C. DIMENSIONNER LA SÉCURITÉ ET LA SÉCURITÉ NUCLÉAIRES POUR PRÉVENIR NOTAMMENT LES RISQUES CLIMATIQUES ET NUMÉRIQUES

Les rapporteurs estiment utile de consolider la sûreté et la sécurité nucléaires , pour prévenir notamment les nouveaux risques climatiques et numériques.

Certes, le changement climatique est déjà bien pris en compte . Les aléas sont intégrés dès la conception des réacteurs, dans l'autorisation d'exploitation initiale, et lors de leur réexamen périodique. Un arrêté du 7 février 2012 239 ( * ) impose aux exploitants de prendre en compte plusieurs agressions dans la démonstration de sûreté (dont les risques liés à la foudre, aux conditions climatiques ou météorologiques extrêmes, aux inondations) ainsi que leur cumul. Il est d'ailleurs prévu de rendre compte de « toute autre agression externe que l'exploitant identifie ou, le cas échéant, que l'Autorité de sûreté nucléaire juge nécessaire de prendre en compte ». De plus, le retour d'expérience des réacteurs est intégré (plan « grand froid » suite au frasil dans les années 1980, renforcement des digues suite à l'inondation du Blayais de 1999, plan « grand chaud » suite aux canicules de 2003 et 2006, « noyau dur » suite à l'accident de Fukushima de 2011). Toutefois, les rapporteurs considèrent que la construction de nouveaux réacteurs peut être l'opportunité d'une réflexion , en amont, sur la résilience au changement climatique , notamment dans le choix des sites. Ils estiment que la prolongation des réacteurs existants peut aussi être l'occasion de rendre compte de cet effort d'adaptation , à travers des plans d'actions.

L'IRSN a indiqué, en ces termes, l'intérêt d'une réflexion sur le choix des sites des nouveaux réacteurs : « Le choix de sites pour les futurs réacteurs EPR2 revêt [...] une importance particulière. Différents risques doivent être pris en compte (aléas sismiques, risques d'inondation, risques industriels...). [...] Ces réacteurs étant prévus pour être exploités, d'après leur concepteur, au moins 60 ans, les effets du dérèglement climatique doivent notamment être pris en compte, en se projetant au moins jusqu'en 2100. »

De son côté, l'AEN a rappelé que l'enjeu du changement climatique était bien intégré à l'échelon international, tant pour les nouveaux réacteurs que ceux existants : « Toute une gamme de solutions peuvent être mises en oeuvre pour adapter les centrales nucléaires au changement climatique. Des améliorations technologiques peuvent être apportées aux centrales existantes par des modifications techniques mineures ou une rénovation des systèmes de refroidissement. De même, les équipements peuvent être conçus ou rénovés pour s'assurer que les seuils de température de conception ne sont pas dépassés. Pour les nouveaux réacteurs nucléaires, il est possible d'intégrer la problématique des ressources en eau dès les phases de conception et de choix de site. Enfin, les pratiques d'exploitation peuvent participer à l'adaptation au changement climatique, notamment pour les énergéticiens qui gèrent un parc de réacteur ou un portefeuille de technologies [et] peuvent prévoir des mises à l'arrêt pendant les mois d'été. »

De plus, la cyber-sécurité est elle aussi déjà bien prise en compte . Elle est une composante de la protection des matières nucléaires contre la perte, le vol ou le détournement, et notamment des actes de malveillance. Un arrêté du 5 août 2011 240 ( * ) impose aux exploitants de justifier d'une étude de sécurité pour disposer d'une autorisation de détention du combustible. Les systèmes d'information font l'objet d'une homologation, révisée périodiquement. De plus, le groupe EDF a mis en place un programme sécuritaire, pour 1,1 Md€. Les rapporteurs estiment que la construction de nouveaux réacteurs peut aussi être l'opportunité d'une réflexion , en amont, sur la cyber-résilience . Pour ce faire, la cyber-sécurité pourrait figurer , en tant que telle, dans le dossier de demande d'autorisation du combustible , qui renvoie, de manière générique, « à la stratégie et à l'organisation déployées en matière de protection des systèmes d'information ».

L'IRSN a indiqué, en ces termes, l'importance d'une réflexion sur la cyber-résilience des réacteurs : « L'IRSN mène des études sur les menaces cyber dans le domaine nucléaire, tant sur les process industriels et de contrôle-commande que sur les systèmes de protection des sites et installations. En cas d'attaque des process , la conséquence première est la mise en sécurité des installations du fait de dispositifs de sûreté adaptés. L'impact est donc un arrêt de la production notamment électrique. Avec le développement des EPR2 [...], le développement des capacités est à poursuivre. »

Sur ce sujet, l'AEN a précisé que la cyber-résilience et une question plus récente à l'échelon international : « La cyber-sécurité est une question émergente pour le secteur nucléaire, et l'AEN est en discussion avec ses pays membres les plus importants pour définir des activités futures dans ce domaine. »

Au-delà de ces deux risques, la politique de sûreté et de sécurité nucléaires peut encore plus progresser, pour accompagner la relance de l'énergie nucléaire .

D'une part, une attention doit être portée aux nouveaux risques , tels que le vieillissement des réacteurs, les drones et les avions, le transport associé au cycle ou encore le contexte de la guerre en Ukraine. Sur ce dernier sujet, il importe de soutenir l'effort entrepris par l'AIEA dans le contrôle sur 7 points des installations ukrainiennes et, plus largement, la protection des installations nucléaires civiles en cas de conflit. En effet, si les installations nucléaires sont visées par les Protocoles I 241 ( * ) et II 242 ( * ) de la Convention de Genève, l'AIEA s'est prononcée, dans une résolution de 1987 243 ( * ) , pour un accord international plus protecteur sur cette question.

Sur ce sujet, l'ASN a appelé à « une réflexion sur la sanctuarisation des sites nucléaires et la qualification de crime de guerre de toute agression sur les installations ou oppression sur les personnels », ces dernières devant, le cas échéant, « être inscrites dans les traités internationaux ».

D'autre part, les moyens des acteurs de la sûreté nucléaire doivent être rehaussés . Les rapporteurs retiennent que l'ASN plaide pour des « moyens attribués aux autorités et aux organismes liés à la sûreté [...] renforcés » , l'IRSN pour des « ressources supplémentaires pour l'expertise en sûreté nucléaire » 244 ( * ) et l'Anccli pour des « ressources humaines et financières en conséquence » 245 ( * ) .

Enfin, un effort de pédagogie sur les risques et leur prévention est attendu, pour développer une culture de la sûreté et de la sécurité nucléaires . Cet effort est souhaité par les acteurs industriels eux-mêmes, à l'instar du groupe Orano : « une plus grande pédagogie sur la nature des risques et sur les mesures de prévention mises en oeuvre, tout comme la gestion des incidents et du post-accidentel paraît nécessaire. » Parmi les points à améliorer figurent pour l'Anccli, « les campagnes de distribution des comprimés d'iode » dont « le dispositif est trop pyramidal ». De plus, l'ASN a indiqué que « les CLI se plaignent de ne pas être suffisamment associées aux exercices de crise pilotés par les pouvoirs publics ».

7. Dimensionner la sûreté et la sécurité nucléaires, pour prévenir notamment les risques climatiques et numériques :

- Mieux intégrer le changement climatique dans la sûreté nucléaire, par une réflexion en amont dans la sélection des sites des nouveaux réacteurs ou des plans d'adaptation des réacteurs existants

- Mieux intégrer la cyber-sécurité dans la sécurité nucléaire, en envisageant de préciser en ce sens le contenu des demandes d'autorisation du combustible

- Au-delà, accorder une attention spécifique aux autres risques nouveaux (vieillissement des installations, drones et avions, transport associé au cycle, guerre)

- Appuyer l'AIEA dans le contrôle sur 7 points de la sûreté nucléaire des installations ukrainiennes et, plus largement, la protection des installations nucléaires civiles contre les attaques armées

- Consolider les moyens financiers ou humains des acteurs de la sûreté nucléaire (ASN, IRSN, Anccli) dès la prochaine loi de finances

- Faire preuve de pédagogie sur le risque nucléaire et sa prévention, pour développer une culture de sûreté et de sécurité nucléaires, s'agissant notamment de la radioprotection, en veillant à répondre aux demandes des CLI sur les campagnes de prévention et les exercices de crise


* 239 Arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base.

* 240 Arrêté du 5 août 2011 relatif aux modalités de la demande et à la forme de l'autorisation requise par l'article L. 1333-2 du code de la défense.

* 241 Article 56 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 8 juin 1977 .

* 242 Article 15 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), 8 juin 1977.

* 243 GS (XXXI)/RES/475 Protection des installations nucléaire contre les attaques armées,

Protection of nuclear installation against armed attacks, 25 septembre 1987, disponible ci-après :

https://inis.iaea.org/collection/NCLCollectionStore/_Public/40/082/40 082 631.pdf ?r=1&r=1 .

* 244 Évalués à + 20 ETPT et + 1,6 M€ en 2023 et + 38 ETPT et + 1,4 M€ à partir de 2024.

* 245 Notamment de chargés de mission car le fonctionnement des CLI relève actuellement du bénévolat.

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