C. LA BUDGÉTISATION PROPOSÉE INTERROGE SUR LA NÉCESSAIRE GARANTIE DES RESSOURCES

La suppression de la contribution à l'audiovisuel public prévue au sein du futur projet de loi finances rectificative pour 2022 est présentée comme une mesure en faveur du pouvoir d'achat. Un tel argument écarte définitivement toute mise en place d'une taxe ad hoc ou élargissement d'un mécanisme fiscal. Elle prépare ainsi la mise en oeuvre d'une solution purement budgétaire.

Les rapporteurs partagent le constat qu'une solution fiscale alternative apparaît aujourd'hui techniquement et politiquement difficile à mettre en oeuvre voire coûteuse et appuient le principe d'une budgétisation des ressources de l'audiovisuel public.

Ils rappellent néanmoins l'impact de cette suppression pour les finances publiques : la perte de recettes peut, en effet, être estimée à 3,14 milliards d'euros. Ils regrettent l'impéritie du Gouvernement en la matière, qui n'a pas su anticiper, en son temps, les incidences de la disparition de la taxe d'habitation sur le prélèvement de cette contribution .

1. La suppression de la CAP devrait déboucher sur la mise en place d'une nouvelle maquette budgétaire plus conforme aux exigences de la LOLF

Le produit de la contribution à l'audiovisuel public, déduction faite des frais de recouvrement, est versé, depuis la loi de finances pour 2006 14 ( * ) , sur un compte de concours financiers spécifique « Avances à l'audiovisuel public » où il vient compenser en recettes le montant des avances accordées aux sociétés de l'audiovisuel public. Le montant des dégrèvements de CAP pris en charge par le budget général est également versé sur ce compte.

La suppression de la CAP devrait rendre ce mécanisme budgétaire obsolète. Le recours à ce dispositif était déjà contraire aux principes de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2021 (LOLF) .

La Cour des comptes a, en effet, relevé, dans sa note d'exécution budgétaire publiée en mai 2016 15 ( * ) , que le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ne respectait pas, dans sa forme actuelle, les principes afférents aux comptes spéciaux, tels que prévus par l'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances.

Les comptes de concours financiers retracent, en effet, les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Les opérations doivent se solder, en cours d'année, par le versement d'intérêts qui auraient vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ou en fin d'année, par le remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers.

Ces comptes sont, par ailleurs, dotés de crédits limitatifs, à l'exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

Les dépenses du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ne constituent pas, en réalité, des avances à proprement dit. Les avances accordées aux sociétés de l'audiovisuel public sont en réalité des dotations. Le compte n'est pas équilibré par les remboursements des sociétés mais par la contribution à l'audiovisuel public recouvrée ainsi que par la compensation des dégrèvements versée par l'État. La CAP n'est, en outre, plus considérée par l'Insee depuis 2018 comme un achat de services audiovisuels mais comme un prélèvement obligatoire.

2. La création d'une mission budgétaire dédiée contribuerait à renforcer la prévisibilité des crédits affectés à l'audiovisuel public

La suppression de la CAP et son non-remplacement par une recette fiscale devraient conduire à la transformation du compte de concours financiers en une mission budgétaire classique , déclinée autour de programmes regroupant les crédits de chacune des sociétés de l'audiovisuel public.

Afin de renforcer la visibilité des moyens dévolus à l'audiovisuel extérieur, les crédits dédiés à l'agence Canal France International (CFI) jusque-là versés sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » rattaché à la mission « Aide publique au développement » seraient majorés et fléchés vers cette nouvelle mission budgétaire . La loi de finances pour 2022 prévoit une dotation de 7,62 millions d'euros. CFI est, depuis le 27 juin 2017 une filiale de France Médias Monde. Créée en 1989, elle agit, dans le cadre de l'aide publique au développement, pour favoriser le développement des médias en Afrique, dans le monde arabe et en Asie du Sud-Est. CFI soutient ainsi les efforts de modernisation des médias audiovisuels et numériques publics et privés des pays en sortie de crise et en développement, en valorisant l'expertise française. 85 % de son budget est couvert par le programme 209.

Il convient de rappeler à ce stade que l'État considère qu'une partie des activités de France Médias Monde, valorisée à hauteur de 20 millions d'euros, correspond à des actions directes d'aide publique au développement (magazines de RFI, Réseau de distribution en Afrique) et sont labellisées comme telles par la direction générale du Trésor avant transmission à l'OCDE. Reste que ces actions sont financées actuellement par la contribution à l'audiovisuel public et non par l'Agence française de développement, ce qui peut interroger.

Recommandation n° 1 (direction du budget et direction générale des médias et des industries culturelles) : Faute de solution fiscale alternative satisfaisante tant en matière de coût de collecte que de risque d'effets de transferts et sans mésestimer l'impact considérable de la disparition de la contribution à l'audiovisuel public sur les finances publiques, mettre en place une mission budgétaire dédiée à l'audiovisuel public, composée de programmes ciblant chacune des sociétés de l'audiovisuel public et pilotée par la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture en intégrant et en majorant les crédits dédiés à l'audiovisuel extérieur, jusqu'alors rattachés à la mission « Aide publique au développement ».

La création de cette mission devrait induire l'intégration de la trajectoire de dotation publique au secteur de l'audiovisuel public au sein de la loi de programmation des finances publiques, obligation à laquelle le compte de concours financiers n'est actuellement pas soumis. Elle permettrait ainsi de participer au nécessaire renforcement des exigences de prévisibilité et de visibilité des crédits affectés à ces sociétés .

Il convient de rappeler à ce stade qu'aujourd'hui seuls les contrats d'objectifs et de moyens (COM) concourent à participer à cet impératif de prévisibilité . Si l'instrument n'est pas réellement contraignant, la durée de ces contrats a été alignée sur celle de la législature et les documents resserrés sur un nombre plus réduit d'objectifs et d'indicateurs. Ils mettent en avant les engagements financiers sur cette période, dans une optique plus stratégique. Le Parlement est associé à l'élaboration de ces contrats via un avis formulé préalablement à leur signature. L'intervention du Sénat en 2021 avait notamment été décisive afin de préciser le montant maximum des ressources publicitaires perçues par Radio France.

L'option d'une loi de programmation dédiée a été avancée pour tenter de renforcer la prévisibilité des crédits affectés à l'audiovisuel public, sans pour autant convaincre les rapporteurs . Un tel dispositif permettrait, certes, au Parlement de définir la trajectoire de financement et les objectifs pluriannuels assignés à l'audiovisuel public mais sa valeur contraignante resterait, cependant, sujette à caution et en tout état de cause moins engageante que les dispositions inscrites dans la loi de programmation des finances publiques.

3. Une intégration au sein de la mission « Pouvoirs publics » ?

Il a été envisagé au cours des auditions menées par les rapporteurs une intégration des crédits budgétaires affectés aux sociétés de l'audiovisuel public au sein de la mission « Pouvoirs publics » .

Celle-ci regroupe les dotations allouées à la présidence de la République, à l'Assemblée nationale et au Sénat (dont les crédits prévus pour La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale - LCP AN et Public Sénat), au Conseil constitutionnel ainsi qu'à la Cour de justice de la République. Sa création répond à l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 16 ( * ) qui prévoit « qu'une mission spécifique regroupe les crédits des pouvoirs publics », afin de respecter le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et celui d'autonomie financière des institutions qui en découle et le garantit. Le Conseil constitutionnel avait indiqué dans sa décision du 25 juillet 2001 portant sur la loi organique relative aux lois de finances 17 ( * ) que le dispositif proposé devait assurer « la sauvegarde du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs » .

Le Conseil Constitutionnel a, par la suite, précisé que, conformément au principe d'autonomie financière, les pouvoirs publics constitutionnels déterminaient « eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement » 18 ( * ) . C'est également à l'aune de ce principe que les dotations de la mission ne donnent pas lieu à l'élaboration de projets annuels de performance 19 ( * ) . L'article 115 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002 prévoit néanmoins que soit joint au projet de loi de finances de l'année, un rapport expliquant les crédits demandés par chacun des pouvoirs publics.

L'intégration des crédits affectés à l'audiovisuel public au sein de cette mission a été envisagée afin de garantir un certain niveau de ressources. Néanmoins les sociétés de l'audiovisuel public ne peuvent être assimilées à des pouvoirs publics constitutionnels . L'objectif à valeur constitutionnelle de pluralisme et d'indépendance des médias ne saurait en effet conférer un tel rang aux entreprises publiques de médias.

4. La question de la garantie des ressources

Les versements de l'État au compte de concours financiers ont été intégrés par l'INSEE dans le champ des organismes divers d'administration centrale en mai 2018. Ils sont donc pris en compte dans la norme de dépenses. Ces crédits ne sont pas pour autant pilotables.

Ainsi, si la création d'une mission budgétaire dédiée permettrait de renforcer la visibilité pluriannuelle sur le financement des sociétés de l'audiovisuel public, elle n'occulte pas la crainte d'une régulation infra-annuelle, que l'intégration des crédits au sein d'un compte de concours financiers écartait jusqu'alors. Elle pose la question de la garantie des ressources que la contribution à l'audiovisuel public était censée incarner, même s'il convient de relativiser cet argument . La CAP restait chaque année tributaire d'un vote du Parlement en loi de finances, avec possibilité de réduire son montant. Le Gouvernement avait d'ailleurs choisi cette option de la baisse en proposant depuis 2018 sa désindexation sur l'inflation, voire sa diminution.

Les rapporteurs rappellent à ce stade que le Conseil constitutionnel a estimé dans sa décision du 3 mars 2009 que la garantie des ressources constituait un élément de l'indépendance de France Télévisions 20 ( * ) . Le juge constitutionnel avait alors rappelé qu'il incombait « à chaque loi de finances de fixer le montant de la compensation financière par l'État de la perte de recettes publicitaires de cette société afin qu'elle soit à même d'exercer les missions de service public qui lui sont confiées ». Cette position vient souligner que la dotation budgétaire, fixée par le législateur, peut être considérée comme un élément concourant à garantir les ressources de l'audiovisuel public.

Reste à déterminer si le montant octroyé dans le cadre de la discussion budgétaire permet de financer les missions de service public assignées aux opérateurs du secteur.

Recommandation n° 2 (direction du budget et direction générale des médias et des industries culturelles) : Déterminer les crédits affectés à ce nouvel outil budgétaire en fonction d'une réflexion préalable sur le périmètre du service public de l'audiovisuel et la nature des missions qui lui sont assignées.

Une option pourrait consister en la mise en place d'un mécanisme d'évaluation indépendante des besoins de l'audiovisuel public, à l'image de la commission dédiée à ce sujet en Allemagne, la Kommission zur Ûberprüfung und Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten (KEF) mise en place en 1975. Cette instance est composée de 16 experts indépendants, nommés par chacun des Länder. Cinq de ces experts sont issus des cours des comptes de Länder. Au-delà de l'estimation des besoins financiers des entreprises publiques de l'audiovisuel, la KEF peut également évaluer la gestion desdites sociétés et en tirer toutes les conclusions nécessaires. La KEF débutera en septembre 2022 les discussions avec ARTE sur sa trajectoire financière à partir de 2025.

Les rapporteurs estiment que la mise en place en France d'un tel organisme , qui serait indépendant de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), permettrait d'éclairer le débat au moment de l'examen, en projet de loi de finances, des crédits prévus au sein de la mission budgétaire dédiée à l'audiovisuel public . La mission de contrôle propose que cette commission prenne le nom d'Autorité supérieure de l'audiovisuel public (ASAP) et qu'elle soit présidée par un magistrat de la Cour des comptes et composée en outre de quatre experts, nommés par les commissions chargées des finances et de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat. L'ASAP aurait pour mission de proposer au Gouvernement et au Parlement une trajectoire financière pluriannuelle pour les sociétés de l'audiovisuel public, répondant au financement des priorités qu'elle estimerait nécessaires . Elle émettrait également un avis sur le montant de la dotation budgétaire prévu en projet de loi de finances . La création de cette instance renforcerait ainsi l'information du Parlement lors de son examen du projet de loi de finances. La proposition de l'ASAP n'engagerait ni le Gouvernement ni le Parlement mais elle obligerait l'un et l'autre à donner des explications dans le cas où la préconisation ne serait pas suivie.

L'ASAP établirait également chaque année un état des moyens dévolus à l'audiovisuel extérieur, en les comparant à ceux mis en oeuvre par d'autres pays en Europe (notamment la BBC et Deutsche Welle) et dans le monde.

Cette nouvelle instance permettrait de disposer d'une vision claire sur le coût des missions de service public assignées aux entreprises dédiées et de déterminer les moyens nécessaires à l'audiovisuel public indépendamment des autres impératifs budgétaires . Elle irait plus loin que les dispositions actuellement prévues afin d'attester que le montant des ressources publiques qui leur sont allouées n'excède pas la charge liée à l'exécution de leurs seules missions de service public. Le décret n° 2007-958 du 15 mai 2007 relatif aux relations financières entre l'État et les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle prévoit ainsi que les organismes publics bénéficiant de la contribution à l'audiovisuel public doivent faire établir annuellement par un organisme tiers un rapport en ce sens 21 ( * ) .

La création de cette commission est, en tout état de cause, indissociable d'une réflexion sur le périmètre du service public de l'audiovisuel et la nature des missions qui lui sont assignées .

Recommandation n° 3 (législateur) : Mettre en place une commission indépendante, l'Autorité supérieure de l'audiovisuel public (ASAP), présidée par un magistrat de la Cour des comptes et composée en outre de quatre personnalités qualifiées, nommées par les commissions chargées des finances et de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat, chargée d'évaluer annuellement le coût des missions de service public assignées aux sociétés de l'audiovisuel public et de proposer au Gouvernement et au Parlement une trajectoire financière pluriannuelle pour les sociétés de l'audiovisuel public , répondant au financement des priorités qu'elle estimerait nécessaires. Elle émettrait également un avis sur le montant de la dotation budgétaire prévu en projet de loi de finances et établirait un état annuel des moyens dédiés à l'audiovisuel extérieur en les comparant à ceux mis en oeuvre au sein d'autres États comparables.

5. La question des ressources annexes

Le débat sur la nature de la contribution publique au financement de l'audiovisuel met également en lumière la question des ressources annexes, qu'il s'agisse des recettes publicitaires ou de celles issues de la production .

a) Une réflexion à mener sur les recettes publicitaires

Si elles sont marginales pour TV5 Monde (2,70 millions d'euros en 2021) ou France Médias Monde (5,2 millions d'euros en 2021), les recettes publicitaires et de parrainage représentent 15,7 % du montant de CAP accordé à France Télévisions (381 millions d'euros en 2021) et 10 % de celui versé à Radio France (60 millions d'euros en 2021).

Recettes publicitaires des groupes France Télévisions et Radio France

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

Recettes publicitaires France Télévisions

347,7

351,9

333,1

380,9

dont parrainage

85

84,6

84,9

97,7

Recettes publicitaires Radio France

50,8

55,2

56,7

59,8

dont parrainage

7,5

6,4

4,4

6,0

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les rapporteurs sont assez réservés sur la présence de publicité sur les antennes du service public . La recherche de recettes publicitaires induit en effet une quête d'audience qui peut s'avérer in fine potentiellement contradictoire avec l'ambition assignée aux programmes diffusés par le service public.

Reste que, compte tenu des montants atteints, une suppression pure et simple de la publicité sur le service public reviendrait à priver celui-ci d'un financement d'environ 440 millions d'euros. Cette somme viendrait donc s'ajouter, à périmètre inchangé, aux 3,14 milliards d'euros à trouver au sein du budget de l'État en vue de financer les sociétés de l'audiovisuel public.

Les rapporteurs proposent dans ces conditions une voie médiane, consistant à supprimer les recettes de parrainage de France Télévisions - estimées à 97,7 millions d'euros en 2021 - et de Radio France (6 millions d'euros environ en 2021) . S'agissant de France Télévisions, cette suppression permettrait de renouer avec l'esprit de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision . L'article 28 de celle-ci supprime en effet les messages publicitaires sur France Télévisions entre vingt heures et six heures. La rédaction retenue permettait cependant de déroger à cette contrainte via le parrainage. Plus de dix ans après l'entrée en vigueur de ce dispositif, les rapporteurs relèvent que la spécificité du service public qu'il était censé encourager est largement remise en question par un recours important aux parrainages, contribuant à décaler le démarrage des programmes de début de soirée et à l'aligner sur les horaires observés sur les chaînes privées. La suppression proposée permettrait donc au groupe public de commencer plus tôt ses programmes de soirée avec une totale liberté éditoriale.

Les économies générées par les mutualisations attendues par ailleurs (cf. infra) compenseront cette perte de recettes . Il convient de rappeler à ce stade que France Télévisions a perçu jusqu'en 2019 tout ou partie de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE), mise en place en 2009 22 ( * ) , afin, notamment, de compenser la disparition de la publicité après 20 heures. La taxe était affectée par l'article 48 de la loi de finances pour 2016 23 ( * ) à France Télévisions et plafonnée à 86,4 millions d'euros. La part de son produit versée à l'entreprise publique transitait par le programme 313 « Contribution au financement de l'audiovisuel » de la mission Médias, avant d'être reversée au compte de concours financiers. L'article 29 de la loi de finances pour 2019 a supprimé l'affectation de la taxe et prévu sa réintégration au budget général 24 ( * ) . Cette suppression s'intégrait dans le cadre de la trajectoire d'économies demandée à France Télévisions sur le précédent quinquennat.

Recommandation n° 4 ( direction générale des médias et des industries culturelles ) : Renforcer la spécificité des programmes de l'audiovisuel public en supprimant les recettes de parrainage de France Télévisions et de Radio France , la recherche de ressources publicitaires induisant une quête d'audience contradictoire avec l'ambition culturelle et éducative assignée aux programmes diffusés par le service public. Les pertes de recettes seront compensées par les mutualisations attendues dans le cadre d'une réforme de l'organisation du service public.

b) Le nécessaire renforcement des recettes issues de la production

La filiale de France Télévisions, france.tv distribution dispose d'un catalogue de droits relativement étoffé, représentant 8 000 heures de programmes environ . Le pôle distribution a ainsi généré 18,6 millions de chiffre d'affaires en 2021, abondé pour partie par la vente des droits de séries « Dix pour cent » (Canada, Royaume-Uni, États-Unis, Chine, Inde, Vietnam), « Derby Girl » (Royaume-Uni) ou un « Un si grand soleil » (Grèce, Turquie).

Ces succès ne doivent pas occulter une concurrence accrue , dans un contexte marqué par l'affirmation des plateformes en quête effrénée de programmes pour alimenter leurs offres. La consolidation observée au sein du secteur de la production dite indépendante limite le recours aux filiales d'éditeurs pour la revente des droits .

Le décret du 30 décembre 2021 dit décret TNT 25 ( * ) consacre cette évolution en interdisant aux filiales d'éditeurs l'accès aux mandats de distribution (que les oeuvres soient coproduites ou préfinancées), si le producteur dispose d'une capacité de distribution . Une première version du décret TNT autorisait déjà en 2015 les producteurs ayant une capacité de distribution à préempter automatiquement les mandats de vente en ce qui concerne les parts de coproduction 26 ( * ) . Ainsi sur les cinq dernières années, france.tv distribution ne possédait que 40 % des mandats de commercialisation des oeuvres coproduites par France Télévisions . Si l'accord interprofessionnel relatif à la négociation des mandats de commercialisation des oeuvres audiovisuelles coproduites par les éditeurs et comptabilisées dans leurs obligations d'investissement en production indépendante signé le 24 mai 2016, dit Accord Mandat, permet de renoncer à ce droit, france.tv distribution observe peu de cas dans la pratique.

Le dernier décret TNT donne désormais la possibilité aux éditeurs d'acquérir sur leur territoire l'ensemble des droits liés à un programme (droits dits « 360° »), notamment les droits liés à la diffusion à la demande (SVOD, AVOD, TVOD). Ces droits ne seront donc plus revendus par le distributeur. Il prévoit cependant diverses modulations conventionnelles, destinées à prendre en compte, le cas échéant, les accords professionnels négociés par les éditeurs. En outre, si le diffuseur finance a minima 50 % du devis de l'oeuvre et que sa contribution fait l'objet d'une mutualisation, il peut également disposer des droits dits « 360 ° ».

L'ouverture, au second semestre 2022, des négociations avec les organisations représentatives de producteurs en vue de donner une suite à l'accord interprofessionnel de juillet 2019 qui arrive à expiration peut ainsi constituer une opportunité pour renforcer le rôle de france.tv distribution, en échange, le cas échéant, du maintien au niveau actuel de sa part de production dépendante. Celle-ci peut en effet être portée à 33 % aux termes du décret TNT.

Il convient de relever à ce stade que la part de production dépendante n'atteint pas le plafond actuellement retenu de 17,5 % de ses investissements dans la production. France Télévisions indique que la part dépendante représente actuellement 13 % de son investissement, la moitié de ces financements étant fléchés vers la production du feuilleton « Un si grand soleil » , dont le potentiel en matière d'exploitation sur d'autres supports que le linéaire ou d'exportation apparaît très limité.

Il existe donc des gisements de recettes insuffisamment exploités qui impliquent une véritable réflexion stratégique. S'il apparaît illusoire de faire de France Télévisions un concurrent de la BBC en matière de production, compte tenu à la fois des différences de moyens, de l'avantage linguistique que constitue l'anglais ou de la différence réglementaire 27 ( * ) , force est de constater que la montée en puissance du service public dans la production apparaît plus que relative. Pour mémoire, si BBC Studios a réalisé 1,2 milliard d'euros de livres de chiffres d'affaires en 2021, remontant 151 millions de livres de profit à la BBC, les filiales de France Télévisions dédiées à la production et à la distribution (france.tv studio et france.tv distribution) ont réalisé 163,1 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021, 14,5 millions d'euros étant redistribués vers France Télévisions.

Recommandation n° 5 (France Télévisions) : Développer pour France Télévisions, la part de production dépendante dans une optique de revente possible à l'international des formats ainsi produits, en privilégiant les programmes de stock et favoriser la voie conventionnelle avec les producteurs indépendants pour consolider l'activité de distribution de droits audiovisuels de programmes coproduits ou préfinancés et donc diversifier les ressources.

Il convient de relever à ce stade que le débat sur l'avenir de la contribution à l'audiovisuel public doit dépasser les enjeux de collecte et de définition du fait générateur. La réforme doit être l'occasion de répondre à la question de l'adéquation entre le mode de calcul de la contribution publique et les priorités de financement du service public de l'audiovisuel. Ce qui n'est pas sans susciter par conséquent, une réflexion sur les missions de service public qui lui sont assignées, son organisation et son périmètre.


* 14 Article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 15 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015 du compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public, mai 2016.

* 16 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 17 Décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances.

* 18 Décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, Cons. 47, Loi de finances pour 2002.

* 19 5° de l'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 20 Décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2019, Cons 18 et 19, Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

* 21 Ces rapports sont adressés aux ministres chargés de la culture et au ministre de l'Économie et des finances ainsi qu'à l'Agence des participations de l'État (APE) et à la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture. Il revient ensuite à l'APE et à la DGMIC de transmettre ces rapports à la Commission européenne aux fins d'examen du financement de l'audiovisuel public au titre des aides d'État. Ces documents sont en principe également transmis à l'Assemblée nationale et au Sénat.

* 22 Article 33 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

* 23 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 24 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 25 Article 21 du décret n° 2021-1926 du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre.

* 26 Article 6 du décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 portant modification du régime de contribution à la production d'oeuvres audiovisuelles des services de télévision.

* 27 Jusqu'en 2018, la BBC pouvait produire jusqu'à 75 % des oeuvres qu'elle diffusait. Elle doit depuis, ouvrir au moins 40 % du reste de son investissement à la concurrence, l'objectif étant d'atteindre 100% d'ici 2027. Des appels d'offres sont ainsi publiés pour chacune de ses productions.

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