B. DES CRITÈRES DE SÉLECTION PEU TRANSPARENTS ET PARFOIS CONTRADICTOIRES
Conformément à une recommandation formulée par les rapporteurs spéciaux dans leur rapport publié en 2016 39 ( * ) , les principaux critères de sélection sont rappelés dans les circulaires annuelles.
1. La maturité des projets
La circulaire pour 2022, comme les circulaires précédentes, précise que la sélection des projets devra prioritairement se porter sur les opérations susceptibles de connaitre un début d'exécution matérielle dès l'année de sélection.
Ainsi, la maturité et l'opérationnalité des projets déposés sont des critères essentiels de sélection et nécessitent que soient analysés par les préfectures :
- la sécurité juridique du dossier afin de s'assurer de la maitrise préalable, par la collectivité, du foncier nécessaire à la réalisation de l'opération et de l'obtention des autorisations de travaux ;
- la cohérence du plan de financement avec notamment les engagements des co-financeurs ;
- l'avancement technique du dossier par la réalisation des études préalables et/ou l'existence d'un dossier de consultation des entreprises.
2. L'impact du projet sur le développement économique, social, environnemental et énergétique peu ou mal évalué en amont
Les circulaires annuelles précisent que l'objectif des financements du FEI est de favoriser les « projets susceptibles d'avoir un fort impact sur l'emploi et le développement économique et durable (eau, assainissement) et d'améliorer le quotidien des ultra-marins (constructions et rénovations scolaires...) ».
Cependant, et de manière contradictoire avec ce critère affiché, les études d'impact ne sont pas obligatoires à l'appui des dossiers . Toutefois, quand elles sont déposées par la collectivité porteuse, bien qu'étant d'inégale qualité, elles permettent d'éclairer la décision de sélection.
À l'inverse, certains impacts attendus sont désormais transmis dans Subventia. Ces éléments demeurent toutefois superficiels et sont vecteurs de peu d'informations réellement utiles à la prise de décision de sorte que l'avis des services internes des préfectures semblent, en l'état, plus pertinents pour orienter la sélection des opérations à financer.
Il est regrettable que la décision ne s'appuie pas sur une étude d'impact formalisée et systématique tout comme il est regrettable que l'analyse de cet impact soit réalisé, dans certains cas, par les seuls services préfectoraux et non par les collectivités porteuses mieux à même de déterminer les effets attendus d'un investissement sur la population de son territoire.
À l'inverse, ces études préalables ne paraissent pas indispensables pour certains investissements fondamentaux qui relèvent de la sécurité des populations (eau, assainissement, rénovation de bâtiments publiques...).
Dans ce contexte, l'étude d'impact devrait constituer un document obligatoire du dossier déposé . Toutefois, certains investissements, dont la liste pourrait être établie par le ministère en concertation avec les territoires, pourraient être soustraits à cette obligation d'étude d'impact.
Recommandation n° 6 : Rendre l'étude d'impact obligatoire pour les dossiers ne relevant pas de la sécurité des populations.
3. L'équité de financement par territoire qui engendre parfois une déconnexion avec les priorités locales
Ce critère n'est pas formalisé mais préside à la décision finale du ministère. Il en résulte que, au-delà de l'intérêt et de la maturité du projet, les services de la DGOM veillent, au moment de la sélection, à un juste équilibre des financements sur les différents territoires.
Si le ministère ne souhaite pas de territorialisation formalisée des crédits afin de garder une souplesse de gestion, il n'en demeure pas moins qu'il s'assure que chaque territoire voit un ou plusieurs de ces projets financés.
Dès lors, quand le projet prioritaire d'une commune présente un besoin de financement tel qu'il nécessiterait de ne pas sélectionner d'autres projets sur le même territoire, la décision est orientée vers un projet de moindre ampleur financière qui permettra de conserver des marges pour le financement d'autres projets, moins onéreux, mais ne répondant pas nécessairement aux priorités définies par les collectivités.
Cette logique explique que certains projets prioritaires n'aient pas été retenus au bénéfice de projets moins structurants pour la collectivité mais également moins onéreux, situation d'ailleurs remontées par les élus locaux auditionnés.
Cette approche pourrait se justifier dans l'hypothèse où les 110 millions d'euros d'AE annuelles seraient affectées dès le début de gestion. Or, en 2020 et 2021, sur les 110 millions d'euros d'AE ouvertes en loi de finances initiale, seuls respectivement 63,3 millions d'euros et 85,4 millions d'euros ont été programmés pour les projets sélectionnés.
4. Une nécessaire priorisation par les territoires eux-mêmes
Il résulte des différentes auditions menées que les priorités affichées par les élus locaux porteurs des projets ne sont pas toujours respectées (notamment pour les raisons évoquées supra ) lors de la décision finale opérée par le ministère sans que ces choix ne soient explicités aux collectivités.
Aussi, les rapporteurs estiment nécessaire de respecter les priorités fixées par les élus et, en cas de désaccord entre le ministère (ou les préfectures et hauts commissariat) et la collectivité :
- d'entamer un dialogue pour comprendre les points de divergence et la position de la collectivité (notamment dans des instances ad hoc, cf. recommandation n° 4) ;
- en cas de maintien de sa décision par le ministère (ou les préfectures et hauts commissariat) de formaliser le refus de financement en apportant des précisions sur les raisons de ce rejet.
Cette démarche permettrait également, à terme, aux élus de mieux orienter les demandes pour répondre aux attentes ministérielles ou de consolider les dossiers qui leur paraissent prioritaires et répondrait à une critique récurrente formulée par les élus locaux d'une procédure peu transparente dans laquelle le choix de ne pas sélectionner certains projets n'est pas, ou que très peu, expliqué.
Ce point avait d'ailleurs fait l'objet d'une recommandation dans le précédent rapport relatif au FEI (« prévoir que chaque décision de rejet fasse l'objet d'une motivation lorsqu'il existe une divergence entre le classement proposé par les préfets et hauts commissaires en partenariat avec les collectivités territoriales et celui in fine retenu par le ministère ») qui n'a pas été mise en oeuvre et que les rapporteurs spéciaux réitèrent.
Recommandation n° 7 : Notifier systématiquement les décisions de rejet des dossiers non sélectionnés en précisant les causes du rejet.
* 39 « Établir une liste des critères présidant au choix des projets ».