B. DES CHIFFRES DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE QUI MONTRENT NOTAMMENT UNE DIMINUTION DES CONDAMNATIONS PRONONCÉES

1. Des mesures alternatives aux poursuites majoritairement retenues par les parquets...

Selon les informations transmises par le ministère de la justice, le nombre d'affaires mettant en cause des mineurs concerne de manière inchangée depuis 2000 entre 3 et 4 % du total des affaires traitées par les parquets. Leur nombre a augmenté entre 2000 et 2008 , passant de 152 000 affaires à 180 000, puis oscillant depuis entre 170 000 et 180 000 33 ( * ) . Le nombre d'affaires pénales impliquant des mineurs est au plus bas en 2019 (169 648 affaires) depuis 2006. La proportion des affaires poursuivables a connu une diminution depuis 2000 , passant de 87 % à 79 % en 2019.

Surtout, le taux de réponse pénale a fortement progressé, passant de 78 % en 2000 à 94 % en 2010, restant stable ensuite . Par comparaison, il est de 87 % pour l'ensemble des affaires. Cette augmentation cache toutefois des disparités importantes . Ainsi, comme l'ont indiqué la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) et la conférence nationale des procureurs de la République (CNPR), les mesures alternatives aux poursuites ont fortement augmenté sur une longue période : elles ne représentaient que 34,5 % des affaires poursuivables en 2000, contre 55 % en 2019 , des taux de 58 % étant régulièrement atteints. Par comparaison ces mesures ne concernent que 40 % des affaires poursuivables pour les majeurs en 2019. Les rappels à la loi sont en outre majoritaires : ils représentent en 2019 près de 62 % des mesures alternatives prononcées.

Évolution de la répartition des affaires poursuivables mettant en cause
des mineurs entre 2000 et 2019 -
(France entière)

2000

2002

2007

2010

2012

2016

2017

2018

2019

Nombre de poursuites engagées

57 280

58 842

59 936

56 707

50 337

49 522

50 091

51 414

49 697

Nombre d'affaires classées sans suite pour inopportunité des poursuites

29 510

29 736

15 781

8 790

8 746

10 853

9 141

10 298

9 883

Nombre de mesures alternatives aux poursuites et de compositions pénales

45 326

50 017

74 134

78 424

82 343

84 116

77 196

82 234

74 132

Sources : Ministère de la justice/SG/SEM/SDSE/Cadres du parquet (2000-2011)
et fichier statistique Cassiopée (2012-2020)

En conséquence, le taux de poursuites des mineurs - équivalent en 2019 à 37 % des affaires poursuivables - est globalement inférieur de dix points à celui de l'ensemble des affaires 34 ( * ) .

Au final, le nombre de mineurs poursuivis 35 ( * ) entre 2012 et 2019 ne diminue que de 2,4 % . Cette relative stabilité masque toutefois des disparités importantes .

Mineurs poursuivis entre 2012 et 2020

(France entière)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Évolution 2012-2019

en %

Total

65 822

64 961

62 798

62 839

64 757

64 997

66 937

64 264

48 053

-2,4 %

Âge du mineur au moment des faits

Moins de 13 ans

2 668

2 454

2 176

2 095

2 120

2 168

2 122

1 928

1 360

-27,7 %

13-17 ans

62 881

62 325

60 445

60 585

62 441

62 621

64 578

62 039

46 470

-1,3 %

Âge inconnu

273

182

177

159

196

208

237

297

223

8,8 %

Sexe du mineur

Garçon

59 379

58 766

56 989

57 184

59 375

59 719

61 904

59 744

45 018

0,6 %

Fille

6 443

6 195

5 809

5 655

5 382

5 278

5 033

4 520

3 035

-29,8 %

Qualification de l'infraction principale

Crime

887

909

845

888

900

1 039

1 245

1 502

1 445

69,3 %

Délit

63 668

62 953

61 033

61 052

62 990

63 141

64 913

62 105

46 191

-2,5 %

Contravention

1 267

1 099

920

899

867

817

779

657

417

-48,1 %

Catégorie de l'infraction principale

Atteinte à la personne humaine

15 923

15 028

14 388

14 250

14 730

14 904

16 207

14 879

11 706

-6,6 %

Atteinte aux biens

38 290

37 345

35 624

35 108

35 644

34 701

34 037

32 521

23 693

-15,1 %

Circulation et transport

2 376

2 298

2 359

2 373

2 644

2 686

2 783

2 812

2 176

18,4 %

Atteinte à l'autorité de l'État

3 465

3 391

3 139

3 401

3 439

3 484

3 920

3 636

2 818

4,9 %

Infraction à la législation
des stupéfiants

5 490

6 638

7 091

7 477

8 114

9 034

9 797

10 250

7 536

86,7 %

Atteintes économiques, financières et sociales

206

194

173

183

164

149

163

143

94

-30,6 %

Atteinte à l'environnement

72

67

24

47

22

39

30

23

30

-68,1 %

Source : Ministère de la justice/SG/SEM/SDSE/ fichier statistique Cassiopée

De manière assez étonnante, le nombre de mineurs poursuivis entre 2012 et 2019 diminue en matière d'atteinte aux personnes (- 6,6 %) alors que le nombre de mineurs mis en cause par les forces de l'ordre augmente , dans une moindre mesure toutefois que les atteintes aux biens (- 15 %) . Dans les augmentations les plus notables, il faut noter les mineurs poursuivis pour crime (+ 69 %) et pour infractions à la législation sur les stupéfiants (+ 87 %) quand ceux poursuivis pour contraventions , infractions les moins graves, diminuent de près de 48 %. Le nombre de mineurs de moins de 13 ans diminue en revanche de 28 % sur la même période.

2. ...dont il résulte une diminution lente mais continue des condamnations prononcées

L'augmentation du nombre de mesures alternatives aux poursuites a pour conséquence logique une diminution des condamnations prononcées à l'encontre de mineurs , même si, comme l'indique Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, cela ne veut pas dire pour autant que la délinquance diminue.

Si le nombre de condamnations 36 ( * ) de mineurs était en augmentation chaque année entre 2002 (29 438) et 2007 où leur nombre avait culminé à 57 366 , depuis 2008 ce nombre a décru chaque année et s'élève à 42 911 en 2019. Ainsi, ce sont près de 14 375 condamnations de mineurs de moins qui ont été enregistrées entre 2007 et 2019 . Sur la même période, la proportion de condamnations prononcées contre des mineurs stagne entre 8 % et 9 % de l'ensemble des condamnations .

Évolution des condamnations de mineurs entre 2000 et 2019

(France entière)

2000

2002

2007

2010

2012

2016

2017

2018

2019

Nombre de condamnations de mineurs prononcées

38 146

29 438

57 366

52 752

50 562

46 422

46 671

41 708

42 991

Évolution de la réponse pénale mineurs entre 2010 et 2019

(France hexagonale et Outre-mer)

Source : Ministère de la justice / SG / SEM / SDSE / fichier statistique du Casier judiciaire national des personnes physiques

Les peines et mesures éducatives 37 ( * ) sont prononcées dans des proportions similaires depuis 2007 , oscillant entre 45 et 48 % (taux respectifs pour 2019). Les sanctions éducatives sont en revanche peu prononcées par les tribunaux pour enfants (entre 3 et 4 %). Parmi les peines prononcées , 22 % sont des peines d'emprisonnement comprenant une partie ferme en 2019, mais la majorité (56 % en 2019) sont des peines d'emprisonnement avec sursis total . Ces composantes sont assez stables sur longue période : les premières n'ont pas évolué entre 2000 et 2019 et les secondes ont augmenté de 7 %. L'évolution la plus marquante concerne les peines de travail d'intérêt général , qui ont augmenté de 155 % sur la même période , témoignant de l'importance accordée par les pouvoirs publics à ce type de peine, et les peines d' amendes, en augmentation de 55 % .

Sur longue période, il est intéressant de constater que seules les condamnations pour atteintes aux biens diminuent entre 2000 et 2019 (- 14 %) ce qui est cohérent avec les constats des forces de l'ordre, même si elles sont toujours majoritaires (51 % des condamnations prononcées en 2019), quand celles pour d'autres infractions augmentent , notamment les atteintes à la personne (+ 33 %) qui diminuent toutefois depuis 2011 ou, surtout, les infractions à la législation sur les stupéfiants (+ 253 %), en hausse continue.

La DACG relève en outre que la diminution du nombre de mineurs condamnés par les cours d'assises ne permet pas de révéler une aggravation de passages à l'acte depuis 2014 38 ( * ) , ce qui semble toutefois incohérent avec l'augmentation du nombre de poursuites engagées pour crimes. La répartition par âge (40 % de 13-15 ans entre 2005 et 2019) et sexe (90 % de garçons) est également relativement stable.

3. Un nombre non négligeable de mineurs en état de récidive ou de réitération après la majorité

Selon la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), 65 % des mineurs qui ont eu un premier contact avec la justice, n'en auront plus au cours de leur minorité , ce qui permettrait d'évaluer l'efficacité de son intervention. Ce chiffre est corroboré par les données de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) en matière de réitération ou de récidive qui a indiqué aux rapporteurs que la part des mineurs condamnés en réitération ou en récidive parmi les mineurs condamnés est d'environ 20 % sur la période de 2000 au début des années 2010 . Elle semble diminuer ensuite sensiblement, autour de 17 % .

Toutefois, il convient de relativiser cette statistique dans la mesure où elle ne prend en compte que les mineurs ayant commis une première infraction lorsqu'ils étaient mineurs et ayant réitéré alors qu'ils étaient encore mineurs après la première condamnation .

Sont ainsi exclus tous les mineurs ayant fait l'objet de leur première condamnation qu'après leur majorité. Surtout, tous les mineurs ayant réitéré majeurs ne sont pas pris en compte : le parcours délinquant du jeune n'est donc pas retracé dans son intégralité.

Il est donc plus pertinent d'observer le taux de « récidive » au sens large 39 ( * ) des personnes condamnées une première fois pour une infraction commise lors de leur minorité. Selon la DACG, ce taux de réitération observé dans les 5 années de la première condamnation est supérieur à 50 % pour les mineurs primo-condamnés (à comparer avec un taux de 45 % tout âge confondu 40 ( * ) ). Ainsi, ce taux parmi les mineurs primo-condamnés en 2012 s'élève à 54 % et 70 % des récidivistes l'ont fait dans les deux ans de la première condamnation 41 ( * ) .

Cependant, là encore il existe un biais car ces études qui mettent en exergue le fait que « les taux de récidives sont [...] maximum entre 16 et 21 ans, puis diminuent » sont menées à partir des condamnations au casier judiciaire et ne concernent donc que les mineurs les plus engagés dans la délinquance , ce qui ne représenterait qu'une petite partie des mineurs pris en charge par la justice et interdit de fait toute généralisation à l'ensemble des mineurs suivis en justice 42 ( * ) .

Il conviendrait de procéder à des études plus fines , prenant également en compte les mineurs ayant fait l'objet de mesures alternatives aux poursuites ou de mesures éducatives , pour avoir une meilleure idée de l'efficacité du suivi judiciaire des mineurs délinquants.

Recommandation n° 4 : procéder à des études plus fines de la récidive et de la réitération, prenant également en compte les mineurs ayant fait l'objet de mesures alternatives aux poursuites ou de mesures éducatives, pour avoir une meilleure idée de l'efficacité du suivi judiciaire des mineurs délinquants (ministère de la justice) .


* 33 Il s'établit à 169 648 affaires en 2019.

* 34 Ces mesures se sont substituées à l'engagement de poursuites à hauteur d'environ six points (les poursuites ne concernent plus que 37 % des affaires en 2019, contre 43,4 % en 2002) et surtout aux classements sans suite à hauteur de près de 15 points sur la même période (ne concernent plus que 7 % des affaires en 2019, contre 22 % en 2002).

* 35 Le nombre total de mineurs poursuivis diffère du nombre total d'affaires mineurs traitées par les parquets, une affaire pouvant concerner plusieurs mineurs.

* 36 L'exhaustivité des statistiques n'est pas assurée jusqu'en 2004, certaines décisions devaient être effacées du casier judiciaire national à la majorité des condamnés, si bien qu'une partie des condamnations n'a jamais été saisie. Les données pour 2019 sont en outre, semi-définitives.

* 37 Voir infra partie sur la protection judiciaire de la jeunesse.

* 38 Le nombre de condamnations de mineurs pour une infraction criminelle est en baisse depuis 2007 (pic à 658 condamnations en 2007 : depuis 2014, le nombre de condamnations de mineurs pour une infraction criminelle est d'environ 450 par an).

* 39 C'est-à-dire récidive et réitération.

* 40 « Une approche statistique de la récidive des personnes condamnées », Infostat Justice n° 127, avril 2014, par Rémi Josnin. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/infostats-justice-10057/une-approche-statistique-de-la-recidive-des-personnes-condamnees-27086.html

* 41 « 2000 - 2020 : un aperçu statistique du traitement pénal des mineurs », Infostat Justice n° 186, juin 2022, par Asmae Marhraoui et Tedjani Tarayoun, statisticiens au service statistique ministériel de la justice.

Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/infostats-justice-10057/2000-2020-un-apercu-statistique-du-traitement-penal-des-mineurs-34506.html

* 42 « 50 ans d'études quantitatives sur les récidives enregistrées », Florence de Bruyn, Annie Kensey, Collection Travaux & Documents Direction de l'administration pénitentiaire, décembre 2017. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Travaux_et_doc_85_50_ans_recidive.pdf

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