C. DES INITIATIVES ORIGINALES EN TERMES D'ORGANISATION DU SYSTÈME SCOLAIRE
Plusieurs particularités du système scolaire portugais constituent selon le rapporteur spécial des orientations intéressantes pour l'Éducation nationale française, en particulier s'agissant de l'autonomie croissante laissée aux établissements scolaires.
1. Un dispositif intéressant : la mise en place des « cités » scolaires
Le Portugal a mis en place depuis 2006 une importante réforme de réorganisation du réseau des écoles publiques . Celle-ci vise à regrouper des établissements scolaires de niveaux différents de la maternelle au secondaire sous une direction centralisée sous forme de « clusters d'établissements » ou « cités scolaires » (« Agrupamentos de Escolas » en portugais). Il en existe aujourd'hui plus de 800.
Le premier objectif de ces regroupements scolaires est de faciliter la transition entre les différents niveaux d'enseignement. Ils visaient également à favoriser une plus grande collaboration entre les enseignants, à améliorer l'organisation du travail et à offrir de plus grandes possibilités d'apprentissage aux élèves en permettant par exemple la poursuite d'options tout au long de la scolarité.
La création des cités scolaires a également permis une réorganisation plus large de l'implantation territoriale des établissements scolaires. L'État a fermé des écoles isolées dont l'état du bâti ou les taux de réussite étaient inférieurs aux moyennes nationales et au « cluster » dont elles faisaient partie. Les élèves de ces écoles ont été transférés dans des écoles plus grandes, souvent nouvellement construites.
Les cités scolaires permettent également de limiter les coûts de structure en mutualisant notamment les fonctions dites « support ». Le rapporteur spécial souligne donc l'intérêt de ce type de système qui devrait constituer un support de réflexion dans le cas français.
L'élection des chefs d'établissement
Les chefs d'établissement ne sont pas désignés mais élus par une assemblée générale au niveau de chaque cité scolaire ou de chaque école . Le mandat est de quatre ans, renouvelable une fois. Le directeur est ensuite chargé de représenter le groupement scolaire ou l'école.
Cette assemblée est constituée de représentants élus, d'enseignants, de personnels, d'élèves et d'acteurs locaux.
Le chef de la cité éducative peut ensuite choisir ses adjoints ainsi que d'éventuels coordinateurs, pour les écoles de plus de 250 élèves, parmi les enseignants du groupement.
2. Une spécificité du système scolaire portugais : la forte autonomie des établissements scolaires
Le système scolaire portugais se caractérise par une tendance croissante au renforcement de l'autonomie des établissements , en particulier dans le cadre de ces cités scolaires. Selon la formulation d'un rapport de l'inspection générale de l'Éducation nationale 65 ( * ) , « dès la fin des années 1990, le nouveau modèle d'établissements autonomes se fondait sur le paradigme de la territorialisation des politiques éducatives ». Cette orientation a été poursuivie après 2012 dans le cadre des cités éducatives.
Un nouveau seuil d'autonomisation a été atteint en 2017, en axant sur les adaptations pédagogiques au niveau de l'établissement. Cette réforme prévoit notamment une « flexibilité des cursus » : chaque établissement peut désormais décider librement de l'utilisation de ses heures, hors portugais et mathématiques, dans la limite de 25 % des horaires définis nationalement. Une expérimentation en cours va plus loin et donne à ce jour à huit cités éducatives pilotes, une liberté totale en matière pédagogique . Le rapport mentionné ci-dessus cite ainsi l'exemple d'une école publique travaillant maintenant sans classes de niveau.
La réforme de 2017 permet également aux groupements d'établissements une certaine latitude d'organisation des emplois du temps, par exemple la possibilité de semestrialiser les enseignements, de moduler le temps sur l'année, voire de moduler les horaires selon les disciplines.
En outre, les établissements peuvent librement choisir les critères comptant pour moitié dans la note de fin de scolarité au collège , qui conditionne, avec un examen supplémentaire, le passage dans le secondaire supérieur.
Le rapporteur spécial souligne là encore l'intérêt que peut avoir le suivi de ces réformes, encore récentes pour la plupart, voire en cours d'expérimentation.
3. Un accent mis sur l'évaluation des établissements
Au Portugal, depuis 2002 , l'évaluation des écoles publiques et privées se fait par le biais d'une évaluation interne (auto-évaluation par de l'école) et d'une évaluation externe par l'inspection générale de l'Éducation (IGEC), elle-même basée sur l'auto-évaluation.
Trois organes sont chargés de l'évaluation interne : le conseil général de l'école, le chef d'établissement et le conseil pédagogique. Leurs conclusions sont reprises dans un rapport d'auto-évaluation de l'école, document interne qui contient une évaluation du degré de réussite du projet éducatif de l'école, des activités entreprises, de l'organisation et de la gestion de l'établissement, des résultats scolaires et de la provision de services éducatifs.
En parallèle de l'autoévaluation, une évaluation régulière des établissements scolaires a été introduite en 2006, chaque établissement étant évalué tous les cinq ans. Les deux premiers cycles ont eu lieu en 2006-2011 et 2011-2017.
Cette démarche rejoint celle qui est en cours de mise en place en France, et dont le rapporteur spécial a souligné à plusieurs reprises l'intérêt . Le Conseil d'évaluation de l'école (CEE), créé en 2019, est désormais chargé de l'évaluation des établissements. Le ministère avait indiqué aux recteurs de programmer l' évaluation de 20 % des établissements par année scolaire, soit environ 2 000 établissements du second degré par an, afin de viser l'évaluation de tous les établissements tous les cinq ans, soit un dispositif identique à celui préexistant au Portugal. Le rapporteur spécial sera attentif à ce que ces objectif soient tenus, ce qui permettra de combler un angle mort des évaluations et de laissera à chaque chef d'établissement la possibilité de pouvoir se comparer à des établissements possédants les mêmes caractéristiques. Ce faisant, il sera possible de mesurer la valeur ajoutée de chaque établissement. La dimension auto-évaluative gagnerait à être approfondie dans le cas français, à l'image de ce qui a cours au Portugal.
* 65 L'autonomie des établissements scolaires : pratiques, freins et atouts pour une meilleure prise en compte des besoins des élèves, rapport annuel des inspections générales 2019, ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse et ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.