EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 juin 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, sur la comparaison européenne des conditions de travail et de rémunération des enseignants.

M. Claude Raynal , président . - Nous allons à présent entendre une communication de notre collègue Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire », sur la comparaison européenne des conditions de travail et de rémunération des enseignants.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Nous avons plusieurs constats sur ce sujet au coeur de l'actualité. Premièrement, nos enseignants sont plutôt mal rémunérés par rapport aux moyennes européennes ; c'est peut-être une explication, même si elle n'est pas suffisante, des difficultés de recrutement. Deuxièmement, le mode de rémunération des enseignants français fait une part très large à l'ancienneté et au diplôme d'entrée : les différences entre professeurs certifiés et agrégés sont significatives, et elles durent toute la carrière. Troisièmement, on ne prend pas suffisamment en compte l'extrême diversité géographique : un même salaire ne correspond pas partout au même pouvoir d'achat.

L'enseignement est un secteur où le lien entre la demande et l'offre de formation n'a aucune conséquence en termes de rémunération. Il y a une forte concurrence du secteur privé dans les disciplines scientifiques et, parfois, dans les langues pour attirer de jeunes diplômés. Pour un licencié en mathématiques, devenir professeur n'offre pas les mêmes perspectives salariales qu'intégrer une entreprise d'informatique.

Je rends hommage à l'ancien ministre Jean-Michel Blanquer pour s'être soucié voilà quelques années du niveau de rémunération des jeunes enseignants débutants installés dans des secteurs difficiles.

Tous les pays d'Europe ont le même problème que nous. Recruter des enseignants est une difficulté dans tous les pays développés, à l'exception des pays asiatiques, mais où les enfants subissent une pression à la réussite scolaire extrêmement forte. Il y a les mêmes problèmes de recrutement en Europe et aux États-Unis. Les besoins ne sont pas satisfaits, y compris en Allemagne.

La France consacre 3,4 % de son PIB aux dépenses publiques d'enseignement, contre 2,6 % en Allemagne. Pour autant, les enseignants allemands sont beaucoup mieux payés que les nôtres. Cela tient à des frais de structures plus élevés en France, pour des raisons liées en grande partie à la démographie et à la répartition géographique. Nous avons d'ailleurs une responsabilité en tant qu'élus, puisque nous défendons les établissements existants. Or, en moyenne, les établissements scolaires en Allemagne sont deux fois plus grands que les établissements français, ce qui diminue les frais de structure.

Les situations des enseignants en Europe se rapprochent, notamment s'agissant de leur niveau de qualification. Seulement 5 % d'entre eux n'ont que le baccalauréat quand 55 % ont un master. Mais ce ne sont pas nécessairement les mêmes masters. En France, nous avons des masters essentiellement disciplinaires ; dans d'autres pays, il y a des masters à la fois de discipline et d'enseignement, où le futur professeur est formé à la pédagogie et à la maîtrise de la classe.

L'âge d'entrée dans le métier a augmenté. Les enseignants débutants du primaire et du secondaire sont en moyenne quatre ans plus vieux que ceux d'il y a quinze ans. Cela pose toute une série de problèmes en termes de satisfaction personnelle et d'organisation de la vie.

Il y a des écarts significatifs de rémunération dans l'espace européen. Les moyennes de rémunération annuelle sont plutôt autour de 35 000 euros, soit plus qu'en France.

Les systèmes de carrière sont assez différents. Le modèle français, c'est-à-dire la prime à l'ancienneté, a le mérite de fidéliser les enseignants et l'inconvénient de décourager ceux que l'on appelle les « jeunes enseignants », mais qui ne sont plus forcément des jeunes gens, puisqu'ils ont commencé à travailler assez tard. Les salaires de début sont assez faibles, ce qui n'est pas forcément le cas dans d'autres pays. Je vous renvoie aux éléments qui figurent dans le rapport écrit. Il faudrait avoir le courage de se demander si nous avons la meilleure politique.

L'immense majorité des pays européens accordent de plus en plus leur confiance aux dispositifs d'évaluation à l'échelle des établissements d'enseignement. L'évaluation des professeurs est effectuée dans le cadre de l'établissement, souvent par les collègues, avec - c'est très intéressant - une part d'autoévaluation, et en tenant compte du temps consacré à la formation, pouvant déboucher soit sur une rémunération, soit sur une promotion, soit sur les deux.

En France, nous avons la particularité d'ignorer la collectivité enseignante, sauf dans les écoles sous contrat, où les conceptions sont différentes et les résultats souvent meilleurs. Le professeur est isolé, et l'accompagnement dont il bénéficie au cours de sa première année cesse trop rapidement ; dans l'immense majorité des autres pays, il existe au sein de l'établissement un tutorat ou un mentorat pouvant s'étendre sur les trois premières années d'activité professionnelle.

Nous avons donc un chantier à explorer, en lien évidemment avec la commission des affaires culturelles. Les conséquences budgétaires sont considérables. Il faudrait se poser la question de l'organisation du travail. Dans la plupart des pays où ils sont mieux payés, les enseignants ont moins d'heures de cours, mais beaucoup plus d'heures de présence dans l'établissement, avec des activités très différentes : surveillance de devoirs, conseil aux familles et aux élèves, etc. Dans ces pays, les établissements sont mieux organisés pour offrir un cadre de travail individuel et collectif aux enseignants.

Nous devons donc nous poser des questions de fond. La commission des finances le fait à partir de préoccupations budgétaires, mais la productivité du système est la clé de l'avenir de l'éducation nationale. Nous avons 93 % de dépenses de salaires. Si l'organisation du travail est mauvaise, mal encadrée, le système continuera d'être peu satisfaisant, avec des classements PISA désobligeants pour un grand pays comme le nôtre.

Il serait bien de nous inscrire dans la continuité d'une longue histoire en matière éducative - je salue la mémoire de René Monory - plutôt que d'être réduits à rivaliser avec la Slovénie et la Slovaquie, pays certes intéressants, mais qui sont en train de nous doubler.

Je souhaite continuer à travailler sur le sujet, et je vous invite à faire de même. Il y a tout de même 60 milliards d'euros en jeu. Pour réaliser des économies, il faudrait avoir un système productif efficace, ce qui n'est pas le cas pour l'instant.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je remercie notre collègue Gérard Longuet de son travail. Le sujet est effectivement au coeur de l'actualité et des préoccupations de chacun.

Disposons-nous de statistiques sur la durée moyenne entre l'entrée dans la carrière et la sortie ? Observe-t-on une tendance à la réduction de la durée d'exercice du métier d'enseignant ? Si oui, cela touche-t-il principalement les jeunes venant de terminer leur cursus universitaire ou également des personnels plus expérimentés ?

Si la rémunération des enseignants relève de l'Éducation nationale, le financement des écoles primaires, des collèges et des lycées est assuré, respectivement, par les communes ou leurs groupements, par les départements et par les régions. À mon sens, en plus du sentiment d'isolement dont souffrent les enseignants, sont soulevées aussi des questions sur ces modes de financement et la décentralisation.

Il faut par exemple des mètres carrés supplémentaires pour accueillir les activités périscolaires, la cantine, le sport, etc. L'État a tendance à buter sur le regroupement et à encourager des fermetures sur des unités considérées comme trop petites, compte tenu de l'éparpillement des communes.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Les questions que vous abordez sont essentielles. Si les démissions sont marginales, leur augmentation est spectaculaire ; elles ont quadruplé, voire quintuplé dans le secteur public. Il faudrait faire des comparaisons à l'échelon européen, par exemple avec des pays où les logiques de carrières sont différentes, comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Nous sommes sans doute le seul pays d'Europe à avoir un tel système. La France a fait le choix de la carrière au sein de la fonction publique, avec une retraite avantageuse, mais des salaires de départ plus bas. Or les enseignants débutants ont souvent un âge déjà avancé. Jadis, l'instituteur n'était pas bachelier et commençait à enseigner à 18 ans ou 20 ans. Aujourd'hui, les jeunes enseignants ont cinq ans, six ans ou sept ans de plus, avec évidemment des exigences en termes de revenus plus élevées. Pour l'instant, le système de la carrière, que nous avons choisi, fonctionne, mais je ne suis pas certain que ce soit le seul possible, notamment dans l'enseignement professionnel.

Je vous rejoins sur le sentiment d'isolement. L'établissement public est un peu une illusion. D'aucuns disent, sur le ton de la boutade, que l'éducation nationale est la première des professions libérales dans notre pays. Cela reste en partie vrai. La contrepartie, c'est l'isolement que l'enseignant ressent dans son établissement, faute de travail collectif et de relations avec la hiérarchie. Les statistiques montrent que les enseignants se sentent plus mal-aimés qu'ils ne le sont en réalité.

Le mode de financement des bâtiments est sans doute le problème le plus difficile à régler. Notre densité est l'une des plus faibles d'Europe. Nous ne pouvons pas regrouper facilement. Sans doute ne faut-il pas le faire à tout prix. En milieu rural, l'école communale est souvent devenue l'école de l'intercommunalité, avec des bâtiments assez bien adaptés. Mais il manque des mètres carrés pour donner envie aux enseignants de rester dans leur bureau. Je pense que les collectivités locales seraient partantes en échange d'une certaine responsabilité sur l'établissement et de la possibilité de donner leur point de vue sur la pédagogie. Le Président de la République avait exprimé cette idée avant le premier tour de l'élection présidentielle. Je ne l'entends plus en parler. Mais je ne désespère pas...

M. Antoine Lefèvre . - La situation du métier d'enseignant est effectivement difficile à appréhender. On a toujours tendance à en avoir une mauvaise perception, notamment sur le temps de travail. Le rapport est très éclairant. Le fait qu'il y ait eu en 2022 moins de candidats à certains concours de l'enseignement que de postes à pourvoir illustre le manque d'attractivité.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - En une dizaine d'années, nous avons perdu quelque 20 000 candidats aux concours.

M. Antoine Lefèvre . - Il faudrait également s'interroger sur les problèmes disciplinaires et les actes de violence des élèves et des parents vis-à-vis des enseignants.

Des campagnes de communication pourraient-elles être mises en oeuvre pour renforcer l'attractivité du métier ?

M. Roger Karoutchi . - J'ai l'impression d'entendre les mêmes choses depuis que j'ai quitté l'enseignement, voilà vingt-neuf ans. Mais je crois sincèrement que l'on ne changera pas le statut des enseignants tant que l'on ne construira pas les établissements scolaires différemment. Il n'est pas possible de travailler sereinement dans une salle des profs à côté de soixante-dix personnes ! Il faut changer complètement le rapport entre l'État et les collectivités locales sur la construction des établissements scolaires.

Avoir moins d'enseignants permettrait peut-être de relever le niveau. Il n'est pas admissible d'organiser des entretiens de trente minutes ou quarante minutes pour décider qui pourra enseigner à la rentrée prochaine.

Peut-on envisager la préparation d'un texte avec le ministère de l'Éducation nationale, en lien avec les associations représentatives des municipalités, des départements et des régions, pour changer globalement la donne ? Aujourd'hui, le niveau des concours de recrutement est lamentable, et il n'y a pas de formation pédagogique derrière.

M. Vincent Delahaye . - On retrouve dans l'école les problèmes de l'hôpital : malgré des moyens très importants, les gens sont mal rémunérés et peu motivés. Je pense qu'il faut déconcentrer le système, réduire le volet administration et tenir compte des différences territoriales.

J'aime bien les comparaisons, à condition de comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire en tenant compte du temps de travail, de la durée des carrières et du PIB par habitant. Le PIB par habitant étant supérieur de 10 % en Allemagne, il est normal que les enseignants puissent être mieux payés outre-Rhin. Je me suis rendu en Finlande, et j'avais beaucoup apprécié ce qui s'y pratiquait en matière d'éducation. Peut-être pourrions-nous nous en inspirer...

M. Dominique de Legge . - Pourriez-vous nous apporter quelques éléments chiffrés sur la durée, hebdomadaire ou mensuelle, du travail des enseignants dans les autres pays ? Auriez-vous un ratio sur la part des effectifs de l'éducation nationale qui assurent une présence auprès des élèves ? Avez-vous observé un lien entre le déficit des effectifs et la rémunération des personnels ?

Nous nous inquiétons de voir les enseignants démissionner, mais le phénomène existe aussi dans l'armée. En tant qu'ancien ministre de la défense, pensez-vous que l'on puisse envisager toute une carrière au sein de l'éducation nationale ? La solution n'est-elle pas d'organiser la mobilité au lieu de la subir en la déplorant ?

Disposez-vous d'éléments qui illustreraient des différences entre l'enseignement public et l'enseignement privé ?

M. Marc Laménie . - Je salue l'expertise et la passion de notre collègue Gérard Longuet.

Le budget de l'éducation nationale est le premier de l'État. Mais, au-delà de la dimension financière, il faut souligner l'agressivité des élèves vis-à-vis des enseignants ou des parents qui viennent expliquer aux professionnels comment il faudrait faire cours. En plus, les professeurs sont soumis à de multiples procédures.

Jadis, pour susciter les vocations - vous me pardonnerez ce moment de nostalgie -, il y avait le concours d'entrée à l'école normale. Les postes étaient pourvus, et le métier était attractif. Ne pourrait-on pas envisager de revenir à un tel système ?

Quel est le salaire de début de carrière d'un enseignant en France ?

M. Bernard Delcros . - Les comparaisons entre les pays sont toujours très intéressantes, mais je me méfie des moyennes.

Être enseignant suppose des compétences à la fois académiques, dans une discipline spécifique, mais également pédagogiques. Or, au fil du temps, le volet pédagogique de la formation des enseignants, pourtant essentiel, a été fortement réduit. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait réintroduire cette dimension ?

En outre, ne faudrait-il pas faire machine arrière sur le recrutement de plus en plus important de vacataires et de contractuels et véritablement former des enseignants, avec un modèle plus en adéquation avec les besoins du métier ?

La rémunération diffère selon les diplômes : un professeur certifié est moins bien payé et fait plus d'heures qu'un agrégé, alors que c'est le même travail, avec les mêmes élèves. Ne faudrait-il pas la fixer selon la fonction occupée, et non selon un diplôme obtenu vingt ans ou trente ans plus tôt ? Quel serait à vos yeux le niveau de salaire convenable pour un professeur certifié débutant ?

M. Vincent Segouin . - Si les enseignants français sont moins bien payés que leurs homologues allemands alors que notre pays consacre une part plus importante de son PIB à l'éducation nationale, c'est que les effectifs doivent être plus nombreux. A-t-on un indice du nombre de personnels en relation avec les élèves ? Quel est le nombre d'équivalents temps plein travaillé par rapport au nombre d'élèves ?

M. Jean-François Rapin . - Est-on capable d'évaluer ce que le numérique a apporté dans l'instruction de nos plus jeunes citoyens durant les confinements ? Est-ce une pratique à développer dans les déserts d'instruction ?

Mme Christine Lavarde . - Face aux difficultés de recrutement, tandis que l'enseignement public met en place du job dating pour recruter des professeurs, l'enseignement catholique demande aux parents d'élèves si certains sont intéressés par une reconversion professionnelle et assure la formation de ces nouveaux enseignants. L'une de ces méthodes de recrutement fait-elle plus ses preuves que l'autre ?

Sachant que la rémunération dépend des diplômes, sur quelle base rémunère-t-on les nouveaux enseignants ne disposant pas des diplômes qui étaient à l'origine nécessaires pour exercer une telle profession ?

M. Sébastien Meurant . - Comment s'effectuent les affectations ? Nous sommes souvent appelés par des enseignants qui ne savent pas où ils seront affectés.

M. Claude Raynal , président . - Si vos recommandations s'intègrent globalement dans un rapport financier, votre présentation déborde très largement de ce cadre. Un travail de réorganisation en amont s'impose, faute de quoi l'effet des mesures budgétaires resterait marginal. De même, il ne sert à rien d'augmenter les surfaces des établissements scolaires en gardant les mêmes modes de fonctionnement.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - La bonne question est effectivement celle de l'articulation entre les commissions spécialisées et la commission des finances. Le coût de l'éducation nationale est essentiellement un coût salarial. Nous devons nous demander si les gens travaillent dans des conditions leur permettant de produire des résultats comparables à ceux d'autres systèmes. Notre réflexion est à l'échelon européen. L'OCDE a fait un énorme effort de comparaison.

Que voulons-nous ? Des jeunes formés pour réussir leur vie. Quel système le permet ? Ma conviction est que sans une reconnaissance de l'établissement, sans une très forte décentralisation et sans l'implication d'adultes responsables, à commencer par les élus locaux, l'enseignement ne peut pas marcher. Le modèle idyllique de la III e République est aujourd'hui irréaliste et absurde. Ce sont les élus, les parents, les enseignants et, accessoirement, les élèves qu'il faut rendre un peu plus responsables.

L'OCDE établit un indice du climat disciplinaire à l'école : seuls l'Argentine et le Brésil ont un indice plus défavorable que le nôtre ! Ce mauvais climat disciplinaire explique en grande partie l'hésitation des adultes à devenir enseignants dans le secteur public.

Madame Lavarde, la force de l'enseignement libre sous contrat, catholique ou non, tient à une forme de rente de situation - un peu comme celle dont les grandes surfaces ont bénéficié après la loi Royer.

Les accords qui ont conduit à la loi Debré prévoient 20 % de moyens publics au maximum pour le privé sous contrat. Or la demande est très forte, notamment en région parisienne, dans toute l'Île-de-France et dans les métropoles : partout où il y a des problèmes, les parents sont prêts à payer un peu plus pour scolariser leurs enfants dans l'enseignement libre - où les établissements ont plus de libertés, notamment dans le choix et la gestion des enseignants.

Dans ces conditions, les établissements privés sous contrat peuvent hausser le niveau, celui des enseignants comme celui des élèves. Au reste, quand on monte l'un, on monte aussi l'autre...

Résultat : l'enseignement privé, autrefois l'école de la deuxième chance, est aujourd'hui celle de la première chance, à la faveur de la rente de situation que l'État lui a accordée. Le jour où l'enseignement libre sous contrat verra ses effectifs augmenter, il sera obligé de s'intéresser enfin à des élèves qui posent des problèmes.

Le fait que les parents paient rejaillit aussi sur la discipline : celle-ci est beaucoup plus facile à tenir quand les parents sont impliqués dans l'éducation de leurs enfants. Il y a, certes, ceux qui paient pour s'en débarrasser, mais ce ne sont pas des parents...

La campagne de communication suggérée par M. Lefèvre est une excellente idée. Les gardiens de prison ont bien droit à une campagne de valorisation de leur métier. Et on mène des campagnes publiques dont on pourrait se passer ! Dire du bien des enseignants ne coûterait pas bien cher et porterait peut-être des fruits.

En effet, monsieur Karoutchi, tout ce que nous disons est connu depuis quarante ans. Seulement voilà : on a fait uniquement du quantitatif au lieu de s'intéresser aux problèmes qualitatifs - François Hollande a été exemplaire de cette erreur.

On construit des lycées avec des ambitions architecturales, mais qu'on ne peut pas entretenir parce que l'architecture est absurde. On conçoit des lycées avec une ouverture sur la pédagogie ou le travail collectif, en prévoyant un centre de documentation ou des bâtiments économes. Tout cela est fort bien, mais les plus mal traités sont les enseignants, alors que ce sont eux qui font tourner la boutique...

La formation pédagogique est essentielle. C'est une erreur d'envisager l'école comme l'université. À l'université, on a affaire à des adultes motivés pour apprendre : on peut donc faire un cours disciplinaire. Pour payer mes études, j'ai été professeur de français : parler du français à des gamins qui s'en moquent, c'est infernal... L'aptitude pédagogique est donc un prérequis. Pour enseigner des choses simples à des gens non motivés, il faut être très compétent.

Monsieur Delahaye, je suis d'accord avec votre comparaison avec l'hôpital. On a des structures, mais on ne réfléchit pas à leur finalité, et pas assez au rôle des personnels.

En ce qui concerne la Finlande, les professeurs y sont, en effet, un peu mieux payés que chez nous - 40 000 euros par an en moyenne. Le nombre d'élèves par classe est très inférieur à ce qu'il est en France, de l'ordre de la quinzaine. Surtout, la fraternité entre l'enseignant et les élèves est beaucoup plus forte. Les seconds respectent le premier, en sorte que celui-ci peut établir un lien avec chaque élève. En France, au contraire, le professeur est souvent en situation défensive : pour asseoir son autorité, il s'efforce de marquer sa différence, quitte parfois à dégrader l'élève. Dans les systèmes anglo-saxons, les enseignants motivent davantage les élèves et leur donnent confiance en eux.

J'ajoute, quitte à choquer, que la population finlandaise est relativement homogène et partage des valeurs communes. C'est déjà plus compliqué en Suède.

Monsieur de Legge, les études statistiques existent toutes. S'agissant du nombre d'heures par professeur, il est plus élevé en France - 900 heures par an - que dans la plupart des autres pays européens. Ces heures sont en revanche réparties sur moins de jours de classe : 160, contre 180 en moyenne européenne. Nos enseignants travaillent donc beaucoup devant leurs élèves et ont une moindre disponibilité pour le travail annexe, que, de surcroît, les bâtiments ne permettent pas.

Or ce travail est essentiel pour motiver les élèves. Motiver un élève, cela prend parfois un quart d'heure, mais cela sert toute l'année ; et l'on évite d'avoir un chahuteur qui décourage les autres. Il y a trop d'heures de classe et pas assez d'heures de contact, de présence dans l'établissement et de recadrage de chaque élève. À cet égard, les établissements libres sous contrat peuvent et savent faire mieux.

Le problème, en matière de rémunération, c'est qu'on ne peut pas la différencier par discipline. Dans certaines disciplines, si on veut des bons professeurs, il faut faire le nécessaire.

Il a été question de l'armée. On peut imaginer des retours vers l'enseignement : l'enseignement libre sous contrat le pratique, mais on ne sait pas le faire dans l'enseignement public, sauf dans les lycées professionnels.

Je suis d'accord avec M. Delcros sur la densité de peuplement. En France, ça coûte plus cher, parce qu'on est moins nombreux au kilomètre carré... Une fois qu'on le sait, on en tient compte.

Pour motiver des bons, il faut des agrégés. Comment les gérer, c'est un peu plus compliqué. Les établissements pourraient avoir la liberté de choisir entre un agrégé, qui coûte davantage, et un certifié. Je ne sais pas régler cette question au plan national.

M. Segouin, le taux d'encadrement est d'un enseignant pour 19 élèves dans le primaire, et d'un pour 23 dans le secondaire. Ce serait tout à fait honorable si nous savions établir des liens entre les professeurs, les élèves et les parents.

Comme un orateur l'a souligné, les relations avec les parents sont l'un des facteurs les plus fortement perturbateurs. Certains parents ne s'occupent pas de leurs enfants, ce qui est une erreur. Sans parler de ceux qui s'en occupent mal et agressent les enseignants, avec des motivations très dangereuses pour la société française. Il y en a aussi qui s'occupent bien de leurs enfants et jouent le jeu avec les enseignants.

Le job dating , pourquoi pas ? Le recours au contrat est une nécessité absolue, une question de survie, en Île-de-France, notamment dans les académies de Créteil et de Versailles. Le taux de recours au contrat a crû de 7,7 à 9,2 % au cours des cinq dernières années. C'est inévitable, même si cela peut surprendre, voire choquer. Pour l'instant, on ne sait pas faire autrement.

S'agissant des affectations, monsieur Meurant, il y a une sorte d'« amphi de garnison », mais aussi des aléas. C'est un facteur d'autorité majeur des syndicats de faire croire qu'ils gèrent les affectations, et parfois de les gérer effectivement.

Quant au numérique, monsieur Rapin, mon temps de parole étant dépassé, je dirai simplement que ça ne marche pas trop mal... En la matière, le confinement a été plus efficace que les programmes ministériels !

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

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