B. RENFORCER LA FORMATION ET LA RECONNAISSANCE PROFESSIONNELLE DES AGENTS FRANCE SERVICES
1. Une formation initiale jugée insuffisante
Si l'existence d'un cadre national de formation des agents France services constitue effectivement un progrès par rapport aux MSAP, celui-ci apparaît encore très limité et insuffisamment opérationnel.
La formation initiale est pilotée par la Banque des territoires , qui finance l'intégralité de la formation des agents non territoriaux et la partie métier de la formation des agents territoriaux. L'autre partie du financement de la formation des agents territoriaux, dédiée aux compétences propres aux agents, revient au CNFPT.
La Banque des Territoires a élaboré et animé avec l'ANCT des ateliers pour remonter les besoins des agents en termes de formation lors des rencontres régionales. Les agents ont indiqué que la formation est « trop dense et intense ; hétérogène selon le territoire et surtout selon les agents envoyés par les opérateurs locaux pour former sur la partie métier ». Les agents souhaiteraient que la formation soit plus longue avec des cas concrets. Ces demandes rejoignent celles entendues par le rapporteur spécial lors de son déplacement dans le Cantal : formation initiale « trop condensée », inadaptée aux demandes spécifiques du territoire et dont le contenu n'est pas forcément adapté à l'exercice réel de leur métier .
La partie générale de la formation, sur deux jours et demi, est trop générique et théorique pour des agents qui exerçaient déjà souvent des métiers d'accueil avant d'être agents France services. La MSA l'a par exemple indiqué au rapporteur spécial : « les agents MSA qui sont déjà formés à l'accueil participent aux formations qui ne leur apportent que peu de nouvelles connaissances ». C'est également le cas de nombre d'agents territoriaux qui maîtrisent les savoir-faire relatifs à l'accueil de public. Il serait souhaitable que cette partie de la formation initiale soit revue afin de davantage tenir compte de l'expérience des agents France services .
C'est néanmoins la formation dite « métier », réalisée par les opérateurs eux-mêmes, qui concentre l'essentiel des critiques . D'une durée totale de trois jours à partager entre les neufs partenaires, la formation sur les spécificités de chaque opérateur est ainsi réduite à la portion congrue . La DGFiP intervient par exemple sur deux situations de vie (« je comprends ma situation fiscale » et « je suis en situation de précarité financière ») sur une durée d'environ deux heures et demie seulement. D'autres opérateurs, comme le ministère de l'Intérieur/ANTS, ne disposent que d'une heure et demie de formation. Il est évident qu'un tel volume horaire ne permet pas de réellement garantir aux agents une formation qui leur permette de répondre aux demandes précises des usagers.
Dans certains départements, comme le Nord dans lequel s'est rendu le rapporteur spécial, les préfectures ont d'elles-mêmes allongé la durée de la formation initiale, pour atteindre huit à neuf jours . Le coût de cet allongement est absorbé par les opérateurs. Ce modèle devrait pouvoir être étendu à l'ensemble des départements sous le pilotage de l'ANCT. Toutefois, afin de ne pas saturer les agents avec une formation trop dense, il serait opportun de scinder cette formation rallongée en plusieurs sessions .
Recommandation n° 14 : Renforcer la formation initiale des agents France services et la porter à 9 jours au minimum en trois sessions, en développant le contenu sur les spécificités des métiers des opérateurs, afin qu'au moins une demi-journée soit consacrée à chaque opérateur du socle national. (ANCT - Banque des territoires - opérateurs)
En outre, le rapporteur spécial a pu constater que des sessions d'immersion des agents France services dans les antennes locales des opérateurs étaient parfois organisées et très appréciées par les agents. Il serait intéressant de développer ces immersions en les intégrant obligatoirement à la formation initiale des agents .
2. Un réel besoin de formation continue, qui doit être davantage structurée
Au vu des lacunes citées plus haut, la formation initiale ne peut être le solde de tout compte . En outre, alors que les procédures et les services des opérateurs évoluent constamment, la formation continue est indispensable pour maintenir le niveau de compétence des agents France services.
Depuis 2020, la formation initiale des agents France services est complétée par une formation continue, co-organisée et planifiée par la Banque des territoires et l'ANCT . La Banque des Territoires communique via la newsletter du programme qu'elle rédige, les plannings liés à la formation continue et envoie les invitations aux agents. L'ANCT arrête de son côté le calendrier tournant selon les opérateurs.
Le cadre de formation continue ne semble cependant déjà plus adapté. Les formations ont lieu sous la forme d'un webinaire national mensuel rassemblant plusieurs centaines d'agents, qui facilite peu les interactions et la prise en compte des spécificités de certaines maisons.
Les agents ont signalé que ces formations étaient en outre trop nombreuses , dans la mesure où plusieurs opérateurs ne suivent pas le cadre national et proposent leurs propres formations en parallèle. C'est le cas de la DGFiP qui n'a pas souhaité s'intégrer dans le dispositif de webinaire national de l'ANCT. Le rapporteur spécial le regrette, étant donné que cela nuit à la coordination globale du cadre de formation continue. Il est donc nécessaire de m ieux cibler les formations prioritaires pour permettre aux agents de pouvoir réellement les suivre. C'est d'autant plus indispensable qu'il n'existe généralement pas de plage horaire dédiée à la formation continue dans l'emploi du temps des agents France services, et que les agents sont donc contraints de suivre les webinaires dans les moments de faible fréquentation ou sur leur temps personnel.
La formation continue doit donc être réorientée :
- vers davantage de formations en présentiel ou en visioconférence au niveau départemental en lieu et place des webinaires nationaux. Cela doit s'inscrire dans le rôle d'animation et de coordination du réseau des préfectures et des animateurs départementaux de l'ANCT ;
- en priorisant les formations les plus en adéquation avec le quotidien des agents afin de coller au mieux à leurs besoins ;
- en s'assurant auprès des employeurs des agents France services que ces derniers puissent dégager un temps consacré à la formation continue .
Recommandation n° 15 : Adapter le cadre de formation continue pour développer les ateliers au niveau départemental et privilégier des formations resserrées et centrées sur les besoins des agents. (ANCT - Banque des territoires - opérateurs)
3. Un besoin de reconnaissance du métier d'agent France Services
a) Un métier polyvalent qui nécessite des compétences particulières et qui ne peut uniquement reposer sur des contrats de courte durée
Le métier d'agent France services nécessite autant des capacités d'accueil et de médiation, tendant parfois vers de l'accompagnement social, qu'une maîtrise de fond des procédures administratives de l'ensemble des opérateurs. En outre, on constate une hausse du niveau d'expertise attendu des agents, face à la plus grande diversité et l'augmentation du niveau de complexité des demandes auxquelles ils doivent répondre.
Il s'agit donc d'un poste très polyvalent faisant appel à de nombreuses compétences . Les associations d'élus, qui emploient le plus grand nombre d'agents, estiment qu'il serait nécessaire de cadrer au niveau national le profil type et les compétences recherchées auprès des agents France services. Il serait en effet sans doute utile que l'ANCT fasse paraître au niveau national un guide de recrutement ou une fiche de poste type.
Recommandation n° 16 : Élaborer une fiche de poste type au niveau national afin de formaliser les missions du métier d'agent France service et de valoriser ce métier. (ANCT)
Les échanges avec le rapporteur spécial ont clairement fait émerger le besoin de reconnaissance professionnelle de ces agents et des spécificités de leur métier. Il est nécessaire d'approfondir les réflexions en cours sur les moyens de davantage le valoriser. Les sujets de certification professionnelle et de validation des acquis de l'expérience (VAE), évoqués lors des auditions, semblent à ce titre des pistes intéressantes à explorer.
En outre, la montée en compétence des agents France services nécessite de prioriser des emplois stables, par le biais de contrats de longue durée.
La Charte nationale d'engagement indique que les structures France Services peuvent recourir aux services civiques afin de renforcer ponctuellement leurs effectifs. Ceux-ci sont encore présents dans bon nombre de maisons et constituent un « impensé des maisons France services » 11 ( * ) . S'ils peuvent être utilisés en appoint, le recours aux services civiques ne peut constituer un substitut systématique aux agents France services.
Le Défenseur des droits l'exprimait déjà dans le rapport de 2018 mentionné plus haut : « l'accompagnement devrait être fait en premier lieu par des agents, formés, expérimentés, et appelés à occuper leurs fonctions durablement , issus des services qui procèdent à des opérations de dématérialisation, afin de maintenir la qualité du service rendu et d'apporter des réponses complètes et concrètes aux usagers ». Le rapporteur spécial ne peut qu'adhérer à cette analyse, qui est d'autant plus vraie aujourd'hui que le nombre de procédures à maîtriser est grand.
Recommandation n° 17 : Limiter le recours à des contrats de courte durée ou des services civiques en tant qu'agents France services. (Porteurs de projets)
b) Affiner la connaissance des ressources humaines des France services
Les agents France services, au nombre d'environ 5 000 , forment un ensemble diversifié en termes d'employeurs, de situations contractuelles, de formations et de professions antérieures. Ni l'ANCT ni les préfectures ne disposent d'une autorité hiérarchique sur ces agents.
L'ANCT a donc une connaissance très faible de la situation RH des agents , c'est-à-dire à la fois de leur statut, de leur type de contrat ou de leur ancienneté. Il serait souhaitable de développer cette connaissance pour mieux évaluer le réseau France services. Cela permettrait également d'aider certains porteurs de projets à améliorer la gestion prévisionnelle de ces emplois.
* 11 Audition de la Banque des territoires.