 er bis au sein du rapport n° 12 (2019-2020) de Mathieu Darnaud et Françoise Gatel, fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 octobre 2019, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l19-012-1/l19-012-1.html .
* 241 L'amendement n° 492 rectifié bis de Mme Vullien avait modifié le dispositif adopté en commission.
* 242 Si l'érection en modèle des exemples métropolitains lyonnais, marseillais ou parisien s'avère aujourd'hui malaisée, force est de constater qu'en l'espèce, la conférence métropolitaine des maires a fait école : alors que la conférence métropolitaine des maires lyonnaise était renforcée, un tel dispositif était étendu, dans son intention, par l'article 1 er de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 dite « Engagement et proximité », a prévu une obligation de création de conférences des maires dans l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont le bureau ne comprend pas déjà l'ensemble des maires des communes membres.
* 243 Amendement n° 1007 rectifié bis de Catherine Di Folco, adopté avec double avis favorable, consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/amendements/2020-2021/724/Amdt_1007.html .
* 244 Délibération n° 22-044 du conseil d'administration du 16 mai 2022 ; consultable à l'adresse suivante : https://www.sytral.fr/491-deliberations.htm .
* 245 Pacte de cohérence métropolitain 2021-2026, p. 43.
* 246 Ces dispositions sont désormais codifiées aux articles L. 2511-1 à L. 2511-45 du code général des collectivités territoriales.
* 247 Voir la description du statut de Paris, Lyon et Marseille à l'adresse suivante : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/institutions/collectivites-statuts-particuliers .
* 248 Article L. 2511-13 du code général des collectivités territoriales.
* 249 Article L. 2511-14 du code général des collectivités territoriales.
* 250 Article L. 2511-15 du code général des collectivités territoriales.
* 251 Article L. 2511-16 du code général des collectivités territoriales.
* 252 Article L. 2511-12 du code général des collectivités territoriales.
* 253 Pacte de cohérence métropolitain de la métropole de Lyon pour 2015-2020, p. 22.
* 254 Pacte de cohérence métropolitaine de la métropole de Lyon pour 2021-2026, pp. 32-36.
* 255 Elise Fraysse, « Repenser la distinction entre collectivité territoriale et EPCI », in C. Chabrot (dir.), Métropole de Lyon, an I : des élections directes, et après ?, L'Harmattan, 2022, p. 178.
* 256 Il s'agissait des propositions de coopération 15 et 16, ayant trait au nettoiement des espaces publics respectivement « complexes » et « de proximité ».
* 257 Chambre régionale des comptes, rapport précité, p. 32.
* 258 Elise Fraysse, op. cit .
* 259 Article L. 3633-4 du code général des collectivités territoriales.
* 260 L'article L. 3641-3 du code général des collectivités territoriales prévoit en effet que la métropole « peut déléguer aux communes situées sur son territoire, par convention, la gestion de certaines de ses compétences . » La portée réelle de cet article, qui n'a, à la connaissance des rapporteurs, jamais été appliqué, pose question, la délégation de gestion d'une compétence n'étant pas clairement définie par le code général des collectivités territoriales. En effet, le code ne prévoit qu'un seul autre exemple de délégation de gestion : les aides du conseil régional à des établissements publics ou à la Banque publique d'investissement. Dès lors, la mention de la délégation de la gestion d'une compétence pose question : soit il s'agit d'une délégation de l'exercice d'une compétence, et le cas est déjà prévu à l'article L. 1111-8 du même code, qui prévoit d'ailleurs depuis l'entrée en vigueur de la loi dite « 3DS » qu'une telle délégation puisse concerner « la réalisation ou la gestion de projets structurants » ; soit il s'agit d'une délégation de gestion d'équipements, et le cas semble également largement couvert par l'article L. 3633-4 du même code. C'est d'ailleurs sur ce dernier fondement que la délégation de gestion en matière de lecture publique a été consentie.
* 261 L'article 8 de ladite loi prévoit ainsi, à l'initiative du Sénat, la possibilité pour les EPCI à fiscalité propre de déléguer l'exercice de leurs compétences facultatives.
* 262 Articles L. 5214-16-1, L. 5215-27, 5216-7-7 et L. 5217-7 du code général des collectivités territoriales respectivement.
* 263 Chambre régionale des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes, rapport précité, p. 79.
* 264 Chambre régionale des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes, rapport précité, p. 13.
* 265 L'on peut par exemple penser au cas de la construction d'un cimetière, crématorium ou site cinéraire.
* 266 Ces attributions sont prévues à l'article L. 3642-2 du code général des collectivités territoriales.
* 267 Article L. 3642-4 du code général des collectivités territoriales.
* 268 Article L. 3642-3 du code général des collectivités territoriales.
* 269 La délibération doit être adoptée par « deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci ou de la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population totale de celles-ci ».
* 270 La procédure d'expulsion administrative d'évacuation d'office des résidences mobiles de gens du voyage en cas de stationnement illicite est en particulier conditionnée au respect par l'autorité compétente - ici, la métropole, qui dispose de la compétence - de ses obligations en matière d'accueil mais également de la prise par l'autorité compétente d'un arrêté interdisant le stationnement en dehors des aires aménagées.